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31/01/2020 | FRANCE | N°17/02807

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 31 janvier 2020, 17/02807


ARRÊT DU

31 Janvier 2020







N° 184/20



N° RG 17/02807 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q6PX



VS/AL







RO



































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

09 Juin 2017

(RG 15/00832 -section )





























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GROSSE :



aux avocats



le 31 Janvier 2020





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [Y] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Isabelle SAFFRE, avocat au barreau de LILLE assisté de Me Khalil MIHOUBI, avocat au barreau de PARIS
...

ARRÊT DU

31 Janvier 2020

N° 184/20

N° RG 17/02807 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q6PX

VS/AL

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

09 Juin 2017

(RG 15/00832 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 31 Janvier 2020

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [Y] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Isabelle SAFFRE, avocat au barreau de LILLE assisté de Me Khalil MIHOUBI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SAS CLEAR CHANNEL

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Martine RIOU, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS :à l'audience publique du 14 Novembre 2019

Tenue par Véronique SOULIER

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annick GATNER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique SOULIER

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

[E] [S]

: CONSEILLER

[L] [J]

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2020,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Véronique SOULIER, Président et par Aurélie DI DIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 19 Octobre 2017, avec effet différé jusqu'au 18 Octobre 2019

La société Clear Channel France, qui appartient au groupe américain I Heart Communications est une société spécialisée dans la publicité, l'affichage et l'événementiel, domaine dans lequel elle est leader mondial.

Monsieur [Y] [R] a été engagé par la société Clear Channel France par contrat de travail à durée indéterminée du 6 juin 2007 à effet du même jour en qualité d'attaché commercial sur la région Nord-Pas-de-Calais, statut cadre, catégorie 3 niveau 1.

La convention collective nationale applicable à la relation de travail est celle de la publicité.

Le 19 août 2011, Monsieur [Y] [R] a été promu Responsable de clientèle.

Le 30 janvier 2015, celui-ci a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 11 février 2015.

Le 10 mars 2015, il a été licencié pour insuffisance professionnelle. Il a été dispensé de préavis et son contrat de travail a pris fin le 10 juin 2015.

Au dernier état de la relation de travail, il percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 3.421,89 euros.

Estimant à titre principal que l'employeur, au courant de ses difficultés de santé n'avait mis en place aucune mesure d'accompagnement et, à l'inverse, lui avait fait subir des pressions et des mesures discriminatoires, à titre subsidiaire que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et en tout état de cause que le forfait jours prévu à son contrat de travail ne lui était pas applicable et qu'il était fondé à demander le paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateurs; Monsieur [R] a saisi le 24 juin 2015 le Conseil de Prud'hommes de Lille afin de voir principalement prononcer la nullité de son licenciement et subsidiairement le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse de celui-ci et la condamnation de la société Clear Channel France à lui régler diverses sommes au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs.

Par jugement du 09 juin 2017, le Conseil de Prud'hommes de Lille a :

- jugé que le salarié n'avait pas fait la preuve que son licenciement serait nul et débouté celui-ci de ses demandes y afférentes à savoir :

* sa réintégration dans les effectifs de la société;

* 20 000 euros à titre de dommages-intérêts;

- dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse;

- condamné l'employeur à payer à Monsieur [R] la somme de 21 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- dit que le forfait jour n'était pas opposable à Monsieur [R];

- débouté le salarié de sa demande d'heures supplémentaires, de congés payés y afférents et de repos compensateur,

- condamné l'employeur aux dépens et à payer au salarié la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les sommes dues à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produiront des intérêts à compter du jour de la condamnation prononcée par le juge,

- ordonné la capitalisation des intérêts si ceux-ci sont dus pour une année entière,

- rejeté la demande d'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit dans la limite des dispositions de l'article 1454-28 du code du travail.

Monsieur [R] a régulièrement interjeté appel partiel des dispositions du jugement par déclaration formée au greffe par voie électronique le 21 août 2017.

En application du calendrier de procédure établi le 19 octobre 2017 au visa des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture à effet différé a été fixée au 18 octobre 2019 et l'audience de plaidoiries au 14 novembre 2019.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives d'appelant transmises par voie électronique le 1er octobre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Monsieur [R] a demandé à la Cour de :

- Confirmer le jugement rendu le 9 juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes de Lille en ce qu'il a déclaré le forfait jour stipulé au contrat de travail de Monsieur [R] inopposable et en ce qu'il a condamné la société Clear Channel France à lui verser une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

D'infirmer ledit jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

A titre principal :

- constater que Monsieur [R] a fait l'objet d'une discrimination prohibée liée à son état de santé;

- par voie de conséquence, prononcer la nullité du licenciement notifié le 10 mars 2015,

- ordonner la réintégration de Monsieur [R] dans les effectifs de la société sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- condamner la Clear Channel France à verser à Monsieur [R] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la discrimination subie,

- condamner la société Clear Channel France à verser à Monsieur [R] la somme de

176 684,36 euros à titre d'indemnité d'éviction courant sur la période de nullité soit du 11 juin 2015 au 1er novembre 2019 outre la somme de 3.421,89 euros à compter de l'arrêt à intervenir jusqu'à la date de réintégration effective,

