ARRÊT DU
28 Février 2019
N 340/19
No RG 17/00341 - No Portalis DBVT-V-B7B-QO77
VS/VM
RO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY
en date du
26 Janvier 2017
(RG 15/00078 -section 2)
GROSSE :
aux avocats
le 28/02/19
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. W... N...
[...] par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me BELVAL
INTIMÉE :
SAS SAMSIC II
[...]
[...]
Représentée par Me Pierre-Olivier BACH, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me SOUFFRIN
DÉBATS : à l'audience publique du 10 Janvier 2019
Tenue par Véronique SOULIER
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Valérie COCKENPOT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique SOULIER : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Leila GOUTAS : CONSEILLER
Caroline PACHTER : CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Véronique SOULIER, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 Mai 2017, avec effet différé jusqu'au 10 Décembre 2018
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur W... N... a été initialement engagé par la société SAMSIC II du 13 au 26 novembre 2006 en qualité de laveur de vitres, coefficient AS 3 de la convention collective des entreprises de propreté.
Il a été ensuite engagé par cette même société à treize reprises dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée entre le 26 février 2007 et le 22 décembre 2007 en tant qu'agent de propreté.
Il a été embauché par la société SAMSIC II dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet à compter du 1er février 2008 en qualité d'agent de propreté, classification AS échelon 2 de la convention collective de la propreté applicable. Son contrat prévoyait une clause de mobilité au terme de laquelle, il pouvait être muté sur d'autres sites en fonction des besoins de l'entreprise.
Durant la relation contractuelle, il a été affecté sur d'autres sites.
Il a été élu membre titulaire du comité d'entreprise et délégué du personnel lors des élections du 09 février 2010. Sa protection en tant que salarié protégé s'est achevé le 20 août 2014.
La société SAMSIC II a engagé à son encontre plusieurs procédures disciplinaires dont certaines ont donné lieu à des avertissements :
Le 1er octobre 2008, Monsieur W... N... a reçu une mise en garde concernant des erreurs de pointage.
Le 06 avril 2009, un avertissement lui a été notifié pour non respect des consignes transmises par sa hiérarchie.
Le 30 juillet 2009 , un avertissement lui a été notifié en raison du non respect des consignes et des règles de sécurité.
Le 26 septembre 2014, un avertissement lui a de nouveau été notifié pour ne pas avoir respecté une consigne qui lui avait été adressée le 18 juin 2014, à savoir, retourner avant le 5 de chaque mois à l'établissement les bons de ses interventions vitrerie des sites ORANGE.
Le 24 novembre 2014, en application de la clause de mobilité contractuelle, Monsieur W... N... était affecté sur le site de FRANCE TELECOM à VILLENEUVE D'ASCQ.
Le 9 mars 2015, un avertissement lui était notifié pour avoir contacté un client et modifié l'organisation des prestations de shampoing moquette que son chef d'équipe lui avait demandé d'inclure dans son temps de travail, pour avoir également tenu le 3 mars 2015 des propos menaçants à l'encontre d'une collègue de travail Madame S... F... et d'avoir tenté de l'intimider et pour avoir menacé verbalement son chef d'équipe, Monsieur X....
Le 24 mars 2015, il saisissait le Conseil de Prud'hommes de LANNOY pour que soit ordonnée sa réintégration sur ses précédents sites et que soient annulés les avertissements reçus. Il sollicitait des dommages-intérêts pour entrave à ses fonctions représentatives et au titre du harcèlement moral.
Par la suite, la Société ORANGE, client de la Société SAMSIC II s'étant plainte de vols répétés dans ses bureaux, Monsieur W... N... était convoqué le 30 mars 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 09 avril 2015.
Le 23 avril 2015, la Société SAMSIC II lui notifiait son licenciement pour faute grave au motif de vol chez son client, la société ORANGE.
Par jugement du 26 janvier 2017, le Conseil de Prud'hommes de LANNOY a :
- constaté que Monsieur W... N... n'était plus salarié protégé lorsqu'un changement d'affectation lui a été notifié.
