ARRÊT DU
29 Novembre 2019
N° 1942/19
N° RG 17/00407 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QPNO
PR/SST
RO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY
en date du
25 Janvier 2017
(RG 15/00128 -section 4)
GROSSE :
aux avocats
le 29/11/19
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [G] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me POLICELLA substitué par Me COISNE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
CARSAT NORD PICARDIE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Benoit GUERVILLE, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS :à l'audience publique du 05 Novembre 2019
Tenue par Patrick REMY
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Véronique MAGRO
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphane MEYER
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Béatrice REGNIER
: CONSEILLER
Patrick REMY
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
Prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2019, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Stéphane MEYER, Président et par Charlotte GERNEZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 21 février 2019, avec effet différé jusqu'au 9 juillet 2019
Après réouverture des débats ordonnée par la Cour dans son arrêt du 27 septembre 2019
M. [G] [F] est entré au service de la Caisse régionale d'assurances maladie Nord Picardie, devenue la Carsat Nord-Picardie (ci-après « la Carsat »), à compter du 1er juillet 1981 suite à l'obtention du concours d'entrée à la sécurité sociale.
Le 3 août 1987, grâce à l'obtention d'un examen le 30 octobre 1986, M. [F] a obtenu le poste de rédacteur.
En dernier lieu, M. [F] a occupé le poste de responsable de département imprimerie, niveau 8, coefficient 400 de la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale.
En décembre 2002, M. [F] a été élu conseiller prud'hommes.
A plusieurs reprises, M. [F] a été désigné délégué syndical par le syndicat CFE-CGC.
A partir de janvier 2010, M. [F] a connu de nombreux arrêts maladie en raison d'une importante pathologie.
A compter du mois de mars 2012, M. [F] n'a plus été en mesure de reprendre son activité professionnelle.
Le 6 novembre 2013, M. [F] s'est vu attribuer une pension d'invalidité de catégorie 2 à effet du 1er décembre 2013.
Au termes de deux visites de reprise du 3 juin 2014 et 19 juin 2014, M. [F] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail selon l'avis suivant :
« Inapte au poste, apte à un autre. 2 ème visite : inapte définitif au poste, confirmé car inapte à temps plein, aux efforts physiques et tâches d'encadrement.
Etude de poste effectuée.
Capacités restantes : temps partiel sédentaire, 10 à 12h/semaine en télétravail »
Le 22 août 2014, M. [F] s'est vu proposer un reclassement sur le poste de téléconseiller en plate-forme téléphonique à domicile de 10 à 12 h/semaine.
Le 1er septembre 2014, M. [F] a accepté le poste, puis s'est ravisé et l'a refusé le 1er octobre 2014.
Le 22 octobre 2014, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.
Lors de l'entretien préalable du 12 novembre 2014, M. [F] a confirmé son refus de la proposition de reclassement et a demandé que soit indiqué le montant des indemnités dont il serait bénéficiaire.
Le 17 novembre 2014, la Carsat a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation du licenciement pour inaptitude de M. [F] compte tenu de sa protection attachée au mandat de délégué syndical.
Le 11 décembre 2014, l'inspection du travail a, après enquête contradictoire, décidé de rejeter « le licenciement pour inaptitude de M. [F] pour incompétence matérielle » au motif que « le salarié n'exerce plus ses fonctions depuis plus d'un an » et « que ce faisant les conditions requises à l'article L.2411-3 du code du travail pour prétendre à la protection post mandat ne sont pas remplies, et que le salarié n'est donc plus protégé ».
Le 19 janvier 2015, M. [F] s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.
Le 8 juin 2015, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Lannoy.
Par jugement du 25 janvier 2017, auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties, le conseil de prud'hommes de Lannoy a :
- Dit que le licenciement de M. [F] pour inaptitude était régulier et justifié,
- Dit que la demande tendant au bénéfice des échelons d'avancement conventionnels n'était pas fondée,
- Débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins de prétentions,
- Débouté la Carsat Nord Picardie de sa demande au titre de l'article 700 du code de
procédure civile,
- Laissé aux parties la charge de leurs propres dépens.
