ARRÊT DU
28 Février 2019
N 378/19
No RG 17/00273 - No Portalis DBVT-V-B7B-QOJZ
ML/AL
RO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE
en date du
11 Janvier 2017
(RG 14/00756 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 28/02/19
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. Z... R...
[...]
[...]
Représenté par Me Alexandre PECQUEUR, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
SAS COURTAGE D'ASSURANCES GESTION RISQUE MALADIE (CGRM)
[...]
[...]
Représentée par Me David-franck PAWLETTA, avocat au barreau de LILLE substitué par Me GOISLOT
Assistée de Me Sophie GALLIER-LARROQUE, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS : à l'audience publique du 16 Janvier 2019
Tenue par Michèle LEFEUVRE
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Philippe LABREGERE : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC : CONSEILLER
Michèle LEFEUVRE : CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 Avril 2017, avec effet différé jusqu'au 06 Novembre 2018
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 janvier 2003 faisant suite à un contrat à durée déterminée ayant débuté le 4 mars 2002, la société CGRM, Centre de Gestion Règlements maladie appartenant au groupe Gras Savoye, a engagé M. Z... R... en qualité de chargé de mission avec la classification cadre classe E, suivant la classification de la convention collective des entreprises de courtage d'assurance et/ou réassurance.
En dernier lieu, M. Z... R... occupait un poste de chargé de mission avec la classification F au sein du département Process et Qualité et était responsable MOA (maître d'ouvrage) percevait une rémunération mensuelle de 3.750,39 euros brut.
Par lettre du 15 janvier 2014, la société CGRM a notifié à M. Z... R... un avertissement pour ne pas avoir respecté les instructions concernant le reporting de son activité. Par courriel du 5 février 2014, l'employeur a informé M. Z... R... du maintien de cet avertissement qu'il avait contesté.
Par lettre du 18 août 2014, M. Z... R... a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé le 28 août 2014, au cours duquel il a demandé la saisine du conseil de discipline prévu par la convention collective. Par lettre du 29 août 2014, la société CGRM lui a indiqué que les manquements évoqués ne relèvent pas du domaine disciplinaire et ne pas accéder à sa demande. M. Z... R... a ensuite été licencié par lettre du 2 septembre 2014 et dispensé d'exécuter le préavis.
Les motifs du licenciement, tels qu'énoncés dans la lettre de licenciement sont les suivants:
" De par vos missions, il vous revient principalement d'assurer la gestion de projets de maîtrise d'ouvrage et la rédaction des besoins fonctionnels, suite à des évolutions règlementaires et/ou techniques.
Dans ce cadre, nous vous avons notamment fixé comme objectif prioritaire pour l'année 2014, la responsabilité de la mise en place du projet de la CCAM dentaire en lien avec notre prestataire informatique ISA et les équipes de gestion, et ce dès le 24 février 2014, avec une échéance au 1er juin 2014 concernant sa mise en production, tel que formalisé dans votre entretien annuel d'appréciation de 2014.
Or à ce jour, et en dépit des multiples alertes que nous vous avons prodiguées concernant le retard pris et l'absence de pilotage de votre part de ce projet, nous constatons une nouvelle fois que vous n'avez pas su respecter l'échéance prévue.
De plus, et compte tenu de votre absence de travail collaboratif avec les acteurs concernés, vous avez exclu à tort et de votre propre initiative le sujet des devis et prises en charge de votre expression de besoins initial, ce qui s'est traduit par l'impossibilité de gérer efficacement les actes de devis dentaires au 1er Juin 2014, nous obligeant à réagir dans l'urgence pour trouver des solutions à ce dysfonctionnement grave au regard de notre activité.
Nous vous reprochons de pas nous avoir fait part d'un possible dérapage de la date de mise en production, de ne pas avoir non plus et en premier lieu alerté votre manager direct, Madame V... T..., et de n'avoir entrepris aucune action de nature à remplir cet objectif majeur pour notre activité de gestion santé.