- dit que le délit d'entrave n'était pas constitué et débouté Monsieur W... N... de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
- dit et jugé que les avertissements notifiés à Monsieur W... N... les 1er octobre 2008, 06 avril 2009 et 30 Juillet 2009 étaient définitifs en raison de la prescription prévue par les article L.1471-1 alinéa 1 du code du travail.
- annulé les avertissements des 26 septembre 2014 et 09 mars 2015.
- condamné la SAS SAMSIC II à verser à Monsieur W... N... la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction abusives.
- dit que les faits de harcèlement moral n'étaient pas caractérisés et débouté Monsieur W... N... de sa demande de dommages-intérêts.
- débouté Monsieur W... N... de sa demande de nullité du licenciement.
- dit que le licenciement de Monsieur W... N... repose sur une faute grave et le déboute de ses demandes afférentes au licenciement.
- condamne la société SAMSIC II à verser à Monsieur W... N... une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté la société SAS SAMSIC II de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur W... N... a régulièrement interjeté appel de toutes les dispositions de cette décision par déclaration formée au greffe par voie électronique le 16 février 2017.
Par conclusions déposées le 11 août 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, il demande à la Cour de :
- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de LANNOY en ce qu'il a :
* annulé les avertissements reçus les 26 septembre 2014 et 09 mars 2015 ;
* condamné la société SAMSIC II à lui verser une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- infirmer les autres dispositions de ce jugement :
* condamner la société SAMSIC II à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction abusive;
* constater les faits de harcèlement moral à son encontre ;
* condamner la société SAMSIC II à lui verser une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts;
* dire le licenciement nul;
* condamner la société SAMSIC II à lui régler :
- 3 424,34 brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 342,43 euros brut;
- 1 455,36 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire outre les congés payés y afférents de 145,53 euros;
- 2 775,15 euros à titre d'indemnité légale de licenciement;
- 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en réponse transmises par voie électronique le 2 novembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la Société SAMSIC II a demandé à la Cour de :
- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de LANNOY en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a annulé deux avertissements et en conséquence
* dire que Monsieur W... N... ne peut plus contester la légitimité des sanctions en date des 1er octobre 2008, 6 avril 2009 et 30 juillet 2009, désormais définitives;
* débouter Monsieur W... N... de sa demande d'annulation des avertissements qui lui ont été notifiés;
* dire que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis et débouter Monsieur W... N... de sa demande de dommages-intérêts;
* dire que le licenciement pour faute grave est justifié et qu'il n'est pas lié à des faits de harcèlement moral;
* débouter Monsieur W... N... de sa demande de nullité du licenciement et des demandes de dommages-intérêts pour licenciement abusif, indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement;
- condamner Monsieur W... N... à régler à la société SAMSIC II une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture à effet différé a été fixée au 10 décembre 2018.
SUR CE :
Sur la demande d'annulation des avertissements et de dommages-intérêts pour sanctions abusives:
L'article L.1332-1 du code du travail dispose qu'aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui.
L'article L.L.1332-2 du même code indique que lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non sur la présence dans l'entreprise, la carrière ou la rémunération du salarié. Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.
En application de l'article L.1333-1 du code du travail, un salarié peut contester devant le juge prud'homal dans les délais de prescription, toute mesure disciplinaire prise à son encontre. Le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés à l'intéressé sont de nature à justifier la sanction contestée, si tel n'est pas le cas, il peut annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Il appartient à l'employeur de fournir au Conseil de Prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction, le juge forgeant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi que l'a constaté à juste titre le Conseil de Prud'hommes de LANNOY, à la date de sa saisine, Monsieur W... N... ne pouvait plus contester les avertissements des 1er octobre 2008, 6 avril 2009 et 30 juillet 2009, la prescription étant acquise en application de l'article L 1471-1 du code du travail.
Bien que reconnaissant l'acquisition de la prescription concernant les trois premiers avertissements, Monsieur W... N... a persisté à maintenir sa contestation affirmant que l'employeur ne produisait aucun élément justifiant ces sanctions alors même que la société SAMSIC ne doit se justifier que sur l'avertissement du 26 septembre 2014 et sur celui du 09 mars 2015.
