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28/02/2019 | FRANCE | N°17/003448

France | France, Cour d'appel de Douai, D1, 28 février 2019, 17/003448


ARRÊT DU
28 Février 2019

N 366/19

No RG 17/00344 - No Portalis DBVT-V-B7B-QPAG

VS/SST

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES SUR HELPE
en date du
06 Février 2017
(RG F16/00216 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SAS [...]
[...]
[...]
Représenté par Me FONTANINI, substituant Me Jean-françois SEGARD, avocat au barreau de LI

LLE

INTIMÉE :

Mme J... M...
[...]
[...]
Représentée par me VILLESECHE, substituant Me Myriam MAZE, avocat au barreau d'AVESNES-SUR-HELPE

DÉBATS : à l'audience...

ARRÊT DU
28 Février 2019

N 366/19

No RG 17/00344 - No Portalis DBVT-V-B7B-QPAG

VS/SST

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES SUR HELPE
en date du
06 Février 2017
(RG F16/00216 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SAS [...]
[...]
[...]
Représenté par Me FONTANINI, substituant Me Jean-françois SEGARD, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Mme J... M...
[...]
[...]
Représentée par me VILLESECHE, substituant Me Myriam MAZE, avocat au barreau d'AVESNES-SUR-HELPE

DÉBATS : à l'audience publique du 10 Janvier 2019

Tenue par Leila GOUTAS
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique SOULIER : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Leila GOUTAS : CONSEILLER
Caroline PACHTER : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Véronique SOULIER, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 3 mai 2017, avec effet différé jusqu'au 10 décembre 2018
EXPOSE DU LITIGE :

Madame J... M... a été embauchée à temps plein par la société Résidence Elisabeth dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée en remplacement d'un salarié absent à compter du 2 janvier 2009 en qualité d'aide soignante, coefficient 216 de la convention collective de l'hospitalisation privée.

A compter du 4 janvier 2010, elle a été engagée en contrat de travail à durée indéterminée par la Résidence les Erables en qualité d'aide soignante au coefficient 220 de la convention collective. Son activité s'est poursuivie au sein de l'EHPAD [...] sans incidents jusqu'au début de l'année 2016.

Par lettre du 23 février 2016, elle a été avisée que son employeur envisageait de prendre à son encontre une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement en raison d'actes graves de sa part pouvant être qualifiés de maltraitants vis-à-vis de certains des résidents dont elle s'occupait et a été convoquée à un entretien préalable fixée au 4 mars 2016 à 11h30.

Par lettre du 11 mars 2016, Madame J... M... a été licenciée pour faute grave. Il lui a été notifié une sortie des effectifs à compter de cette même date. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 mars 2016, Madame J... M... a contesté les griefs qui lui étaient reprochés.

L'employeur a émis le certificat de travail et l'attestation destinée à pôle emploi.

Par jugement du 6 février 2017, le Conseil de Prud'hommes D'AVESNES S/HELPE, faisant droit à la requête de Madame J... M... a:
- dit le licenciement de celle-ci sans cause réelle et sérieuse;
- condamné la SA [...] à lui payer les sommes suivantes :
* 2 580,86 euros à titre d'indemnité de licenciement
* 3 601,20 euros à titre d'indemnité de préavis
* 360,12 euros à titre de congés payés sur préavis
* 10.803,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté Madame J... M... de ses autres demandes
- ordonné l'exécution provisoire.

Le 16 février 2017, la SAS [...] a régulièrement interjeté appel de toutes les dispositions de ce jugement par déclaration formée au greffe par voie électronique .

Par voie de conclusions déposées par voie électronique le 26 juillet 2017, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, l'appelante a sollicité l'infirmation de la décision du Conseil de Prud'hommes D'AVESNES S/HELPE en demandant à la cour de dire que le licenciement pour faute grave de Madame J... M... était bien fondé, que celle-ci devrait rembourser les sommes payées au titre de l'exécution provisoire et de la condamner à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 4 décembre 2018, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, Madame J... M... a sollicité la confirmation de la décision déférée ayant déclaré son
licenciement sans cause réelle et sérieuse et du montant des sommes allouées au titre d'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et à titre de congé payés sur préavis. En revanche, elle a sollicité l'infirmation du montant des dommages-intérêts alloués qui devrait être fixé à la somme de 32.410,80 euros soit l'équivalent de 18 mois de salaires.