M. [F] a interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée le 23 février 2017 .
Par un arrêt du 27 septembre 2019, auquel il y a lieu de se rapporter pour les motifs, les prétentions et moyens des parties , la cour de céans a :
Confirmé le jugement en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes relatives à la reconstitution de sa carrière intégrant l'avancement conventionnel prévu par l'article 32 de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale, au paiement d'un rappel de salaire à ce titre et de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail,
Et avant dire droit sur les autres demandes :
Ordonné la réouverture des débats à l'audience du 05 Novembre 2019 à 09 h 00 afin que les parties présentent leurs observations sur le moyen de droit soulevé d'office par la cour, selon lequel la contestation de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 11 décembre 2014 portant sur la protection du salarié au titre de son ancien mandat, manifestement entachée d'illégalité, peut être accueillie par le juge prud'homal qui peut ainsi écarter l'application de l'acte concerné et tirer les conséquences de la déclaration d'illégalité dans l'affaire pendante.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives après réouverture des débats déposées et notifiées le 4 novembre 2019, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. [F] demande à la cour de :
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit son licenciement régulier et justifié, en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes relatives à la nullité du licenciement et à l'article 700 du Code de Procédure Civile;
Statuant à nouveau et à titre principal :
Constater l'illégalité manifeste de la décision de l'inspecteur du travail du 11 décembre 2014,
Dire nul son licenciement ;
Condamner la CARSAT Nord Picardie à lui payer les sommes suivantes :
' 28.656,53 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis
' 2.865,65 € bruts au titre des congés payés afférents
' 1.194,02 € nets à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement
' 160.000,00 € nets à titre d'indemnité réparant le préjudice né du caractère illicite du licenciement
' 2.865,65 € nets à titre d'indemnité liée à la méconnaissance du statut protecteur
Condamner la CARSAT Nord Picardie à lui payer la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner la CARSAT Nord Picardie aux entiers dépens d'appel.
A titre subsidiaire,
Saisir la juridiction administrative compétente d'une question préjudicielle relative à la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 11 décembre 2014,
Surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir.
Aux termes de ses conclusions additionnelles sur réouverture des débats déposées et notifiées le 29 octobre 2019, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la Carsat Nord-Picardie demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL :
De considérer que la décision d'incompétence du 11 décembre 2014 n'est pas entachée d'une illégalité manifeste ;
De débouter, en conséquence, M. [F] de toute prétention à son endroit,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
De surseoir à statuer et de saisir la juridiction administrative compétente d'une question préjudicielle, au cas où elle viendrait à considérer que la décision administrative peut être considérée comme manifestement illégale,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
De constater que l'illégalité de la décision prise le 11 décembre 2014 par l'Inspecteur du Travail n'est pas la conséquence d'une faute qu'elle a commise,
De débouter M. [F] de toute prétention envers elle au titre de la prétendue illégalité de cette décision
EN TOUT ETAT DE CAUSE
De condamner M. [F] au versement de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
De condamner M. [F] au règlement de 3 000 euros pour procédure abusive
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de nullité du licenciement pour violation du statut protecteur :
M. [F] soutient que son mandat de délégué syndical a pris fin lors du premier tour des élections au comité d'entreprise le 6 février 2014, le syndicat qui l'a désigné n'ayant pas recueilli les 10% des suffrages exigés, mais qu'étant lui-même resté en fonction pendant un an, il bénéficie d'une protection post-mandat pendant 12 mois, soit jusqu'au 6 février 2015, de sorte que son licenciement ne pouvait intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'il a été licencié sans autorisation, sur la base d'une analyse juridique erronée de l'inspection du travail, puisque l'arrêt de travail pour maladie ou la reconnaissance de son invalidité n'avaient pas mis fin au mandat ; que la Carsat avait d'ailleurs sollicité l'autorisation et n'a elle-même pas compris la décision de l'inspection du travail ; qu'il appartenait à la Carsat de contester cette décision de « rejet » que lui-même n'avait aucun intérêt à contester ; que la Carsat l'a d'ailleurs licencié avant l'expiration du délai de recours contre la décision de l'inspection.
M. [F] ajoute en réponse à la réouverture des débats qu'en l'espèce l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail est manifeste puisque ce dernier s'est déclaré incompétent pour autoriser son licenciement alors même qu'il bénéficiait toujours d'une protection au titre de son ancien mandat, comme l'employeur le reconnaît lui-même dans la demande d'autorisation puis dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. En effet, il est de jurisprudence constante que la suspension du contrat de travail pour cause de maladie ne suspend, ni ne met fin au mandat et à la protection qui en résulte, indépendamment même de l'exercice du mandat. L'illégalité est donc manifeste et le licenciement est nul.