Le 26 septembre 2014, un avertissement a été notifié à Monsieur W... N... pour ne pas avoir respecté une consigne qui lui avait été adressée le 18 juin 2014, à savoir, retourner avant le 5 de chaque mois à l'établissement les bons de ses interventions vitrerie des sites ORANGE. Selon l'employeur, seuls deux bons d'intervention auraient été retournés par le salarié concernant la vitrerie du site de BOITELLE pour des prestations effectuée sur les mois de mai, juin et juillet 2014 correspondant à un seul des 5 sites planifiés pour les mois de mai et d'août 2014.
Monsieur W... N... a contesté cet avertissement par courrier du 5 octobre 2014, avertissement maintenu par l'employeur suivant courrier du 23 octobre 2014.
Bien que régulier en la forme, la société SAMSIC II ne verse aux débats aucune pièce justifiant les faits reprochés à Monsieur W... N..., en sorte qu'il convient de confirmer la décision des premiers juges de ce chef ayant annulé cette sanction disciplinaire.
Le 9 mars 2015, un avertissement lui était notifié pour avoir contacté un client et modifié l'organisation des prestations de shampoing moquette que son chef d'équipe lui avait demandé d'inclure dans son temps de travail, pour avoir également tenu le 3 mars 2015 des propos menaçants à l'encontre d'une collègue de travail Madame S... F... et d'avoir tenté de l'intimider et pour avoir menacé verbalement son chef d'équipe, Monsieur X... le 5 mars 2015.
Monsieur W... N... a également contesté les faits qui lui étaient reprochés.
Cependant, la société SAMSIC II a versé aux débats deux mails datés du 3 février 2015 dont il résulte que Monsieur A..., responsable logistique d'ORANGE a averti les responsables du secteur de Monsieur W... N... "qu'il avait été interpellé par votre équipe de nettoyage pour les locaux de VILLENEUVE d'ASCQ-FLERS à propos du shampouignage des moquettes et qu'il était arrivé au compromis suivant :
Réaliser 1/4 du niveau concerné par jour à partir de leur arrivée à 6 heures mais pas plus d'une heure de travaux afin de laisser le temps de séchage nécessaire avant l'arrivée du personnel et le dernier jour les moquettes du couloir", que cette organisation n'était nullement celle programmée par la société SAMSIC, l'animateur de secteur précisant au directeur de celle-ci que la proposition de Monsieur A... le "dérange beaucoup dans le reste de son organisation moyen matériel et humain bloqué pendant une semaine ce qui était impossible et ce qui le contraignait à louer".
En revanche, les propos menaçants qu'il aurait tenus à l'égard de Madame S... et de Monsieur X... ne sont pas établis, la société SAMSIC II ne produisant aucune pièce aux débats sur ce point alors que Madame F... S... a rédigé au profit de Monsieur W... N... deux témoignages rédigés les 11 février 2015 et le 4 mars 2015, soit s'agissant de cette dernière attestation, le lendemain du jour où Monsieur W... N... l'aurait menacée dans lequel, elle indique avoir subi des pressions de la part de Monsieur X... dans le but d'établir un témoignage défavorable à Monsieur W... N....
Pour autant, la société SAMSIC II a bien établi l'existence d'un comportement fautif imputable à Monsieur W... N... qui n'a nullement la possibilité, sans violer ses obligations contractuelles de modifier directement avec les clients de son employeur l'organisation des prestations laverie de cette société en sorte que l'avertissement qui lui a été notifié, qui est la sanction la plus légère prévue par le règlement intérieur de la société était justifié.
Ainsi, la décision du Conseil de Prud'homme de LANNOY sera réformée sur ce point ainsi que sur le montant des dommages-intérêts alloués à Monsieur W... N... qui sera ramené à la somme de 1000 euros.
Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail , aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, le salarié qui estimait être victime de harcèlement moral devait alléguer devant le juge des faits précis et concordants qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que les mesures qu'il avait prises étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le juge devant apprécier les éléments produits de part et d'autre pris dans leur ensemble.