Elle a sollicité l'infirmation de la décision déférée l'ayant débouté de ses autres demandes et a demandé à la Cour :
- la requalification du contrat de travail déterminée signé le 2 janvier 2009 en un contrat de travail à durée indéterminée pour défaut de mention de l'identité du personnel remplacé et une somme de 1 800,60 euros à titre d'indemnité de requlification ;
- la condamnation de l'employeur à lui régler une somme de 1 500 euros indemnisant le préjudice résultant de l'absence d'évolution de carrière;
- une somme de 489,09 au titre du supplément de salaire pour travail de nuit;
- une somme de 226,17 euros au titre des congés payés de fractionnement;
outre la condamnation de la SAS [...] à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 200 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture a effet différé a été fixée au 10 décembre 2018.

SUR CE :

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée :

Un contrat de travail à durée déterminée a été signé le 2 janvier 2009 entre Madame J... M... et la Société Résidence Elisabeth représentée par Madame A... I..., dont le no d'URSSAF était le 593 895 91 000 19.

Le contrat de travail à durée indéterminée qui lui a succédé le 4 janvier 2010 a été signé entre Madame J... M... et la Résidence des Erables représentée par Madame A... I... sous un numéro d'URSSAF identique.

Enfin, il résulte de la lecture des 27 bulletins de salaires produits par Madame J... M... au titre des années 2014, 2015, ainsi que des mois de janvier et de février 2016 qu'ils mentionnent tous une date d'entrée dans la société [...] [...] au 2 janvier 2009 avec une date d'ancienneté au 27 décembre 2008, de même que le certificat de travail établi par cette même société le 11 mars 2016 (pièceo6) en sorte que contrairement aux affirmations de L'EHPAD [...] les contrats de travail ont bien été signés entre les mêmes parties.

En application de l'article L 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée, qui peut être conclu pour remplacer un salarié temporairement absent doit mentionner le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée.

En l'espèce, à l'article 2 du contrat de travail à durée déterminée signé entre Madame M... et la société Résidence Elisabeth représentée par Madame A... I... le 2 janvier 2009 figure la mention suivante :
" Madame J... M... est engagée à temps complet par la société pour assurer le remplacement temporaire de personnel en congé de maternité habituellement employé
dans la société en qualité d'aide soignante au coefficient no216 de la filière personnel de soins et du niveau de qualification : employée qualifiée"

La relation contractuelle de travail s'étant poursuivie depuis le 4 janvier 2010 dans le cadre d'un contrat de travail à temps complet, la combinaison des articles L 122-3-10 et L 122-3-13 du code du travail interdit à Madame M... de prétendre à une indemnité de requalification sauf si sa demande de requalification s'appuie sur une irrégularité du contrat de travail à durée déterminée.

Or, ni l'appelante, ni le premier juge n'ont contesté le défaut d'identification du personnel remplacé dans le contrat de travail à durée déterminée, le Conseil de Prud'hommes ayant débouté Madame J... M... de sa demande faute pour celle-ci de démontrer le préjudice subi.

Si à l'exception de la mention relative au motif du contrat, la loi ne prévoit pas expressément de sanction concernant l'absence d'une autre mention obligatoire, l'absence du nom ou de la qualification du salarié remplacé est une mention essentielle du contrat de travail dont l'omission entraîne sa requalification automatique.

Ainsi, il convient d'infirmer la décision du Conseil de Prud'hommes D'AVESNES SUR HELPE, de déclarer recevable la demande de Madame J... M..., de requalifier en contrat de travail à durée indéterminée, le contrat de travail à durée déterminée signé par Madame J... M... le 2 janvier 2009 et de condamner la SAS [...] à régler à cette dernière une somme de 1 800,60 euros en application des dispositions de l'article L 1245-1 du code du travail correspondant à un mois de salaire.

