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29/03/2019 | FRANCE | N°17/016638

France | France, Cour d'appel de Douai, C1, 29 mars 2019, 17/016638


ARRÊT DU
29 Mars 2019

N 557/19

No RG 17/01663 - No Portalis DBVT-V-B7B-QYS4

PL/AL

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI
en date du
22 Mai 2017
(RG F 16/00081 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 29/03/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SA BIGBEN INTERACTIVE
[...]
[...]
Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me CAMUS DEMAIL

LY assisté de Me Cédric RUMEAUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Mme E... T...
[...]
[...]
Représentée par Me Christelle MATHIEU, avocat au barreau de VA...

ARRÊT DU
29 Mars 2019

N 557/19

No RG 17/01663 - No Portalis DBVT-V-B7B-QYS4

PL/AL

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI
en date du
22 Mai 2017
(RG F 16/00081 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 29/03/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SA BIGBEN INTERACTIVE
[...]
[...]
Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me CAMUS DEMAILLY assisté de Me Cédric RUMEAUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Mme E... T...
[...]
[...]
Représentée par Me Christelle MATHIEU, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me FENOGLI

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Février 2019

Tenue par Philippe LABREGERE
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC : CONSEILLER
Michèle LEFEUVRE : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, Président et par Annick GATNER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02 Août 2017, avec effet différé jusqu'au 04 Janvier 2019
EXPOSE DES FAITS

E... T... a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2009 en qualité de préparatrice de commandes par la société BIGBEN INTERACTIVE.

Après avoir fait l'objet d'un rappel par lettre en date du 18 avril 2014, puis d'une mise à pied d'une journée pour des actes de harcèlement à l'encontre d'une salariée, notifiée par lettre en date du 27 novembre 2015 durant un arrêt de travail pour maladie du 4 novembre 2015 au 10 janvier 2016, E... T... a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 janvier 2016 à un entretien le 1er février 2016 en vue de son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour une cause réelle et sérieuse lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 février 2016.

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :
«Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 1er février 2016 en présence de Madame G..., Responsable Ressources Humaines et de Monsieur Q... H..., Directeur Logistique. Lors de cet entretien vous étiez accompagnée par J... X..., représentante du personnel, membre titulaire employé de la Délégation Unique du Personnel. Nous vous informons que les explications que vous nous avez fournies à cette occasion ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation de la situation, nous vous notifions votre licenciement pour les motifs suivants.
Vous avez été embauchée le 1er juin 2008 pour exercer les fonctions de préparatrice de
commandes dans notre entreprise. Vous avez été promue au poste d'assistante chef d'équipe préparation au 1 er octobre 2011.
Or, nous avons dû constater que votre comportement en tant qu'assistante chef d'équipe
préparation est totalement inapproprié depuis quelques mois : Votre adoptez un comportement irrespectueux vis-à-vis des collaborateurs avec lesquels vous travaillez que vous dénigrez sans cesse. Ils sont de ce fait terrorisés. Votre comportement envers ces personnes crée une souffrance au travail que nous ne pouvons accepter plus longtemps car nous sommes responsables, en tant qu'employeur de la santé physique et morale de nos salariés.
Pour mémoire, vous avez déjà été sanctionnée pour des faits similaires';
En février 2014, nous avons mis en place une procédure disciplinaire et vous avons
envoyé un courrier comme lettre de rappel le 18/04/14.
Cette affaire s'est soldée par une mesure clémente car, il s'agissait d'une première fois.
Néanmoins, suite à ces évènements, la salariée qui avait attiré notre attention sur votre
comportement a souhaité quitter l'entreprise alors même que souhaitions la garder
compte tenu de la qualité de son travail.
En octobre 2015, nous avons à nouveau reçu un courrier d'un de vos collaborateurs
nous signalant des propos et attitudes anormaux à son encontre de votre part.
Suite à la procédure disciplinaire mise en place, nous vous avons sanctionné par une mise à pied disciplinaire notifiée par courrier du 27/11/2015.
A partir du 4 novembre 2015, et jusqu'au 10 janvier 2016, vous êtes absente pour raison de santé.
Vous reprenez donc votre travail le 11 janvier 2016 et votre mise à pied est confirmée pour le jeudi 28 janvier 2016.
Dès votre semaine de reprise, nous recevons deux lettres de collaborateurs ayant comme
objet : « Signalement de propos et d'attitude de dénigrement de la part de E... T...».
A... G... vous a fait la lecture de ces courriers lors de l'entretien
préalable. Ces courriers sont similaires dans les faits évoqués à votre encontre à celui
du mois d'octobre 2015 qui a donné lieu à une sanction.
En résumé les salariés nous indiquent qu'ils ressentent une souffrance au travail de par
votre comportement envers eux dont voici quelques extraits :
«je subis quotidiennement les remontrances, les remarques désobligeantes, les propos
dévalorisants de demandes contradictoires de la part de T... E..., l'exemple de la
politesse, simplement dire bonjour, au revoir et merci! c'est toute une histoire »
«Quand je discute tout en étant à mon poste de travail, elle passe à côté de moi pour me réprimandait alors que quand un groupe de personnes discutent devant les caméras, elle passe à côté d'eux sans relever
«Il m'est arrivé de rentrer chez moi en pleurant»,
«Elle me demande toutes les cinq minutes de réaliser une tâches différente. Ces ordres
sont données d'un ton sec et sans aucune formule de politesse. De plus elle réalise
beaucoup de préférence»
«Extrêmement affecté par ces agissements répétés, je vous demande d'intervenir au
plus vite afin de me permettre de poursuivre ma mission au sein de l'entreprise dans des
conditions relationnelles normales »
«
début octobre cette personne me demande de réaliser une lettre de plainte' envers deux de mes collègues dont un assistant logistique et une préparatrice de commandes et de lui transmettre cette lettre accompagnée d'une photocopie de ma pièce d'identité. Suite à mon refus de cette demande, E... a changé de comportement envers moi au retour de son arrêt de travail le 11 janvier 2016».
Concernant ce dernier point, nous vous rappelons en outre que vous devez consacrer votre temps de travail et celui de vos collaborateurs à l'activité de l'entreprise, toute autre activité ne pouvant se dérouler qu'en dehors du temps de travail.
Lors de notre entretien du 1er février 2016, vous avez nié les faits et précisé que les personnes écrivant les courriers sont des menteurs et vous n'avez donné aucune explication valable de nature à nous laisser envisager la poursuite de nos relations contractuelles.
Cet entretien ne nous a donc pas permis de modifier notre appréciation de la situation, mais au contraire nous a confirmé que vous n'aviez absolument pas pris la mesure des différentes procédures déjà mise en place à votre encontre.
Vous persistez dans votre attitude qui consiste à nier les faits et n'envisagez aucune remise en question de votre comportement.
Cette attitude nous contraints à prononcer votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, caractérisée par un management inapproprié, un irrespect réitéré des personnes sous votre responsabilité, et du dénigrement de vos collaborateurs entrainant chez eux une souffrance au travail. »

