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13/12/2018 | FRANCE | N°17/05124

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 13 décembre 2018, 17/05124


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 13/12/2018





***





N° de MINUTE :

N° RG 17/05124 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q6JK



Jugement (N° 15/02029)

rendu le 10 juillet 2017 par le juge aux affaires familiales de tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer







APPELANTS



Monsieur [Z] [X] [P]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]

demeurant

[Adresse 1]

[Localité 2]



Monsieur [J] [B] [P]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]



représentés par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Deleforge Franchi, avoca...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 13/12/2018

***

N° de MINUTE :

N° RG 17/05124 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q6JK

Jugement (N° 15/02029)

rendu le 10 juillet 2017 par le juge aux affaires familiales de tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer

APPELANTS

Monsieur [Z] [X] [P]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Monsieur [J] [B] [P]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

représentés par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Deleforge Franchi, avocat au barreau de Douai

assistés de Me Jean Aubron, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

INTIMÉ

Monsieur [S] [P]

né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 3]

représenté et assisté de Me Bruno Wacheux, membre de la SELARL Détroit Avocats Conseils, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, substitué à l'audience par Me Frédérique Van Rooy-Rakoczi, avocat

DÉBATS à l'audience publique du 15 octobre 2018 tenue par Marie-Hélène Masseron magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Hélène Masseron, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Marie-Laure Aldigé, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Hélène Masseron, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 septembre 2018

***

Mme [K] [S] est décédée le [Date décès 1] 2002 en laissant pour lui succéder ses trois fils, [S], [Z] et [J] [P].

La défunte avait consenti à ses enfants deux donations-partage avec réserve d'usufruit : la première le 3 juillet 1981 portant sur une partie de ses biens immobiliers, la seconde le 17 mars 1998 portant sur l'autre partie de ses biens immobiliers. La première donation-partage précisait que pour l'imputation et le calcul de la réserve, les biens étaient évalués au jour du décès de la donatrice par dérogation aux dispositions de l'article 1078 du code Civil, et la seconde prévoyait que les biens seraient évalués au jour de la donation-partage.

Le 17 mars 1998, [K] [S] rédigeait un testament olographe par lequel elle disait vouloir procéder à un partage égalitaire, précisant : 'après paiement des droits de succession ce qui restera en banque reviendra à mes trois enfants par parts égales'.

Par acte sous seing privé du 10 septembre 2002, les héritiers de [K] [S] concluaient une convention par laquelle ils convenaient de modifier les règles de rapport aux donations-partage qui avaient été consenties par leur mère ; ils convenaient également de divers rapports et attributions avec compensation finale par les liquidités disponibles à charge éventuellement de soulte.

En raison d'un désaccord entre les héritiers sur la mise en 'uvre de cette convention, [S] [P] saisissait le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer par assignation du 15 juillet 2003.

Par jugement du 6 janvier 2004, ce tribunal ordonnait l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [K] [S], ordonnait une expertise confiée à M. [B] avec mission d'évaluer les différents biens immobiliers ayant fait l'objet des donations-partage.

Le 18 mai 2004, le notaire dressait un procès-verbal d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage et demandait aux héritiers, à titre préjudiciel, si la convention sous seing privé du 10 septembre 2002 devait ou non s'appliquer.

Aucun accord n'intervenait entre les parties et par jugement du 28 juin 2005, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer estimait que cette convention ne pouvait pas s'appliquer comme étant contraire aux deux donations-partage et à la volonté de la défunte exprimée dans un courrier du 13 août 1998.

Par arrêt du 3 juillet 2006, la cour d'appel de Douai confirmait ce jugement, précisait que la convention du 10 septembre 2002 ne pouvait produire aucun effet, constatait que les biens objets des donations-partage seraient évalués conformément aux actes des 3 juillet 1981 et 17 mars 1998, et constatait que les biens immobiliers indivis seraient évalués, lorsqu'ils seraient partagés, à la date la plus proche du partage.

L'expert judiciaire, M. [B], établissait un rapport le 13 décembre 2006.

Les parties s'entendaient sur l'évaluation d'une partie des biens immobiliers, un désaccord persistant sur l'évaluation du surplus et sur le sort à donner aux biens indivis situés à [Localité 5].

