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27/09/2019 | FRANCE | N°19/00404

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 1, 27 septembre 2019, 19/00404


ARRÊT DU


27 septembre 2019











N° 19/1396





N° RG 19/00404 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SEUS





SM / SL


















































Jugement du


Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING


en date du


18 Avril 2017


(RG 16/00396 -section 5)







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GROSSE





le 27/09/19


République Française


Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI


Chambre Sociale


- Prud'Hommes-














APPELANT :





M. Y... G...


[...]


[...]


[...]


Représentant : Me Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de LILLE


substitué par...

ARRÊT DU

27 septembre 2019

N° 19/1396

N° RG 19/00404 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SEUS

SM / SL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

18 Avril 2017

(RG 16/00396 -section 5)

GROSSE

le 27/09/19

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. Y... G...

[...]

[...]

[...]

Représentant : Me Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de LILLE

substitué par Me ARQUIER

INTIMÉE :

Société VAN GENECHTEN PACKAGING N.V

[...]

[...]

Représentant : Me Antoine BENOIT, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 28 Mai 2019

Tenue par S. MARIETTE et P. REMY

magistrats chargés d'instruire l'affaire qui ont entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie COCKENPOT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sabine MARIETTE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Béatrice REGNIER

: CONSEILLER

Patrick REMY

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2019,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Béatrice REGNIER conseiller et par Valérie COCKENPOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

N° RG 19/00404 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SEUS

Monsieur Y... G.../ Société VAN GENECHTEN PACKAGING N.V

2

EXPOSE DU LITIGE :

La société VG Goossens implantée à [...] qui employait 120 salariés était spécialisée dans la fabrication de boîtes et emballages cartonnés.

Elle appartenait au groupe belge Van Genechten dont elle constituait une filiale, qui a pour activité principale, la fabrication de boites pliantes cartonnées destinées aux grandes marques de l'agro-alimentaire et aux produits de grande consommation, regroupée au sein de la division Van Genechten Packaging. Ce groupe a également pour activité secondaire la fabrication de cartes à jouer. Il est implanté dans plusieurs pays, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Russie, au Danemark.

Par jugement du 16 janvier 2013, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société VG Goossens.

En l'absence d'offres de reprise et face à l'impossibilité d'élaborer un plan de redressement, la liquidation judiciaire a été prononcée le 4 septembre 2013, Maître P... F..., étant désignée en qualité de liquidateur.

L'ensemble des salariés a fait l'objet d'un licenciement économique après l'élaboration par Maître F..., ès-qualités, d'une plan de sauvegarde de l'emploi homologué par la Direccte.

Le 13 juin 2014, cent treize anciens salariés de la société VG Goossens dont Monsieur Y... G..., ont saisi la section industrie du conseil de prud'hommes de Tourcoing de demandes dirigées à l'encontre de la société de droit belge Van Genechten Packaging Nv, pour obtenir paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en se prévalant de la qualité de co-employeur de cette société.

In limine litis, la société Van Genechten Packaging Nv a soulevé l'exception d'incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions belges, en vertu de l'article 2 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000, la juridiction prud'homale n'étant ni matériellement ni territorialement compétent.

Par jugement du 18 avril 2017, le conseil de prud'hommes de Tourcoing s'est déclaré incompétent pour statuer sur le litige et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Monsieur Y... G...a formé contredit, par déclaration adressée au greffe du conseil de prud'hommes, le 27 avril 2017.

L'affaire audiencée le 30 janvier 2018, a fait l'objet d'une radiation par ordonnance du 30 janvier 2018 et a ensuite été fixée à l'audience du 28 mai 2019 après le dépôt des conclusions de l'appelant, le 27 décembre 2018.

Monsieur Y... G..., par conclusions développées oralement à l'audience, demande à la cour d'infirmer le jugement et

- à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Tourcoing ;

- à titre subsidiaire, évoquer le fond en application de l'article 89 du code de procédure civile et condamner la société Van Genechten Packaging Nv au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en sa qualité de coemployeur et subsidiairement en réparation d'un préjudice lié à la perte d'une chance de conserver son emploi, à raison des fautes délictuelles commises par la société.

