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28/02/2019 | FRANCE | N°16/041468

France | France, Cour d'appel de Douai, C1, 28 février 2019, 16/041468


ARRET DU
28 Février 2019

PL/AL

No RG 16/04146 - No Portalis DBVT-V-B7A-QGOK

No RC.14/19

GROSSE

le 28/02/19
République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Renvoi après Cassation
- Prud'hommes -

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PERONNE en date du 17 Juin 2013
COUR D'APPEL AMIENS en date du 04 Juin 2014
COUR DE CASSATION DU 14 Septembre 2016

APPELANTE :

SA LES COOPERATEURS DE NORMANDIE PICARDIE
[...]
[...]
Représentée par Me Alain HERVIEU, avocat au barreau de CAEN substitué par

Me ROYER LIEBART

INTIME :

M. S... A...
[...]
[...]
Représenté par Me Loïc LEROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Eugénie ZYLBERWAS...

ARRET DU
28 Février 2019

PL/AL

No RG 16/04146 - No Portalis DBVT-V-B7A-QGOK

No RC.14/19

GROSSE

le 28/02/19
République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Renvoi après Cassation
- Prud'hommes -

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PERONNE en date du 17 Juin 2013
COUR D'APPEL AMIENS en date du 04 Juin 2014
COUR DE CASSATION DU 14 Septembre 2016

APPELANTE :

SA LES COOPERATEURS DE NORMANDIE PICARDIE
[...]
[...]
Représentée par Me Alain HERVIEU, avocat au barreau de CAEN substitué par Me ROYER LIEBART

INTIME :

M. S... A...
[...]
[...]
Représenté par Me Loïc LEROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Eugénie ZYLBERWASSER-ROUQUETTE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

Philippe LABREGERE : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC : CONSEILLER
Michèle LEFEUVRE : CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Serge LAWECKI

DEBATS : à l'audience publique du 28 Novembre 2018

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 31 Janvier 2019 au 28 Février 2019 pour plus ample délibéré

ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Philippe LABREGERE, Président et par Annie LESIEUR greffier auquel la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS
S... A... a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 août 2007 en qualité de directeur de supermarché Maxicoop par la société COOPERATEURS DE NORMANDIE PICARDIE moyennant un salaire mensuel brut de base de 3000 €. IL était assujetti à la convention collective de la Fédération nationale des coopératives de consommateurs. L'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.
Le salarié a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 octobre 2011 à un entretien le 19 octobre 2011 en vue de son licenciement après une mise à pied conservatoire notifiée antérieurement le 4 octobre 2011. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 novembre 2011.
Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre de licenciement sont les suivants :
« -Concernant la gestion et la tenue du magasin, nous avons pu remarquer une baisse du chiffre d'affaires et de la marge. Ainsi, au cumul de l'année au 30 septembre 2011, votre chiffre d'affaires était en recul de 1,41% sur 2010, alors que celui du magasin situé à Bihorel, équivalent en superficie et en chiffre d'affaires, était en évolution à +4,65% et que celui de l'exploitation supermarché était également en évolution à hauteur de plus 0,83% .
-La marge globale hors station-service, au cumul à fin août 2011, quant à elle, était de 25,40% au lieu de 26 % prévu au budget. Pour comparaison, la marge globale hors station-service, au cumul à fin août 2011 pour le site de Bihorel, était de 26,15% pour un objectif de 25,92%
-De même, au cumul à fin août 2011, le stock objectif était supérieur à ce qui était attendu, soit 49,60 jours au lieu de 41,90 jours, soit un écart de 7,7 jours. A titre comparatif le site de Bihorel réalise 36,60 jours de stock pour un objectif de 36 jours, soit un écart de 0,60 jours.
-En date du 26 juillet 2011, de nombreuses ruptures de produits au sein du magasin ont été constatées. Ainsi, après inventaire, 48 palettes de produits étaient nécessaires pour remplir le magasin.
Ces faits sont constitutifs de manquements dans le cadre de vos fonctions. Par ailleurs, vous ne respectez pas les procédures et consignes provenant de la direction. Ainsi, vous vous êtes montré réticent à aider l'assistante administrative et commerciale dans la réalisation de ses missions et n'avez pas respecté le planning de réimplantation des PGC, demandé à fin juin 2011.

