ARRÊT DU
29 mai 2020
N° 397/20
N° RG 18/01793 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RVYR
PL/AL
RO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de DOUAI
en date du
05 Juin 2018
(RG 16/00083 -section 3)
GROSSE :
aux avocats
le 29 mai 2020
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
Mme [H] [M]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
S.C.M. [A]-[L]-[Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne-laurence DELOBEL BRICHE, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS :à l'audience publique du 12 Février 2020
Tenue par Philippe LABREGERE
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Serge LAWECKI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Philippe LABREGERE
:CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
Michèle LEFEUVRE
: CONSEILLER
Le prononcé de la décision a été prorogé du 27 mars 2020 au 29 mai 2020 en raison de la crise sanitaire en France.
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 mai 2020,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, Conseiller faisant fonction de Président et par Valérie COCKENPOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 25 Janvier 2020
EXPOSE DES FAITS
[H] [M] a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 décembre 1995 en qualité d'assistante dentaire par [N] [A], chirurgien dentiste. L'employeur est devenu la Société Civile de Moyens [A] [L] [Y]
[H] [M] a été convoquée à un entretien le 11 décembre 2014 puis le 29 décembre 2014. Cet entretien n'ayant pas eu lieu en raison de l'impossibilité invoquée par la salariée de s'y rendre, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 janvier 2015 .
Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :
«Nous vous informons que nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, pour les raisons suivantes :
1 )Accusation de vol de rappels de consignes de prises de rendez vous (destinés à toutes les assistantes) dans votre sac personnel en novembre 2014 : après en avoir informé le Docteur [A] [R], vous avez pris l'initiative d'en avertir toutes vos collègues, puis vous avez déclaré à toute l'équipe dentaire que le Docteur [Y] les avait volés dans votre sac : vous ne pouvez décemment nier cette réalité, vu l'ampleur que ces faits ont pris au sein du cabinet et le « drame » que vous avez délibérément et bruyamment voulu en faire, désorganisant ainsi le cabinet et cherchant à semer le trouble entre les membres du personnel ! Vous avez d'ailleurs réitéré vos accusations lors de votre entretien du samedi 8 novembre 2014 avec les Docteurs [A] [R]. et [L],
2 )Accusation de dissimulation par le Docteur [Y], auprès des Docteurs [A] [R]. et [L], concernant une empreinte de prothèse prise par le Docteur [A] [R]. le 5 novembre 2014: vous étiez la seule assistante en poste ce jour là à travailler pour le Docteur [A] [R]., alors, à la reprise de votre poste de travail le vendredi 7 novembre 2014, vous avez été informée par une collègue que l'empreinte avait été retrouvée la veille : vous vous êtes empressée d'en tirer vos propres conclusions et avez affirmé à plusieurs membres du personnel, et y compris les Docteurs [A] [R]. et [L] le samedi 8 novembre 2014, que le Docteur [Y] les avait dissimulées volontairement ! Par conséquent, vous ne pouvez en aucun cas déclarer « je ne vois pas comment j'aurai pu selon vos dires accuser quelqu'un d'actes dont j'ignorais l'existence ».
3 )Ce même 8 novembre 2014, vous avez encore accusé le Docteur [Y], d'avoir dégradé votre téléphone personnel la veille et même de l'avoir consulté. Vous avez menacé haut et fort à travers tout le cabinet de déposer plainte à son encontre pour ces faits. Vous avez averti les autres membres du personnel de ses faits pourtant non démontrés, et totalement infondés et insensés.
Ce faisant, non seulement vous avez gravement désorganisé le cabinet alors que des consultations étaient en cours, mais en outre, vous avez fait preuve d'insubordination caractérisée à l'égard d'un des associés en le menaçant d'un dépôt de plainte pour des faits non établis.
Votre comportement a troublé le bon fonctionnement du cabinet et l'entente entre les associés.