La Carsat Nord Picardie objecte que la décision de l'inspection du travail est en l'espèce une décision d'incompétence matérielle qui oblige, en cas de contestation sérieuse de sa légalité, le juge judiciaire à surseoir à statuer, sans pouvoir dans ce cas lui-même l'écarter.
En outre, la Carsat Nord Picardie a souligné à différentes reprises que le bénéfice de la protection post-mandat n'était pas acquise en l'espèce, faute pour M. [F] d'avoir exercé son mandat pendant les 12 mois imposés par le législateur, ce qui montre à tout le moins que la décision de l'inspecteur du travail ne saurait être considérée comme « manifestement illégale ».
La décision d'incompétence du 11 décembre 2014 n'étant pas entachée d'une illégalité manifeste, M. [F] doit être débouté de toute prétention. A titre subsidiaire, le juge judiciaire doit surseoir à statuer.
La Carsat Nord Picardie ajoute, à titre infiniment subsidiaire, que dans le cas où le juge déclare illégale une décision administrative, celle-ci ne produit pas les mêmes effets que l'annulation d'une telle décision, l'illégalité ne remettant pas en cause la validité de la rupture du contrat de travail. Dans ce cas, le juge ne peut réparer le préjudice subi par le salarié que si l'illégalité de la décision rendue est la conséquence directe d'une faute de l'employeur. Or, en l'espèce, M. [F] ne conteste même pas la cause réelle et sérieuse de son licenciement pour inaptitude non professionnelle avec impossibilité de reclassement, il réfute seulement la motivation rendue par l'inspecteur du travail. L'illégalité de la décision d'incompétence rendue par l'inspection du travail n'est pas la conséquence directe d'une faute de l'employeur et procède uniquement d'une analyse de la réglementation par l'administration du travail. Et s'agissant enfin de l'évaluation du préjudice, M. [F] a refusé un poste de reclassement qui était parfaitement adapté, a obtenu 80 000 euros à titre d'indemnité de licenciement et ne produit aucun élément susceptible de justifier de son préjudice.
S'agissant de la possibilité pour le juge judiciaire d'écarter la décision de l'inspecteur du travail et de trancher le litige
En vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique.
De même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire.
Toutefois, ces principes doivent être conciliés tant avec l'exigence de bonne administration de la justice qu'avec les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable.
Ainsi, si en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît clairement, au vu notamment d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal, notamment parce que l'illégalité de l'acte est manifeste.
Sur l'incidence de l'objet de la contestation sérieuse : la décision d'incompétence matérielle de l'inspecteur du travail
La cour précise d'abord que, contrairement à ce que soutient la Carsat, la possibilité pour le juge judiciaire d'accueillir la contestation sérieuse de la légalité d'un acte administratif, telle qu'elle est rappelée ci-dessus par le tribunal des conflits, ne distingue pas entre les actes administratifs en cause et n'exclut pas, en particulier, les décisions d'incompétence matérielle de l'administration.
Les décisions de la cour de cassation que la Carsat invoque à l'appui de sa thèse se contentent en effet de rappeler, en présence de décisions d'incompétence matérielle de l'inspection du travail, qu'en application du principe de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut juger que le salarié est malgré tout protégé, sans, d'abord, apprécier le caractère sérieux de la contestation de la légalité de l'acte administratif et sans, ensuite, vérifier si l'examen de l'illégalité éventuelle était nécessaire à la solution du litige.
Une fois ces conditions préalables réunies, le juge judiciaire doit alors, en principe, surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative saisie de l'exception d'illégalité et ce qui vaut pour une décision d'incompétence négative vaut pour tout acte administratif.
Mais de la même façon, une fois que ces deux conditions préalables sont réunies, le juge judiciaire peut, pour tout acte administratif y compris donc pour une décision administrative d'incompétence négative, accueillir la contestation par hypothèse sérieuse, lorsqu'il apparaît clairement, au vu notamment d'une jurisprudence établie, qu'elle peut l'être, notamment parce que l'illégalité de l'acte est manifeste.
La cour en déduit que le moyen de la Carsat, qui admet ce faisant que la contestation était en l'espèce sérieuse, est inopérant.
Sur la contestation sérieuse de la légalité de la décision et le fait qu'elle puisse clairement être accueillie, notamment au vu d'une jurisprudence établie, en raison de son caractère manifestement illégal
L'article L.2411-3 du code du travail dispose que « le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an ».