A la date de son licenciement, E... T... occupait l'emploi d'assistante chef d'équipe préparation, percevait un salaire mensuel brut moyen de 1700,93 € et était assujettie à la convention collective du commerce de gros. L'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.

Par requête reçue le 22 avril 2016, la salariée a saisi le Conseil de Prud'hommes de Douai afin de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture.

Par jugement en date du 22 mai 2017, le Conseil de Prud'hommes a condamné la société BIGBEN INETRACTIVE au paiement de la somme de 16000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif et a débouté la salariée du surplus de ses demandes.

Le 16 juin 2017, la société a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 2 août 2017 prise en application des articles 905 et 760 à 762 du code de procédure civile, la clôture de la procédure a été différée au 4 janvier 2019 et ont été fixés le calendrier de procédure et l'audience des plaidoiries.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 14 septembre 2017, la société BIGBEN INTERACTIVE sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimée au paiement de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, que la société a été destinataire d'un courrier d'une salariée se plaignant des remontrances quotidiennes dont elle était la victime émanant de l'intimée, qu'un autre salarié s'est plaint également du comportement adopté à son égard par cette dernière, que les faits reprochés à l'intimée sont postérieurs à la date de son retour dans l'entreprise à la suite de son arrêt de travail pour maladie, que la salariée a réitéré des fautes qui avaient donné lieu à une précédente sanction, que les attestations produites par l'intimée émanent de salariées qui n'ont pas été témoins des faits qui lui sont reprochés.

Selon ses conclusions en réplique reçues au greffe de la cour le 14 septembre 2017, E... T... intimée sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris, l'annulation de la sanction en date du 27 novembre 2015 et la condamnation complémentaire de l'appelante à lui verser :
- 74,75 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied disciplinaire
- 7,45 euros au titre des congés payés
- 30700 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que les témoignages sur lesquels s'appuie son employeur sont dépourvus de fondement, que l'un des deux a été établi deux jours après la reprise de son travail, et vise des faits qui ont déjà été sanctionnés, que l'attestation du second témoin n'est corroborée par aucune pièce, qu'elle conteste également les témoignages à l'origine de sa mise à pied disciplinaire, que selon les attestations qu'elle verse aux débats leurs auteurs n'ont jamais constaté les faits qui lui sont reprochés, qu'elle a toujours donné entière satisfaction à son employeur, que la perte de son emploi lui a occasionné un préjudice, que les faits à l'origine de sa mise à pied sont totalement fantaisistes.