Par jugement du 19 novembre 2008 le tribunal de grande instance de Béthune :

- désignait M. [V], géomètre-expert, aux fins de calculer la superficie exacte de l'immeuble situé [Adresse 4],

- ordonnait à [S] [P] de produire dans un délai de deux mois à compter de la décision tous justificatifs des travaux de réfection de la toiture des immeubles de [Localité 6] et disait qu'à défaut de communication de ces pièces, les travaux de couverture seraient évalués à 10 % du prix de l'immeuble, cette somme étant réintégrée dans l'actif et imputée sur la part de [S] [P],

- homologuait le rapport d'expertise en ce qu'il avait évalué :

o Les terres dénommées '[Adresse 5]' à la somme de 8 490,03 euros

o La ferme de [Adresse 6] au prix de 192 000 euros

o La ferme de Saint Laurent de Terregate au prix de 203 000 euros

- déclarait opposable à [S] [P] le bail consenti par les consorts [P] sur l'immeuble situé [Adresse 7],

- disait que le notaire évaluerait les droits de l'immeuble parisien à la date la plus proche du partage, soit par attribution à l'un des indivisaires par tirage au sort, soit subsidiairement par licitation par le notaire liquidateur sur la base de l'évaluation avec faculté de baisse du quart à défaut d'enchère portant sur la valeur de l'immeuble avant de procéder à sa vente,

- déboutait [S] [P] de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné au notaire de partager immédiatement les avoirs bancaires,

- disait que les dépens seraient recouvrés en frais privilégiés de partage.

Par arrêt rendu du 14 juin 2010 la cour d'appel de Douai :

- confirmait ce jugement,

- y ajoutant, ordonnait la réintégration dans l'actif de la succession du coût hors TVA des travaux de toiture des immeubles de [Localité 6] pris en charge par [K] [S], soit la somme de 21 585,55 euros pour l'immeuble de la [Adresse 8] et la somme de 15 503,17 euros pour l'immeuble de la place de la Cathédrale et disait que ce coût serait imputé sur la part revenant à [S] [P],

- disait n'y avoir lieu à évocation des points non jugés par le tribunal,

- disait que les dépens seraient recouvrés en frais privilégiés de partage.

Suite à un nouveau procès-verbal de désaccord, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, par jugement du 23 avril 2012 :

- homologuait le rapport du géomètre-expert M. [V] ;

- fixait la valeur de l'immeuble sis [Adresse 4] à la somme de 240 351,80 euros ;

- déclarait irrecevable le surplus des demandes de [S] [P] ;

- disait que les immeubles, hormis celui de la rue Trigoulet à [Localité 7], seraient repris pour la valeur chiffrée par l'expertise de M. [B] ;

- disait que la valeur des immeubles serait réévaluée à la date la plus proche du partage par application de l'indice du coût de la construction ;

- rappelait que la licitation de l'immeuble parisien avait d'ores et déjà été autorisée et qu'il y avait lieu désormais d'y procéder en l'absence de partage en nature possible ;

- déboutait [Z] et [J] [P] de leur demande de dommages et intérêts et de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonnait l'exécution provisoire,

- disait que les frais de l'instance seraient repris en frais privilégiés de partage, en ce compris les frais d'expertise.

Suite à ce dernier jugement, un accord intervenait entre les parties le 7 avril 2014 pour que les immeubles de [Localité 5] soient cédés à titre de licitation pour la somme de 351 000 euros au profit de [Z] [P]. L'acte de licitation était reçu par Me [E] le 15 mai 2014 et publié au service de la publicité foncière de [Localité 5] le 2 juin 2014 (Volume 2014 P n° 3673). [Z] [P] s'acquittait du versement de la somme de 117 000 euros au profit de [Z] et [J] [P].

Un premier projet d'état liquidatif était dressé le 3 décembre 2014 par le notaire, suivi d'un second le 22 mai 2015 qui donnait lieu à l'établissement d'un procès-verbal de désaccord persistant le 28 mai 2015, dans les termes suivants :

' - Savoir s'il faut porter la valeur de l'immeuble de [Localité 6], [Adresse 8] à 337 750 euros telle que proposée par le notaire et telle que résultant du rapport d'expertise de M. [B] ou à 335 750 euros telle que résultant d'un document émanant également de M. [B] communiqué par les parties mais non signé par l'expert ;

- Savoir s'il faut porter la valeur du lot 62 des pages 35 et 36 à 9 622,23 euros qui correspond au tiers de 28 667 euros telle que proposée par le Notaire et telle que résultant du rapport d'expertise de M. [B] ou à 7 622,33 euros soit le tiers de 22 687 euros telle que résultant d'un document émanant également de M. [B] communiqué par les parties.