L'échéance arrivant et sans informations precises de votre part, nous vous avons fait une demande expresse de tenue de feuille de route en date du 2 Juin 2014 et avons dû provoquer une réunion d'urgence le 4 Juin 2014, faute de visibilité de votre part sur l'état d'avancement de ce projet. A l'issue de cette réunion, votre complément au cahier des charges était à nouveau incomplet, ce qui a amené votre responsable à vous demander de reprendre tous les termes de la réunion et de le compléter des éléments précis évoqués lors de la réunion.
Bien que nous ayons insisté sur le fait que la bonne tenue de cette feuille de route était de votre responsabilité, vous vous êtes contenté de reporter sur les autres acteurs cette tâche, ce qui a obligé votre manager à vous rappeler le 6 Juin 2014, qu'en votre qualité de pilote en charge de ce projet, c'est à vous qu'il incombait de le faire.
Après cette date, vous n'avez pas non plus respecté nos demandes légitimes de reporting quotidien aux acteurs du projet (les 6 et 23 juin), afin de permettre à chacun d'en connaître précisément l'avancement, ce qui n'est pas acceptable compte tenu du retard déjà pris, de votre fait, sur ce projet. Vous n'avez fourni aucune explication de nature à expliquer ces dysfonctionnements.
Nous constatons que la mise en œuvre de vos indicateurs demandée en dernier lieu pour le 30 Juin 2014, n'est toujours pas effective et que vous n'avez fait aucune proposition concrète à vos responsables N·1+1 et N+2. Votre proposition a concerné un seul indicateur sur six, indicateur que nous avions déjà repoussé lors de votre entretien annuel car non pertinent.
Cette situation est symptomatique de votre incapacité récurrente à gérer les projets dont vous avez la responsabilité, à respecter les délais, ainsi qu'à animer des réunions, missions qui constituent pourtant votre cœur de métier.
En effet, votre hiérarchie vous alerte régulièrement et depuis plusieurs années sur la nécessité :
- de rétablir le niveau de vos prestations,
- de travailler en concertation avec les utilisateurs internes et le prestataire informatique pour mener à bien vos missions et les projets qui vous sont confiés, afin de fournir aux équipes techniques, dans les délais, les expressions de besoin des utilisateurs pour développement et mise à disposition des outils.
- d'avoir un relationnel propice à l'échange et au dialogue, ce qui est indispensable dans vos fonctions de pilotage et d'intermédiaire entre les gens du métier et les équipes techniques.
Ainsi, à titre d'exemples récents:
- vous persistez à ne pas donner de visibilité sur votre activité, en dépit des demandes répétées et vaines de votre manager Madame T..., ce qui ne lui permet pas de suivre l'état d'avancement de vos projets (courriel du 14 janvier 2014: « je maintiens ma demande pour recevoir dès aujourd'hui votre compte rendu d'activité sur votre calendrier partagé ou tableau récapitulatif »). Selon vous, lorsque vous y répondez, vous ne faites que « montrer votre bonne volonté ».
Or il s'agit d'une demande motivée par des raisons objectives de traçabilité et de suivi, la persistance de votre attitude de blocage aboutissant le 15 janvier 2014 à la notification d'un avertissement pour ces raisons.
Sur le dossier SEPA, votre manager constate une nouvelle fois vos carences concernant les attestations SEPA (courriel du 23 juin 2014) : elle vous indique à nouveau « dans la mesure où nous n'avons aucune information sur vos activités journalières cela devrait pouvoir s'intégrer dans votre planning ... »
Ces demande répétées de visibilité sur votre activité, afin de pouvoir la piloter et intervenir en cas de dérapage, est invariablement pointée dans vos entretiens annuels d'appréciation:
*11/04/2012: objectif « assurer le reporting de son activité-mettre en place des indicateurs à proposer et valider par la direction- échéance juin 2012.
