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29/05/2020 | FRANCE | N°17/04450

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 29 mai 2020, 17/04450


ARRÊT DU

29 Mai 2020







N° 515/20



N° RG 17/04450 - N° Portalis DBVT-V-B7B-RHTL



VS/AL







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Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

15 Décembre 2017

(RG 17/00234 -section )




























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GROSSE :



aux avocats



le 29 Mai 2020





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [C] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie LEROY, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



SA CLINIQUE DE [5]

[Adresse 2]

[Loca...

ARRÊT DU

29 Mai 2020

N° 515/20

N° RG 17/04450 - N° Portalis DBVT-V-B7B-RHTL

VS/AL

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

15 Décembre 2017

(RG 17/00234 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Mai 2020

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [C] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie LEROY, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SA CLINIQUE DE [5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Antoine BIGHINATTI, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Mallorie BECOURT, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS :à l'audience publique du 05 Mars 2020

Tenue par Véronique SOULIER

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annick GATNER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique SOULIER

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Leila GOUTAS

: CONSEILLER

Caroline PACHTER-WALD

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 30 Avril 2020 au 29 Mai 2020 en raison de l'état d'urgence sanitaire

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mai 2020,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Véronique SOULIER, Président et par Valérie COCKENPOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 5 Mars 2020

Exposé du litige :

Madame [C] [F] a été embauchée le 3 mars 1988 par la SA Clinique de [5] en qualité d'infirmière diplômée d'état (IDE).

A compter du 1er octobre 2004, elle a exercé les fonctions d'IDE Responsable Cadre 'statut cadre niveau C groupe B filière cadre'.

Fin décembre 2014, Madame [F] a été en arrêt de travail pour maladie et a repris son activité professionnelle à mi-temps thérapeutique à compter du 22 septembre 2015.

Elle a été déclarée apte à la reprise de son activité à temps plein à partir du 30 mai 2016.

Elle a été en arrêt maladie du 20 décembre 2016 au 4 janvier 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 mars 2017, la SA Clinique de [5] a convoqué Madame [F] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 4 avril 2017 et l'a licenciée pour cause réelle et sérieuse le 26 avril 2017 lui reprochant un comportement négatif de défiance et d'opposition systématique à sa hiérarchie contraire au rôle attendu d'un cadre chargé de relayer les décisions prises par la Direction et donc incompatible avec le poste occupé et son appartenance au comité de direction.

Contestant la légitimité de son licenciement et sollicitant la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [F] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Dunkerque le 27 juillet 2017.

Par jugement du 15 décembre 2017, le Conseil de Prud'hommes de Dunkerque a :

- dit fondé le licenciement de Madame [F] pour cause réelle et sérieuse;

- débouté Madame [F] de ses demandes;

- condamné Madame [F] à payer à la SA Clinique de [5] la somme de

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- laissé les dépens à la charge de Madame [F].

Madame [F] a régulièrement interjeté appel de toutes les dispositions du jugement par déclaration formée au greffe par voie électronique le 26 décembre 2017.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives d'appelantes transmises par voie électronique le 30 janvier 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Madame [F] a demandé à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

En conséquence de ;

- dire que le licenciement de Madame [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- condamner la SA Clinique de [5] à lui payer la somme de 90 000 euros à titre de dommages-intérêts par application de l'article L.1235-3 du code du travail;

- dire que les condamnations porteront intérêt à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation;

- condamner la SA Clinique de [5] à lui payer la somme de 3.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et y ajouter 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance;

- condamner la SA Clinique de [5] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 13 février 2020, puis révoquée le 5 mars 2020 à la demande de l'intimée afin de tenir compte des conclusions qu'elle avait adressées par voie électronique le 4 mars 2020 à la suite de la constitution d'un nouvel avocat.