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu en application de l'article L1333-2 du code du travail, sur la mise à pied disciplinaire en date du 27 novembre 2015, que cette sanction est fondée sur le courrier en date du 24 octobre 2015 rédigé par N... M... reprochant à l'intimée, son supérieur hiérarchique, son comportement consistant en des pressions, des remarques désobligeantes, des actes de persécution, du favoritisme l'ayant conduite à de la dépression ; qu'il est en outre rappelé que l'intimée a été destinataire d'une lettre de rappel le 18 avril 2014 à la suite du courrier de démission transmis par Aurore Bouillez se plaignant également du comportement de l'intimée qui l'aurait rabaissée devant le personnel et l'aurait obligée à accomplir des taches ne relevant pas de son contrat ; que l'intimée se borne à contester les faits en se reportant à son courrier de contestation du 7 décembre 2015 dans lequel elle prétendait que son employeur n'apportait aucune preuve de ses accusations ; que toutefois la société fonde sa sanction sur le témoignage d'une salariée faisant état de faits précis imputables à l'intimée et sur l'inobservation du précédent rappel infligé après une enquête interne ayant donné lieu à une note confidentielle versée aux débats confirmant la réalité des faits rapportés par Aurore Bouillez ; que la sanction infligée par la société est proportionnée à la faute commise par l'intimée ;

Attendu en application de l'article L1235-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont un management inapproprié, un manque de respect réitéré envers les personnes placées sous sa responsabilité, et des actes de dénigrement de ses collaborateurs entrainant une souffrance au travail ;

Attendu que pour caractériser ces motifs la société se fonde sur deux lettres de signalement en date des 13 et 20 janvier 2016 rédigées par deux salariés, B... U... et P... S... ; que la première, préparatrice de commandes depuis le 2 septembre 2014, dénonce l'attitude adoptée à son égard par l'intimée, se traduisant par des remontrances quotidiennes, des remarques désobligeantes, des propos dévalorisants et sollicite l'intervention de son employeur pour y mettre fin ; que le second, employé depuis le 1er juin 2015 et occupant également le poste de préparateur de commandes, affecté au service logistique, rapporte un comportement similaire imputable à l'intimée, son supérieur hiérarchique, depuis qu'il a refusé de rédiger une lettre dans laquelle il devait se plaindre d'un assistant logistique et d'une préparatrice de commandes ; qu'il ajoute que cette attitude a persisté après le retour de l'intimée, à l'issue de son arrêt de travail, et est la manifestation de la vengeance qu'elle poursuivait du fait du refus du témoin de lui avoir donné satisfaction ; qu'il souligne enfin que ce comportement l'a profondément affecté et sollicite lui aussi l'intervention de sa hiérarchie ; qu'il ne se déduit nullement du simple emploi de l'imparfait par B... U... dans son courrier que les faits qu'elle relate étaient antérieurs à l'arrêt de travail de l'intimée ; qu'en outre, avant de les décrire, le témoin emploie le temps présent pour qualifier le comportement quotidien de l'intimée ; qu'enfin la mise à pied disciplinaire infligée le 27 novembre 2015 concerne les faits fautifs commis par l'intimée sur la personne d'une autre salariée, N... M... ; que s'agissant du second témoignage à charge, l'intimée se borne à l'écarter au motif qu'il n'est corroboré par aucune autre déclaration ; que toutefois P... S... fait état de faits précis qui ne nécessitent pas des éléments de preuve complémentaires pour être crédibles ; que les attestations produites par l'intimée ne portent que sur le comportement général de l'intimée au travail les témoins se bornant à nier que cette dernière puisse manquer de respect à ses collègues ; que les faits fautifs sont donc caractérisés ; qu'ils sont survenus alors que l'intimée avait fait l'objet d'un rappel le 18 avril 2014 puis d'une mise à pied disciplinaire le 27 novembre 2015 pour un comportement similaire ; qu'en conséquence son licenciement est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement déféré
ET STATUANT A NOUVEAU
DEBOUTE E... T... de sa demande ;
LA CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

A. GATNER P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/016638
Date de la décision : 29/03/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-03-29;17.016638 ?
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