4 )Le 29 novembre 2014, dénigrement de l'entreprise et conseils adressés au Docteur [F], actuellement collaborateur au cabinet, et susceptible de reprendre la patientèle du Docteur [A] [R]. partant en retraite, de s'installer ailleurs : alors que vous étiez en consultation avec le Docteur [F], vous avez dénigré le cabinet dentaire et lui avait conseillé de ne pas s'associer au sein du cabinet. Vous ne niez pas ce point dans votre courrier de réponse.
Ce comportement est inadmissible et est même très préjudiciable au Docteur [A] [R]., et à l'ensemble des membres du cabinet, dont la réputation est injustement entachée du fait de vos propos. Ces propos sont calomnieux et vous ne les niez pas.
5 )Comportement intolérable depuis plusieurs mois avec les patients : impatience, impertinence, impolitesse, gestes d'agacement durant les soins, impertinence envers les associés durant les soins avec les patients : interpellation brutale du chirurgien dentiste durant les soins sur un problème sans rapport avec le patient en cours de soins malgré les recommandations,,,
Il est clair que depuis plusieurs mois, votre motivation pour travailler au sein du cabinet n'existe plus et votre attitude envers les patients s'en ressent : vous manifestez des gestes d'impertinence (genoux qui « sautillent » pendant les soins, souffle d'agacement, gestes brusques,,,)
Plusieurs avertissements oraux vous ont été faits.
6 ) Désagréable avec les autres assistantes : attitude de supérieure hiérarchique alors que vous êtes de même niveau, dénigrement de leur travail,,, vous vous êtes comportée en « chef de service » à l'égard des autres assistantes compte tenu de votre ancienneté au sein du cabinet : pourtant aucune fonction de ce type ne vous a jamais été attribuée.
Des avertissements oraux vous ont été faits à ce titre.
Ce comportement a désorganisé le travail avec les autres assistantes et instauré une mauvaise ambiance de travail, un climat de nervosité tout à fait déplacé dans un cabinet dentaire.
Enfin, nous contestons toutes les altercations violentes avec les associés que vous invoquez,
La réalité est que depuis votre arrivée au cabinet, vous avez toujours pu bénéficier d'un traitement favorable, depuis votre formation aux fonctions d'assistante dentaire jusqu'aux horaires qui ont été aménagés pour satisfaire vos convenances personnelles.
Les faits reprochés mettent gravement en cause la bonne marche du cabinet. Les explications recueilliez auprès de vous, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité de celle ci et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.»
Par requête reçue le 18 février 2015, la salariée a saisi le Conseil de Prud'hommes de Douai afin de faire constater l'existence d'un harcèlement moral, de prononcer la nullité de son licenciement, à titre subsidiaire de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et d 'un rappel de prime.
Par jugement en date du 5 juin 2018 le Conseil de Prud'hommes, statuant en formation de départage, a condamné la société à verser à [H] [M] la somme de 5000 euros en réparation du préjudice subi par suite du dépassement de la durée maximale de temps de travail a débouté la salariée du surplus de sa demande et a laissé les dépens à la charge de chaque partie.
Le 3 juillet 2018, [H] [M] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance en date du 29 janvier 2020 la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 12 février 2020.
Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 2 octobre 2018, [H] [M] sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de la société au paiement de :
- 20000 euros au titre du harcèlement moral
- 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention
- 2000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des durées de travail excessives
- 50000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse
- 5000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'attitude de l'employeur après la rupture de la relation contractuelle
- 4622,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 462,20 euros au titre des congés payés y afférents
- 12326,94 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 200 euros à titre de rappel de prime d'implantologie
- 20 euros au titre des congés payés y afférents
- 7500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement de l'employeur à son obligation de formation
- 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
ainsi que la régularisation de la situation vis à vis du compte personnel d'activité sous astreinte de 1000 euros par jour de retard.