A titre subsidiaire :

- dire que le licenciement notifié par la société Clear Channel France à l'encontre de Monsieur [R] est dénué de cause réelle et sérieuse et confirmer le jugement attaqué sur ce point,

- condamné la société Clear Channel France à verser à Monsieur [R] la somme de 41.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail;

En tout état de cause :

- déclaré le forfait-jours stipulé au contrat de travail inopposable à Monsieur [R],

- dire que Monsieur [R] est fondé à réclamer un rappel d'heures supplémentaires pour la période de juin 2012 à février 2015,

- condamner la société Clear Channel France à verser à Monsieur [R] les sommes suivantes au titre des heures supplémentaires:

* 4.883,33 euros pour l'année 2012 outre la somme de 483,33 euros au titre des congés payés y afférents;

* 9.788,87 euros pour l'année 2013 outre la somme de 978,88 euros au titre des congés payés y afférents;

* 9.788,87 pour l'année 2014 outre la somme de 978,88 euros au titre des congés payés y afférents;

* 1.466,92 euros pour l'année 2015 outre la somme de 146,69 euros au titre des congés payés y afférents;

- condamner la société Clear Channel France à verser à Monsieur [R] les sommes suivantes au titre du repos compensateur :

* 2.866,39 euros pour l'année 2014 outre la somme de 286,63 euros au titre des congés payés y afférents;

* 2.866,39 euros pour l'année 2015 outre la somme de 286,63 euros au titre des congés payés y afférents;

A titre infiniment subsidiaire et si par extraordinaire la Cour déboutait Monsieur [R] de sa demande d'heures supplémentaires et repos compensateur, condamner Clear Channel France à lui verser la somme de 15 000 euros au titre du préjudice causé par la nullité du forfait jours,

- dire que l'ensemble des sommes de nature salariale sera assorti des intérêts légaux à compter de la saisine du bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes de Lille;

- condamner la société Clear Channel France à verser à Monsieur [R] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner la société Clear Channel France aux entiers dépens.

En réponse, par conclusions récapitulatives d' intimée transmises par voie électronique le 16 octobre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, la société Clear Channel France a demandé à la Cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le salarié n'avait pas fait la preuve que son licenciement serait nul et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de réintégration et de dommages-intérêts;

En conséquence :

- débouter Monsieur [R] de sa demande de nullité de son licenciement;

- débouter Monsieur [R] de sa demande de réintégration;

- débouter Monsieur [R] de sa demande de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la discrimination subie;

- débouter Monsieur [R] de sa demande de 176.684,36 euros à titre d'indemnité d'éviction courant sur la période du 11 juin 2015 au 1er novembre 2019 outre la somme de 3.421,89 euros à compter de l'arrêt à intervenir jusqu'à la date de réintégration effective;

Infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la société à 21 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

En conséquence:

- débouter Monsieur [R] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le forfait jours n'est pas opposable à Monsieur [R];

En conséquence;

- dire que le forfait jours de Monsieur [R] est parfaitement licite;

Confirmer le jugement en ce qu'il a déboute le salarié de sa demande d'heures supplémentaires, congés payés et repos compensateur;

En conséquence:

- débouter Monsieur [R] de sa demande au titre des heures supplémentaires, congés payés et repos compensateur;

En tout état de cause:

- condamner Monsieur [R] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner Monsieur [R] en tous les dépens.

Sur ce :

L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible la continuation du contrat de travail.

En application des dispositions de l'article L 1235-1 du code du travail, la charge de la preuve n'incombe spécifiquement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

L'appréciation de l'insuffisance professionnelle d'un salarié, qui n'est jamais fautive, relève en principe du seul pouvoir de direction de l'employeur qui n'est cependant pas dispensé d'invoquer des faits objectifs, précis et vérifiables. L'insuffisance professionnelle est fondée sur des éléments qualitatifs ou quantitatifs, les objectifs fixés par l'employeur devant être réalistes.

Monsieur [R] a été licencié pour des insuffisances professionnelles fondées sur un manque de méthode, une mauvaise utilisation de ressources, une incapacité à s'adapter aux nouveaux outils de l'entreprise et pour la non-atteinte d'objectifs et l'insuffisance de résultats.

Monsieur [R] soutient à titre principal que son licenciement doit être annulé étant en réalité fondé sur une discrimination liée à son état de santé en indiquant que depuis l'année 2013, il a fait face à d'importants problèmes de santé qui l'ont contraint à un suivi médical et médicamenteux, qu'il ne s'est pas arrêté de travailler mais a bénéficié d'un suivi renforcé par la médecine du travail, les visites étant organisées tous les trois mois, que Clear Channel France avait parfaitement connaissance de ses problèmes de santé puisque celle-ci organisait les rendez-vous médicaux, qu'elle avait été alertée par les délégués syndicaux, que les symptômes physiques qu'il présentait ne pouvait passer inaperçus ainsi qu'en témoignaient trois salariés de la société.