- Vous avez utilisé les véhicules de location U à des fins personnelles sans contrat et sans règlement. '
Aussi, de janvier à juin 2011, 4600 km n'ont pas été justifiés, soit 3000 km pour le Quashqai, 1300 km pour le véhicule de 8 m3 et 500 km pour le véhicule de 11m3.
Dès lors, vous avez été vu, à plusieurs reprises, utiliser ces véhicules, notamment en date du 12 août 2011, où M U..., à votre demande et sur son temps de travail, vous a conduit à la gare d'Amiens pour un motif personnel. De même, vous avez fait profiter M Q..., ancien chef charcutier, du Fenwick lors de son déménagement auquel vous avez participé.
Pour ce faire, vous avez entrepris d'utiliser cet engin sur la voie publique. Ce qui n'est absolument pas autorisé et dangereux. Ce véhiculeest d'ailleurs tombé en panne et M. U... est venu vous dépanner en remorquant le Fenwick avec un véhicule de location.
Enfin, vous avez demandé à M. W... de vous conduire avec un véhicule de location U. à nouveau sans réaliser de contrat, à proximité du pare Saint Paul dans le pas de Calais, afin de ramener, pour votre usage personnel, le véhicule d'un particulier, et ce durant son temps de travail. Ces faits constituent Un non-respect de la procédure sur la location des véhicules et des règles de sécurité. Procédure qui a d'ailleurs été adressée par mail en date du 13 octobre 2011 à l 'ensemble des magasins proposant ce service et rappelant d'appliquer sans restriction et sans délai celle-ci. Vous aviez notamment placé ce document de la pochette «location U» à l'accueil du magasin.

- Vous n'avez respecté la procédure en matière d'édition de factures et ceci à votre profit.
En effet, vous avez demandé à Mme O..., qui n'était pas chef de caisse, de rédiger trois factures au mois d'octobre 2011, devant vous permettre de pouvoir justifier, auprès de votre assurance dans le cadre d'une déclaration de sinistre, l'acquisition. en date du 1er juillet 2010, d'un ordinateur HP pavillon sept que vous auriez acheté 499 €, puis, en date du 22 décembre 2010, d'un ordinateur portable HP Presario C500 d'une valeur de 6,49€ et enfin, en date du 7 juin 2011, d'un téléviseur Sony LCD pour 699€. Dès lors, trois facturiers différents ont été utilisés pour ce faire et les autocopiants ont été retirés de ceux-ci. De plus, vous n'avez pas présenté à Mme O... les tickets de caisse ou facture d'origine et il n'y avait ni bon de vente, ni bon de garantie correspondant. Ces factures constituent donc des faux révélateurs d'une fraude de votre part. Lors de votre entretien préalable, nous vous avons demandé de fournir les pièces justificatives prouvant votre bonne foi. Ces pièces n'ont pas permis d'attester de la réalité de vos achats, les montants justifiés ne correspondant pas aux factures éditées.

- Vous ne respectez pas les procédures d'encaissement.
Le 12 août 2011, un ticket de caisse a été mis en attente au profit de la gendarmerie. Lorsque des gendarmes sont venus régler les marchandises, le ticket avait déjà fait l'objet d'un règlement, par vos soins, sous forme de tickets de réduction (BRI), destinés normalement aux clients lors des opérations commerciales. Aussi, n'ayant pas informé vos salariés de cette manœuvre, ils ont procédé à l'encaissement des gendarmes. Ce qui constitue un double encaissement pour une même transaction. De plus, en fin d'année, des salariés vous ont vus remettre gratuitement des plateaux de fruits de mer et des bouteilles d'alcool à la gendarmerie.
Le 5 octobre 2011, jour suivant votre mise à pied à titre conservatoire, un client, le beau-fils de M H..., votre adjoint, est venu régler à l'accueil une somme d'un montant de 220,32€. Cette somme correspondait alors à de la marchandise qu'il avait pris sans la régler. Il n'y avait ni ticket en attente ni information communiquée à ce sujet à l'accueil. La procédure de sortie des marchandises n'a donc pas été respectée.