Aux termes de l'article L.2143-11 du code du travail dans sa version de la loi du 5 mars 2014, le mandat de délégué syndical prend fin au plus tard lors du premier tour des élections de l'institution représentative du personnel renouvelant l'institution dont l'élection avait permis de reconnaître la représentativité de l'organisation syndicale l'ayant désigné.
Il est toutefois constant que le mandat du délégué syndical peut cesser pour d'autres raisons, dont, entre autres, le score électoral insuffisant du délégué aux élections professionnelles suivantes, le départ du salarié de l'entreprise, la révocation par le syndicat du mandat, la démission par le délégué de ses fonctions du délégué syndical, la diminution des effectifs de l'entreprise en dessous de 50 salariés.
En tout cas, il résulte d'une jurisprudence bien établie que ni la maladie, ni l'inaptitude du salarié, ni son classement en invalidité 2ème catégorie n'ont pour effet de faire cesser son mandat au délégué syndical, et ceci alors même que son contrat de travail peut être suspendu pour ces raisons.
En outre, il résulte d'une jurisprudence tout aussi établie que le délégué syndical bénéficie de sa protection indépendamment du fait qu'il l'exerce effectivement ou non.
En l'espèce, après que M. [F] a été déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue de la seconde visite de reprise du 19 juin 2014, l'employeur a saisi, le 17 novembre 2014, l'inspection du travail d'une demande d'autorisation du licenciement compte tenu de la protection attachée au mandat de délégué syndical.
Le 11 décembre 2014, l'inspection du travail a, après enquête contradictoire, décidé que le licenciement pour inaptitude de M. [F] devait être « rejeté pour incompétence matérielle » selon les termes employés dans le dispositif de la décision.
En effet, l'inspection du travail a considéré, dans les motifs de sa décision, que « le salarié n'exerce plus ses fonctions depuis plus d'un an » et « que ce faisant les conditions requises à l'article L.2411-3 du code du travail pour prétendre à la protection post mandat ne sont pas remplies, et que le salarié n'est donc plus protégé ».
M. [F] s'est ensuite vu notifier son licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.
La lettre de licenciement du 19 janvier 2015, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellé :
« Vous avez été déclaré physiquement inapte à votre poste de Responsable de Département (IMPRIMERIE) par le Docteur [S] [E], Médecin du Travail, à la suite de 2 visites médicales effectuées les 3 et 19 juin 2014 dans le cadre de l'article R. 4624-31 du Code du Travail, «.mais apte à un poste sédentaire, à temps partiel (10 à12 H), en télétravail, excluant les efforts physiques et les tâches d'encadrement ».
S'agissant d'une inaptitude totale et définitive à votre poste de travail, le Directeur des Ressources Humaines, Madame [X], a recherché, au regard des précisions apportées par le Médecin du Travail, un poste répondant à ses préconisations, au sein des Organismes de Sécurité Sociale dont bien évidemment le nôtre.
Si aucune proposition ne nous est parvenue de l'extérieur, une solution a été trouvée au sein de l'Organisme par la Direction qui prenait en compte, en tous points, les conclusions du Médecin du Travail, à savoir : un poste de téléconseiller en plate-forme téléphonique (12 H / semaine) à domicile.
Elle vous a été communiquée par courrier RAR du 22 août 2014. Vous y avez, dans un 1er temps, réservé une suite favorable par courrier RAR du 1er septembre 2014, sous réserve que nous vous apportions des réponses aux 2 observations que vous aviez formulées.
Ces réserves ont été levées dans notre réponse par courrier RAR du 17 septembre 2014 auquel vous avez réservé cette suite par courrier RAR du 1er octobre 2014 : « ...après mûres réflexions, j'ai finalement décidé de refuser le poste proposé ».
J'ai donc été contraint de tirer les conséquences de votre refus, que vous étiez tout à fait en droit de m'opposer, dans la mesure où la proposition de reclassement emportait une modification de votre contrat de travail même si elle répondait strictement et complètement par ailleurs aux exigences d'ordre médical.
Une procédure de licenciement a donc été engagée à votre encontre au regard de l'impossibilité de pouvoir vous reclasser dans le prolongement de la déclaration d'inaptitude.