Or, non seulement Clear Channel France n'a pris aucune mesure d'accompagnement afin de le protéger, n'a pas allégé sa charge de travail ni adapté ses objectifs, ni mis en place un soutien mais a multiplié les mesures dégradant sa situation de travail (retrait de clients, démontage des panneaux publicitaires 12m2, absence de bénéfice de la réorganisation du portefeuille de Mme [P], lui reprochant un discours confus et non structuré avec les clients, qualificatif discriminatoire ..).

A titre subsidiaire, la Cour devrait confirmer le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement alors qu'il justifiait de la qualité de son travail et de ses résultats, que par ailleurs, la société Clear Channel France ne l'avait jamais alerté de la prétendue dégradation de ses résultats , que contrairement aux affirmations de l'employeur, il n'avait nullement bénéficié d'un accompagnement sur le terrain, les réunions évoquées par ce dernier étant destinées à l'ensemble des responsables de clientèles, et non à le soutenir.

En outre, au cours des années 2014 et 2015, le périmètre de sa clientèle avait été réduit sans qu'aucun motif ne lui soit donné et il ne pouvait être tenu pour responsable de la diminution du chiffre d'affaires consécutif au démontage des panneaux publicitaires de 12 m2 décidé par l'entreprise et de la suppression du budget publicitaire de plusieurs clients importants de la région Nord.

Il s'est étonné si sa non atteinte des objectifs fixés était aussi ancienne que le soutenait la société que celle-ci ne l'ait pas alerté et a fait valoir que ses chiffres ne pouvaient être comparés à ceux des deux nouvelles commerciales de son secteur qui avaient bénéficié de la réorganisation de leurs portefeuilles ensuite du départ de Madame [P], commerciale.

Il n'était pas le seul à ne pas utiliser l'outil Cast et à ne pas suffisamment utiliser l'outil de prospection Aloha.

De manière générale, son licenciement s'inscrivait dans la politique générale de licenciement des commerciaux par l'entreprise, soit 20 commerciaux en 4 ans.

La société Clear Channel France a répondu en substance sur ce dernier point que le nombre de licenciements des commerciaux représentait un pourcentage somme toute minime de 3,4% des effectifs par an et a poursuivi à titre principal en indiquant que le licenciement du salarié n'avait pas été prononcé en raison de son état de santé, ce dernier ne l'ayant jamais informé durant les entretiens annuels d'évaluation des problèmes de santé allégués au soutien de sa demande de nullité de son licenciement alors que celui-ci avait toujours été déclaré apte à exercer ses fonctions et n'avait été en arrêt de travail que quatre jours du 10 au 14 mars 2014 puis à compter du mois de juillet 2015, soit quatre mois après son licenciement.

Elle a formellement contesté avoir été informée de la dégradation de l'état de santé du salarié par les délégués du personnel, la seule référence à l'état de santé préoccupant de Monsieur [R] n'ayant été faite par un délégué du personnel qu'au mois de février 2015 alors que la procédure de licenciement était déjà engagée.

Elle a affirmé que Monsieur [R] n'avait jamais sollicité le moindre allégement de sa charge de travail et a souligné d'ailleurs que celui-ci opérait une confusion en reprochant à son employeur non de l'avoir licencié en raison de son état de santé mais de ne pas avoir adapté ses objectifs à son état de santé qui ne pouvait être sanctionné par la nullité du licenciement.

L'employeur a poursuivi en précisant que le salarié ne rapportait pas la preuve d'un retrait de clients au profit de Madame [D] ce d'autant que celle-ci était basée à [Localité 5] sur le secteur de la Picardie et ne pouvait dès lors reprendre les clients de celui-ci basés à [Localité 7] Métropole.

Le budget Nacarat n'avait pas été retiré à Monsieur [R], ce dernier ne l'ayant jamais suivi.

Par ailleurs, la diminution du nombre de panneaux d'affichage 12m2 ne résultait pas d'un choix de l'entreprise mais d'une modification du cadre législatif.

Il a également précisé que Monsieur [R] n'avait pas été évincé de la répartition du portefeuille de Mme [P] alors qu'il n'avait pas sollicité l'attribution d'une part de ce dernier qui avait été réparti entre des commerciales qui débutaient sur leur secteur géographique et n'avaient aucun client.

A titre subsidiaire, la société Clear Channel France a affirmé que Monsieur [R] n'était pas fondé à exciper des bons résultats bien antérieurs à son licenciement et qu'elle même n'avait aucunement l'obligation légale d'alerter ce dernier sur une dégradation de ses résultats en le sanctionnant préalablement, de même que contrairement aux allégations du salarié celui-ci avait bénéficié de diverses formations et réunions pour la mise en place des outils CAST, ALOHA et AMT entre le 26 novembre 2013 et le 3 décembre 2014 et d'un accompagnement de terrain de M. [H] les 2 ,3 et 24 avril 2014 et de M. [G] du 14 au 17 janvier 2014.

