La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2019 | FRANCE | N°16/03117

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 2, 29 novembre 2019, 16/03117


ARRÊT DU

29 Novembre 2019







N° 1960/19



N° RG 16/03117 - N° Portalis DBVT-V-B7A-P7J7



AM/SST

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

23 Juin 2016

(RG 15/301 -section 3)





































GROSSE <

br>


le 29/11/19



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-









APPELANTE :



SAS APEN

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Mme [Z] [J], juriste régulièrement mandaté



INTIMÉ :



M. [D] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jérôme WITKOWSKI, avocat au...

ARRÊT DU

29 Novembre 2019

N° 1960/19

N° RG 16/03117 - N° Portalis DBVT-V-B7A-P7J7

AM/SST

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

23 Juin 2016

(RG 15/301 -section 3)

GROSSE

le 29/11/19

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SAS APEN

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Mme [Z] [J], juriste régulièrement mandaté

INTIMÉ :

M. [D] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jérôme WITKOWSKI, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 08 Octobre 2019

Tenue par Alain MOUYSSET

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

Prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2019,les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Charlotte GERNEZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein M. [D] [L] a été embauché par la société APEN à compter du 9 novembre 2007 en qualité de maître chien.

Il a bénéficie à ce titre d'une carte professionnelle lui permettant d'exercer des fonctions d'agent de sécurité cynophile, étant précisé que le numéro d'identification du chien utilisé par le salarié était mentionné sur ladite carte.

À la suite d'un accident domestique, le salarié a été placé en arrêt de travail du mois de juin 2009 à juin 2011.

Par courrier en date du 24 octobre 2014 la société a indiqué au salarié avoir découvert lors d'un contrôle inopiné effectué sur le site où il était affecté, qu'il accomplissait ses missions avec un autre chien que celui visé par sa carte professionnelle, de sorte qu'elle lui a demandé de bien vouloir transmettre avant le 31 octobre 2014 l'ensemble des papiers relatifs à la situation de ce nouveau chien avec justification d'une autorisation préfectorale lui permettant de travailler avec ce dernier.

Le 26 octobre 2014 le salarié a adressé à son employeur un courrier dans lequel il a mentionné lui avoir indiqué à plusieurs reprises de manière orale le décès de son chien Sultan intervenu le 7 août 2014, en l'informant qu'il avait entamé des formalités auprès du conseil national des activités privées de sécurité ( CNAPS ) mais s'était heurté à un changement de législation imposant une nouvelle obligation de formation des agents cynophiles, nécessaire pour l'obtention de la carte professionnelle.

Il a également informé la société qu'il avait envoyé un dossier au CNAPS pour obtenir le renouvellement de sa carte professionnelle avec mention du nom de son nouveau chien.

Le salarié a joint à cette lettre les différents documents afférents à la situation de son nouveau chien, en demandant à la société de bien vouloir l'informer par écrit, dès réception de la présente, des informations législatives et conventionnelles dont elle disposait et des possibilités qui lui étaient offertes pour continuer d'exercer un emploi d'agent cynophile au sein de l'entreprise.

Le 31 octobre 2014 la société a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé au 13 novembre 2014 en lui notifiant par ailleurs une mise à pied conservatoire.

Le 27 novembre 2014 le salarié s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Le 23 juin 2015 le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Roubaix lequel par jugement en date du 23 juin 2016 a :

Dit le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Fixé le salaire de référence à la somme de 1698,36 euros,

Condamné la société à payer au salarié les sommes suivantes :

-1274,32 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire outre la somme de 127,43 euros pour les congés payés afférents

-3996,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 339,67 euros pour les congés payés afférents

-2377,70 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

-12000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonné la remise par la société de l'attestation pôle emploi dûment rectifiée,

Rappelé les dispositions applicables en matière d'intérêts et d'exécution provisoire,

Ordonné l'exécution provisoire,

Débouté le salarié du surplus de ses demandes et la société de ses demandes reconventionnelles,

Condamné la société aux dépens.

Le 16 juillet 2016 la société a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées par la société.

Vu les conclusions déposées par le salarié.

Les parties entendues en leurs plaidoiries qui ont repris leurs conclusions écrites.