Dans le cadre de l'entretien préalable qui s'est déroulé le 22 novembre 2014, conformément aux dispositions de l'article L 1232-2 du Code du Travail, durant lequel vous avez été assisté par Monsieur [Z] [M] (élu et mandaté du Syndicat SUD), vous avez confirmé le caractère définitif de votre décision de refus de la proposition de reclassement sans donner d'explication à cet égard.
Après cet entretien, j'ai saisi l'inspectrice du Travail afin d'obtenir l'autorisation de procéder à votre licenciement puisque vous aviez, pour la CARSAT, la qualité de salarié protégé au regard de votre mandat de DS, mandat que vous n'exerciez plus certes depuis les dernières élections, votre Organisation Syndicale n'étant plus représentative, mais cette protection s'inscrivait dans la période de protection post-mandat d'un an, les élections professionnelles s'étant déroulées en février 2014.
Madame [U] [C], Inspectrice du Travail, qui a été appelée à examiner votre dossier a cependant décidé de : « rejeter votre licenciement pour inaptitude pour incompétence matérielle » au motif que vous étiez hors période de protection dans la mesure où vous avez été reconnu en invalidité 2eme catégorie par la CPAM le 1er décembre 2013, date à laquelle vous avez cessé pour elle d'exercer toute activité professionnelle et que, de facto, vous n'étiez plus dans la période de protection post-mandat depuis le 30 novembre 2014. C'est du moins dans ce sens que nous avons analysé sa décision.
Or, ce qui nous avait conduit malgré tout à solliciter cette autorisation, c'est que vous aviez continué à bénéficier des dispositions de l'article 41 de la Convention Collective après cette mise en invalidité et ce, jusqu'au 29 mai 2014.
Cela signifiait, pour nous, que la période de protection postmandat devait bien s'achever un an après l'issue de votre mandat et donc en février 2015.
Nous n'allons pas pour autant contester la décision de l'Inspectrice du Travail dans la mesure où, d'une part, vous ne voulez pas reprendre une activité professionnelle au sein de l'Organisme et où, d'autre part, je peux désormais, comme vous le souhaitez par ailleurs, procéder à votre licenciement pour impossibilité, comme rappelé supra, de vous reclasser dans le prolongement de la déclaration d'inaptitude. Cette mesure de licenciement, objet du présent courrier, prendra effet à la date de la 1re présentation de ce courrier et c'est à cette date que vous cesserez de faire partie des effectifs de l'Organisme. En effet, le préavis n'est pas exécuté et son inexécution ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice. »
Il ressort d'abord de la décision du 11 décembre 2014 de l'inspection du travail qu'il s'agit bien d' une décision par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'examiner la demande d'autorisation de licenciement du salarié au motif que ce dernier ne bénéficiait plus du statut protecteur.
Et si l'inspecteur du travail a jugé que M. [F] ne bénéficiait plus de son statut protecteur, c'est parce qu'il a considéré que M. [F] avait été reconnu en invalidité 2eme catégorie par la CPAM le 1er décembre 2013, qu'il avait donc cessé d'exercer toute activité professionnelle à cette date et qu'en conséquence, il n'était plus dans la période de protection post-mandat un an plus tard, à savoir depuis le 30 novembre 2014.
Or, l'arrêt maladie et l'invalidité du salarié sont une cause de suspension du contrat, mais pas une cause de suspension et encore moins de cessation du mandat.
Ce faisant, la contestation par M. [F] de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail est sérieuse.
En l'espèce, il est acquis que le mandat de délégué syndical de M. [F] a cessé en février 2014 avec l'organisation des élections professionnelles au terme desquelles le syndicat qui l'a désigné, la CFE CGC, a perdu sa représentativité.
Aussi, si M. [F] a été reconnu en invalidité 2eme catégorie par la CPAM le 1er décembre 2013, cette reconnaissance n'a ni suspendu, ni mi fin au mandat dont il était titulaire, peu important qu'il ne l'ait pas exercé, de telle sorte qu'il n'a perdu son mandat que le 6 février 2014, date des élections professionnelles au terme desquelles le syndicat qui l'a désigné, la CFE-CGC, a perdu sa représentativité.
Il en résulte que la période de protection post-mandat de M. [F] devait s'achever un an après, soit en février 2015, de telle sorte qu'au moment du licenciement l'autorisation était requise.
M. [F] soutenant que son licenciement devait être annulé faute d'avoir été autorisé par l'administration, la cour en déduit qu'en plus d'être sérieuse, la contestation de la légalité de la décision porte sur une question nécessaire à la solution du litige.