- Vous ne réglez pas les marchandises provenant du magasin que vous consommez.
Ainsi, vous prenez un petit déjeuner tous les matins avec des agents de maîtrise sans payer les marchandises. De même, vous avez permis l'organisation d'un barbecue réalisé en prenant de la viande dans le magasin sans en effectuer le règlement et ce sans l'accord de votre hiérarchie. Enfin, vos repas du midi et des fêtes de fin d'année ne font aussi l'objet d'aucun règlement. Par ailleurs, vous avez réglé les travaux réalisés en magasin avec des bouteilles d'alcool prises dans les rayons ou la réserve.
Ces faits sont constitutifs de vol.

- Vous n'avez pas respecté les procédures en matière de soutien associatif.
Aussi, vous avez proposé à M. T..., dans le cadre d'un partenariat avec le téléthon, des offres qui dépassent largement les capacités du magasin dans ce domaine et ce, sans obtenir l'accord préalable de votre hiérarchie. Vous aviez notamment prévu d'offrir la location du minibus pour deux jours en méconnaissance des procédures de location de véhicules U et vous aviez entrepris d'offrir 2000 € de marchandises.

- Vous consommez de l'alcool lors des inventaires et des fêtes de fin d'année alors que la consommation d'alcool sur le lieu de travail fait l'objet d'un encadrement strict notamment au regard de l'impact qu'une telle consommation peut avoir sur le comportement.

- Vous ne respectez pas les normes d'hygiène dans la transformation et les livraisons lorsque vous honorez les commandes de sandwiches du School Hotel.
Les sandwiches sont d'ailleurs vendus à prix préférentiels sans que votre hiérarchie ait donné son accord et vous ne réalisez pas de bon de livraison.

- Vous dégradez donc volontairement le résultat de marche du rayon BVP qui doit supporter la perte engendrée par ces tarifs sous-évalués. De plus, vous n 'effectuez pas de cession inter-rayon pour la marchandise utilisée afin de réaliser ces sandwiches. De ce fait, vous perturbez les résultats d'inventaire de plusieurs rayons.

- Vous avez vendu des véhicules et du matériel personnels au sein du magasin pendant vos heures de travail.
Dès lors, vous avez reçu plusieurs acheteurs sur votre lieu de travail et procédé à la vente de divers véhicules ainsi que des pneus qui vous ont été livrés en magasin. Vous avez mème demandé à une salariée de décompter les billets issus d'une telle vente, soit 3500€ en billets de 10€.
Plusieurs salariés ont notamment attesté de la réalité de ces faits et ont d'ailleurs précisé que vous receviez ces acheteurs dans votre bureau. Ces derniers passaient donc devant la salle des coffres. Vous avez alors fait preuve d'imprudence.