Par conclusions d'intimée transmises par voie électronique le 4 mars 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, la SA Clinique de [5] a demandé à la Cour :

- d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée le 13 février 2020 afin de permettre au Conseil de la société Clinique de [5] de déposer ses écritures;

- de recevoir la Clinique de [5] en ses écritures, les dires fondées et y faire droit,

- de confirmer en totalité le jugement rendu le 15 décembre 2017 par le Conseil de prud'hommes de Dunkerque;

En conséquence:

- de dire fondé le licenciement de Madame [F] prononcé par lettre du 26 avril 2017 pour cause réelle et sérieuse;

- de débouter Madame [F] de toutes ses demandes;

Y ajoutant :

- de la condamner à lui verser une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.

SUR CE :

De manière liminaire, il convient de constater le caractère sans objet de la demande de l'intimée de révocation de l'ordonnance de clôture du 13 février 2020, cette même demande ayant été adressé à la Conseillère de la mise en état qui y a fait droit avant l'ouverture des débats.

Sur le licenciement :

L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est à dire pour un motif existant, exact, objectif, matériellement vérifiable et revêtant une certaine gravité rendant impossible la continuation du contrat de travail

En application des dispositions de l'article L 1235-1 du code du travail, la charge de la preuve n'incombe spécifiquement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée ainsi qu'il suit :

« ''Vous êtes employée en qualité de responsable d'unité de soins et vous assurez à ce titre la responsabilité hiérarchique d'une équipe. À ce titre vous êtes le relais de la direction et devez relayer le projet d'établissement, la politique et les consignes de la direction. Vous avez développé un comportement de défiance et d'opposition systématique à votre hiérarchie qui atteint aujourd'hui son paroxysme.

Alors que nous avions été particulièrement à votre écoute et que nous vous avions accompagnée dans les difficultés rencontrées avec votre précédente direction nous avons été contraints de constater que, quel que soit votre supérieur hiérarchique, vous vous enfermez dans une position de mésentente et d'opposition systématique à votre direction incompatible avec l'appartenance à une équipe de direction.

Cette opposition se cristallise tant dans la collaboration avec vos collègues de travail qui souffrent de votre comportement systématiquement négatif que dans vos rapports quotidiens avec votre directeur qui expriment publiquement votre défiance et votre refus de collaborer.

Ainsi nous avons pu évoquer lors de votre entretien préalable plusieurs faits de nature à corroborer ces arguments :

Votre opposition systématique à l'employeur s'exprime par le mode de communication que vous avez pris l'habitude d'instaurer : courriers recommandés et courriers adressés par votre conseil.

Malgré une volonté marquée de votre direction d'améliorer la communication, force est de constater que vous n'êtes pas dans une volonté de communication constructive et apaisée. Nous avons eu l'occasion de vous citer vos dernières communications recommandées relatives aux astreintes en date du 19 octobre 2016 ou encore le courrier de votre conseil du 7 février 2017 puis votre envoi au groupe d'une copie de ce dernier courrier 15 jours après sa réception.

Votre opposition à l'employeur s'exprime dans une divergence de vue sur le développement économique de la clinique : nouveau service au patient ou activité nouvelle. C'est ainsi que nous avons pu évoquer pour illustrer nos propos un événement datant du 16 décembre 2016 par lequel vous avez manifesté tant auprès de vos collègues (en l'occurrence le responsable administratif et financier de la clinique) qu'auprès des paramédicaux dont vous avez la charge ou de praticiens, en public, votre divergence de vue sur le lancement d'offres packaging qui avaient pourtant fait l'objet d'une présentation au comité de direction dont vous faites partie.

S'il fallait encore insister sur le fait que ce comportement vous est propre, nous avons d'ailleurs souligné que l'événement en cause n'avait pourtant fait l'objet d'aucune remontée du praticien en cause ni des paramédicaux présents, pourtant rompus à l'exercice dans le cadre des fiches d'événements indésirables mises en place au sein de la clinique.

Votre collègue que vous avez pris à partie relatait quant à lui ces faits dans une fiche d'événement indésirable en date du 19 décembre 2016 qu'il concluait par ces mots : « toute cette histoire et ce rejet des offres packaging par les médecins et les soignants de ces services est uniquement dû à la volonté de Madame [F] et son acharnement pour ne pas mettre en place ces offres. »

C'est pour les raisons évoquées ci-dessus qu'il nous parait impossible de maintenir une relation de travail saine et répondant aux attentes de notre structure en termes de savoir être vis-à-vis d'un de ses cadres. Votre attitude perturbe indéniablement la bonne marche de l'entreprise.'