Sur la qualification et l'évolution de carrière de Madame J... M... :

En application des dispositions de l'article 1353 du code civil, il incombe à l'employeur en tant que débiteur d'un certain nombres d'obligations de prouver qu'il les a respectés.

Tel est le cas de la gestion des carrières des salariés , l'employeur étant tenu en application de l'article L.6321-1 du code du travail, d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail par le biais de la formation professionnelle, l'obligation résultant de l'article L 6315-1 du code du travail relative à l'obligation faite à l'employeur de faire bénéficier chaque salarié tous les deux ans à un entretien professionnel, distinct de l'évaluation professionnelle.

Madame J... M... indique que pouvant prétendre au niveau 2 employé qualifié, elle a été privée d'une évolution de carrière en raison des manquements de son employeur qui n'a pas respecté les dispositions des articles, 90-4 et 90-5 de la convention collective filière soignante, ayant organisé seulement deux entretiens individuels d'évaluation en sept ans et auquel elle n'a pu faire part de la dégradation de ses conditions de travail se trouvant en conflit avec Mme C..., son binôme, et s'est trouvée affectée dans une unité "cantou" pour résidents atteints de la maladie d'Alzheimer sans avoir suivi de formation adaptée.

En l'espèce, l'employeur ne conteste pas la réalité des manquements dénoncés se bornant à indiquer que Madame J... M... ne justifie pas de la réalité des préjudices dont elle demande réparation.

Madame J... M... a été engagée le 2 janvier 2009 à temps partiel en tant qu'aide soignante au coefficient no 216 de la filière personnel de soins et au niveau de qualification : employée qualifiée.

Le 4 janvier 2010 été engagée en le 4 janvier 2010 en tant qu'aide soignante au coefficient no 220 de la filière personnel de soins et au niveau de qualification : employée qualifiée.

Selon ses bulletins de salaires, elle se trouvait au coefficient 222, soit une augmentation de deux points seulement.

L'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation de ses employés à l'évolution de leurs emplois sans que le salarié n'ait à émettre une demande de formation. En l'espèce, l'employeur ne conteste pas la réalité des manquements énoncés en sorte qu'il convient d'infirmer sur ce point la décision des premiers juges et de condamner L'EHPAD [...] à régler à Madame J... M... une somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur l'indemnité pour sujétion spéciale :

En matières d'heures de travail, il incombe au salarié de fournir des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de répondre.

L'article 82-1 de la la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 prévoit une indemnité pour travail de nuit, chaque salarié percevant pour chaque heure effectuée entre 19h et 08 heures une indemnité égale à 10% du salaire horaire.

Selon l'article 5 du contrat de travail à durée déterminée, Madame J... M... devait effectuer un cycle de 70 heures par quatorzaine réparties selon un planning affiché et remis au salarié. Il était précisé que pour les besoins du service la Direction pourrait éventuellement modifier la répartition de l'horaire de travail et recourir aux horaires supplémentaires.

Si Madame J... M... n'a pas versé aux débats ses plannings, elle a indiqué que son rythme de travail était le suivant :
- semaine 1 : lundi, mardi, samedi, dimanche 10h00 x 4 jours : 40 heures
- semaine 2 : mercredi, jeudi, vendredi 10h00x3 jours : 30 heures
précisant qu'elle avait été ainsi amenée à réaliser des heures de travail entre 19h00 et 20h30 ou 07h30 et 08h00 selon les périodes.

La SAS [...] n'a pas contesté la véracité des affirmations de Madame M..., la lecture des bulletins de salaire permettant de constater que cette indemnité pour travail de nuit ne lui a pas été réglée. Ainsi, il convient d'infirmer sur ce point la décision du premier juge et de condamner la SAS [...] à lui régler une somme de 489,09 euros correspondant à 3,5 jours par semaine durant 3 ans soit 137 semaines x1,02 euros.

Sur les congés payés de fractionnement :

En application de l'article 58 de la convention collective la période normale des congés annuels est fixée pour chaque année du 1er mai au 31 octobre.

La durée principale du congé principal pris entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année doit être au moins égale à 12 Jours ouvrables consécutifs et non fractionnables et ne peut excéder 24 jours ouvrables.

La 5ème semaine de congé doit être prise distinctement du congé principal.