- Vous avez une attitude et des propos déplacés envers les salariés du magasin et envers les clients. Vous êtes alors qualifié de méprisants et grossier. Vous êtes désignés comme auteur de comportement assimilable à du harcèlement moral. Vos salariés pointent alors vos persécutions et menaces à leur encontre. Vous avez d'ailleurs reconnu avoir déchiré l'arrêt maladie d'une salariée. Ainsi vous avez procédé à des déclassements et des déplacements de rayon injustifiés voire inappropriés. Une responsable d'accueil a été déclassée au poste d'ELS sans courrier. Par ailleurs, vous avez refusé de lui accorder une journée de déménagement demandée deux mois à l'avance et ce de façon purement arbitraire. Seule l'intervention des délégués du personnel a permis à cette salariée d'obtenir ce droit. De même, vous avez muté une salariée à deux reprises sur des postes différents et inadaptés à son état de santé. De plus, une salariée s'est sentie humiliée lorsque vous l'avez qualifiée de «fainéante, de bonne à rien» et ajouté «ici ce n'est pas Halloween» en faisant référence à son aspect physique. Aussi vous avez eu une altercation avec un salarié en contrat à durée déterminée.
Enfin, une cliente sociétaire, en état de handicap physique, a témoigné de votre violence lorsqu'elle est venue apporter des réclamations sur les colis de pâques. Vous avez alors poussé son chariot avec votre transpalette afin de la faire reculer.

-Vous avez fait preuve d'irrespect vis-à-vis de votre hiérarchie et ce ouvertement. Vous avez notamment dit : «J..., je l'emmerde». Ces propos ont été attestés par des salariés du magasin.

-Vous avez un comportement caractérisant de la discrimination syndicale. Les salariés protégés sont mis à l'écart et dénoncent votre attitude à leur égard. Une attestation vient notamment appuyer ces dénonciationsen indiquant que vous ouvrez les courriers de l'organisation syndicale ainsi que les relevés bancaires du comité d'établissement bien que la secrétaire de cette institution vous ait demandé de ne plus le faire. De mème, une ancienne salariée, représentante du personnel, explique son abandon de poste car la vie au travail était devenu un enfer en raison de votre comportement, des horaires inadaptés et de la suppression des pauses. Vous avez aussi déplacé une salariée de son poste de travail sans raison suite à des élections.

Ces comportements mettent en cause la bonne marche de l'entreprise.
Aussi compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.
Pour ces motifs, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute grave. »

Par requête reçue le 8 janvier 2013, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Péronne afin d'obtenir des rappels de salaire, de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture.

Par jugement en date du 17 juin 2013, le Conseil de Prud'hommes a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société au paiement de la somme de :
- 2999 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire
- 9693 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 969 euros au titre des congés payés y afférents
- 3059 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 29079 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
a débouté le salarié de ses autres demandes et a condamné la société au paiement de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société COOPERATEURS DE NORMANDIE PICARDIE a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt en date du 4 juin 2014, la cour d'appel d'Amiens a confirmé le jugement, sauf en ce qui concerne la mise à pied et la prime annuelle, a dit que la mise à pied avait un caractère disciplinaire et a condamné la société au paiement de 3220,66 euros au titre de la prime annuelle, a ordonné le remboursement par la société des allocations de chômage versées dans la limite de trois mois d'indemnités et l'a condamnée au paiement de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

A la suite du pourvoi formé par la société, par arrêt en date du 14 septembre 2014, la cour de cassation a cassé l'arrêt, sauf en ce qu'il avait débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral, au motif que le bref délai entre la notification de la mise à pied et la convocation à l'entretien préalable était justifié par la nécessité pour l'employeur de procéder à des investigations avant d'engager la procédure de licenciement pour faute grave, si bien que la mise à pied ne pouvait être qualifiée de disciplinaire et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Douai.

Conformément à l'article 1034 du code de procédure civile, la cour d'appel de Douai a été saisie le 28 octobre 2016 dans le délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt par la société.