Pour caractériser les faits de harcèlement dont il se dit victime, Monsieur W... N... fait état :
- des multiples sanctions, selon lui injustifiées, dont il a été victime de la part de la société SAMSIC II depuis 2008, soit cinq procédures disciplinaires pour lesquelles l'employeur n'a pas donné suite, une procédure de licenciement avortée, cinq sanctions disciplinaires injustifiées dont deux ont été annulées par le Conseil de Prud'hommes de LANNOY;
- le fait qu'il aurait été affecté de manière unilatérale en novembre 2014 sur de nouveaux sites de France Télécom à une période juste postérieure à son mandat de protection échu en août 2014;
- le contrôle de son activité à compter du début de l'année 2015 et la tentative de son employeur d'obtenir de faux témoignages à son encontre.
Les trois premiers avertissements notifiés à l'encontre de Monsieur W... N... à l'issue d'une procédure régulière le 1er octobre 2008, 6 avril 2009 et 30 juillet 2009 n'ont pas été contestés par le salarié avant l'expiration de la prescription en sorte qu'il n'est pas fondé à les évoquer six années plus tard en soutenant qu'ils étaient injustifiés.
Si une procédure de licenciement pour faute grave a bien été diligentée à son encontre à la suite de la disparition d'objets en avril, mai et juin 2012 sur le site de France Telecom Villeneuve d'Ascq Trémière durant ses prestations vitrerie à compter du 13 juin 2012 avec mise à pied conservatoire et entretien préalable fixée au 26 juin 2012 puis au 9 juillet 2012, cette procédure, qui intervient trois années après les premiers avertissements pour des faits de nature différente n'a pas été menée à son terme, malgré un avis favorable du Comité d'établissement en date du 9 juillet 2012, l'inspection du travail ayant refusé son autorisation faute de preuve de l'implication de Monsieur W... N..., à l'époque salarié protégé, dans les vols.
Deux années plus tard, le 3 juin 2014 pour des faits de nature encore différente, un courrier était adressé à Monsieur W... N... lui demandant de retourner à l'établissement à compter du 1er juillet 2014 les bons de ses interventions vitrerie sur les sites ORANGE.
Il est effectivement établi qu'à cette période et depuis le 1er avril 2012, Monsieur W... N... était affecté sur les sites de la DDSI, de la Trésorerie VAFO, de BOITELLE et d'ORANGE situés à LILLE et à VILLENEUVE D'ASCQ.
Un avertissement lui était notifié le 26 septembre 2014 pour n'avoir pas respecté cette demande, sanction annulée par le Conseil de Prud'hommes de LANNOY confirmé sur ce point par la Cour.
Mais le dernier avertissement qui lui a été notifié le 9 mars 2015, annulé par le Conseil de Prud'hommes a, quant à lui, été considéré comme justifié par la Cour.
Ainsi, contrairement à ce que fait valoir Monsieur W... N..., les différentes procédures disciplinaires engagées à son encontre durant les sept années de son activité professionnelle ainsi que les sanctions prononcées à son encontre, toutes justifiées à l'exception de celle du 26 septembre 2014 ne permettent pas en tant que telles de présumer un harcèlement moral de la part de la société SAMSIC II qui n'a pas exercé abusivement son pouvoir disciplinaire.
Monsieur W... N... a également fait valoir que son employeur avait unilatéralement changé son affectation le 24 novembre 2014 et qu'alors qu'il était laveur de vitre sur le site de FRANCE TELECOM et ORANGE, il avait été affecté sur de nouveaux sites de FRANCE TELECOM en qualité d'agent de propreté.
Cependant, outre le fait que le contrat de travail à durée indéterminée signé par Monsieur W... N... le 25 janvier 2008 l'engage bien en tant qu'agent de propreté qualifié AS échelon 2 et non laveur de vitre, il comporte en page 4 une clause de mobilité rédigée ainsi qu'il suit :
" Le salarié est embauché pour le ou les sites précisés en page 3 (SAMSIC LILLE à VILLENEUVE D'ASCQ). Pour tenir compte des impératifs qu'impose la profession et ceux liés à l'activité de la société, cette dernière se réserve la possibilité d'affecter le salarié en tout autre lieu en fonction des besoins de l'entreprise, sans que cela constitue une modification du contrat de travail".