- Faut-il ou non conformément aux dispositions du jugement, réévaluer les immeubles en fonction de l'indice du coût de la construction ; étant précisé pour la compréhension de la question que Messieurs [Z] et [J] [P] souhaitent que les immeubles objet de la donation-partage attribués dans le lot de leur frère [S] et de [J] lui-même, soient revalorisés et repris en valeur actuelle ce qui aurait pour conséquence d'augmenter la soulte due par ce dernier, ainsi que celle due par M. [J] [P]. Le notaire fait observer que la donation-partage n'est pas rapportable, que les biens compris dans la donation-partage doivent être réunis fictivement pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible (article 922 du Code Civil), et que dans la mesure où il n'y a pas eu de dépassement de la quotité disponible, il n'y a pas lieu à déterminer une indemnité de réduction et donc pas lieu de revaloriser les immeubles.

- Le notaire sollicite qu'il soit statué sur les modalités de paiement des soultes.'

Le juge commissaire conciliait partiellement les parties lors d'une audience le 15 octobre 2015 et constatait qu'un désaccord persistait sur les points suivants :

'- L'évaluation des immeubles repris dans le jugement du 23 avril 2012 doit-elle être faite à la valeur la plus proche du partage '

Me [E] indique qu'il n'y a pas lieu à réévaluation dans la mesure où il n'y a pas lieu à réduction.

M. [S] [P] adhère à cette interprétation et indique qu'elle concerne l'ensemble des immeubles sauf à [Adresse 4].

MM. [Z] et [J] [P] sollicitent quant à eux l'indexation de la valeur des quatre immeubles au jour le plus proche du partage conformément au jugement.

- Dire que conformément au testament de Mme [K] [S], les disponibilités bancaires au jour du décès, après paiement des droits de la succession doivent être affectées par parts égales à titre de libéralités ou de legs à chacun des héritiers et doivent être reprises par tiers dans le calcul de la réserve disponible de chacun.'

Par jugement rendu le du 10 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a :

- dit que les immeubles seront réévalués à la date la plus proche du partage sauf en ce qui concerne l'immeuble sis à [Adresse 4] ;

- débouté [Z] et [J] [P] de leur demande de rétablissement des comptes liquidatifs en raison du dépassement de la quotité disponible ;

-débouté [Z] et [J] [P] de leur demande de changement de notaire commis ;

- dit qu'en application du procès-verbal de conciliation du 15 octobre 2015, les frais d'expertise exposés par chacun des indivisaires restent à la charge de ceux qui les ont exposés ;

- renvoyé les parties devant le notaire pour faire application du jugement ;

- débouté les parties de leurs demandes respectives sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- et dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de liquidation et partage judiciaire.

[Z] et [J] [P] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 novembre 2017, auxquelles il convient de se référer sur l'exposé des moyens, ils sollicitent la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a jugé qu'il convenait de procéder à la réévaluation des immeubles selon le jugement du 23 avril 2012, situés :

terrain [Adresse 9] sur la base de l'indice du coût de la construction à la date de la donation-partage du 17 mars 1998 ;

[Adresse 8] sur la base de l'indice du coût de la construction à la date du décès de Mme [K] [S] en date du [Date décès 1] 2002 ;

[Adresse 10] sur la base de l'indice du coût de la construction à la date du décès de Mme [K] [S] en date du [Date décès 1] 2002 ;

Ils demandent à la cour, statuant à nouveau, de :

- juger que conformément à la décision du 23 avril 2012 il convient de procéder à la réévaluation de l'immeuble situé [Adresse 4] sur la base de l'indice du coût de la construction à la date de la donation-partage du 17 mars 1998 ;

- réparer l'omission de statuer en fixant le point de départ des dates de réévaluation de chacun des immeubles désignés ci-dessus ;

- désigner un autre notaire liquidateur à l'exception de Me [L] ;

- renvoyer les parties devant le notaire ainsi désigné pour procéder à l'établissement de l'acte de partage ;

- condamner [S] [P] au paiement de la somme de 8 000 euros à chacun des deux appelants, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner [S] [P] au paiement des entiers dépens avec distraction au profit de la SCP Deleforge et Franchi.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 janvier 2018, auxquelles il convient de se référer sur l'exposé des moyens, [S] [P] sollicite la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la cour, à titre reconventionnel, de condamner les appelants à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Détroit Avocats Conseils, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, MOTIFS :

Sur la réévaluation des immeubles :

Chacune des parties se prévaut de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision rendue par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer le 23 avril 2012, dont le premier juge a justement fait application. Elles divergent toutefois sur l'étendue de la chose jugée, laquelle dépend de l'interprétation que l'on fait du jugement précité.