N° RG 19/00404 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SEUS

Monsieur Y... G.../ Société VAN GENECHTEN PACKAGING N.V

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Il soutient en substance que :

- l'article 19 du règlement européen n°44/2001 du 22 décembre 2000 qui prévoit qu'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre, devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, est applicable en l'espèce, puisqu'il travaillait sur le site de Marcq en Baroeul de sorte que les juridictions françaises, et plus précisément le conseil de prud'hommes de Tourcoing est la juridiction territorialement compétente ;

- la société VG Goossens ne disposait d'aucune autonomie de gestion par rapport aux sociétés du groupe et plus particulièrement de la société Van Genechten Packaging Nv ; les activités des sociétés Van Genechten Packaging Nv et VG Goossens se confondaient de même que leurs intérêts ; il y a aussi confusion de direction, le directeur général de la société VG Goossens étant salarié de la société Van Genechten Packaging tandis que les services généraux (paie, comptabilité par exemple) étaient assurés par la société VG Services ; la direction de la société VG Goossens était fantoche, se contentant de prendre ses ordres auprès du groupe ; la société VG Goossens ne disposait pas d'un service commercial et n'avait aucune autonomie sur le plan commercial, puisqu'elle avait conclu une convention de prestations de services en matière commerciale avec la société Van Genechten Packaging Nv qui l'avait dépossédée de ses prérogatives comptables ; la société VG Goossens n'avait aucune autonomie sur le plan social, la charte de bonne conduite éditée par Van Genechten Packaging Nv révèlant qu'elle se considèrait en réalité comme l'employeur et le recruteur des salariés ;

La société Van Genechten Packaging Nv, par conclusions développées oralement à l'audience demande à la cour de confirmer le jugement d'incompétence et à titre subsidiaire si la cour reconnaissait la compétence de la juridiction française, de renvoyer l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Tourcoing et a titre infiniment subsidiaire, si la cour décidait d'évoquer le fond, de mettre préalablement en demeure les parties de conclure au fond et en tout état de cause de condamner le salarié à lui payer la somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Van Genechten Packaging Nv fait valoir que :

- alors qu'elle est étrangère à la conclusion et à la rupture du contrat de travail, elle est, seule, citée à comparaître devant la juridiction prud'homale ; les demandes étant dirigées à l'encontre d'une société de droit belge établie en Belgique par des salariés de nationalité française domiciliés en France, il appartient à la Cour de faire application des règles de conflit de juridictions dans les rapports intracommunautaires fixées par le règlement communautaire n° 44/2001 du 22 décembre 2000 qui est applicable au présent litige ; que n'étant pas l'employeur ni le co-employeur de l'appelant, le conseil de prud'hommes de Tourcoing n'est pas compétent pour statuer sur le litige ;

- le salarié qui procéde par voie d'affirmations est défaillant dans l'administration de la preuve de la qualité de co-employeur ; le coemploi n'est admis que si, outre une identité d'intérêts, de dirigeants et d'activités, l'une des sociétés en cause apparaît totalement asservie par l'autre ; seule une ingérence anormale d'une société d'un groupe dans la gestion économique et sociale d'une autre société de celui-ci peut caractériser une situation de coemploi ; en l'espèce, il n'existe ni confusion de direction, ni confusion d'activités et l'intérêt des sociétés entre elles ne dépassait pas le cadre normal des relations intra-groupe ; en particulier, le directeur du site, M. H... n'a jamais été salarié de la société Van Genechten Services et dirigeait la société en toute autonomie;

N° RG 19/00404 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SEUS

Monsieur Y... G.../ Société VAN GENECHTEN PACKAGING N.V

4

MOTIFS :

Les demandes étant dirigées à l'encontre d'une société de droit belge établie en Belgique par des salariés de nationalité française domiciliés en France, il appartient à la cour de faire application des règles de conflit de juridiction dans les rapports intracommunautaires.

Le salarié ayant engagé son action à l'encontre de la société Van Genechten Packaging Nv, le 13 juin 2014, les règles de compétence judiciaire applicables au présent litige sont celles fixées par le règlement communautaire n° 44/2001 du 22 décembre 2000, le règlement communautaire n°1215/2012 du 12 décembre 2012 n'étant applicable qu'aux actions judiciaires intentées à compter du 10 janvier 2015.

Il résulte de l'article 19 du règlement européen n°44/2001 du 22 décembre 2000 que le salarié peut attraire devant la juridiction du lieu où il accomplit habituellement son travail son employeur lorsque celui-ci a son domicile sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne, quel qu'il soit.

Ainsi, si plusieurs personnes sont coemployeurs et sont domiciliées dans un État membre, le salarié peut les attraire, chacune ayant la qualité d'employeur, devant la juridiction du lieu d'exécution habituelle de sa prestation de travail.

Mais l'extension de la compétence du juge du lieu d'exécution du travail du salarié est soumise à l'établissement a priori de la situation de coemploi.

Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

La situation de coemploi est ainsi caractérisée par la réunion de trois éléments :

- une confusion d'intérêts entendue comme une dépendance capitalistique,

- une confusion d'activités supposant une interdépendance des activités et une dépendance économique de la société dominée,

- une confusion de direction comprenant une confusion des dirigeants et une confusion des décisions de gestion.