Elle a enfin soutenu que Monsieur [R] intervenait sur l'aire urbaine de [Localité 7] au fort potentiel économique, que l'objectif 2014 de celui-ci fixé à 714.857 euros avait été ramené en 2015 à 501.000 euros , que pour autant les résultats de ce dernier étaient demeurés insatisfaisants sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et du 1er septembre 2014 au 6 février 2015 par comparaison avec les résultats des deux autres commerciales de son secteur et de la personne qui l'avait remplacé, que ce dernier ne développait pas sa clientèle en raison du très faible nombre d'actions commerciales qu'il entreprenait et qu'il n'avait mis en oeuvre ni la méthode CAST, ni les outils ALOHA et AMT.

Sur la nullité du licenciement pour discrimination liée à l'état de santé du salarié:

En application des dispositions des articles L 1132-1 et L 1134-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou d'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou renouvellement de contrat en raison, entre autres de son origine ou de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

En cas de litige, il appartient à celui qui se prévaut d'une discrimination directe ou indirecte de présenter au juge les éléments de fait laissant supposer la situation qu'il dénonce .

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Monsieur [R] verse aux débats :

- cinq convocations de la Médecine du travail adressées à la société Clear Channel France (pièces n°13 à 17) en vue des rendez-vous médicaux de Monsieur [R] fixés les 16 décembre 2013, 17 mars 2014, 23 juin 2014, 8 octobre 2014 et 12 janvier 2015;

- un courrier du psychologue du travail (pièce n°18) au médecin du travail du 27 janvier 2015 indiquant que la souffrance psychique de Monsieur [R] 'semblerait trouver pour partie son origine dans son contexte professionnel';

- un certificat médical (pièce n°19) établissant que Monsieur [R] a été placé sous traitement médicamenteux le 18 septembre 2013;

- un compte-rendu de Réponses aux questions à la suite d'une réunion du 27 octobre 2014 (pièce n°10) évoquant le mécontentement et les inquiétudes des commerciaux de l'entreprise par rapport à leur rémunération et la question de savoir s'il y a une volonté de la direction de se séparer des commerciaux;

- le point n°3 d'un compte-rendu de Réponses aux questions à la suite de la réunion des délégués du personnel et de la Direction en février 2015 (n°11) relatif à 'l'état de santé de [Y] [R] : état de santé très préoccupant de ce commercial, soucis de santé apparentés à un Burn out';

et la réponse (n°11-2) 'il est suivi par la médecine du travail et l'ensemble des recommandations sont prises en compte, un suivi accru est effectué par son manager';

- une attestation de M. [B] [N], (n°23) ancien collègue, délégué du personnel témoignant de ce qu'il a constaté en se rendant sur le site de [Localité 8] au milieu de l'année 2013 que Monsieur [R] n'allait pas bien, qu'il était extrêmement amaigri, visage creusé avec des difficultés pour s'exprimer, très anxieux, et précisant que la situation a perduré durant l'année 2014, qu'il a alerté à plusieurs reprises la Direction qui a répondu qu'il était suivi par la médecine du travail, que Monsieur [R] lui a dit que sa situation ne s'améliorait pas en raison des très fortes pressions pour atteindre ses chiffres, qu'il présentait des signes visibles de très grande fatigue et d'épuisement;

- une attestation de M. [Z] [A], (pièce n°54 A) représentant du personnel (délégué du personnel, membre du CHSCT, membre du Comité d'Entreprise précisant qu'il s'était rendu plusieurs fois à [Localité 8], que Monsieur [R] présentait les signes extérieurs de quelqu'un de très malade, qu'il a discuté de son cas avec les deux délégués du personnel de cette agence, [I] [K] et [B] [N] qui lui ont dit avoir signalé son cas au Directeur d'Agence et que le salarié bénéficiait d'un suivi trimestriel par le médecin du travail;

- une attestation de M. [V] [F], (pièce N°68A ) responsable de clientèle du [Localité 6], témoignant de la dégradation de l'état de santé de Monsieur [R], indiquant qu'il éprouvait des difficultés à s'exprimer, qu'il était sous traitement anti-dépresseur lourd, qu'il continuait à travailler sans aide ni soutien sous pression dans le stress par rapport à ses objectifs;

- un extrait du pré-rapport d'expertise CHSCT établi en 2015 par le cabinet Sésame Ergonomie (pièce n°49) dont l'objet :'Analyse de la présence des facteurs de risque psychosociaux dans l'organisation de l'entreprise et leurs répercussions sur les conditions de travail et sur la santé' évoquait l'exposition probable des commerciaux de l'entreprise à des risques psychosociaux.

Ces éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination rendent nécessaire l'examen des pièces produites par l'employeur.