Commentaire de votre manager n+ 1 « nous attendons mieux de Z... dans sa capacité à faire remonter le bilan de son activité et obtenir un retour positif d'équipes»
*30/04/2013: (bilan de l'année 2012) : l'objectif est évalué « non réalisé », et reconduit pour 2013.
* Avril 2014 (bilan de l'année 2013) : ce même objectif est une nouvelle fois évalué « non réalisé », et reconduit pour 2014.
- Vous ne remplissez pas vos missions et vous vous déchargez de toute responsabilité sur vos actions
Monsieur S... D... vous demande le 17 janvier 2014 la transmission d'un fichier dans le cadre du projet SEPA: vous lui adressez un fichier, mais prenez la peine de préciser « je décline toute responsabilité dans cette action », ce qui n'est pas acceptable dans la mesure où cela relève strictement de vos responsabilités. Ce dernier vous répondra d'ailleurs trouver « cavalier de nous alerter maintenant à quelques jours de la date butoir de mise en production du prélèvement SEPA. En effet, si un risque existait et en tant que pilote du projet, il me semble que c'était ton rôle de veiller à ce que tous les risques soient identifiés, étudiés, compris et gérés».
Vous lui adresserez à l'identique le fichier prélèvements, après le lui avoir adressé une première fois incomplet, sans avoir donc pris la peine de vous assurer que votre second envoi était correct.
Sur le projet SEPA, votre manager, après avoir fait le constat de votre inertie et de votre absence de réponse au courrier recommandé de Klesia, vous indiquera le 23 janvier 2014 «je ne peux que conclure à une volonté de ne pas collaborer avec vos collègues, et qui plus est votre responsable hiérarchique »,
Le 24 avril 2014, elle sera amené à vous rappeler encore une fois que «quant à la justification de votre emploi du temps, de la façon la plus simple vous indiquerez le temps passé à cette tâche dans votre reporting d'activité - il n 'y a rien d'insurmontable»
- Vous n'allez pas vers les autres, et adoptez un relationnel difficile et polémique
De par vos missions, il vous revient d'être l'interface entre les utilisateurs et les équipes intormatiques, afin de recueillir les besoins des utilisateurs et les retranscrire aux équipes techniques pour développement.
Pour ce faire, il vous revient de rencontrer les utilisateurs, d'organiser et d'animer des réunions pour que les besoins soient exprimés, avant de les rebasculer sur les équipes techniques. Or vous ne parvenez pas à tenir cette posture, à vous imposer comme l'animateur en charge de l'interface avec les équipes techniques. Vous vous contentez d'être passif et attendez que les utilisateurs se manifestent, au lieu de les mobiliser. Là encore, cette attitude persiste depuis .plusieurs années et a fait l'objet de demande répétées d'amélioration de la part de votre hiérarchie, en vain.
Ainsi:
Entretien annuel 2012 : évaluation de la dimension « travail en équipe: évaluation C », il vous est demandé d'«améliorer la relation interne et la rendre proactive ».
Entretien annuel 2013 : votre n+2 précise: «j'insiste sur l'importance d'aller chercher les autres et ne pas attendre qu'ils viennent à toi».
Entretien annuel 2014: évaluation de la dimension « capacité à travailler en mode transverse: C ».
Votre hiérarchie n'a pu que constater votre incapacité récurrente à être au niveau attendu de votre poste. Comme seule réponse, vous avez vainement tenté d'occulter vos manquements en demandant à ce que de nouvelles missions, de nature commerciale, vous soient confiées.
Sur ce point, je vous indiquais déjà en janvier 2013 que « j'étais assez déçu de la situation actuelle. Je ne souheite pas que cette mission soit un échappatoire mais une renaissance professionnelle progressive. Je t'ai également indiqué que nous ne paierons pas pour voir et attendons de toi une implication sans faille sur l'ensemble des projets confiés ».