La SA Clinique de [5] a ainsi reproché à Madame [F] un comportement négatif, de défiance et d'opposition systématique à sa hiérarchie, incompatible avec le poste d'encadrement occupé et son appartenance au comité de direction de la Clinique de [5], cette opposition systématique à l'employeur s'étant exprimée par le mode de communication instauré par la salariée, courrier recommandé et courrier d'avocat des 19 octobre 2016 et 7 février 2017 et par une divergence de vue sur le développement économique de l'établissement illustré par le lancement d'offre packaging contre lequel celle-ci avait publiquement manifesté son opposition le 16 décembre 2016 auprès du responsable administratif et financier de la clinique en présence de praticiens et de paramédicaux dont elle avait la charge alors que ce lancement avait été présenté en sa présence devant le Comité de Direction.

Madame [F] a fait valoir qu'en 2014, elle avait été confrontée à d'importantes difficultés ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé mentale, ayant été placée en arrêt maladie en décembre 2014 dans un contexte de burn out en lien avec le harcèlement moral dont elle avait fait l'objet de la part de la directrice opérationnelle de la clinique, situation de harcèlement moral reconnue par l'employeur et ayant entraîné le départ de cette salariée; que si l'employeur avait réagi à cette situation par l'éviction de l'auteur du harcèlement, il n'avait pas mis en place à son profit des conditions d'emploi sereines lors de la reprise de son activité professionnelle fin septembre 2015 en raison de la vacance de certains postes, dont celui de son binôme, ce qui avait eu pour effet d'accroître considérablement sa charge de travail sans que la Direction ne lui prodigue encouragements et remerciements pour le dévouement sans faille dont elle avait fait preuve durant cette période délicate.

Dans ce contexte, elle a contesté l'opposition systématique qui lui était reprochée faisant valoir qu'en 29 années de carrière au sein de la Clinique de [5], elle n'avait adressé à l'employeur que deux lettres recommandées, qui ne sauraient constituer la preuve de l'opposition alléguée par l'employeur, le premier courrier concernant les conditions d'application du tour d'astreinte au sein de la Clinique qui ne figuraient pas dans son contrat de travail et qu'il lui avait été demandé d'effectuer alors qu'elle n'avait pas été d'astreinte depuis trois ans et le second relatif à un recadrage musclé dont elle se plaignait d'avoir été victime lors d'une réunion informelle tenue le 20 décembre 2016 de la part du Directeur de l'Hôpital en présence d'une partie des cadres de direction de la clinique, à la suite de l'établissement par le responsable financier le 19 décembre 2016 d'une fiche d'événement indésirable relatant sa divergence d'opinion quant à l'offre packaging proposée lors de l'admission d'une patiente en oncologie.

Si elle a reconnu s'être étonnée auprès de M. [P], responsable financier chargé de la promotion de nouveaux forfaits d'hospitalisation de la vente du forfait le plus cher à une patiente en fin de vie d'ailleurs décédée peu de temps après son admission, elle a précisé avoir usé de sa liberté d'expression en ayant fait part de son malaise au regard de la déontologie et de l'éthique guidant sa profession vis-à-vis d'une pratique commerciale sans faire aucunement pression sur les deux salariés et le médecin présents ce d'autant que le personnel soignant n'étant pas chargé de la commercialisation de ces produits, il ne pouvait lui être reproché aucun acharnement dans le refus de mettre en place les offres packaging litigieuses ce que confirmaient les Docteurs [L], [D] et [U] qui attestaient à son profit.

La SA Clinique de [5] a soutenu en réponse que Madame [F] avait mis en place un mode de communication suspicieux à l'encontre de la direction, ayant en juin 2016 sollicité des réunions pour faire le point sur l'activité des services avant de les annuler en août 2016 avant d'interroger la direction par lettre recommandé avec accusé de réception (10 octobre 2016) sur le fonctionnement des astreintes puis de lui adresser des courriers d'avocats diffusés pour les derniers à l'inspection du travail et au médecin du travail démontrant la volonté délibérée de la salariée de mettre en cause le fonctionnement de la Clinique et d'instituer des relations de défiance permanentes incompatibles avec l'exercice serein de l'activité d'un établissement de soins.

