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28/02/2019 | FRANCE | N°18/013038

France | France, Cour d'appel de Douai, C1, 28 février 2019, 18/013038


ARRÊT DU
28 Février 2019

N 298/19

No RG 18/01303 -
NoPortalis DBVT-V-B7C-RRG3

PL/AC

RO

Jugement rendu par le
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE
en date du
02 Septembre 2016
(RG 15/01376 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Madame N... Y... épouse E...
[...]
Représentée par Maître Carine LECUTIER-ROSSEEL, avocat au barreau de DUNK

ERQUE

INTIMÉS :

Maître O... A... ès qualité de liquidateur judiciaire de M. I... R...
[...]
[...]
Représenté par Maître François DELEFORGE, avocat au barreau d...

ARRÊT DU
28 Février 2019

N 298/19

No RG 18/01303 -
NoPortalis DBVT-V-B7C-RRG3

PL/AC

RO

Jugement rendu par le
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE
en date du
02 Septembre 2016
(RG 15/01376 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Madame N... Y... épouse E...
[...]
Représentée par Maître Carine LECUTIER-ROSSEEL, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMÉS :

Maître O... A... ès qualité de liquidateur judiciaire de M. I... R...
[...]
[...]
Représenté par Maître François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI, substitué par Maître CAMUS-DEMAILLY Catherine, avocat au barreau de DOUAI, (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 5917800216/11763 du 13/12/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA CENTRE OUEST
[...]
[...]
Représenté par Maître François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI, substitué par Maître CAMUS-DEMAILLY Catherine, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l'audience publique du 10 Octobre 2018

Tenue par Philippe LABREGERE
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annick GATNER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC : CONSEILLER
Michèle LEFEUVRE : CONSEILLER

L'arrêt a été prorogé du 31 janvier 2019 au 28 février 2019 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 octobre 2018EXPOSE DES FAITS

N... Y... épouse E... a été engagée en qualité de voyageur-représentant-placier par contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2015 par I... R... exerçant sous l'enseigne Emv-Formeetamp;Beauté.

Son licenciement pour abandon de poste lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 octobre 2015.

Les motifs du licenciement pour faute grave tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :
«Constatant que depuis le 15 Juin 2015, vous ne me faites plus parvenir de rapports d'activités et que depuis le 20 juin 2015, vous ne me transmettez plus aucune commande, je considère à ce jour que vous avez abandonné votre poste au sein de mon entreprise, poste que vous occupiez en qualité de V.R.P. (Voyageur, représentant, placier) exclusif depuis le 01 Février 2015, ce qui relève d'une faute professionnelle grave.
Bien qu'ayant sollicité par un SMS du 30 Juin 2015 une rupture conventionnelle auquel je ne donnerai pas suite et la demande de votre solde de tout compte par lettre recommandée du 09 Juillet 2015, ce qui manifestement ne constitue pas une démission effective de par la loi, vous étiez dans l'obligation de poursuivre votre activité et de remplir vos engagements contractuels envers l'entreprise, cet arrêt d'activité sans justification de votre part faisant suite à une baisse importante de vos résultats sur les mois de Mai et Juin 2015 du fait de la réduction de votre temps de travail, et ce, de votre propre initiative et du non respect des directives reçues notamment sur les ventes et le développement de la marque Divaderme et de la non-atteinte des objectifs minimum, constitue un préjudice important pour l'entreprise et par conséquent ne vous donne droit à la rémunération que vous avez réclamé mais aux conditions initiales soit 12% brut du chiffre d'affaires hors taxe réalisé.
Je vous signifie donc par la présente votre licenciement pour faute».

Le 3 décembre 2015, à la demande de N... E..., le Conseil de Prud'hommes de Dunkerque statuant en référé a ordonné à I... R... la remise d'un certificat de travail, des bulletins de paye de juillet à octobre 2015, d'un reçu pour solde de tout compte et d'une attestation Pôle Emploi conformes sous astreinte de 20 euros par jour de retard.

Par requête reçue le 31 décembre 2015, la salariée a saisi cette juridiction afin d'obtenir des rappels de salaire, de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture.

Par jugement en date du 2 septembre 2016, I... R... a été condamné au paiement de la somme de 1665 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, la salariée a été déboutée du surplus de sa demande et les dépens ont été laissés à la charge de chaque partie.
N... E... a interjeté appel de ce jugement le 14 septembre 2016.