[S] [P] soutient, ce qu'a retenu le premier juge, que le jugement du 23 avril 2012 a ordonné la réévaluation de l'ensemble des immeubles dépendant de la succession, à savoir :

- le terrain [H] [Z] à [Localité 7]

- l'immeuble sis [Adresse 8]

- l'immeuble sis [Adresse 10],

hormis l'immeuble sis [Adresse 4].

[J] et [Z] [P] soutiennent quant à eux que le tribunal, dans son jugement du 23 avril 2012, a entendu soumettre tous ces immeubles à réévaluation.

Il résulte de sa lecture que le jugement du 23 avril 2012 a statué :

- en premier lieu, sur la valeur de l'immeuble de la [Adresse 4], qu'il a fixée à 240 351,80 euros sur la base du rapport d'expertise de M. [B] ;

- en deuxième lieu, sur la recevabilité des contestations élevées par [S] [P] sur la valeur des autres biens dépendant de la succession, qu'il a jugées irrecevables en application des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile, jugeant, par suite, que les immeubles seraient repris à l'état liquidatif pour la valeur retenue par l'expertise de M. [B], ajoutant qu'il convenait de prévoir qu'ils seraient réévalués à la date la plus proche du partage selon l'indice INSEE du coût de la construction ;

- en troisième lieu, sur la licitation de l'immeuble parisien, déjà intervenue, devant conduire à une vente aux enchères ;

- en quatrième lieu, sur la demande des dommages et intérêts formée par [Z] et [J] [P] ;

- enfin, sur les dépens et l'application de l'article 799 du code de procédure civile.

Il ressort des motifs de cette décision que le tribunal n'a pas entendu ordonner la réévaluation de l'immeuble situé [Adresse 4] dont il a arrêté la valeur dans le premier paragraphe de son jugement, ne prononçant cette réévaluation que dans son deuxième paragraphe concernant l'évaluation des autres immeubles de la succession.

Le dispositif du jugement rejoint ses motifs en ce qu'après avoir fixé la valeur de l'immeuble de la [Adresse 4], sans ordonner sa réévaluation, le tribunal, après sa disposition relative aux autres immeubles ('Dit que les immeubles, hormis celui de la [Adresse 4], seront repris pour la valeur chiffrée par l'expertise réalisée par M. [B]') a 'dit que la valeur des immeubles sera réévaluée à la date la plus proche possible du partage par application de l'indice du coût de la construction', suivant ainsi la logique de ses motifs.

Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en ce qu'il a dit que la réévaluation devait être appliquée à tous les immeubles hormis celui de la [Adresse 4].

Il convient ici de relever, comme l'a pertinemment fait le tribunal, que le principe de l'autorité de chose jugée est général et absolu et s'attache même aux décisions erronées, que cette autorité est irrévocable, la seule limite étant qu'elle ait un caractère contentieux, ce qui est le cas du jugement du 23 avril 2012, si bien qu'il est indifférent que le notaire ait considéré en l'espèce qu'il n'y avait pas lieu à réévaluation des immeubles dans la mesure où il n'y avait pas de dépassement de la quotité disponible et qu'il n'y avait pas lieu à déterminer une indemnité de réduction, le jugement du 23 avril 2012 ayant jugé autrement de manière irrévocable.

La cour jugera donc que l'ensemble des immeubles sera soumis à réévaluation selon l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction, le point de départ de cette réévaluation correspondant à la date du rapport d'expertise de M. [B] comme l'a implicitement jugé le tribunal. En effet, après avoir dit que les immeubles seraient repris à l'état liquidatif pour la valeur retenue par l'expertise de M. [B], le tribunal a ajouté qu'il convenait de prévoir leur réévaluation à la date la plus proche du partage, ce dont il se déduit qu'il doit y avoir réévaluation entre la date de l'expertise et la date du partage.

Sur la demande de rétablissement des comptes liquidatifs :

Le tribunal a justement considéré que les articles 1373 et 1374 du code de procédure civile, issus de l'article 12 du décret 2006-1805 du 23 décembre 2006 et de l'article 47 de la loi 2006-728 du 23 juin 2006, étaient applicables en l'espèce.

L'article 12 du décret 2006-1805 dispose en effet que le présent décret entre en vigueur le 1er janvier 2007 ; que le chapitre 1er du titre 1er (qui modifient les dispositions des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile) est applicable aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date dans la mesure où la loi du 23 juin 2006 susvisée leur est également applicable.