L'appelante expose qu'elle a été victime d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, consistant en l'obligation de travailler pour le compte des docteurs [Y] et [L] à compter du 1er trimestre 2001, en des agressions verbales émanant de ces deux praticiens, en l'impossibilité d'entretenir des contacts avec les autres assistantes dentaires du cabinet, en l'obligation de communiquer par post-it, en une dégradation de ses effets personnels, en des pressions pour accepter une rupture conventionnelle, en l'absence de prise en compte d'une alerte sur sa souffrance au travail, en un licenciement fondé sur une faute grave ne reposant sur aucun motif sérieux, qu'elle a été victime d'une dégradation de son état de santé, que le harcèlement moral a duré plus de treize ans, que la société a manqué à son obligation de prévention, qu'elle n'a pas correctement évalué les risques encourus, que la société n'a pas respecté les durées maximales de travail, que sa durée quotidienne de travail effectif était de 10 h 30, que son licenciement est nul puisqu'il est directement en rapport avec le harcèlement moral subi, qu'à ce jour il lui a été reconnu la qualité de travailleur handicapé, qu'à titre subsidiaire, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'elle conteste la réalité des faits telle que décrite par son employeur, qu'elle n'a jamais bénéficié d'un traitement plus favorable que celui des autres assistantes, qu'elle n'a commis aucun vol d'empreinte de prothèse, que les attestations produites ne peuvent suffire à caractériser la faute grave, qu'il lui est dû un rappel de salaire sur prime d'implantologie, qu'en décembre 12014 elle a effectué deux implants dentaires sans en être rémunérée, que postérieurement à son licenciement, son employeur a adopté à son égard une attitude dommageable, qu'il n'a pas assuré son adaptation à son poste de travail.
Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 28 décembre 2018, la Société Civile de Moyens [A] [L] [Y] intimée conclut à l'irrecevabilité des demandes nouvelles présentées par l'appelante et sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris, sauf sur les dommages et intérêts en raison des durées de travail excessives, et la condamnation de l'appelante à lui verser 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée soutient que l'appelante n'a subi aucun harcèlement moral, que le docteur [Y] n'a intégré le cabinet qu'en septembre 2001, qu'en avril 2001 le docteur [L] travaillait avec une autre assistante, que l'appelante ne travaillait qu'avec le docteur [A], quelle ne démontre la réalité d'aucun acte susceptible de constituer un comportement agressif imputable au docteur [Y], qu'elle n'établit pas non plus l'impossibilité d'entretenir des contacts avec les autres assistantes, qu'elle se comportait de manière excécrable avec ses collègues, que les post-it produits sont au nombre de deux et sont illisibles, que la réalité de la dégradation de ses effets personnels n'est pas non plus établie, que la rupture conventionnelle a été envisagée par l'appelante elle-même, qu'elle s'est désinvestie au sein du cabinet, qu'à la suite du courrier de décembre 2010, la société a organisé un entretien avec l'appelante, qu'elle n'a fait l'objet d'aucune déclaration d'inaptitude, que le courrier de décembre 2014 s'est croisé avec la convocation à l'entretien préalable, qu'il n'y a eu aucune dénégation de la souffrance de l'appelante, que le comportement de cette dernière est à l'origine du contrôle organisé sur son arrêt de travail, que le licenciement pour faute grave est caractérisé, que les six griefs sont démontrés par les éléments versés aux débats, qu'ils consistent en des actes d'insubordination caractérisés, en un comportement irrespectueux, agressif ou calomnieux, en une attitude dépourvue de courtoisie ou générant un climat de stress au travail, que la société n'a pas manqué à son obligation de sécurité et de prévention, que dès 2012 elle a effectué des démarches auprès du médecin du travail, qu'elle produit une fiche d'exposition individuelle, que l'appelante a travaillé selon un rythme consécutif à l'organisation qu'elle avait souhaitée, qu'une semaine sur 2 elle travaillait 31 h 30, que l'appelante ne démontre pas avoir atteint le nombre d'interventions nécessaires pour percevoir la prime revendiquée, que la société nie avoir voulu porter préjudice à l'appelante postérieurement à son licenciement, que le non respect de l'obligation de formation constitue une demande nouvelle irrecevable, qu'en outre des formations ont été proposées à l'appelante qui les a toutes refusées.