Sauf renonciation individuelle ou renonciation par accord d'entreprise ou d'établissement, les congés annuels accordés en dehors de la période normale de prise sont prolongés de la manière suivante :
- congé pris en dehors de la période normale entre 3 et 5 jours : attribution de 1 jour ouvrable supplémentaire,
- congé pris en dehors de la période normale de 6 jours : attribution de 2 jours ouvrables,
- congés pris en dehors de la période normale de prise et supérieure à 6 Jours : outre les 2 Jours ci-dessus, attribution de 1 jour ouvrable supplémentaire pour chacune des périodes de 6 Jours suivantes .

Néanmoins, la 5ème semaine de congés payés n'ouvrira aucun droit à congé supplémentaire de fractionnement.

Madame J... M... demande l'attribution de trois jours ouvrables correspondant aux périodes de congés payés qu'elle aurait pris selon elle hors cinquième semaine de congés payés:
- du 28 décembre 2015 au 5 janvier 2016
- du 29 décembre 2014au 06 janvier 2015
- du 30 décembre 2013 au 04 janvier 2014
et du 5 mars 2014 au 09 mars 2014

Elle affirme que les 9 jours consécutifs pris entre décembre et janvier 2014, 2015 et 2016 ne peuvent correspondre à la 5ème semaine de congés payés alors que la lecture des bulletins de salaire des années 2014, 2015 et 2016 établit l'inverse.

En revanche, il est constant que la semaine du 5 mars 2014 au 09 mars 2014 a bien été prise en dehors de la période normale de congé qu'elle a droit à un jour ouvrable supplémentaire et qu'il lui sera ainsi alloué une somme de 75,39 euros ( 7 X 10,77 euros).

Sur le licenciement :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant d'un contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant le temps du préavis.

L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute et le doute profit au salarié.
Enfin, c'est la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

En l'espèce, les motifs de la lettre de licenciement sont les suivants :

Par la présente, nous faisons suite à notre entretien préalable à licenciement du vendredi 4 mars dernier.

Les explications fournies par vous lors de notre entretien ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave pour les raisons suivantes.
Nous vous avons embauchée sous contrat à durée indéterminée en qualité d'aide soignante; à ce titre vous êtes constamment en contact avec nos résidente et vous devez notamment veiller à leur confort physique et moral.

Cependant, dans le courant du mois de février 2016, nous avons été informés par des membres du personnel:

- du fait que vous aviez lancé un verre d'eau dans le visage d'une résidente pour la calmer. Ce type de comportement n'est absolument pas tolérable au sein de notre établissement ; même si ladite résidente devait être calmée, vous auriez dû demander de l'aide mais en aucune cas agir de telle manière;

- du fait que vous aviez également bousculé violemment un autre de nos résidents pour qu'il s'asseye rapidement. Vous avez prétexté agir de cette manière dans le but de le protéger d'un autre résident agessif..cependant, le résident ne se trouvait aucunement plus en sécurité en étant assis plutôt que debout et en aucun cas vous ne devez répondre à la violence par la violence, d'autant que cela peut préjudicier au résident dont vous vous occupiez.

De tels comportements sont inacceptables. Votre attitude nuit clairement au confort et au bien être de nos résidents et peut aller jusqu'à être considéré par la famille de ces résidents comme des actes de maltraitance qui pourraient déboucher sur une plainte de leur part et, par conséquent sur la mise en jeu de notre responsabilité.

Comme si ces faits ne suffisaient pas, nous avons été également informés courant février dernier que vous vous adressez à nos résidents de manière irrespectueuse voire carrément insultante.

Notamment, à titre d'exemple, il a été relaté à la Direction que vous aviez déjà employé, les termes "ta gueule", "dégages" ou encore "tu me dégoûtes" à l'égard de plusieurs de nos résidents.

Plusieurs de vos collègues ont été outrées de la façon dont vous vous adressiez à nos résidents et nous ont confirmé que ces faits n'étaient pas isolés mais se produisaient de manière récurrente, de sorte qu'ils ne pouvaient plus les passer sous silence..