Le critère déterminant du coemploi au sein d'un groupe est l'immixtion de la société dominante, dans la gestion économique et sociale de la filiale ou de la société dominiée, se traduisant par la prise en main par la société mère ou la société dominante de la gestion économique, technique et administrative ainsi que de la gestion des ressources humaines de la filiale, avec pour conséquence la perte totale d'autonomie de celle-ci, ne lui permettant plus de se comporter comme le véritable employeur de ses salariés.

Il n'est pas contesté en l'espèce que la société Van Genechten Packaging Nv n'est pas la société holding du groupe Van Genechten. Elle est une société centralisant un certain nombre de services notamment commerciaux au sein du groupe, services dispensés à l'ensemble des sociétés du groupe dans le cadre de conventions de prestations de services en matière commerciale et de management.

Les sociétés Van Genechten Packaging et VG Gossens sont donc deux filiales du groupe et n'ont pas de lien capitalistique direct entre elles.

Il résulte des pièces produites que le seul lien contractuel entre les deux sociétés est une convention de prestation de services en matière commercial, marketing et management conclue en décembre 2003 qui ne peut constituer pas à elle seule la preuve d'une confusion de direction.

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Monsieur Y... G.../ Société VAN GENECHTEN PACKAGING N.V

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En effet, contrairement à ce que soutient le salarié, le fait que le dirigeant de la société VG Goossens, M. I..., provienne du groupe et soit en étroite collaboration avec la société Van Genechten Packaging Nv qui le rémunérait et que, celle-ci ait pu négocier les tarifs des matières premières telles que le carton pour la société VG Goossens, ne permet pas de conclure à l'absence d'autonomie de VG Goossens.

Ces éléments s'inscrivent dans le cadre des relations croisées entre sociétés d'un même groupe prenant la forme de liens financiers étroits, de liaisons économiques privilégiées et de rapports commerciaux préférentiels et d' un contrôle d'ensemble et une stratégie commune impulsée par la société dominante.

Le salarié invoque également l'absence d'autonomie sur le plan social, en s'appuyant notamment sur une plaquette intitulée « Code de conduite des affaires » à l'entête de Van Genechten Packaging.

Force est de constater que cette entête ne mentionne pas la société Van Genechten Packaging Nv, mais porte l'intitulé de la division Packaging du groupe Van Genechten.

Il s'agit d'une plaquette interne, dont l'objectif est de fédérer l'ensemble des collaborateurs des entreprises du groupe et plus particulièrement de la division Packaging, autour de la marque Van Genechten Packaging et autour de valeurs communes au sein de cette division.

Les termes utilisés, par exemple « la société » ou les « employés de la société » ne sauraient suffire à démontrer une immixtion de Van Genechten Packaging Nv dans la gestion sociale de la société VG Goossens qui était dotée d'une directrice des ressources humaines, Mme N... laquelle, au vu des pièces produites, procédait au recrutement des collaborateurs, en concertation avec le directeur du site, M. H..., le comité d'entreprise étant informé des projets de recrutement.

Par ailleurs, le fait que Mme N... soit salariée de la société Van Genechten Services, ne permet de conclure à l'absence d'autonomie dans la gestion des ressources humaines de la société VG Goossens. Ce mécanisme fréquent au sein d'un groupe, permet en effet à la société bénéficiaire de la convention, en l'occurence la société VG Goossens, d'externaliser, moyennant une rémunération versée, certains services et une partie des fonctions de ses dirigeants, au profit d'une autre société prestataire.

En définitive, s'il est indéniable que la société VG Goossens était économiquement dépendante de la société Van Genechten Packaging Nv, il n'en reste pas moins que le salarié ne démontre pas que les relations entre les deux sociétés et leur interdépendance au sein du groupe avaient abouti à priver la première de toute marge de manoeuvre.

La qualité de coemployeurs des sociétés VG Goossens et Van Genechten Packaging ne peut donc être retenue, de sorte que les premiers juges se sont à juste titre, déclarés incompétents pour statuer sur les demandes dirigées contre une société de droit belge établie en Belgique

Le jugement sera en conséquence confirmé.

Monsieur Y... G... qui succombe en appel sera condamné aux dépens.

En revanche, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Van Genechten Packaging Nv les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposé.

N° RG 19/00404 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SEUS

Monsieur Y... G.../ Société VAN GENECHTEN PACKAGING N.V

6

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur Y... G... aux dépens.

LE GREFFIER

V. COCKENPOT

POUR LE PRESIDENT EMPECHE

LE CONSEILLER

B. REGNIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale a salle 1
Numéro d'arrêt : 19/00404
Date de la décision : 27/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-27;19.00404 ?
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