La cour ajoute qu'au regard de la jurisprudence établie sur le sujet, la décision de l'inspection du travail est en l'espèce manifestement illégale.
Et c'est en vain que la Carsat soutient désormais que la décision d'incompétence matérielle du 11 décembre 2014 de l'inspecteur du travail ne serait pas entachée d'une illégalité manifeste.
Sur le caractère inopérant de l'argumentation contraire de la Carsat
En substance, la Carsat fait valoir qu'elle a souligné à différentes reprises lors de la procédure prud'homale que le bénéfice de la protection post-mandat d'un an de M. [F] n'allait pas de soi, notamment à raison de la condition d'exercice de 12 mois imposée par le législateur.
Plus précisément, la Carsat se prévaut de ce que M. [F] a été désigné délégué syndical le 25 juin 2013 pour en déduire que son mandat ayant cessé en février 2014, il n'a pas exercé ces fonctions pendant au moins un an comme l'exige l'article L.2411-3 du code du travail, de telle sorte qu'il ne pouvait pas bénéficier de la protection post-mandat de 12 mois.
Selon la Carsat, ce sont de tels motifs qui expliqueraient que l'inspecteur du travail se soit déclaré incompétent matériellement.
Or, la loi exigeant expressément et clairement à l'article L.2411-3 du code du travail précité l'exercice pendant un an de son mandat par le délégué syndical pour qu'il puisse bénéficier de la protection post-mandat d'un an, la décision de l'inspection du travail ne serait pas manifestement illégale.
Cette argumentation de la Carsat est inopérante à plusieurs titres.
D'abord, jusqu'à cette argumentation, la Carsat a elle-même toujours soutenu que M. [F] était protégé au titre de sa période de protection post mandat.
Ainsi, dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, la Carsat a elle-même continué à indiquer à M. [F], nonobstant la décision contraire de l'inspection du travail, « que la période de protection postmandat devait bien s'achever un an après l'issue de votre mandat et donc en février 2015 ».
Analysant la décision de l'inspecteur du travail, la Carsat a même indiqué à M. [F], toujours dans la lettre de licenciement, que, selon elle, si l'inspecteur du travail a jugé que M. [F] ne bénéficiait plus de son statut protecteur, c'est parce qu'il a considéré que M. [F] avait été reconnu en invalidité 2eme catégorie par la CPAM le 1er décembre 2013, qu'il avait donc cessé d'exercer toute activité professionnelle à cette date et qu'en conséquence, il n'était plus dans la période de protection post-mandat depuis le 30 novembre 2014.
Ce faisant, la Carsat a elle-même pointé l'illégalité manifeste de la décision de l'inspecteur du travail.
A telle enseigne que toujours dans la lettre de licenciement, la Carsat concède à M. [F] qu'elle devait donc contester cette décision de l'inspecteur du travail.
Elle précise toutefois à M. [F] que si elle n'a pas pour autant contesté la décision de l'Inspectrice, c'est uniquement parce que M. [F] ne voulait pas reprendre une activité professionnelle au sein de l'Organisme et parce qu'elle pouvait désormais, comme il le souhaitait par ailleurs, procéder à son licenciement pour impossibilité de reclassement dans le prolongement de la déclaration d'inaptitude.
Or, de tels motifs pour justifier l'absence de recours sont radicalement inopérants.
En effet, la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée par le législateur au profit de salariés investis de fonctions représentatives signifie que, sauf volonté non équivoque de démissionner du salarié, le contrat de travail d'un tel salarié ne peut être rompu que par un licenciement soumis aux formalités protectrices.
La cour en conclut que nul ne pouvant se contredire au détriment d'autrui, la Carsat ne peut a posteriori et, au mépris de ce qu'elle a mentionné dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, soutenir que M. [F] n'était pas protégé, faute de remplir la condition d'exercice d'un an, pour bénéficier de la protection post mandat.
Une telle argumentation est d'autant plus inopérante que, conformément à l'analyse de la Carsat dans la lettre de licenciement, de tels motifs ne s'évincent nullement de la décision de l'inspecteur du travail, laquelle n'exige d'ailleurs aucune interprétation.
En effet, l'inspectrice du travail a écrit non pas que « le salarié n'a pas exercé ses fonctions pendant un an », mais que « le salarié n'exerce plus ses fonctions depuis plus d'un an ».