La société Clear Channel France verse aux débats les quatre fiches médicales établies par la médecine du travail les 16 décembre 2013, 17 mars 2014, 23 juin 2014 et 8 octobre 2014 (pièce n°23) déclarant Monsieur [R] apte sans aucune restriction à son poste de travail ce dont il résulte que non seulement Monsieur [R] n'était pas en arrêt de travail durant la période considérée entre le 1er décembre 2014 et le 6 février 2015 sauf quatre jours entre le 10 et le 14 mars 2014 mais que le médecin du travail n'ayant émis aucune restriction à son activité professionnelle, l'employeur n'avait pas été informé par ce dernier d'une quelconque dégradation de l'état de santé de Monsieur [R] lequel n'en a d'ailleurs pas davantage fait état auprès de son employeur ni sous forme de courriers, de courriels ou durant les entretiens d'évaluation professionnelle ou d'objectifs auquel il a été soumis régulièrement les 5 mars 2014, 3 septembre 2014, 6 octobre 2014 et 11 décembre 2014.

Par ailleurs, si M. [N], de même que M. [U] et M. [F] affirment avoir constaté la dégradation de l'état de santé de Monsieur [R] dès l'année 2013 et avoir alerté la Direction de l'Agence de [Localité 8] et celle de l'entreprise sur ce dernier point, aucune pièce n'est versée aux débats par le salarié et la Direction de la société Clear Channel France n'a pas été avertie du caractère très préoccupant de l'état de santé de Monsieur [R] avant le mois de février 2015 (pièce n°11-2 du salarié) alors que la procédure de licenciement était en voie d'achèvement, l'entretien préalable au licenciement ayant eu lieu le 11 février 2015.

Enfin, il ne peut être tiré de conséquences spécifiques à l'affaire du fait qu'il y ait eu en 2015 dans l'entreprise des inquiétudes des commerciaux quant à leur rémunération et à leur avenir que ceux-ci, selon le pré-rapport d'expertise de Sésame Ergonomie sur les risques psychosociaux, aient été particulièrement affectés par ces risques alors que la méthode retenue dans le cadre de cette expertise a été contestée par l'employeur (pièce n°37 de l'employeur) et qu'il s'agit de propos généraux sans lien direct avec la situation de Monsieur [R].

En conséquence, ainsi que l'a constaté à juste titre la juridiction prud'homale, Monsieur [R] n'a pas rapporté la preuve qu'il a été licencié en raison de son état de santé pas plus que de l'existence des autres mesures discriminatoires alléguées (retrait des clients et démontage des panneaux publicitaires) en sorte qu'il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant débouté Monsieur [R] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement en raison de son état de santé et des demandes subséquentes relatives à sa réintégration dans les effectifs de la société et à la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts.

Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle :

Si la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche à Monsieur [R] des insuffisances professionnelles, en n'ayant pas utilisé les outils mis à sa disposition, en établissant un nombre insuffisant de devis (pièce n°17) elle évoque également une insuffisance de résultats conséquence de cette insuffisance professionnelle puisqu'elle reproche à celui-ci de ne pas avoir atteint ses objectifs de chiffre d'affaires en 2013 (72,77% de celui-ci) en 2014 (62,73%) soit un chiffre d'affaires de 448.435 euros au lieu des 714.857 euros attendus (pièces n°10 à 14), l'employeur justifiant ainsi en pièce n°27 qu'avec 62,73% de son objectif en CA , le salarié était très en dessous des objectifs atteints par les deux commerciales de son secteur (110,59% pour Madame [X] et 128,36% pour Madame [M]) (pièce n°27), que son pourcentage de chiffre d'affaires s'est encore détérioré sur la période suivante achevée le 6 février 2015, ses résultats étant inférieurs de 76 % à ceux de ses collègues (pièce n°11) et était très inférieur à celui réalisé par sa remplaçante Madame [T] (pièce n°29).

Alors que la société Clear Channel France reproche à Monsieur [R] d'avoir développé un chiffre d'affaires inférieur à ses objectifs sur les six derniers trimestres (c'est à dire depuis mi-2013) force est cependant de constater d'une part que certaines des pièces produites par Monsieur [R] contredisent ce constat d'insuffisance professionnelle et d'autre part que l'employeur n'établit pas avoir effectivement et durablement mis en place un accompagnement spécifique afin d'aider son salarié dans les techniques commerciales employées par ce dernier.

En effet, il résulte d'un courriel de M. [G], manager, adressé le 17 février 2014 à ses responsables de clientèle et commerciaux (pièce n°26) à propos du chiffre d'affaires de la semaine qu'il félicitait Monsieur [R] de sa performance (second sur 13 avec 24.225 €, [V] [F] étant quant à lui à -3.212,59€).

Dans le cadre de l'entretien de performance Cadres de Février 2014 (pièce n°6 du salarié), qui constatait notamment que l'objectif total fixé pour l'année de 714.857€ n'avait pas été atteint par Monsieur [R], M. [G], son manager, avait pourtant coché la case 'Atteint les attentes' et évaluait les performances de l'année 2013 en indiquant 'Bonne performance globale' en précisant axes de progrès pour 2014 : Digital et Cp Mobilier Urbain.

Le 21 mai suivant (pièce n°26), M. [G] félicitait notamment Monsieur [R] , le plus gros contributeur de la semaine avec 45.000 € .