I... R... ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire par jugement en date du 5 juillet 2017, la cour d'appel de céans, par arrêt en date du 30 novembre 2017, a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 13 décembre 2016, invité l'appelante à appeler en la cause les organes de la procédure collective et renvoyé l'affaire à l'audience du 14 mars 2018.

Par arrêt en date du 14 mars 2018, la cour a ordonné la radiation de l'affaire. A la suite de sa réinscription, l'audience des plaidoiries a été fixée au 10 octobre 2018 par ordonnance en date du 7 juin 2018.
Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 26 avril 2018, N... E... sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire d'I... R... à la somme de :
- 4861,62 euros à titre de reliquat de rappel de salaire minimal garanti
- 707,89 euros au titre des congés payés y afférents
ou à titre subsidiaire
- 1196,45 euros à titre de rappel sur commissions des mois de mars et avril 2015
- 231,75 euros nets,
- 5718,77 euros à titre de rappel de salaire pour la période antérieure au licenciement
- 402,76 euros au titre des congés payés
- 665,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 4995 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1380 euros au titre de la liquidation d'astreinte
- 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
ainsi que la remise par la société des documents de travail des bulletins de paye, et d'une attestation Pôle Emploi conformes sous astreinte.

L'appelante expose qu'elle accomplissait un travail à plein temps, qu'elle a perçu la somme totale brute de 3211 € sur cinq mois, soit 563 € nets par mois, que cette somme est inférieure au revenu minimum forfaitaire auquel elle avait droit, soit 3747,90 € pour les trois premiers mois et 4997 € bruts pour les trimestres suivants en application de l'article 5 de l'accord interprofessionnel du 3 octobre 1975, qu'elle a envisagé la rupture conventionnelle du fait que ses frais d'essence absorbaient l'intégralité de son salaire, à titre subsidiaire qu'un rappel lui est dû par suite de la comparaison entre ses fiches de paye et les commissions non perçues, que son salaire lui a été versé pour la dernière fois en juin 2015, que son licenciement est irrégulier puisqu'il n'a pas été précédé d'une convocation à un entretien préalable, que son licenciement est abusif, que l'abandon de poste ne pouvait donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois, que son employeur avait connaissance de cet abandon depuis le mois de juin 2015, que celui-ci ne lui versait plus de salaire, que par l'effet dévolutif de l'appel la cour peut liquider l'astreinte, que les documents exigés n'ont été remis qu'après l'écoulement d'un délai de 69 jours.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 26 avril 2018, le mandataire liquidateur d'I... R... intimé conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'appelant à lui verser 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé soutient que l'abandon de poste est caractérisé, qu'il n'est pas prescrit, que l'appelante a commencé à travailler pour le compte d'une autre société dès le mois d'avril 2015, qu'aucun rappel de salaire n'est dû, que l'appelante ne travaillait pas à plein temps et n'a plus travaillé à compter du mois de juillet 2015, que la formation en référé s'est réservée le droit de liquider l'astreinte, que la procédure de licenciement a été respectée, que l'appelante a été régulièrement convoquée mais ne s'est pas présentée à l'entretien.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 26 avril 2018, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Rennes intervenante forcée conclut au débouté de la demande et, en toutes hypothèses, sollicite de la cour qu'il soit déclaré qu'il ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail que dans les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15 à L3253-21 dudit code.
Le Centre de Gestion et d'Étude AGS entend s'associer aux conclusions du liquidateur.
MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu qu'il convient d'ordonner la clôture de la procédure à la date du 10 octobre 2018 ;

Attendu que selon l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975, le représentant engagé à titre exclusif a droit à une ressource minimale forfaitaire ;
Attendu qu'aux termes du contrat de conseiller commercial en date du 19 janvier 2015, l'appelante s'engageait à consacrer à son employeur l'exclusivité de son activité et s'interdisait de représenter d'autres produits pour son propre compte ou pour le compte d'une autre entreprise quelle qu'elle soit ; qu'elle était censée être employée à plein temps, le contrat ne comprenant aucune disposition sur le temps de travail ;