Ainsi que cela résulte des pièces versées aux débats par Monsieur W... N..., durant la relation contractuelle, l'employeur, en fonction de ses besoins, a été amené à modifier le lieu d'affectation de son salarié aux termes d'avenants qu'il a signés ainsi l'avenant du 26 mars 2012 qui l'affectait sur cinq sites différents : FT DDSI, FT Trémière, FT VAFO, FT BOITELLE et FT ORANGE quatre de ces cinq entreprises étant situées à VILLENEUVE-D'ASCQ et l'une à LILLE et celui du 18 février 2014 qui l'affectait sur les sites FRANCE TELECOM et d'ALSTHOM à VILLENEUVE D'ASCQ.
Ainsi que le soutient à juste titre la société SAMSIC, la réorganisation et le transfert de site de Monsieur W... N... entrent bien dans son pouvoir de direction à l'égard d'un salarié, qui n'était plus protégé depuis le 20 août 2014, dont le contrat de travail contenait une clause de mobilité qui s'était appliquée à plusieurs reprises durant la relation contractuelle, cette affectation n'entraînant aucune modification de son secteur géographique d'intervention qui demeurait VILLENEUVE D'ASCQ, de la durée de son travail, de sa nature, du montant de sa rémunération. Ainsi les raisons de cette réorganisation et de ce transfert sont parfaitement étrangères au harcèlement moral dénoncé.
En revanche, Monsieur W... N... établit qu'en février et mars 2015, à la période de son dernier avertissement, il s'est trouvé en difficulté dans sa relation avec son responsable de poste Monsieur V... X..., son supérieur hiérarchique, responsable des sites sur lesquels il travaillait ainsi que cela résulte des témoignages précis et concordants établis :
- le 10 février 2015 par Madame E... celle-ci indiquant que "son responsable l'appelle plusieurs fois par semaine quand elle est en poste avec son collègue W... N... pour savoir s'il est arrivé à l'heure, à quel étage il se trouve, s'il fait son travail";
- le 11 février 2015 par Madame J... qui précise que " son responsable Monsieur V... X... est venu sur son lieu de travail à ORANGE FLERS pour lui demander à quelle heure arrivait son collègue de travail W... N... et s'il respectait son horaire.."
- le 11 février 2015 par Madame F... S... qui indique que "Monsieur V... (chef d'équipe) l'appelle après son travail pour lui demander si Monsieur W... N... est là, s'il est dans l'étage et quand je suis chez moi le week-end, quand je travaille le soir, il me demande si Monsieur N... est là sur le site ORANGE FLERS".
- le 4 mars 2015, par Madame S... qui indique "que V... X... est venu "sur son site pour lui faire signer un document qui accuserait Monsieur W... "N... d'avoir volé sur les sites où il travaille...que ce serait bien de le mettre sur "le dos de Monsieur N... comme ça il pourrait mettre deux personnes sur le site "et licencier Monsieur N.......le 6 mars 2015, Monsieur X... lui aurait "téléphoné six fois de suite, elle n'a pas répondu, il s'est déplacé sur le site et lui a dit "que si elle ne faisait pas ce papier, Monsieur N... la menacerait sans arrêt, je "devais réfléchir à sa proposition"
Cette surveillance dépeinte dans les mêmes termes par trois salariés de la société SAMSIC II durant plusieurs semaines en février et mars 2015 à une période où la relation de travail de Monsieur W... N... avec la société SAMSIC II était déjà très difficile, ce dernier ayant fait l'objet d'un dernier avertissement le 9 mars 2015, une procédure de licenciement pour faute grave étant lancée le 30 mars 2015, a dégradé un peu plus les relations de travail, son but étant de compromettre l'avenir professionnel de Monsieur W... N... au sein de la société et a contribué à altérer la santé du salarié qui justifie s'être trouvé en arrêt de travail à compter du 30 mars 2015 et sous traitement médicamenteux.