Selon ses dernières écritures et observations orales soutenues à l'audience du 28 novembre 2018, la société LES COOPERATEURS DE NORMANDIE PICARDIE sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris, conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'intimé au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante expose que les faits fautifs ne sont pas prescrits, qu'elle n'en a eu connaissance qu'en août ou en octobre 2011, que la règle ne bis in idem n'a pas été violée, que le licenciement est bien fondé, que l'intimé n'a pas respecté ses fonctions portant sur l'approvisionnement et la gestion du magasin, entraînant de graves conséquences sur le chiffre d'affaires, qu'il utilisait des véhicules de location à des fins personnelles et faisait passer la note de carburant dans les frais de magasin, que le non-respect de la procédure en matière d'édition de factures a conduit à l'établissement de faux, qu'un ticket de caisse mis en attente au profit de la gendarmerie a été réglé au moyen de tickets de réduction destinés aux clients lors d'opérations commerciales, que l'intimé consommait tous les matins un petit déjeuner avec des agents de maitrise sans payer la marchandise, qu'il offrait au titre du soutien associatif des prestations dépassant largement les capacités du magasin, qu'il consommait de l'alcool sur son lieu de travail, que les commandes passées par le School Hotel étaient préparées sans respecter les consignes d'hygiène, qu'il recevait des acheteurs pour ses véhicules personnels ainsi que du matériel dans le magasin, qu'il tenait des propos insultants à l'égard de salariés et de clients, qu'il a insulté le directeur du commerce traditionnel, qu'il ouvrait le courrier destiné à une organisation syndicale du magasin, qu'enfin il ne pouvait prétendre au paiement de la prime annuelle, n'étant plus inscrit sur le registre de l'entreprise à la fin de l'année.
Selon ses dernières écritures et observations orales soutenues à l'audience du 28 novembre 2018, S... A... intimé sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation complémentaire de l'appelante à lui verser :
- 3231 euros à titre de rappel de prime annuelle
- 68839,56 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ainsi que la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil.
L'intimé soutient que les faits qui sont à l'origine de son licenciement sont prescrits, que la société en avait connaissance dès l'été 2011, que la règle ne bis in idem a été violée, que le délai qui s'est écoulé n'a jamais été utilisé pour déterminer la nécessité d'engager une procédure de licenciement, qu'en tout état de cause il conteste fermement les motifs de son licenciement, que les faits ne sont jamais datés, que certains sont relatifs à une insuffisance de résultats, qu'il n'a jamais reçu de reproches à ce sujet, qu'il n'a commis aucune fraude, qu'il pouvait consommer des produits à date limite de consommation très courte, qu'une économie substantielle était ainsi réalisée, que cette pratique était inhérente au monde de la distribution, qu'aucun problème d'hygiène n'a été rencontré, qu'aucune remarque ou plainte du personnel n'a été portée à sa connaissance. Il considère avoir subi un préjudice du fait de la perte de son emploi, puisqu'il a créé en 2012 une EURL dans le secteur de l'achat et de la vente de véhicules mais n'a pu se verser une rémunération en raison des difficultés de ce secteur et a été contraint de vendre sa maison.
MOTIFS DE L'ARRET

Attendu sur l'applicabilité de la régle ne bis in idem que par arrêt en date du 14 septembre 2016, la cour de cassation a considéré que la mise à pied en date du 4 octobre 201 était de nature conservatoire, le délai entre le 4 et le 7 octobre 2011, date de la convocation à l'entretien préalable étant justifié par la nécessité pour l'employeur de procéder à des investigations avant d'engager la procédure de licenciement ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur le moyen soulevé par l'intimé tendant à faire constater que la mise à pied présentait un caractère disciplinaire ;