De même, par courriel du 22 décembre 2014, soit un mois avant sa convocation à un entretien préalable au licenciement, Monsieur [R] se situait dans les huit premiers des résultats du Challenge Q4 (pièce n°28) soit 6ème sur 30 salariés et a, ce titre, était félicité par M. [G] qui se réjouissait que l'équipe Nord ait placé 5 commerciaux dans les 8 premiers soit 63% des gagnants.

S'agissant des reproches adressés à Monsieur [R] relatifs à l'absence d'usage des outils notamment CAST, il doit être relevé que M. [G] (Pièce n°25-b du salarié) dans un courriel adressé aux 16 commerciaux le 7 novembre 2014 leur indiquait que : 'sur l'ensemble de l'équipe, seul [C] avait intégré les différentes formations CAST ce dernier réalisant à lui seul 87% des dossiers CAST, ensuite Davis avec 3 dossiers et Florence avec 1 en octobre' et'avouait qu'il était déçu du résultat avec les efforts déployés avec le Marketing pour vous former'.

De fait, il résulte de la lecture de la pièce n°44 produite par l'employeur que trois jours de formation Cast ont été programmés durant l'année 2014, les 13/01/2014, 17/02/2014 et 10/06/2014 en direction des 16 commerciaux de sorte qu'ainsi qu'il le soutient, Monsieur [R] n'était pas le seul à ne pas utiliser cet outil.

Il se déduit également de la lecture de l'ensemble des pièces produites par la société Clear Channel France qu'alors que les résultats de Monsieur [R] étaient, selon elle, insuffisants au moins depuis fin 2013, l'employeur ne verse aux débats qu'une seule fiche d'accompagnement de Monsieur [R] réalisée le 24 avril 2014 par M. [H] (pièce n°45) qui relève les difficultés de ce dernier à cadrer l'entretien avec un représentant de SKODA VALAUTO ainsi qu'une proposition globale 'désordonnée'.

Ainsi alors que ce constat de difficultés dans l'exercice de ses fonctions nécessitait un accompagnement dans la durée du salarié, l'employeur verse uniquement aux débats 7 mails adressés par M. [G] à Monsieur [R] (pièce n°44) le convoquant en vue du suivi base prospection Affiservice le 26 septembre 2014 et de ses entretiens annuels de performance, d'objectifs , de suivi de portefeuille les, 5/03/2014, 3/09/2014 et 26 septembre 2014, 6/10/2014.

Cependant, aucun compte rendu de ces différents entretiens n'étant produits par la société Clear Channel France, s'agissant au surplus d'entretiens obligatoires, celle-ci n'établit pas qu'il s'agissait effectivement là de l'accompagnement mis en oeuvre par l'employeur auprès d'un salarié en difficulté, les dix-huit autres mails de convocation à des formations aux outils Cast, Aloha et AMT étant adressés à tous les commerciaux et non au seul Monsieur [R] et l'accompagnement spécifique de Monsieur [R] par M. [G] du 14 au 17 janvier 2014 ne résultant d'aucune pièce.

Contrairement à l'interprétation qu'en a faite la société Clear Channel France, le Conseil de Prud'hommes de Lille ne lui a pas reproché de ne pas avoir sanctionné Monsieur [R] préalablement à son licenciement mais uniquement de ne pas avoir justifié de la réalité de l'accompagnement qu'elle a prétendu avoir mis en oeuvre au profit de ce dernier dans la lettre de licenciement et dont l'échec l'aurait ainsi amenée à envisager son licenciement pour insuffisance professionnelle.

En ne versant aux débats aucun autre document que ceux sus-évoqués qui ne prouvent pas la réalité d'un accompagnement effectif et durable de Monsieur [R] dans ses difficultés professionnelles pourtant évoqué dans la lettre de licenciement, la société Clear Channel France a privé le licenciement de Monsieur [O] cause réelle et sérieuse, les dispositions du jugement entrepris étant ainsi confirmées.

Compte tenu de l'âge de Monsieur [R] (44 ans), de son ancienneté de huit années au sein de l'entreprise, de la période de maladie puis de chômage qui a suivi son licenciement (allocation de retour à l'emploi perçu à compter du 24 mars 2016) des difficultés de ce dernier à retrouver un emploi, de son salaire moyen de 3.421,89 €, il y a lieu par réformation partielle du jugement entrepris de condamner la société Clear Channel France à lui régler une somme de 32.500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la convention de forfait-jours:

En application des dispositions des articles L. 3121-55, L.3121-63 et L.3121-64 du code du travail la mise en place de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année, convention passée par écrit et requérant l'accord du salarié, est subordonnée à la conclusion d'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut de branche qui détermine notamment:

- les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention de forfait;

- le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait;

- s'il autorise la conclusion de forfait en jours des clauses supplémentaires en matière de suivi de la charge de travail des salariés...

Ainsi l'employeur est tenu de s'assurer régulièrement que la charge de travail du salarié soumis à une convention de forfait est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de travail.