Par ailleurs, l'employeur a souligné que la salariée ne contestait pas son opposition à la promotion des offres packaging faisant valoir qu'elle avait ainsi usé de son droit d'expression alors même qu'il s'agissait uniquement en l'espèce de mettre en cause la Direction alors qu'en tant que membre du Comité de Direction, elle avait pu s'exprimer lors des réunions de ce dernier avant que la décision ne soit prise, qu'elle aurait pu exercer son droit d'expression en adressant un mail au Directeur de l'établissement ce qu'elle n'avait pas fait choisissant ainsi de marquer publiquement à plusieurs reprises en présence de personnel son refus et son opposition à l'encontre de la direction.

La SA Clinique de [5] verse aux débats :

- un échange de courriels entre Monsieur [A], Directeur de l'établissement et Madame [F] les 31 août 2016 et 1er septembre 2016 à propos du remplacement de Madame [R] à compter du 5 septembre 2016 aux termes desquels celui-ci demandait également à la salariée s'il était nécessaire de maintenir la planification des points réguliers qu'elle avait sollicités en juin alors qu'elle n'était pas venue aux deux dernières dates fixées les 23 août et le 31 août 2016, celle-ci évoquant en réponse 'un défaut de traçabilité de sa part...non intentionnel..proposant un allégement de la planification systématique et anticipée de ces rendez vous et des échanges ponctuels' en cas de nécessité,

- une lettre recommandée avec accusé de réception (pièce n°6) adressée par Madame [F] à Monsieur [A] le 19 octobre 2016 à propos de l'organisation des astreintes Cadres lui indiquant : 'vous m'avez signifié indirectement en août leur caractère obligatoire alors que je n'en ai plus assuré depuis plus de trois ans sans que cela ne nuise au bon fonctionnement du système.

Je vous avais demandé avant de devoir participer à nouveau à ce tour ....d'avoir l'amabilité de bien vouloir m'informer des dispositions en vigueur dans notre établissement et de leur modalités d'application selon les règles du Code du travail.

Je vous rappelle par ailleurs que le caractère obligatoire de ces astreintes ne figure nullement dans mon contrat de travail.

J'adresse copie de la présente à M. [G] Inspecteur du travail,

Au regret de devoir utiliser la voie épistolaire pour obtenir réponse à mes questions.....',

- une lettre recommandée avec accusé de réception (pièce n°7) adressée par M. [A] à la salariée le 24 octobre 2016 lui '....confirmant le caractère obligatoire et non optionnel de votre participation à l'astreinte administrative, celle-ci étant prévue de manière conventionnelle au niveau de la branche....ampliation de la présente adressée à l'inspecteur du travail',

- un échange de courriels entre Monsieur [A] et la salariée des 2 et 3 novembre 2016 (pièce n°8) concernant l'évolution de l'activité des les services plus particulièrement au 3ème étage et en chimiothérapie, Monsieur [A] donnant les renseignements sollicités en lui indiquant 'peut-être aurions nous pu traiter de ces points lors des rendez-vous planifiés à votre demande et que vous avez souhaité que l'on annule par la suite'..,

- un formulaire FEI (fiche d'événement indésirable) établi par M. [H] [P] le 19 décembre 2016 (pièce n°9), responsable financier expliquant que 'le même jour (16 décembre 2016), une chambre particulière prestige était prise par le mari d'une personne admise en oncomédecine, qu'il s'était rendu à l'étage concerné afin d'expliquer cette offre, prise pour la première fois dans ce service; que se trouvaient dans le local infirmier, le Dr [U], deux infirmières, une aide-soignante et Mme [F] qui ...commence à dire devant tout le monde qu'il est inadmissible de donner une telle offre dans ce service, que c'est se faire de l'argent facile sur des gens qui ne comprennent pas ce qu'ils prennent...'qu'il était retourné à son bureau suivi 15 minutes plus tard de Madame [F] qui lui avait dit 'il faut arrêter d'être bête et réfléchir un peu, que la personne n'avait pas compris l'offre qu'elle prenait. Je lui ai dit que c'est son interprétation, de là la conversation continue et Madame [F] termine : 'si la patiente paie même 1€, alors ce sera dans la Voix du Nord'.