MOTIFS DE L'ARRET
Attendu sur le non-respect de l'obligation de formation que les dispositions de l'article R1452-6 du code du travail étant encore applicables à la date de la saisine de la juridiction prud'homale par l'appelante, sa demande est recevable ;
Attendu en application de l'article L1154-1 du code du travail que les agissements qu'invoque l'appelante sont l'obligation de travailler pour le compte des docteurs [Y] et [L] à compter du 1er trimestre 2001, des agressions verbales dont ils seraient les auteurs, l'impossibilité d'avoir des contacts avec les assistantes dentaires, l'obligation de communiquer par post-it, une dégradation des effets personnels, des pressions pour accepter une rupture conventionnelle, une absence de prise en compte de sa souffrance au travail, un contrôle lors d'un arrêt de travail et des motifs inexistants à l'appui de son licenciement pour faute grave ;
Attendu que si l'appelante a été engagée en qualité d'assistante dentaire par le docteur [N] [A], le fait qu'elle travaille pour le compte des docteurs [Y] et [L] n'est que la conséquence de la constitution ultérieure d'une société civile de moyens entre ces deux praticiens et le docteur [A] et ne constitue pas une mise à l'écart comme elle le soutient ; qu'en outre il résulte de l'attestation d'[V] [W], assistante dentaire, que cette réorganisation n'a pas empêché l'appelante de continuer à travailler également avec le docteur [A] ; que les agressions verbales dont elle se prétend la victime ne sont pas rapportées, puisqu'elle ne s'appuie que sur son dossier médical, dans lequel il n'est fait état que de problèmes de harcèlement rapportés par elle-même, sur un avis d'arrêt de travail, sur un courrier qu'elle a adressé le 28 décembre 2010 à la société, sur une fiche médicale d'aptitude en date du 12 janvier 2011 dont la rubrique intitulée «avis médical» ne comprend aucune mention, sur un bilan en date du 21 mai 2012 rédigé par ses soins à la suite d'une réunion et sur un courrier qu'elle a adressé au docteur [D] le 3 mai 2014 ; qu'il en est de même de l'interdiction d'entretenir tout contact avec les autres assistantes dentaires, l'appelante ne se fondant que sur un certificat médical établi le 25 mars 2014 par le docteur [B] [Z] et sur un simple message de réconfort envoyé au moyen d'un téléphone portable le 25 février 2014 ; que l'appelante ne peut sérieusement soutenir qu'une communication par post-it lui était imposée alors qu'elle ne verse aux débats que deux billets dont leur auteur n'est pas identifiable et leur contenu, illisible ; qu'aucun élément de preuve n'est produit de nature à imputer au docteur [Y] la dégradation du téléphone portable de l'appelante ; que la facture produite qui a été établie à l'occasion d'un échange standard du téléphone portable n'établit pas que la société ait pu prendre en charge les frais exposés à l'occasion de cet échange ; que si une rupture conventionnelle du contrat de travail a pu être envisagée, les pressions susceptibles d'avoir été excercées par la société ne sont rapportées par aucune pièce ; que l'intimée produit au contraire une attestation du docteur [K] [F], successeur du docteur [A], de laquelle il résulte que l'appelante appelait de ses voeux le 29 novembre 2014 une telle issue ; que le courrier en date du 28 décembre 2010 dans lequel l'appelante attirait l'attention de son employeur sur son état de stress a été rédigé à l'occasion d'un arrêt de travail débutant le 6 décembre 2010 ; que lors de la reprise de son activité, l'appelante a fait l'objet d'une visite médicale organisée le 12 janvier 2011 ; que le médecin du travail a conclu à son aptitude sans ajouter d'observation ; que devant être revue le mois suivant, le médecin du travail n'a pas émis la moindre une réserve à cette occasion ; que l'on ne peut reprocher à la société d'avoir ignoré la souffrance au travail de l'appelante alors que le médecin du travail ne l'a pas lui-même décelée ; que le courrier en date du 23 décembre 2014 du conseil de l'appelante à l'intimée ne constitue pas une alerte mais une mise en demeure de faire connaître les intentions de la société sur l'avenir de sa cliente et sur ses conditions de travail ; qu'au demeurant la société avait déjà engagée la procédure de licenciement avant la réception de ce courrier ; que le contrôle sollicité par la société sur la justification de l'arrêt de travail de l'appelante n'apparait pas comme une mesure de rétorsion compte tenu du comportement de la salariée décrit par le docteur [F] qui a constaté que celle-ci était à la fois joviale et sarcastique la veille de cet arrêt de travail; qu'enfin le licenciement, quel qu'en soit le motif, ne peut en soi faire présumer l'existence d'un harcèlement moral en l'absence d'autres agissements qui en l'espèce ne sont pas démontrés ;