L'accord collectif autorisant la mise en place de forfaits en jours doit fixer les modalités selon lesquelles :

- l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié,

- l'employeur et le salarié échangent périodiquement sur la charge de travail du salarié, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération ainsi que l'organisation du travail dans l'entreprise.

Il résulte de ces dispositions que l'accord collectif doit protéger la santé et la sécurité des salariés en garantissant le respect des durées raisonnables de travail et des repos journaliers et hebdomadaires ainsi que le caractère raisonnable de l'amplitude de la charge de travail et une bonne répartition du travail dans le temps.

Enfin, les accords collectifs conclus avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 doivent prévoir lesdites modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés. A défaut les conventions individuelles de forfait sont nulles.

En l'espèce, Monsieur [R] a soutenu que le forfait jours qu'il avait signé était fondé sur un accord d'entreprise conclu le 21 juin 2000 (pièce n°37) dit 'Accord 35 h Dauphin Affichage' qui ne prévoyait aucune modalité de suivi et d'évaluation de la charge de travail du salarié, ni aucune disposition sur la communication périodique de la charge de travail et l'articulation vie professionnelle/vie personnelle et que la stipulation prévue à l'article 3.2.3-page 7 de cet accord prévoyant la mise à disposition des personnels d'un système leur permettant de déclarer mensuellement leur temps était insuffisant et rendait nul le forfait jours du salarié.

A titre complémentaire, il a précisé que ce même accord contenait une seconde irrégularité dans la mesure où il ne visait pas la catégorie des commerciaux ou responsables de clientèles à laquelle il appartenait.

En réponse, la société Clear Channel France a contesté l'argumentation développée par Monsieur [R] faisant valoir qu'elle avait mis en place le contrôle de la durée maximale raisonnable du travail en organisant chaque année un entretien de suivi de la charge de travail lors de l'entretien professionnel de développement annuel réalisé par le manager du salarié (pièces n°20 et 21) en contrôlant le respect de la durée maximale raisonnable de travail à l'égard des cadres autonomes (un repos quotidien de 11 heures consécutives minimum par jour, un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 35 heures consécutives).

Elle a soulevé la mauvaise foi du salarié qui prétendait que la catégorie professionnelle à laquelle il appartenait n'aurait pas été visée par l'article 3.1 de l'accord Dauphin du 21 janvier 2000 alors que la liste à laquelle il se référait n'était pas limitée aux fonctions de chefs de service, cadres experts et chefs d'agence mais comme l'établissait l'utilisation des points de suspension (...') avait vocation à s'appliquer à tous les cadres dont l'horaire ne pouvait être déterminé et a rappelé qu'aux termes de l'article L.3121-58 du code du travail, les salariés disposant d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, comme c'était le cas de l'activité commerciale, pouvait aussi conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l'année.

L'accord 35H Dauphin Affichage a prévu :

- en son article 2.1 que le 'décompte du temps de travail restait horaire à l'exception de certains cadres pour lesquels le temps de travail est décompté en journées comme indiqué au chapitre 3 du présent accord ';

- en son article 3.1. concernant les modalités d'application de la réduction du temps de travail que les cadres dont l'horaire ne pouvait être déterminé 'du fait de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et du degré d'autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps verront leur temps de travail géré en fonction du nombre de jours travaillés : soit 209 jours.

Il s'agit :

- des chefs de service;

- des cadres 'experts;

- des chefs d'agence;

...................'

- au chapitre 6 concernant les modalités de suivi du temps de travail :

'Dauphin met à la disposition des personnels un système leur permettent de déclarer mensuellement leur temps. Cette déclaration est signée par le salarié et son supérieur hiérarchique'.

Le contrat de travail signé par Monsieur [R] prévoit dans son article 5 que 'la durée du travail est fixée par les accords et dispositions en vigueur pour la catégorie des cadres autonomes pour laquelle est prévue la conclusion de forfait en jours, catégorie à laquelle appartient compte tenu des caractéristiques de l'emploi [Y] [R].....lequel reconnaît que ses horaires de travail ne peuvent être prédéterminées du fait de la nature de ses fonctions, de son niveau de responsabilité, de son degré d'autonomie'. (attaché commercial statut cadre puis responsable de clientèle pièces n°1-3 et 2-3).

Ce faisant, il ne peut qu'être relevé que la clause figurant dans l'accord collectif du 21 janvier 2000 ne détaille pas les modalités du système de décompte du temps de travail individuel du salarié et ne prévoit pas la manière dont la hiérarchie est informée d'un éventuel dépassement par le salarié des durées maximales de travail et/ou d'une insuffisance des durées de repos journalier et hebdomadaire alors que le salarié verse aux débats différents extraits de compte-rendus de réunions du Comité d'entreprise dont celui du 14 mars 2014 (pièce n°38) dont il résulte en page 56 'qu'il n'y avait pas de contrôle des horaires du temps de travail des cadres' et celui du 29 avril 2015 confirmant 'nous n'avons pas d'outil de gestion des temps de travail' (pièce n°39) et que l'employeur ne démontre pas avoir fait usage dans la situation de Monsieur [R] de la partie 5 de la trame de l'entretien professionnel annuel de développement qu'il produit (pièces n°20 et 21) censée porter sur la charge de travail équilibre vie professionnel/vie personnel des cadres au forfait en sorte que par confirmation des dispositions du jugement entrepris, il convient de dire que la convention de forfait jours est nulle et en conséquence inopposable à Monsieur [R], le décompte du temps de travail s'effectuant en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies par application des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail.