Le soir même vers 18h40, une infirmière de l'accueil téléphone pour dire que les oncologues ne veulent pas de l'application des offres packagées dans ce service...

Lundi matin, les infirmières du première étage téléphonent à l'accueil pour leur demander d'arrêter de forcer les patients à prendre ces offres.

Madame [F] était présente au Codir de présentation des offres packagées à l'issue de cette information, elle n'a émis aucune remarque sur la problématique ou la volonté de non application dans ce service.

Toute cette histoire et ce rejet des offres packagées par les médecins et les soignants de ce service est uniquement due à la volonté de Mme [F] et son acharnement pour ne pas mettre en place ces offres',

- un compte-rendu de la réunion 'café' du 20 décembre 2016 (n°10) durant laquelle M. [A] a demandé aux cadres présents dont Madame [F] s'il y avait un problème avec le déploiement des offres packagées en service d'oncologie,

- une lettre recommandée avec accusée de réception (pièce n°11) adressée par Madame [F] à M. [Y], Directeur des Ressources Humaines Région Nord le 28 février 2018 lui communiquant une copie de la lettre recommandée avec accusé de réception du 7 février 2017 adressé par son avocat de l'époque à M. [A] à propos de l'attitude choquante adoptée par ce dernier le 20 décembre 2016 et de ses menaces qui avait nécessité un arrêt de travail de 15 jours, dont l'objet était de lui rappeler que 'l'employeur étant tenu de veiller à la sécurité physique et mentale du personnel sous sa subordination, tenu d'une obligation de sécurité de résultat devant mettre tout les moyens de prévention du harcèlement moral et plus généralement de la souffrance au travail, était de lui adresser un rappel solennel de ce qu'en toutes circonstances un comportement courtois doit présider aux relations de travail....' courrier adressé en copie à l'inspection du travail et à la médecine du travail,

- une lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 6 mars 2017 (pièce n°12) en réponse à Madame [F] par l'avocat de l'employeur aux termes de laquelle celui-ci 'a contesté solennellement chacun des propos et des faits rapportés par Madame [F] dans ce courrier du 7 février 2017",

- deux contrats de travail à durée déterminée (pièce n°4) signés de Mme [M] et de Mme [B], infirmières diplômées d'état embauchées pour les périodes du 6 au 11 septembre 2016 et du 16 au 25 octobre 2016 en remplacement de Mme [R], elle même remplaçant Mme [N], binôme de Madame [F],

- une attestation de Madame [R] (pièce n°20) témoignant de ce qu'elle a remplacé Madame [N] à temps partiel puis à temps complet afin d'épauler Madame [F] dans ses fonctions de cadre entre le 2/05 et le 12/10/2016.

Outre ses documents contractuels (pièces n°1 à 1/11), ses bulletins de salaire (pièce n°2), les différents courriers relatifs à sa convocation à l'entretien préalable au licenciement et à son licenciement et ses documents de fin de contrat (pièces n°4 à 7), Madame [F] a versé aux débats:

- une attestation de Madame [X] (pièce n°8) coach professionnel;

- un exemplaire du flyer détaillant les différentes offres hôtelières (confort, premium, prestige, platinium) de la Clinique de [5] (pièce n° 9) ainsi qu'un formulaire d'admission (n°10) proposant au patient, selon les disponibilités de l'établissement de cocher l'une des 4 options ci-dessus rappelées;

- un certificat médical établi par le Dr [S] (pièce n°11) médecin du travail le 16 avril 2015 ayant 'constaté chez Madame [F] un état de burn out en rapport avec son environnement de travail ayant nécessité son arrêt maladie depuis le 19/12/2014",