Je réitérais ce constat en avril 2014, en vous confirmant que « quant à votre demande de plus de commerce, je vous ai précisé que cela ne devait pas être un échappatoireà votre mission de MOA... J'avoue être déçu de constater qu'une fois de plus, vous n 'assumez pas votre responsabilité quand finalement les choses ne se font pas et que vous rejetez la faute sur un manque de moyen tout à fait infondé ».
Au lieu de prendre conscience de la nécessité de réformer votre comportement et réagir face aux demandes et aux critiques, vous persistez dans une attitude de blocage, d'absence de proactivité
et d'opacité totalement injustifiables dans le contexte actuel de forte attente sur les outils, afin d'optimiser le service rendu à nos clients.
Au regard de ce qui précède, et en dépit de nos nombreuses alertes, nous sommes contraints de déplorer la persistance et la récurrence des difficultés constatées, sans qu'aucune amélioration ne puisse être envisagée compte tenu de votre absence de remise en cause, ce qui rend dès lors la rupture inévitable.
Votre absence d'explication et de solution ne permet pas de retrouver un mode de coopération serein et compatible avec votre niveau de responsabilité. La persistance de votre attitude d'évitement, votre incapacité à délivrer et à rétablir durablement une situation claire et à jour nous amènent à devoir vous notifier votre licenciement pour ces motifs".
Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. Z... R... a saisi le 11 décembre 2014 le conseil de prud'hommes de Dunkerque de demandes d'indemnisation.
Par jugement de départage du 11 janvier 2017, le conseil de prud'hommes a débouté M. Z... R... de ses demandes d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société CGRM à lui verser les sommes suivantes:
- 9.874,04 euros en remboursement de frais de déplacement,
- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Z... R... a interjeté appel de ce jugement le 7 février 2017.
Par ordonnance du 3 avril 2017, la cour a, au visa des articles 905 et 760 à 763 du code de procédure civile, fixé un calendrier de procédure et différé la clôture à la date du 6 novembre 2018.
Par conclusions notifiées le 30 juin 2017, M. Z... R... demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il condamne la société CGRM à lui rembourser les frais de déplacement et l'article 700 du code de procédure civile et de l'infirmer pour le surplus en disant que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et en condamnant à la société CGRM à lui verser les sommes suivantes:
- 120.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 12.503,04 euros au titre des frais de déplacement,
- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de formation,
- 1.000 euros à titre de prime annuelle 2014 destinée à compenser l'emprunt,
- 2.000 euros à titre de compensation pour les deux échéances de prêt imputées sur sa dernière fiche de paie,
- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Z... R... expose que son licenciement est de nature disciplinaire et non fondé sur une insuffisance professionnelle, ce qui lui donnait la possibilité de saisir le conseil de discipline, ce qui constitue une garantie de fond. Il indique que les faits qui ont fait l'objet de l'avertissement du 15 janvier 2014 y sont repris et que les termes utilisés dans la lettre de licenciement démontrent son caractère disciplinaire. Concernant le projet CCAM dentaire, il indique que le retard qui lui est reproché est du à sa supérieure hiérarchique qui ne lui a pas communiqué les pièces nécessaires dans les délais alors que ses prérogatives avaient diminué, que le cahier des charges qu'il a établi comportait une feuille de route, qu'il a adressé plusieurs propositions concernant les indicateurs mais n'a pas eu les éléments de la direction pour les mettre en place, et que les consignes concernant le calendrier partagé étaient nébuleuses. Il considère que les pièces produites concernant le dossier Sepa ne sont pas probantes et qu'il a toujours essayé de travailler au mieux avec ses collaborateurs et conteste l'absence d'implication qui lui est reprochée, alors que depuis le changement de direction, ses prérogatives ont été réduites, ce qui a eu des conséquences sur son autorité. Il considère que son licenciement est en réalité motivé par la nécessité de réduire les effectifs et de réorganiser les équipes, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée et subsidiairement, que l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée n'est pas démontrée. Il indique avoir rencontré des problèmes de santé et avoir été reconnu travailleur handicapé sans avoir retrouvé un emploi équivalent, sa compagne étant de plus atteinte d'une maladie invalidante, ce que savait la direction. Il ajoute ne pas avoir perçu le remboursement de ses frais de déplacement pour se rendre au travail comme prévu dans le contrat de travail , ne pas avoir reçu de formation lui permettant de l'accompagner l'évolution de ses fonctions malgré ses demandes et ne pas avoir perçu en 2014 la prime correspondant à son prêt conformément à l'engagement de l'employeur.