Il nous a été également relaté que vous aviez pu faire une réflexion sur le ton de la moquerie à l'une de nos résidentes concernant ses anciens problèmes d'alcoolisme.

Or, en aucun cas, vous n'êtes en mesure de porter un jugement sur l'intimité actuelle ou passée de nos résidents.

Le confort et le bien-être physique et mental des résidents sont des éléments essentiels pour notre établissement. Nous mettons un point d'honneur à traire nos résidents dans le respect de la dignité humaine.

Or, le traitement que vous avez réservé à nos résidents est tout simplement intolérable au sein d'un EHPAD quel qu'il soit de nature à préjudicier aux résidents, à l'image de marque de l'établissement vis-à-vis des familles et pouvant engendrer la mise en cause de notre responsabilité, voire une perte de clientèle en cas de défaut d'action de notre part.

Vous avez reconnu les faits qui vous sont reprochés et avez tenté de les minimiser en prétextant avoir des problèmes personnels.

Te telles excuses ne peuvent être admises compte tenu de la gravité de votre comportement à l'égard de nos résidents assimilable à de la maltraitance physique et mentale. Il est évident que vos prétendus problèmes personnels ne concernent aucunement nos résidents lesquels n'en sont pas responsables et ne peuvent ainsi jamais justifier la commission d'actes de maltraitance envers eux.

Pour l'ensemble de ces raisons et vos explications lors de l'entretien préalable du 04 mars dernier ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous nous voyons contraints de mettre un terme sans délai pour faute grave à votre contrat de travail, la poursuite de celui-ci dans la société n'étant plus envisageable y compris durant un préavis.

Votre licenciement prend effet à la date d'envoi de la présente, soit une sortie des effectifs au 11 mars 2016 au soir et ne vous ouvrira droit ni à préavis, ni à indemnité de licenciement.....

Il est ainsi reproché à Madame J... M... d'avoir début janvier 2016 :
- commis deux gestes de violence à l'égard de résidents: soit le jet d'un verre d'eau dans le visage d'une résidente ainsi que le fait d'avoir violemment bousculé un autre résident afin de le faire asseoir rapidement;
- une manière de s'adresser aux résidents insultante et inadaptée, injures, moqueries, paroles blessantes, méchantes

Dans sa réponse écrite du 14 mars 2016 ayant pour objet : réponse à votre notification, Madame J... M... a reconnu "avoir eu un geste alors que celle-ci était en pleine crise de démence " précisant "j'ai renversé un verre en sa direction, celui-ci ne l'ayant pas atteinte" et regretter ce geste.

Dans le même courrier, s'agissant du second acte de violence, elle indique qu"il s'agit de l'interprétation d'une situation, ayant protégé un résident d'une agression en maîtrisant un autre "contestant avoir fait preuve de violence".

Elle a formellement contesté les mauvais traitements, les injures, moqueries, jugements de comportements de résidents affirmant entretenir des relations de proximité avec eux.

Elle s'est ensuite déclarée victime du comportement d'une autre salariée de l'EHPAD dont elle ne cite pas le nom dans son courrier de réponse mais qu'elle évoque dans ses conclusions s'agissant de Madame D... C..., qui aurait été son binôme et qui aurait adopté depuis plusieurs mois un comportement désinvolte et harcelant à son égard

Il est établi par les témoignages circonstanciés de Madame N... R..., aide médico-psychologique et de Madame B... P..., aide soignante qu'au début du mois de janvier 2016, elles ont constaté que Madame J... M... qui faisait la toilette et les soins de Madame U... criait, insultait celle-ci et lui frappait la main avec un peigne provoquant un saignement.

Il résulte du courrier de Madame S..., infirmière, adressé à Monsieur V..., directeur de l'établissement le 20 février 2016 que ce dernier averti de la plainte de Madame U... avait demandé à Madame S... une plus grande
vigilance à l'égard du comportement adopté par Madame J... M.... Madame S... précisant dans ce courrier avoir été contrainte de reprendre à deux reprises Madame M... sur son vocabulaire.