- trois fiches d'aptitudes médicales (pièces n°13 à 15) dont la dernière établie le 11 juillet 2016 mentionne 'apte avec recommandation, attention à la surcharge de travail induite par l'arrêt d'une collègue cadre non remplacée';

- un arrêt maladie (pièce n°16) de la salariée du 20 décembre 2016 au 4 janvier 2017;

- un organigramme des vigilances et traitements des évènements indésirables daté de janvier 2017 ( pièce n°17) ;

- une copie de la charte d'incitation au signalement des évènements, erreurs médicamenteuses ou dysfonctionnements (pièce n°19);

- une attestation du Dr [D] (pièce n°20) témoignant que Madame [F] lui avait parlé des offres packagées mais ne l'avait pas incité à les rejeter, lui-même ayant dit que cela ne lui paraissait pas du tout adapté à leur service d'oncologie soins palliatifs...je n'ai jamais par ailleurs entendu Madame [F] dénigrer la clinique;

- une attestation du Dr [L] (pièce n°21) indiquant 'n'avoir jamais été découragée par Madame [F] de proposer les offres packagées lesquelles sont proposées au moment de l'admission et ni le personnel soignant, ni les médecins n'interviennent et précisant n'avoir jamais entendu Madame [F] dénigrer la politique générale du groupe propriétaire de la clinique de [5] ni sa Direction';

- une attestation du Dr [U] (pièce n°22) témoignant de ce 'qu'il a découvert les offres packagées le jour où M. [P] (vendredi 16 décembre) a apporté dans le service un peignoir éponge, des serviettes de toilettes, des chaussons correspondant au forfait prestige proposé au mari d'un patiente en fin de vie. J'étais surpris ainsi que Mme Madame [F] et le personnel présent à ce moment, déstabilisé de devoir apporter le kit dans la chambre de la patiente qui devait décéder le 19 décembre. Madame [F] n'a dénigré ni sa hiérarchie, ni la politique du groupe devant moi et l'équipe';

- les témoignages de Mme [K] (pièce n°24) et de Mme [V] (pièce n°25) décrivant les qualités professionnelles de Madame [F] ainsi que son engagement sincère et réel pour cet établissement et indiquant avoir travaillé l'une comme l'autre avec celle-ci jusqu'en 2016;

- un compte rendu dans la Voix du Nord le 5 décembre 2016 d'un débrayage du personnel soignant sollicitant un treizième mois ainsi qu'un mail de M. [A] à ce sujet (pièces n°26/1 et 26/2).

Il se déduit de l'ensemble de ces pièces que les relations de travail se sont tendues entre M. [A], Directeur de la Clinique et Madame [F] du fait de cette dernière qui lui a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception le 19 octobre 2016, dont elle a envoyé une copie à l'inspection du travail à propos du régime des astreintes auxquels étaient soumis les cadres, ce mode de communication, de surcroît public au regard des destinataires du courrier étant agressif s'il n'est pas précédé comme en l'espèce d'une demande écrite préalable demeurée insatisfaite alors qu'il ne s'inscrit pas dans un contexte relationnel difficile au regard de la teneur des courriels échangés entre la salariée et son Directeur durant l'été 2016 (pièce n°23 de l'employeur s'agissant d'un courriel de la salariée adressé le 29 août 2016 à M. [A] afin de l'informer de son absence le 31 août en raison d'un rendez-vous médical) et qu'il ne peut qu'être constaté que Madame [F] ne justifie pas avoir directement alerté sa Direction de l'existence d'une surcharge de travail lors de sa reprise d'activité professionnelle à temps complet début juin 2016, celle-ci n'étant évoquée que par son Avocat dans son courrier du 7 février 2017 alors que la société Clinique de [5], destinataire de la fiche médicale d'aptitude du 11 juillet 2016 évoquant la nécessité de 'faire attention à la surcharge de travail induite par l'arrêt d'une collègue cadre non remplacée' prouve avoir engagé des salariées afin de l'épauler durant cette période d'absence de son binôme.