Attendu sur la prescription qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'à l'occasion de problèmes relatifs à la gestion de stocks ayant surgi durant l'été 2011, la société appelante a été amenée à s'intéresser à l'activité de l'intimé ; qu'elle n'a eu une exacte connaissance des faits fautifs imputés à ce dernier qu'à la suite des investigations menées après la mise à pied conservatoire ; que la prescription n'est donc pas encourue;
Attendu en application de l'article L1234.1 du code du travail que les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige sont une baisse du chiffre d'affaires et de la marge du magasin, de nombreuses ruptures de produits au sein du magasin, l'utilisation de véhicules de location U à des fins personnelles, un non-respect de la procédure en matière de d'établissement de factures, un non-respect des procédures d'encaissement, une absence de règlement des marchandises provenant du magasin et consommées, le non-respect des procédures en matière de soutien associatif, un non-respect des normes d'hygiène dans la transformation et les livraisons de sandwiches au School Hotel, la vente de véhicules et de matériel au sein du magasin à des fins personnelles pendant les heures de travail, une attitude et des propos déplacés envers les salariés du magasin et les clients, un manque de respect envers la hiérarchie de l'entreprise, un comportement caractérisant de la discrimination syndicale ;
Attendu, sur l'accomplissement d'une activité personnelle sur le lieu de travail, que l'appelante produit le témoignage de I... X... , employée de libre service, qui déclare avoir assisté à la vente de nombreux véhicules mais aussi de scooters par l'intimé dans l'enceinte du magasin, et notamment dans la réserve, durant ses heures de travail, à la réception de potentiels acheteurs dans son bureau, dans la partie de l'établissement réservée au personnel ; que ce témoignage est conforté par des notes manuscrites portant sur la livraison de pneumatiques, la vente d'un véhicule sur les lieux de travail ; que de telles pratiques violaient les dispositions de l'article 4.3.1. du règlement intérieur interdisant l'introduction dans les locaux de travail de personnes étrangères au service et aux besoins de l'entreprise ; que l'appelant se borne à minimiser les faits, assurant qu'ils n'avaient entraîné aucune répercussion sur son activité professionnelle et prétendant qu'ils étaient tolérés ; que cette dernière affirmation est néanmoins dénuée de fondement, et se trouve en contradiction avec le règlement en vigueur au sein de l'entreprise ; qu'en outre en sa qualité de directeur de supermarché il ne pouvait s'autoriser, sans nuire à l'image de la société, à se livrer à des activités mercantiles au sein de l'entreprise en stockant en outre dans des véhicules loués par la société le produit de ses opérations commerciales, comme le démontre la note manuscrite en date du 22 juillet 2011 invitant la personne susceptible d'utiliser le véhicule 8m3 à l'aviser car il s'y trouvait des pneumatiques et des jantes lui appartenant ;
Attendu, sur l'usage abusif de véhicules, que l'appelante produit les attestations de I... X... et G... Y..., ancienne salariée de la société ; que leurs témoignages sont confortés par un récapitulatif des kilomètres parcourus au moyen de véhicules location U faisant apparaître en particulier une absence de justification de 3000 kilomètres au moyen du véhicule de type Qashqai au volant duquel l'intimé a été vu par G... Y... ; que de même ne sont pas justifiés 1300 kilomètres parcourus au moyen du véhicule 8m3 utilisé également à des fins personnelles par l'intimé, comme le démontrent une note de 68,20 litres de carburant en date du 8 juillet 2011 qui n'a pas été réglée par lui et différentes notes manuscrites précitées relatives à la présence de pneumatiques et de jantes appartenant à l'intimé et entreposées dans ce véhicule ; qu'une procédure spécifique avait été mise en place dès le 12 octobre 2010 au moins, date du courriel transmis par le responsable d'exploitation du supermarché Super U, exigeant pour des raisons fiscales que le véhicule emprunté fasse l'objet d'un contrat de location par le bénéficiaire, que la prestation soit payée par ce dernier et donne lieu à une note de frais ; qu'il apparaît qu'une telle procédure n'a pas été respectée, les témoins assurant que l'intimé utilisait les véhicules sans contrat de location ; que pour se justifier, ce dernier ne produit que deux contrats de location en date des 15 octobre 2010 et 12 avril 2011 alors qu'il résulte de la note manuscrite relative au véhicule Qashqai qu'il l'avait utilisé les 11 février, 18 avril et 12 mai 2011, que le motif en était inconnu, le rédacteur de la note supputant d'éventuelles réunions à Rouen ; que le témoin G... Y... atteste également que pour participer à un déménagement, l'intimé a utilisé de façon abusive du matériel de la société, en l'espèce un chariot de marque Fenwick, qui est d'ailleurs tombé en panne et a dû être remorqué ; que l'intimé tout en reconnaissant les faits, affirme qu'il a agi dans un but purement altruiste ;