Attendu en application de l'article L1234-1 du code du travail que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige sont une accusation sans fondement en novembre 2014 du docteur [Y] d'avoir commis le vol d'un document relatif à un rappel de consignes de prise de rendez-vous se trouvant dans son sac, une accusation sans fondement également de ce praticien d'avoir dissimulé une empreinte de prothèse prise le 5 novembre 2014, une autre accusation d'avoir dégradé son téléphone personnel après l'avoir consulté, un dénigrement de l'entreprise, un comportement intolérable depuis plusieurs mois envers les patients, une attitude désagréable envers les autres assistantes dentaires ;
Attendu, s'agissant des différentes accusations émises par l'appelante, que la société ne produit aucune pièce de nature à démontrer que celle-ci a prétendu que le docteur [Y] avait volé dans son sac personnel, en novembre 2014, des rappels de consignes de rendez-vous et avait dissimulé une empreinte de prothèse prise par le docteur [A]; qu'en revanche, l'appelante ne nie pas avoir proféré à l'encontre du docteur [Y] des accusations de dégradation de son téléphone portable puisqu'elle les réitère dans ses conclusions en les retenant comme des agissements de harcèlement moral ; qu'en effet elle rapproche le fait qu'elle aurait remarqué le comportement anormal du docteur [Y] qui sortait du vestiaire en ôtant ses gants avec la découverte de la dégradation de son téléphone et l'acceptation non démontrée de la société de prendre en charge les frais de réparation de l'appareil ; que ces affirmations ne sont pas étayées par le moindre élément de preuve ; que s'agissant du grief relatif au dénigrement de l'entreprise, le docteur [F] atteste que l'appelante l'avait incité à réfléchir avant de décider de s'associer avec les autres membres de la société après lui avoir décrit la situation qui aurait régné dans l'entreprise ; que ce comportement sans ambiguïté était destiné à l'inciter à ne pas donner suite à son projet d'association, l'appelante se proposant en outre selon le témoin de le suivre s'il y renonçait ; que cette dernière se borne à nier ce comportement ; que s'agissant du grief relatif à son attitude envers les patients du cabinet, la société produit les attestations de [G] [S] et de [I] [C] qui toutes deux décrivent le comportement désagréable de l'appelante, la première rapportant que cette dernière n'avait pas voulu lui fixer de rendez-vous alors qu'elle souffrait d'une rage de dents et l'avait invité à s'adresser à un autre praticien, la seconde assurant que la salariée avait insinué qu'elle entretenait une relation intime avec le docteur [L] et qu'elle s'était montrée si désagréable que le témoin conditionnait ses futurs rendez-vous à l'absence préalable de l'appelante ; que cette dernière se borne à rejeter les déclarations de [J] [C] et à contester la validité de l'attestation de [G] [S] au motif qu'elle ne mentionnait pas de date ; que toutefois une telle omission, purement matérielle, n'est pas de nature, à elle seule, à ne pas permettre d'emporter la conviction de la cour ; qu'enfin, sur le dernier grief, les différentes attestations des assistantes dentaires et des chirurgiens dentistes imputent à l'appelante le mauvais climat régnant au sein du cabinet, en raison de ses remarques désobligeantes et de son humeur changeante ; que l'appelante n'oppose que des dénégations ; qu'il s'ensuit que les graves accusations sans fondement proférées à l'encontre du docteur [Y] portant sur la dégradation du téléphone portable, le dénigrement du cabinet, le comportement désinvolte et irresponsable envers les patientes, l'attitude désagréable adoptée à l'égard des collègues de travail générant une mauvaise ambiance au sein du cabinet sont caractérisés et constituent des faits fautifs ; que leur multitude et de leur gravité, puisque la probité de l'un des gérants de la société était mise en cause, rendaient bien impossible le maintien de l'appelante dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ;