Par conclusions en réponse notifiées le 2 octobre 2017, la société CGRM sollicite de la cour la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement fondé et débouté M. Z... R... de ses diverses demandes d'indemnisation et l'infirmation en ce qui concerne les frais de transport, le débouté des demandes de M. Z... R... et sa condamnation à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CGRM expose que les évaluations annuelles des prestations de M. Z... R... ont été estimées en dessous des attentes du poste depuis 2011 et avoir constaté un retard important et un manque de pilotage du projet CCAM dentaire en lien avec le prestataire informatique Isa, avec une échéance du 1er juin 2014 qui lui a été fixé comme objectif pour 2014, ce qui a nécessité une réunion en urgence en absence de visibilité du projet. Elle indique que cette difficulté s'est ajoutée à celle constatée sur le projet Sepa. Elle fait valoir que ces éléments caractérisent une insuffisance professionnelle et non des faits fautifs et qu'elle n'avait pas à accéder à la demande de saisine du conseil de discipline. Elle considère que M. Z... R... cherche à s'exonérer de ses responsabilités en soutenant que le non respect du délai du projet CCAM dentaire est imputable à son supérieur hiérarchique, alors qu'il était responsable de son pilotage, qu'il n'effectuait pas le reporting mensuel de son activité malgré des relances et un avertissement et des rappels antérieurs. Elle indique que les prestataires se sont agacés de l'inertie de M. Z... R... dans le projet Sepa et de l'absence de réponse sur l'état d'avancement de ce projet, que son relationnel était difficile et qu'il n'était pas force de proposition. Elle conteste avoir licencié M. Z... R... pour motif économique puisqu'elle a procédé à des embauches et affirme avoir toujours soutenu M. Z... R... financièrement et personnellement.
Concernant les frais de déplacement, elle fait valoir que le contrat de travail prévoit la prise en charge des frais de transport de Lille à Dunkerque en train et qu'après son déménagement, une participation de 200 euros par an lui a été accordée à titre de participation des frais de carburant après avoir réintégré sans son salaire la somme qu'il percevait antérieurement pour ses frais de déplacement. Elle conteste ne pas avoir fourni de formation à M. Z... R... qui a participé à plusieurs d'entre elles et indique avoir accepté, au regard de sa situation personnelle difficile, de lui verser une prime d'un montant de l'échéance du prêt personnel qui lui a été accordé, pour lequel il restait dû 3.000 euros lors de l'établissement de son solde de tout compte.
SUR CE
En application de l'article L1232-1 du code du travail, la lettre de licenciement de M. Z... R..., qui fixe les limites du litige, motive celui-ci par l'absence de pilotage du projet CCAM dentaire et non respect de l'échéance prévue, la persistance à ne pas donner de visibilité sur son activité, le fait de ne pas remplir ses missions et de se décharger de ses responsabilités, de ne pas aller vers les autres et adopter un relationnel difficile et polémique, sans qu'aucune amélioration ne soit constatée en absence de remise en cause.