Parallèlement, ainsi que cela résulte de l'attestation de Madame C... D..., aide soignante, cette dernière indiquait avoir entendu Madame J... M... répondre méchamment à certains résidents, faire allusion au passé alcoolique d'une pensionnaire, avoir employé des mots comme "dégages", "ne me touche pas" l'amenant à en parler aux infirmières.

Madame Louisette Q..., dans deux attestations a indiqué avoir vu en janvier ou février 2016 Madame J... M... saisir violemment un résident Monsieur F... et le claquer brutalement sur un fauteuil d'unité "Alzheimer", ce dernier choqué, appelant au secours. Ce témoin a précisé que Madame M... avait déjà eu ce type de comportement virulent et inadapté sans toutefois donner d'autres exemples.

Madame J... M..., qui dans ses conclusions récapitulatives conteste l'intégralité des faits qui lui sont reprochés, a cependant reconnu la matérialité des faits de violences physiques en admettant avoir jeté un verre d'eau en direction du visage d'une résidente justifiant ce geste par le fait que celle-ci aurait été en crise de démence et avoir violemment assis un autre résident en donnant une interprétation non violente de son geste.

Cependant, sur les dix-huit témoignages qu'elle verse aux débats qui la dépeignent comme une femme, souriante, gentille, dynamique, impliquée dans son travail, professionnelle à l'écoute de ses patients et de leurs famille, n'ayant jamais tenu de propos insultants ni usé de gestes inadaptés, aucun ne décrit précisément la période du début de l'année 2016, s'agissant pourtant parfois de collègues de travail manifestement proches telles que Mesdames L... et G..., toutes deux aide soignantes qui ont travaillé à ses côtés et qui ne font état ni des supposées difficultés relationnelles de Madame J... M... et de Madame D... C..., ni de difficultés personnelles de Madame M.... évoquées pourtant par cette dernière dans le cadre de son entretien préalable de licenciement auxquelles elle se serait trouvé confrontée début janvier 2016.

Si le métier d'aide soignante dans un EHPAD accueillant des personnes âgées dépendantes, atteintes physiquement et /ou psychiquement, est un métier particulièrement difficile, il s'agit d'un public particulièrement fragile et en l'espèce tant les actes violents que Madame M... a admis avoir commis à l'encontre de deux résidents particulièrement vulnérables outre les propos absolument inadaptés qui sont également établis par son employeur revêtent une gravité telle que ces manquements rendaient impossible son maintien dans l'entreprise à compter du 11 mars 2016 contrairement à ce que les premiers juges ont estimé.

En conséquence, il convient d'infirmer la décision des premiers juges, de dire que le licenciement de Madame J... M... est prononcé pour faute grave ce qui entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement ainsi que le droit de réclamer des dommages-intérêts.

Sur la demande de remboursement des sommes payées :

L'EHPAD [...]. demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'il a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire.

Cependant, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel :

Il convient de débouter les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR ;

CONFIRME la décision déférée en ses dispositions relatives au rejet de la demande de dommages-intérêts de Madame J... M... pour violation des dispositions de la convention collective ;

INFIRME la décision déférée en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau :

Requalifie en contrat de travail à durée indéterminée, le contrat de travail à durée déterminée signé par Madame J... M... le 2 janvier 2009.

Condamne la SAS [...] à régler à Madame J... M... les sommes suivantes :
- une somme de MILLE HUIT CENT euros et SOIXANTES cts (1 800,60) euros. à titre de dommages-intérêts pour requalification de son contrat de travail ;
- une somme de MILLE (1 000) euros de dommages-intérêts pour non respect des dispositions de la convention collective ;
- une somme de QUATRE CENT QUATRE NEUF EUROS ET NEUF CTS ( 489,09 euros au titre de l'indemnité de sujétion spéciale ;
- une somme de SOIXANTE QUINZE euros et TRENTE NEUF CTS (75,39 euros) au titre de congés payés de fractionnement.

DIT que le licenciement de Madame J... M... est un licenciement pour faute grave et déboute cette dernière de ses autres demandes.

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la SAS [...] en restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire.

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LAISSE aux parties la charge respective de leurs dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

A. LESIEUR V. SOULIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : D1
Numéro d'arrêt : 17/003448
Date de la décision : 28/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-02-28;17.003448 ?
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