En tout état de cause, l'argumentation développée a posteriori par la Carsat pour dire que M. [F] n'a pas exercé son mandat pendant un an au moins et qu'il ne pouvait donc bénéficier d'une protection post mandat, ne peut être retenue en l'espèce.
Il ressort des pièces versées aux débats que M. [F] a été désigné Délégué syndical par la CGC à plusieurs reprises, soit le 23 février 2011, le 10 février 2012 et le 25 juin 2013.
Or, il résulte aussi de l'article L.2411-3 du code du travail que lorsqu'un délégué syndical a exercé plusieurs mandats successifs, le bénéfice de la protection complémentaire est fonction de la durée du dernier mandat, et non de la durée cumulée des mandats exercés.
Ainsi, selon la Carsat, la désignation du 25 juin 2013 de M. [F] comme délégué syndical est une nouvelle désignation, autonome des précédentes, de sorte que ce dernier mandat ayant duré moins d'un an au moment où il a cessé en février 2014, M. [F] n'a pas pu bénéficier d'une période post mandat de 12 mois.
Au soutien de sa thèse, la Carsat verse plusieurs éléments aux débats :
Ainsi, il ressort d'un mail du 15 janvier 2013 de Mme [X], Directeur des ressources humaines de la Carsat, qu'elle a « rencontré ce jour M. [F]. Ce dernier m'a indiqué qu'il ne se représentait plus comme délégués syndical à la CFE CGC ».
Ensuite, il ressort d'un tableau versé aux débats par la Carsat « récapitulatif des heures de mandat prises par M. [F] de 2011 à 2014 » que M. [F] a, au titre de son seul mandat de DS, pris 77,54 heures en 2011, 40 heures en 2012, 11 heures en 2013 et aucune heure en 2014 et d'un autre tableau que les heures de 2012 ont été prises sur les seuls mois de janvier (20 heures) et février 2012 (20 heures).
La cour rappelle toutefois que le fait que M. [F] n'ait pas exercé son mandat pendant que celui-ci était en cours ne l'empêche pas d'être protégé.
La cour constate surtout qu' aucune cause de cessation des mandats précédents et résultant des désignations du 23 février 2011 et du 10 février 2012 n'est indiquée.
La cour en déduit que ces désignations successives par le syndicat ne sont que des confirmations, non créatrices de droit, d'une seule et même désignation du 23 février 2011 pour un seul et même mandat qui s'est poursuivi.
La cour en conclut que M. [F] ayant exercé un seul et même mandat pendant plus d'un an à la date de sa cessation en février 2014, il pouvait alors bénéficier de la protection complémentaire de 12 mois et la Carsat était donc tenue de solliciter, comme elle l'a d'ailleurs fait, et d'obtenir l'autorisation de l'inspection du travail pour le licencier.
Aux termes de l'analyse de l'ensemble des arguments et pièces versés aux débats par les parties, la cour conclut que la contestation de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail est sérieuse, que l'illégalité de la décision est manifeste en présence notamment d'une jurisprudence établie sur la question et que, partant, la cour peut, dans le respect de la séparation des pouvoirs, accueillir cette contestation et en tirer les conséquences sur le litige qui lui est soumis.
En conséquence de quoi, la décision de l'inspecteur du travail du 11 décembre 2014 étant entachée d'une illégalité manifeste, elle doit en l'espèce être écartée, sans pouvoir être annulée pour autant.
S'agissant des conséquences de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail et de sa mise à l'écart sur le licenciement
M. [F] soutient que même si le juge judiciaire ne peut annuler la décision de l'inspecteur du travail, celle-ci étant manifestement illégale, le licenciement doit être annulé dès lors qu'il a été prononcé sans autorisation, avec les conséquences qui en résultent sur le plan indemnitaire.
La Carsat objecte que dans le cas où le juge déclare illégale une décision administrative, celle-ci ne produit pas les mêmes effets que l'annulation d'une telle décision et qu'il appartient au juge judiciaire de statuer sur la cause réelle et sérieuse de licenciement et de réparer le préjudice subi par le salarié si l'illégalité de la décision est la conséquence d'une faute de l'employeur.
Sur la nullité du licenciement
Il résulte de l'article L.2421-1 du code du travail que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée par le législateur au profit de salariés investis de fonctions représentatives interdit à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la rupture du contrat de travail et, sauf volonté non équivoque de démissionner, le contrat de travail d'un tel salarié ne peut être rompu que par un licenciement soumis aux formalités protectrices.