La lecture de la lettre de licenciement, telle que reprise ci-dessus, permet de constater que les manquements reprochés à M. Z... R..., tenant principalement à ses difficultés à gérer les projets qui lui sont confiés et à rétablir une situation claire et à jour ne sont pas de nature fautive, mais relèvent d'une insuffisance professionnelle. Dès lors, c'est à juste titre que l'employeur a refusé de saisir le comité de discipline, qui, selon la convention collective, n'intervient que lorsqu'une sanction disciplinaire est envisagée.
Il ressort du compte rendu d'évaluation de l'activité de l'année 2013 effectué au cours d'un entretien du 28 avril 2014, que les objectifs fixés à M. Z... R... tenant au reporting de son activité, la présentation transversale des projets en cours et leur avancement, la mise en place des indicateurs et la bonne communication de l'information au sein de la société, n'ont pas été atteints et ont à nouveau été fixés pour l'année 2014. Il lui a également été donné pour mission de mener notamment le projet CCAM concernant la tarification des actes dentaires, par un cahier des charges exploitable avec une échéance le 1er juin 2014.
Il n'est pas contesté que ce délai n'a pas été respecté et la partie devis dentaire négligée, ce qu'a admis M. Z... R... lors de l'entretien préalable et qu'il explique par un manque d'information. Suivant les courriels produits, M. E..., directeur général, exprimant son inquiétude sur la bonne mise en oeuvre de ce projet qui devait entrer en production le 1er juin, a demandé à M. Z... R... le 30 mai 2014 de compléter la feuille de route du projet CCAM avec l'indication des tâches à affecter, de le transmettre au service informatique Isa, pour qu'il soit complété et d'avoir un retour sur l'avancement des actions réalisées. Or, après avoir obtenu le tableau complété, il a été rappelé à M. Z... R... la nécessité d'assurer un suivi du projet en précisant à chacun ses tâches et délais, et d'apporter des réponses aux questions. Mme T..., sa responsable hiérarchique, a ajouté le 5 juin 2014 que le cahier des charges était incomplet et que c'était à lui, en sa qualité de pilote de projet qu'incombait la tenue de la feuille de route. Il résulte de ces échanges que le reproche de ne pas avoir effectué de suivi de la feuille de route du projet et de ce fait, de ne pas avoir respecté la méthode de travail qui lui était demandée dans la gestion de ce projet permettant notamment d'établir un suivi régulier de son avancement, est fondé. En sa qualité de pilote de projet, il appartenait également à M. Z... R... de rechercher les informations nécessaires à sa réalisation en faisant un rappel de sa demande à Mme T... de communication de certains éléments formée le 28 février 2014 et d'informer la direction de ce que le délai ne serait pas respecté, ce qui aurait été effectif par le reporting sollicité à plusieurs reprises et dont le manquement antérieur, malgré les demandes réitérées de sa supérieure hiérarchique, avait été sanctionné le 15 janvier 2014. Il apparaît également que ce n'est que le 30 juin 2014, jour d'échéance du délai qui lui avait été imparti, qu'il a sollicité des informations sur les indicateurs qu'il devait établir.
Par ailleurs, l'employeur produit un courriel de M. Z... R... adressé à M. D..., responsable administratif et financier, qui lui avait transmis le 17 janvier 2014 un modèle de lettre d'information Sepa établi à défaut de modèle rédigé de sa part, dans lequel il a écrit "décliner toute responsabilité dans cette action", alors qu'il était responsable du projet Sepa. M. D... lui a d'ailleurs rappelé cette qualité en indiquant "qu'il est cavalier de sa part d'alerter à quelques jours de la date butoir". L'employeur produit également un message du 23 juin 2014 de Mme T..., rappelant à M. Z... R... qu'elle lui avait remis une lettre recommandée de Klesia du 28 novembre dernier demandant à être tenu informé des démarches concernant ce projet Sepa et qu'il n'y avait pas encore répondu, alors qu'elle avait accepté de signer la lettre en réponse, ce qu'elle a interprété comme un refus de collaboration.