SUR CE

De la péremption d'instance

Aux termes de l'article. 1452-8 du code du travail, abrogé à compter du 1er août 2016 mais applicable en l'espèce au regard de la date d'appel, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

En l'espèce le salarié soutient que la péremption d'instance est acquise dans la mesure où suivant ordonnance du magistrat chargé d'instruire l'affaire en date du 25 juillet 2016, la société devait adresser à la Cour et à la partie adverse ses conclusions d'appel, et communiquer à la partie adverse une copie de toutes les pièces nouvelles avec le bordereau récapitulatif au plus tard le 30 septembre 2016 mais qu'elle n'y a procédé que le 4 octobre 2019 soit au-delà du délai imparti et de la date d'acquisition de la péremption.

Toutefois l'ordonnance, qui invite les parties à respecter un calendrier de procédure pour l'envoi de leurs conclusions et la communication de pièces nouvelles, se présente comme une ordonnance prononcée par le magistrat chargé d'instruire l'affaire et prise sous couvert des dispositions de l'article 940 du code de procédure civile, alors même qu'elle ne comporte nullement l'identification et la signature du magistrat qui en serait l'auteur, de sorte qu'elle ne peut en conséquence être considérée comme une décision émanant de la juridiction.

Il s'agit d'un simple calendrier de procédure adressé par le greffe avant la convocation des parties devant la Cour, destiné à faciliter les échanges entre les parties et qui, faute d'émaner de la juridiction, ne met pas expressément à la charge des parties des diligences, et ne fait pas par la même courir le délai de péremption.

Il convient donc de débouter le salarié de sa demande tendant à dire l'instance périmée.

Du licenciement

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.

Il appartient à ce dernier de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave, à défaut de quoi le juge doit rechercher si les faits reprochés sont constitutifs d'une faute pouvant elle-même constituer une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce la société reproche au salarié d'avoir décidé unilatéralement de travailler avec un nouveau chien suite au décès de celui dont l'identification figure sur sa carte professionnelle, sans pouvoir justifier du respect à la suite de ce changement des termes de l'autorisation lui ayant été délivrée d'exercice de la profession d'agent cynophile.

La société soutient que cette situation lui a été cachée dans la mesure où elle n'en a pris connaissance que par le biais d'un contrôle inopiné effectué par le Responsable Contrôle Qualité de l'entreprise, et affirme que le salarié est de mauvaise foi lorsqu'il prétend l'avoir informée oralement du décès de son chien, et être ignorant de la législation applicable.

Elle fait valoir que le salarié reconnaît lui-même dans sa lettre du 26 octobre 2014 avoir commis une faute, estimant simplement qu'elle ne présente pas un caractère de gravité suffisant pour justifier son licenciement.

Elle argue de ce que les agissements du salarié pouvaient avoir des conséquences importantes pour la société dans la mesure où celle-ci possède une autorisation spéciale des pouvoirs publics pour exercer son activité, pouvant lui être retirée à la suite d'un tel comportement, et souligne qu'elle est l'objet en outre de contrôle notamment par le CNAPS, auprès de qui elle se réserve la faculté de dénoncer les faits, outre une possibilité de dépôt d'une plainte à l'encontre du salarié.

Toutefois il existe un doute quant aux conditions dans lesquelles la société a été informée du décès du chien du salarié, et l'exercice de ses missions avec l'utilisation d'un autre chien n'étant pas mentionné sur sa carte professionnelle.

Or la détermination des modalités d'information de l'employeur est essentielle dans la mesure où la société ne peut pas se prévaloir de la qualification de faute grave des agissements reprochés au salarié si elle a toléré dans un premier temps l'exercice de ses fonctions sans que sa situation ne soit régularisée.

En effet il ne peut être admis une impossibilité de maintien du salarié dans l'entreprise même durant la période limitée du préavis, si celui-ci a été au début effectif malgré la connaissance par la société des faits reprochés.

Outre le fait que la charge de la preuve de l'existence d'une faute grave incombe à l'employeur, il convient de constater qu'au-delà de la contradiction des versions des parties quant à la date d'information de la société le seul élément objectif ne corrobore pas celle de cette dernière.

En effet contrairement aux affirmations de la société, le salarié n'a pas reconnu dans la lettre du 26 octobre 2014 la réalité d'une découverte des faits lors d'un contrôle inopiné puisqu'il relate dans cette missive avoir informé oralement et à plusieurs reprises la société.