La société SAMSIC II ne s'est pas expliquée sur cette surveillance fautive n'ayant fourni aucune pièce alors même qu'il est constant qu'une enquête de police avait été diligentée à la suite du dépôt de plainte de Monsieur W... N... le 20 mars 2015 à l'encontre de Monsieur X... pour harcèlement moral en sorte qu'il convient d'infirmer sur ce point la décision du Conseil de Prud'hommes de LANNOY, de dire qu'il y a eu harcèlement moral et de condamner la société SAMSIC II à régler à Monsieur W... N... une somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur le licenciement pour faute grave :
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant d'un contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant le temps du préavis.
L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute et le doute profit au salarié.
Enfin, c'est la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.
En l'espèce, les motifs de la lettre de licenciement adressée à Monsieur W... N... le 23 avril 2015 sont les suivants :
"Nous accusons réception de votre courrier en date du 19 mars dernier par lequel vous "contestez l'avertissement qui vous a été notifié par courrier recommandé du 06 mars "2015.
"Vous expliquez n'avoir pas tenu de propos menaçants envers Madame F... "S... votre collègue. Cependant dans l'attestation de Madame S... que "vous nous avez communiquée, Madame S... ne confirme aucunement vos dires.
"De plus nous sommes surpris de la teneur de vos propos quant à vos reproches de "harcèlement moral. Vous semblez confondre harcèlement moral et pouvoir de "direction.
"Le 20 mars derniers, vous avez déposé plainte contre Monsieur V... X... "votre chef d'équipe sur le site au commissariat de police de Lille pour des faits de "harcèlement. A ce titre, nous avons été entendus par les services de police y compris "Monsieur X..., une enquête étant actuellement en cours.
"Par courrier du 30 mars 2015 nous vous avons convoqué à un entretien préalable "prévu le jeudi 9 avril 2015 à 10h00 au cours duquel nous vous avons exposé en détail "les faits qui vous étaient reprochés.
"Après réflexion et réexamen de votre dossier, nous vous informons que nous avons "décidé de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants :
"Vous exercez votre mission en tant qu'Agent de service (AS3 au sens de la Convention "collective Nationale des Entreprises de Propreté) sur les sites :
* ORANGE FLERS situé [...] aux horaires de travail suivants : du lundi au vendredi de 06h00 à 10h00.
* ORANGE CIMAISE situé [...] aux horaires de travail suivants : du lundi au vendredi de 16h30 à 19h30;
"Le 27 mars dernier nous avons été alertés par notre client sur le fait que des clés USB "et différents articles publicitaires (à l'effigie d'ORANGE) lui appartenant avaient été "dérobées. Notre client a déposé plainte auprès des services de police.
"Or, depuis votre affectation sur le site le 24 novembre 2014, notre client a constaté de "nombreuses disparitions d'objets (téléphones) appartenant à des collaborateurs.
"Nous vous avons donc convoqué à un entretien préalable en vous notifiant par la même "occasion une mise à pied à titre conservatoire étant donné la gravité des faits "reprochés.
"Lors de cet entretien vous avez nié les faits en prétextant que nous n'aurions pas d'éléments justificatifs. Or, il n'en est rien.
"Vous n'êtes pas sans ignorer les dispositions de l'article 5.5 du Règlement intérieur de "l'Etablissement de LILLE : il est interdit d'emporter des objets, matériels, produits "etc... appartenant à l'Entreprise et aux entreprises clientes sans autorisation préalable "de la Direction ou du client.
"Le non respect de vos obligations contractuelles, professionnelles et réglementaires "ainsi que des règles les plus élémentaires de comportement à adopter au travail est tout "à fait inadmissible. La conduite dont vous avez fait preuve est inacceptable et nous ne "pouvons la tolérer sans réagir.
"De plus vos agissements nuisent à la crédibilité de notre société auprès de notre client.