La société CGRL reproche également à M. Z... R... un manque de relationnel avec les utilisateurs et les équipes techniques, dont la nécessité d'amélioration était mentionnée au cours des entretiens annuels depuis 2012. L'employeur justifie avoir organisé en juin 2011 une intervention d'un directeur MOA du groupe Gras Savoye pour trouver une solution pour améliorer les relations et la performance et le service MOA de CGRM et Isa, mais que cette rencontre a été un échec en absence d'implication de sa part, puisqu'il n'a produit aucun cahier des charges ni document préparatoire concernant le projet Sepa.
Ces insuffisances constatées au cours de l'année 2014 font suite à des remarques et explications déjà données lors des entretiens annuels d'évaluation à l'issue desquels les mêmes difficultés étaient relevées, " un surcroît d'assiduité dans son travail " était demandé en 2011, " nous attendons mieux dans sa capacité à faire remontre le bilan de son activité " était mentionné en 2012, " le bilan est moyen et les objectifs n'ont pas été remplis " était relevé en 2013 et une absence d'évolution constatée en 2014. Compte tenu de la nature de ces insuffisances, M. Z... R..., qui a exprimé un sentiment de dévalorisation et une forme de démotivation lors du dernier entretien, ne peut arguer d'un manque de formation pour les expliquer.
Dès lors, il résulte de ces éléments que l'insuffisance professionnelle reprochée à M. Z... R... est établie et caractérise une cause réelle et sérieuse justifiant son licenciement. Le jugement déféré déboutant M. Z... R... de sa demande d'indemnisation sera en conséquence confirmé.
En application de l'article L6321-1 du code du travail imposant à l'employeur d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail en veillant au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations, la société CGRM justifie de la participation de M. Z... R... à différentes formations, pour lesquels il a demandé le remboursement des frais de transport. Il apparaît notamment que M. Z... R... a demandé un report pour motif médical de la formation du 21 juin 2011 et a participé à une rencontre sur le CCAM avec des délégués de gestion. Il sera en conséquence débouté de sa demande d'indemnisation pour non respect de l'obligation de formation pour assurer son adaptation à son poste de travail.
En application de l'article 8 du contrat de travail liant les parties, l'employeur a pris à sa charge les dépenses de transport de M. Z... R... de Lille à Dunkerque effectués avec les transports commun à hauteur de 262,90 euros par mois jusqu'en novembre 2013, date à laquelle M. Z... R... a déménagé à Estaires et a utilisé son véhicule personnel pour effectuer les trajets. Par courriel du 28 janvier 2013, M. E..., directeur général, s'est cependant engagé unilatéralement à poursuivre le versement d'une participation à ses frais de transport domicile -travail identique, alors qu'il n'y était plus tenu. Si la rémunération brute de M. Z... R... a augmenté en novembre 2013 de 150,38 euros, il n'est pas établi que cette augmentation corresponde à une intégration des frais de transport dont le montant était supérieur, comme allégué. Dès lors, il sera fait droit à la demande de prise en charge de frais de transport conformément à l'engagement de l'employeur pour un montant total de 2.629 euros pour la période de novembre 2013 au licenciement.
Il ressort d'une convention du 25 novembre 2009 et des bulletins de salaire que la société CGRM a accordé à M. Z... R... un prêt de 10.000 euros remboursable en plusieurs mensualités et lui a versé en compensation une prime exceptionnelle correspondant au montant de l'échéance remboursée, au regard de sa situation personnelle difficile. Cependant, il convient de constater que le versement de cette prime est discrétionnaire en absence d'engagement unilatéral de l'employeur à verser une prime pour la totalité du prêt. Il s'ensuit que la demande de son versement pour l'année 2014 et les années suivantes doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
la Cour,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne les frais de transport,
STATUANT à nouveau sur ce point:
CONDAMNE la société CGRM à verser à M. Z... R... la somme de 2.629 euros au titre des frais de transport,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société CGRM aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
A. LESIEUR P. LABREGERE