Attendu sur le manquement à l'obligation de prévention, qu'à la suite de l'état de souffrance allégué dans le courrier du 28 décembre 2010, le médecin du travail a été amené à examiner l'appelante et a conclu à son aptitude sans la moindre restriction, le 12 janvier 2011 ; que l'appelant a fait l'objet ultérieurement d'autres examens par ce praticien qui a toujours conclu dans le même sens, le 30 janvier 2010, le 24 février 2014, le 7 mars 2014 et le 24 novembre 2014 ; qu'en outre la société produit une fiche individuelle d'exposition en date du 18 juillet 2012 signée par la salariée ; qu'il n'est donc nullement établi que la société ait commis un quelconque manquement à son obligation de sécurité et de prévention ;
Attendu en application de l'article L3121-34 du code du travail sur le non respect des durées maximales de travail que l'intimée ne conteste pas que la salariée connaissait une durée quotidienne de travail de 10 h 30 ; que la société ne bénéficiait d'aucune dérogation ; qu'il importe peu que l'organisation du travail de l'appelante ait pu impliquer que durant une semaine sur deux, elle ne travaillait que 31 h 30 ; que cette organisation devait être envisagée dans le respect des dispositions légales précitées ; que la violation de ces dispositions a bien occasionné un préjudice à l'appelante en raison de l'atteinte à son droit à la santé et au repos ; que celui-ci doit être évalué à la somme de 2000 euros correspondant à celle sollicitée par l'appelante dans le dispositif de ses conclusions ;
Attendu que la violation des dispositions légales précitées ayant conduit à l'indemnisation de l'appelante, il n'y a pas lieu d'ordonner la régularisation de son compte personnel d'activité ;
Attendu sur le rappel de salaire sur prime d'implantologie que l'appelante ne démontre pas avoir effectué les deux implants dentaires en décembre 2014 qui génèreraient la prime revendiquée ;
Attendu sur l'attitude de l'employeur postérieurement au licenciement qu'il résulte de l'attestation du docteur [E] produite par la partie adverse qu'il a écarté la candidature de l'appelante en raison de l'expérience de cette dernière limitée à une activité en fauteuil et de la fausseté du motif qu'elle avait avancé pour expliquer son départ de la société et qu'il a comparé avec celui communiqué par la société ; que ce comportement lui a fait craindre que des difficultés ne surgissent durant la relation de travail ; que les déclarations du docteur [E] ne sont donc pas de nature à démontrer le comportement fautif de l'intimée ;
Attendu en application de l'article L6321-1 du code du travail qu'il n'est pas démontré par la société qu'elle a respecté ses obligations en matière de formation et de maintien de l'employabilité ; que bien qu'elle prétende que des formations avaient été proposées à l'appelante et que celle-ci les avait refusées, elle ne produit aucune pièce à l'appui de ses affirmations ; qu'en l'absence de toute formation durant la relation de travail qui a duré près de vingt ans, il convient d'évaluer à la somme de 5000 euros le préjudice subi par l'appelante de ce chef ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
DECLARE RECEVABLE la demande présentée par [H] [M] du chef de non respect par la Société Civile de Moyens [A] [L] [Y] de ses obligations en matière de formation et de maintien de l'employabilité
REFORME le jugement déféré ;
CONDAMNE la Société Civile de Moyens [A] [L] [Y] à verser à [H] [M] :
- 2000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des durées de travail excessives
- 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement de l'employeur à son obligation de formation ;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris ;
FAIT MASSE des dépens.
DIT qu'il seront supportés par moitié par chaque partie.
LE GREFFIER Le Conseiller faisant fonction
De Président
V. COCKENPOT P. LABREGERE