Attendu sur le non-respect des procédures en matière de soutien associatif, que l'appelante produit un courriel d'un responsable de l'association «les Restos du coeur» en date du 21 octobre 2011 au directeur d'exploitation dans lequel il dresse la liste des produits offerts par l'intimé à l'association, dont le nombre et la valeur sont manifestement exorbitants ; qu'outre le fromage et le dessert étaient en effet fournis 800 bouteilles de bière, 200 bouteilles de coca-cola, l'eau et le vin, des minibus pour deux journées et l'impression d'affiches ; que de telles offres et notamment la location de minibus étaient effectuées en dehors de tout cadre légal ; que la valeur des marchandises fournies, évaluée à 2000 €, était manifestement excessive par rapport aux possibilités du magasin ; que l'intimé prétend qu'il avait bénéficié d'autorisations antérieures pour procéder de la sorte sans toutefois démontrer de telles affirmations ;
Attendu sur le non-respect de la procédure en matière d'établissement de factures, qu'à la demande de l'intimé sur l'invitation de son assureur, comme le démontre le courriel produit, et à la suite d'un sinistre survenu en septembre 2011 et ayant donné lieu à une déclaration de dommages électriques le 2 septembre 2011, deux factures au moins ont été établies par B... O..., qui n'était pas la responsable de la caisse mais dont M...X... affirme qu'elle bénéficiait de mesures de faveur de la part de l'intimé, correspondant à l'achat d'un ordinateur d'un montant de 649 € effectué le 21 décembre 2010 et d'un téléviseur, le 7 juin 2011, pour un montant de 699 € ; que toutefois non seulement aucune justification de tels montants n'a été fournie mais en outre l'intimé a produit le 21 octobre 2011 un ticket de caisse pour l'achat d'un ordinateur d'un montant différent émis à une date différente ainsi que différents paiements par chèque sans rapport avec les sommes mentionnées sur les factures ;
Attendu sur le non-respect des procédures d'encaissement que l'appelante produit l'attestation d'R... K... qui affirme que le 2 août 2011, l'intimé a effectué le règlement d'un ticket de caisse mis en attente au profit de la Gendarmerie en utilisant des tickets de réduction destinés aux clients lors d'opérations commerciales ; qu'ignorant l'existence d'un tel paiement, les gendarmes ont réglé le ticket le lendemain ce qui a conduit à un double encaissement ; que sont produits le ticket de caisse d'un montant de 37,29 € payé en espèces le 3 août 2011 et un relevé de caisse correspondant aux achats effectués établissant que par ailleurs cette somme a été réglée au moyen d'un bon de réduction ; que l'intimé se borne à affirmer que ce grief est dépourvu de fondement ;
Attendu, sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'analyse des autres griefs, que ceux précédemment exposés sont caractérisés ; qu'il reposent sur des faits fautifs d'une particulière gravité tant en raison de leur nature et de leur multiplicité que de la qualité de leur auteur ; qu'ils rendaient bien impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ;
Attendu sur le rappel de prime qu'aux termes de l'article 18 alinéa 2 de la convention collective de Fédération des coopératives de consommateurs que l'intimé ne pouvait bénéficier de cette prime annuelle que dès lors qu'il était inscrit sur les registres de la société le dernier jour du mois de sa distribution ; qu'ayant été licencié avant le 31 décembre 2011, il ne peut donc y prétendre ;
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelante les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement déféré ;
ET STATUANT A NOUVEAU
DEBOUTE S... A... de sa demande ;
CONDAMNE S... A... à verser à la société COOPERATEURS DE NORMANDIE PICARDIE 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LE CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

A. LESIEUR P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 16/041468
Date de la décision : 28/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-02-28;16.041468 ?
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