Sur les heures supplémentaires les congés payés y afférents et les repos compensateurs :

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

S'il résulte de l'article 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

L'exécution d'heures supplémentaires relevant du pouvoir de direction de l'employeur, le salarié ne peut les exécuter de sa propre autorité, celles-ci devant être accomplies à la demande de l'employeur ou avec son accord implicite.

En l'espèce, Monsieur [R] considérant en contradiction formelle avec les termes de son contrat de travail qu'il ne relevait pas de la catégorie des cadres (page 19 de ses écritures) se trouvait ainsi nécessairement soumis aux règles et procédures appliquées au sein de la société Clear Channel France à la réalisation des heures supplémentaires (pièce n°22 de l'employeur) lesquelles prévoyaient que 'constitue une heure supplémentaire toute heure de travail accomplie au-delà de la durée conventionnelle hebdomadaire de travail qui a fait l'objet d'une demande expresse préalable du manager'.

Or, Monsieur [R], qui sollicite le paiements d'heures supplémentaires outre les congés payés y afférents au titre des années 2012 à 2015 inclus ainsi que des rappels de salaires au titre des repos compensateurs pour les années 2014 et 2015 ne verse aux débats strictement aucune pièce étayant sa demande sur la période 2012 et 2013.

Au titre des années 2014 et 2015, il produit:

- un récapitulatif de son temps de travail sous la forme d'un décompte hebdomadaire des heures réalisées entre la 2ème semaine de l'année 2014 et la 9ème semaine de l'année 2015 (pièces n°40 A à 40 F et 41) ;

- un courrier que lui a adressé son employeur le 30 janvier 2014 lui communiquant son nouveau code d'accès au site de [Localité 8] (pièce n°42);

- douze courriels adressé à lui-même mais également aux autres commerciaux dès 8h00 le matin et après 20h00 parfois très tard dans la soirée et dans la nuit 22h53 00h22 (pièces n°70 à 80).

Ce faisant, il n'étaye pas suffisamment sa demande au titre des heures supplémentaires qu'il affirme avoir réalisées ne démontrant pas que celles-ci, à les supposer réalisées, lui ont été imposées par la nature et la quantité de travail demandé alors que le décompte produit, qui n'est conforté par aucun autre élément (agenda, attestation de témoins), ne contient strictement aucune précision sur l'organisation de sa journée et de sa semaine de travail et que la réalité des heures supplémentaires ne peut se déduire du fait pour le salarié de se trouver en possession du code d'accès de l'entreprise.

Il n'est pas davantage démontré que les heures supplémentaires alléguées aient été effectuées à la demande ou avec l'accord implicite de l'employeur, aucun mail de sa hiérarchie les autorisant à sa demande n'étant versé aux débats alors que le salarié ne prouve pas avoir réalisé les tâches qui lui étaient demandées dans les courriels qui lui étaient adressés tôt le matin ou tard le soir à réception des demandes.

Enfin, ainsi que l'a relevé à juste titre la juridiction prud'homale, Monsieur [R] ne justifie pas davantage avoir même seulement informé son employeur des heures supplémentaires effectuées depuis 2012 ni avoir réclamé leur paiement.

En conséquence, faute d'étayer suffisamment ses demandes formées au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs, il convient, par confirmation partielle du jugement entrepris, de débouter Monsieur [R] de celles-ci.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice causé par la nullité du forfait jours:

Monsieur [R] ne versant aux débats strictement aucun élément établissant la réalité du préjudice qu'il affirme avoir subi en raison de la nullité du forfait jours ne peut qu'être débouté de ce chef de cette demande formée pour la première fois en cause d'appel.

Sur le remboursement des indemnités chômage à Pôle emploi :

En application de l'article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail lorsque le salarié licencié a deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés le juge ordonne d'office le remboursement au pôle emploi concerné des allocations de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

La société Clear Channel France est condamnée à verser à Monsieur [R] une somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives au montant des dommages-intérêts accordés au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sont infirmées.

Statuant à nouveau :

Condamne la Société Clear Channel France à payer à Monsieur [R] une somme de Trente deux mille cinq cents (32.500) euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Y ajoutant :

Déboute Monsieur [R] de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice causé par la nullité de la convention de forfait jours.

Condamne la société Clear Channel France à rembourser au Pôle emploi les allocations de chômage versées à Monsieur [R] dans la proportion de six mois.

Condamne la Société Clear Channel France à payer à Monsieur [R] une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Société Clear Channel France aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

A. DI DIO V. SOULIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 17/02807
Date de la décision : 31/01/2020

Références :

Cour d'appel de Douai D1, arrêt n°17/02807 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-31;17.02807 ?
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