Il est également établi que le 16 décembre 2016, Madame [F] a exprimé devant un médecin oncologue et du personnel soignant dont elle était la supérieure hiérarchique, donc de manière publique, son désaccord moral et éthique quant à l'offre Prestige proposée au mari d'une patiente en fin de vie décédée trois jours plus tard et ce alors qu'en sa qualité de cadre appartenant au Comité de Direction, il lui incombait non de valider sans discussion les orientations de la Direction de la Clinique contraires à son éthique de soignante ce qu'elle avait pourtant précisément fait à propos de la présentation des 'offres packaging' mais de respecter son obligation contractuelle de loyauté liée à sa fonction d'encadrante en faisant part dans le cadre de sa liberté d'expression de ses doutes et désaccords au sein des réunions destinées à débattre de ces sujets et non de manière inadaptée en pleine présentation publique de l'offre litigieuse par le Responsable financier dans l'un des services de l'hôpital.

Le déroulement de la réunion 'café' du mardi 20 décembre 2016 a été détaillé dans un compte rendu (pièce n° 10 de l'employeur) qui aurait été rédigé, selon la pièce n°7 de l'employeur, par M. [Y], Directeur des Ressources Humaines de la Région présent ce même jour qui a mené l'entretien préalable de licenciement de Madame [F] et a signé la lettre de licenciement. Cependant, ce document dactylographié non signé dont l'auteur est ainsi inconnu n'est pas exploitable.

Pour autant, Madame [F] est la seule à affirmer que Monsieur [A] s'est adressée à elle ce même jour de manière autoritaire, agressive et humiliante ainsi que son conseil le relate dans la lettre recommandée avec accusation de réception du 7 février 2017 adressée à la Direction de la Clinique mais également à l'inspection du travail et à la Médecine du travail, celle-ci ne versant aux débats aucun témoignage de tiers présents.

Or, cette même lettre recommandée a été voulue par Madame [F] comme un 'rappel solennel' à la Direction de la Clinique de [5] de son obligation de sécurité et de résultat, la salariée n'ayant pas même attendu la réponse de son employeur le 6 mars suivant avant de rendre public le contenu de celle-ci par sa diffusion en interne et également auprès de l'inspection du travail et de la médecine du travail.

Enfin, force est de constater que Madame [F] ne produit aucune pièce aux débats démontrant ainsi qu'elle l'allègue qu'elle serait une victime collatérale d'un conflit d'actionnariat opposant son mari, médecin, à la Clinique de [5] .

Dès lors, et ainsi que l'a constaté à juste titre la juridiction prud'homale, le comportement de défiance agressive adopté à deux reprises en trois mois par Madame [F] à l'égard de la Direction de la Clinique sans que celle-ci ne rapporte la preuve d'éléments extérieurs pouvant l'expliquer à défaut de le justifier, tels qu'une surcharge de travail ou un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, la salariée n'ayant pas contesté que celui-ci ait pris les mesures de protection nécessaires à son égard en 2015 lorsqu'elle a été victime du comportement d'un personnel de direction et n'ayant pas prouvé l'existence d'une souffrance morale en lien avec de nouveaux comportements inadaptés de sa hiérarchie ainsi que le manquement de Madame [F] à ses obligations contractuelles résultant de son statut de cadre revêtent une gravité certaine et constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement rendant impossible la continuation du contrat de travail.

Les dispositions du jugement entrepris ayant débouté Madame [F] de sa demande tendant à voir constater le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement et de sa demande subséquente de dommages-intérêts sont ainsi confirmées.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné Madame [F] aux dépens et à payer à la SA Clinique de [5] une somme de 1 000 euros sont confirmées.

Madame [F] est condamnée aux dépens d'appel et à payer à la SA Clinique de [5] une somme de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS:

La Cour :

Statuant publiquement et contradictoirement:

Constate le caractère sans objet de la demande de l'intimée de révocation de l'ordonnance de clôture du 13 février 2020.

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant:

Condamne Madame [F] à payer à la SA Clinique de [5] une somme de

1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Madame [F] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

V. COCKENPOT V. SOULIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 17/04450
Date de la décision : 29/05/2020

Références :

Cour d'appel de Douai D1, arrêt n°17/04450 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-29;17.04450 ?
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