"En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour "faute grave, votre maintien dans l'entreprise s'avérant impossible, y compris pendant "la durée du préavis;
"La rupture de votre contrat de travail prend donc effet immédiatement à la date d'envoi "de cette lettre par les services postaux et votre solde de toute compte sera arrêté à cette "date sans indemnité de préavis ni de licenciement.
"Par ailleurs , votre période de suspension de contrat ne vous sera pas payée....."
Pour solliciter l'annulation de son licenciement, Monsieur W... N... fait valoir au visa des articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail, qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces textes étant nulle.
Il soutient que dans la lettre de licenciement, l'employeur fait expressément référence à la dénonciation des faits de harcèlement moral dont il a été victime et qu'ainsi, la société SAMSIC a nécessairement pris en considération cette dénonciation pour justifier la rupture du contrat de travail avec son salarié, peu important que les faits de harcèlement ne soient évoqués qu'à titre accessoire.
Cependant, contrairement aux affirmations de Monsieur W... N..., il résulte de la lecture de la lettre de licenciement que le seul motif pour lequel il a été licencié pour faute grave, qu'il n'évoque d'ailleurs nullement dans ses écritures, est la disparition de certains objets au préjudice d'un client de l'entreprise SAMSIC II, en violation des règles contractuelles interdisant au salarié d'emporter à son domicile des objets propriété du client au domicile duquel il effectue sa prestation, et non le fait d'avoir dénoncé un harcèlement moral, l'employeur ne l'évoquant dans les premières phrases de la lettre de licenciement qu'en réponse à un précédent courrier du salarié pour s'en étonner et indiquer à Monsieur W... N... qu'une enquête pénale est en cours sans prendre en considération cette dénonciation comme un motif même accessoire de licenciement. Il n'y a donc pas lieu de dire que le licenciement de Monsieur W... N... est nul.
Ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges et contrairement aux dénégations initiales de Monsieur W... N..., ce dernier a reconnu dans le cadre de l'enquête pénale diligentée à son encontre pour des faits de vol commis au préjudice de la société ORANGE qu'il avait bien dérobé un disque dur dans cette société, objet retrouvé en perquisition à son domicile, reconnaissance qu'il a maintenue devant le Procureur de la République le 20 décembre 2015, faits qui lui ont valu un rappel à la loi.
Le fait pour Monsieur W... N..., salarié de la société SAMSIC, entreprise de nettoyage, de s'être approprié un téléphone portable dans les locaux de la société ORANGE, cliente de la société justifiait son licenciement pour faute grave le privant de ses demandes d'indemnisation en sorte qu'il convient de confirmer sur ce point le jugement du conseil des Prud'hommes de LANNOY.
Sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile :
Les sommes allouées à Monsieur W... N... en première instance sur ce fondement seront confirmées, en revanche, les parties seront déboutées de leurs demandes formées de ce chef devant la Cour.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR:
CONFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes de LANNOY en ce qu'il a :
- dit que les avertissements notifiés à Monsieur W... N... les 1er octobre 2008, 06 avril 2009 et 30 juillet 2009 étaient définitifs car prescrits ;
- annulé l'avertissement du 26 septembre 2014,
- débouté Monsieur W... N... de sa demande de nullité du licenciement,
- dit que le licenciement de Monsieur W... N... reposait sur une faute grave,
- débouté celui-ci de ses demandes d'indemnité afférentes au licenciement, indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
- condamné la société SAMSIC II à régler à Monsieur W... N... une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
INFIRME la décision déférée pour le surplus
Statuant à nouveau
- Dit que l'avertissement du 09 mars 2015 était justifié ;
- Condamne la société SAMSIC II à régler à Monsieur W... N... une somme de MILLE (1000) euros à titre de dommages-intérêts pour l'avertissement injustifié du 26 septembre 2014 ;
- Dit que les faits de harcèlement moral sont caractérisés ;
- Condamne la société SAMSIC II à régler à Monsieur W... N... une somme de SEPT MILLE CINQ CENTS (7 500) euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral;
- Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Laisse à chaque partie la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.
LE GREFFIER
A. LESIEUR
LE PRÉSIDENT
V. SOULIER