Attendu en conséquence que l'appelante était en droit de bénéficier de la rémunération minimum prévue par l'accord national interprofessionnel précité, correspondant à 390 fois le SMIC horaire pour les trois premiers mois et 520 fois pour les trimestres suivants ; que du 1er février au 30 juin 2015, date à laquelle elle a cessé de travailler pour le compte d'I... R..., elle n'a perçu que la somme totale brute de 1908,79 €, après déduction des frais professionnels ; que pour le trimestre successif, celle-ci s'élève à 897,41 € ; que son employeur est donc redevable d'un reliquat de 4273,16 € et de 427,31 € au titre des congés payés y afférents ;
Attendu qu'il résulte du courrier adressé par l'appelante à son employeur en date du 13 juillet 2015 qu'elle lui avait fait part de sa volonté de bénéficier d'une rupture conventionnelle à compter du 30 juin 2015 ; qu'elle n'a plus repris le travail à cette date, considérant comme acquise cette rupture, et a menacé son employeur d'une procédure devant le conseil de prud'hommes s'il ne s'exécutait pas ; qu'elle ne peut donc solliciter de rappel de salaire postérieurement au 30 juin 2015 ;
Attendu en application de l'article L1234-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que le grief y énoncé est un abandon de poste ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que l'appelante n'a plus travaillé à compter du 1er juillet 2015 ; que cette situation a perduré jusqu'au licenciement ; que les faits qui se sont poursuivis dans le temps ne sont donc pas prescrits ; qu'ils sont établis par les relevés de ventes, dont la dernière d'un montant de 314 €, remonte au 20 juin 2015 ; que l'appelante ne conteste pas qu'elle ait travaillé pour le compte d'un autre employeur, la société Thalass Sun Formation, au moins à compter du 1er juillet 2015, comme le soutient l'intimé ; que la faute qui lui est imputée est donc caractérisée ; que si elle prétend, pour justifier son comportement, que celui-ci était dû au fait que son employeur ne lui versait pas la rémunération à laquelle elle pouvait prétendre, il lui appartenait d'en tirer toutes les conséquences sur le plan juridique et de rompre son contrat de travail ;
Attendu que les faits fautifs reprochés à l'appelante rendaient bien impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ;
Attendu en application des articles L1232-2 et L1235-5 du code du travail qu'il n'est pas établi que l'appelante ait été convoquée à un entretien préalablement à son licenciement ; que n'est pas communiquée la preuve d'une lettre recommandée transmise à cet effet ou d'une lettre remise en main propre ; que la lettre de licenciement n'en fait pas non plus état ; qu'il s'ensuit que la procédure de licenciement est affectée d'une irrégularité ; que compte tenu des rappels de salaire alloués à l'appelante, sa rémunération mensuelle brute s'élevait à la somme de 1665 € ; que les premiers juges ont exactement évalué l'indemnité due à ce titre ;
Attendu en application de l'article L131-3 du code des procédures civiles d'exécution que la cour a été saisie de l'appel du jugement du conseil de prud'hommes devant lequel la salariée avait, conformément à la réserve expresse de l'ordonnance du bureau de conciliation, formé une demande de liquidation de l'astreinte ; que par l'effet dévolutif de l'appel, la cour est en droit de statuer sur la liquidation de l'astreinte sollicitée par l'appelante ;
Attendu que les premiers juges ont fixé à 20 € par jour l'astreinte ordonnée en vue de la communication des documents ; que 69 jours se sont écoulés entre le point de départ du délai et la réception des documents visés par l'astreinte ; qu'elle doit donc être évaluée à 1380 € ;

Attendu qu'il convient de déclarer le présent arrêt opposable à l'AGS dans les limites de sa garantie ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
REFORME le jugement déféré ;
ORDONNE la clôture de la procédure à la date du 10 octobre 2018 ;
FIXE la créance de N... Y... épouse E... à l'état des créances salariales d'I... R... à la somme de :
- 4273,16 euros à titre de rappel de salaire
- 427,31 euros au titre des congés payés y afférents
- 1665 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
- 1380 euros au titre de la liquidation de l'astreinte ;
DÉCLARE l'arrêt opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Rennes ;
DIT qu'il ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail que dans les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15 à L3253-17, L3253-19 à L3253-21 et D3253-2 dudit code ;
Déboute l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Rennes de sa demande tendant à subordonner ses avances à la justification par le mandataire de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement des sommes garanties mais rappelle que l'obligation au paiement de l'AGS-CGEA ne pourra s'effectuer que sur présentation par le mandataire d'un relevé de créance ;

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris à l'exception des dépens ;
INSCRIT les dépens au passif de la liquidation judiciaire d'I... R....

Le greffier Le Président

A.LESIEUR P.LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/013038
Date de la décision : 28/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-02-28;18.013038 ?
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