Si une telle information ne peut pas résulter des seules déclarations du salarié, il en va de même quant à la réalité d'un contrôle inopiné dans la mesure où les attestations d'employés de la société, dont l'un se présentant comme l'auteur dudit contrôle, sans être dépourvues de toute force probante, doivent être examinées avec circonspection dès lors qu'elles émanent de personnes soumises au pouvoir hiérarchique de l'employeur.

Or de tels témoignages, qui ne peuvent se voir reconnaître une force probante sufffisante que s'ils corroborés par des éléments objectifs, sont au contraire contredits par le planning relatif à la semaine concernée, au terme duquel il apparaît que le salarié au moment où le contrôle a censé avoir eu lieu ne travaillait pas.

Il existe donc au regard de l'ensemble de ces éléments à tout le moins un doute, lequel doit profiter au salarié, de sorte que la qualification de faute des agissements commis par le salarié ne peut pas être retenue.

En ce qui concerne le fait d'avoir travaillé avec un chien différent de celui dont le numéro d'identification figure sur la carte professionnelle, il apparaît qu'un changement de chien doit conformément à la législation applicable donner lieu à une nouvelle demande de carte professionnelle, étant précisé que l'agent cynophile doit suivre une formation avec le nouveau chien.

Si le salarié n'a pas sollicité celle-ci dans les plus brefs délais, mais antérieurement à la demande de justification formulée par la société, qui ne l'a pas utilement contredit sur ce point, pour autant cette absence de sollicitation n'a pas selon la législation applicable les conséquences que lui prête la société.

En effet la loi du 20 juin 2008 n'institue pas le changement de chien comme un cas de retrait de la carte professionnelle, et l'agent cynophile, qui doit solliciter une nouvelle carte professionnelle que ce soit au titre d'un tel changement ou de la nécessité de se conformer aux dispositions applicables depuis le 1er janvier 2010, ne se voit pas imposer une rupture dans sa relation contractuelle avec son employeur dans la mesure où il est titulaire à compter du dépôt de sa nouvelle demande de carte professionnelle d'un récépissé l'autorisant à continuer à travailler durant l'instruction de sa demande.

Il résulte de ces éléments que le manquement du salarié à ses obligations n'est pas aussi important que la société le soutient, et que cette dernière avait contrairement à ses allégations d'autres possibilités de sanctionner le salarié, un licenciement n'étant pas inéluctable au regard des conséquences légales du comportement de ce dernier.

Le licenciement opéré par la société apparaît au regard de la faute du salarié et des circonstances ayant entouré sa commission disproportionné, et ce d'autant que les conditions dans lesquelles la société a eu connaissance des agissements du salarié ne sont pas celles qu'elle invoque, de sorte qu'il ne peut être exclut un changement de positionnement après une période de tolérance.

Quoi qu'il en soit de ce dernier point, la faute imputable au salarié ne constitue pas une cause réelle et sérieuse, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit également être confirmé quant aux dispositions relatives à l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, mais aussi à l'indemnité de licenciement, dans la mesure où le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation des sommes dues au regard des textes applicables, étant observé que les sommes allouées ont été contestées en leur principe mais par leur montant.

Par ailleurs l'existence d'une faute grave n'étant pas retenue, la mise à pied à titre conservatoire est sans fondement, de sorte que la société est redevable du salaire correspondant à la période de la mise à pied, et qu'il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

En ce qui concerne les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement doit être confirmé compte tenu de sa juste appréciation du préjudice du salarié, au regard de l'ancienneté de ce dernier dans l'entreprise, de l'effectif de cette dernière, de l'évolution de la situation de M. [L] après son licenciement, qui a retrouvé un emploi public ayant abouti à sa titularisation, et des circonstances de la rupture.

De la demande en dommages et intérêts au titre d'un manquement à l'obligation de formation et d'adaptation du salarié à l'emploi

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande en dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation de ses salariés à l'emploi, dans la mesure où il ne justifie pas de la réalité d'un préjudice.

De la demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner la société à payer au salarié la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Des dépens

La société qui succombe doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris,

Ajoutant jugement entrepris,

Condamne la société APEN à payer à M. [D] [L] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société APEN aux dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

C.GERNEZM. DOUXAMI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 2
Numéro d'arrêt : 16/03117
Date de la décision : 29/11/2019

Références :

Cour d'appel de Douai B2, arrêt n°16/03117 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-29;16.03117 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award