En outre, lorsque la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif, il appartient au juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, de réparer le préjudice subi par le salarié, si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence de la faute de l'employeur.
En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement de M. [F] que si la Carsat a sollicité l'autorisation de licencier M. [F], l'inspecteur du travail ne la lui a pas accordée, mais a, au contraire, rejeté sa demande pour incompétence matérielle.
Il ressort également de la lettre de licenciement que la Carsat a alors renoncé à exercer un recours contre cette décision illégale de l'inspecteur du travail et qu'elle a malgré tout licencié M. [F] au motif, d'une part, qu'il ne voulait pas reprendre une activité professionnelle au sein de l'organisme et, d'autre part, qu'elle pouvait procéder à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement comme il le souhaitait.
La cour relève qu'en l'absence de volonté non équivoque de M. [F] de démissionner, la Carsat ne pouvait, même avec son accord, le licencier sans autorisation de l'administration.
La cour en déduit qu'en licenciant M. [F] sans autorisation, la Carsat a violé la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun dont il bénéficiait dans l'intérêt des autres salariés et que son licenciement doit donc être annulé.
La cour ajoute que peu importe à cet égard que la décision de l'inspecteur du travail soit illégale et que cette illégalité ne soit pas la conséquence directe d'une faute de la Carsat, à charge en effet pour celle-ci d'engager alors la responsabilité de l'Etat pour la faute qu'il a commise.
Il y a lieu d'en conclure que le licenciement de M. [F] est nul.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières de l'annulation du licenciement
*l'indemnité compensatrice de préavis
Il y a lieu de condamner la Carsat à verser à M. [F] la somme qu'il réclame à ce titre, et dont le quantum n'est pas utilement contesté par la Carsat, à savoir la somme de 28 656,53 euros, ainsi que 2 865,65 au titre des congés payés afférents.
* le rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement
Il y a lieu de condamner la Carsat à verser à M. [F] la somme qu'il réclame à ce titre, et dont le quantum n'est pas utilement contesté par la Carsat, à savoir la somme de 1 194,02 euros.
*les dommages et intérêts réparant le préjudice né du caractère illicite du licenciement
Selon l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version alors en vigueur, le salarié protégé dont le contrat de travail est rompu sans autorisation et qui ne demande pas sa réintégration a droit, en plus de l'indemnité pour violation du statut protecteur, aux indemnités de rupture, ainsi qu'à une indemnité réparant le préjudice nécessairement subi du fait de son licenciement nul et au moins égale aux salaires des 6 derniers mois.
En considération de l'ancienneté de M. [F] (33 ans), de sa rémunération brute mensuelle (4 776 euros), de son âge (58 ans au moment de la rupture), de son placement en invalidité 2ème catégorie, mais aussi des allocations qu'il a perçues et de sa possibilité de faire valoir ses droits à la retraite à brève échéance, il convient de lui allouer la somme de 32 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son licenciement illicite.
*l'indemnité liée à la méconnaissance du statut protecteur
La sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur des représentants du personnel est la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours.
En l'espèce, M. [F] ayant été licencié le 19 janvier 2015 et sa protection s'achevant le 6 février 2015, il y a lieu de lui accorder la somme qu'il réclame à ce titre, et qui n'est pas utilement contestée par la Carsat, à savoir la somme de 2 865,65 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Compte tenu de l'issue du litige, il y a lieu de débouter la Carsat de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera infirmé de ces deux chefs et compte tenu de l'issue du litige, la Carsat sera en outre condamnée à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés en première instance et en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement après l'arrêt de la cour de céans du 27 septembre 2019 ayant ordonné la réouverture des débats sur le licenciement,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Lannoy du 25 janvier 2017
Statuant à nouveau et Y ajoutant,
Dit que la décision d'incompétence de l'inspection du travail du 11 décembre 2014 est entachée d'une illégalité manifeste,
Annule le licenciement de M. [G] [F],
Condamne la Carsat Nord Picardie à verser à M. [G] [F] les sommes suivantes :
' 28 656,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 2 865,65 au titre des congés payés afférents,
' 1 194,02 euros au titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,
' 32 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son licenciement illicite,
' 2 865,65 euros au titre d'indemnité liée à la violation du statut protecteur,
' 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [G] [F] du surplus de ses demandes,
Déboute la Carsat Nord Picardie de l'ensemble de ses demandes,
Condamne la Carsat Nord Picardie aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
C.GERNEZS. MEYER