En l'espèce, la succession litigieuse ayant été ouverte par le décès de Mme [K] [S] le 2 avril 2002 et les opérations de liquidation-partage ayant été ordonnées par jugement du 6 janvier 2004, il est acquis qu'au 1er janvier 2007, date d'entrée en vigueur du décret 2006-1805 du 23 décembre 2006, l'indivision existant entre Mme [S] et ses trois fils était ouverte mais non encore partagée.

Les dispositions de la loi 2006-728 sont applicables à cette succession, l'article 47 de cette loi disposant que les article 2, 3, 4, 7 et 8 de la présente loi ainsi que les articles 116, 466, 515-6 et 813 à 814-1 du code civil, tels qu'ils résultent de la présente loi, sont applicables, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date.

L'article 1373 du code de procédure civile dispose qu' 'En cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif. Le greffe invite les parties non représentées à constituer avocat. Le juge commis peut entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation. Il fait rapport au tribunal des points de désaccord subsistants. Il est, le cas échéant, juge de la mise en état'.

L'article 1374 dispose quant à lui : 'Toutes les demandes faites en application de l'article 1373 entre les mêmes parties, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, ne constituent qu'une seule instance. Toute demande distincte est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l'établissement du rapport par le juge commis.'

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions légales que le procès-verbal du notaire constatant le désaccord des parties sur son projet d'état liquidatif ouvre une nouvelle instance dans le cadre de laquelle les parties ne sont pas recevables à présenter de nouvelles demandes, à moins que le fondement de ces demandes ne soit né ou révélé que postérieurement au rapport du juge commissaire.

En l'espèce, la lecture comparative du procès-verbal de désaccord persistant établi par le notaire le 28 mai 2015 et du rapport établi par le juge commissaire à l'issue de son audience du 15 octobre 2015 fait ressortir que [Z] et [J] [P] ont élevé devant le juge commissaire une contestation qu'ils n'avaient pas élevée devant le notaire, relative au calcul de la réserve individuelle et de la quotité disponible, estimant que les comptes du notaire sont erronés en ce qu'il n'a été tenu compte que des donations consenties à chacun des héritiers les 3 juillet 1981 et 17 mars 1998 relativement aux biens immobiliers, alors qu'aux termes du testament olographe établi le 17 mars 1998 par Mme [K] [S] le notaire aurait dû allotir chacun des héritiers d'un tiers des avoirs bancaires et autres biens visés au testament en tenant compte pour le calcul de la quotité disponible.

Mais le tribunal a exactement jugé que [Z] et [J] [P] étaient irrecevables en cette prétention nouvelle en application des dispositions de l'article 1374 du code de procédure civile.

[Z] et [J] [P] avaient en effet connaissance des donations-partage comme du testament du 17 mars 1998 sur lequel ils fondent leurs prétentions depuis l'ouverture des opérations de compte-liquidation-partage de la succession. Le notaire avait établi le 3 décembre 2014 un premier projet d'état liquidatif faisant apparaître 'l'erreur' de calcul par eux dénoncée, qu'ils ont eu la possibilité de discuter jusqu'à l'établissement d'un second projet de partage qui leur a été communiqué par le notaire le 22 mai 2014 et sur lequel ils avaient la possibilité d'émettre un dernier dire avant le procès-verbal du 28 mai 2014 par lequel le notaire a constaté le désaccord persistant des parties.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de [J] et [Z] [P] relative au calcul de la quotité disponible.

Sur la demande de désignation d'un nouveau notaire :

C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le premier juge a débouté [J] et [Z] [P] de leur demande de changement de notaire ; le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le tribunal a fait une juste application des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance ; son jugement sera confirmé de ce chef.

En appel, [Z] et [J] [P] succombant sur une grande partie de leurs prétentions, les dépens seront mis à leur charge et ils seront condamnés à payer à [S] [P] la somme globale de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a écarté de la réévaluation décidée par le jugement du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer du 23 avril 2012 l'immeuble situé [Adresse 4] ;

Statuant à nouveau :

Dit qu'en application du jugement rendu le 23 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer tous les immeubles de la succession, y compris celui situé [Adresse 4], sera réévalué depuis la date du rapport d'expertise de M. [B] à la date la plus proche du partage par application de l'indice INSEE du coût de la construction ;

Dit que [Z] et [J] [P] supporteront la charge des dépens de l'instance d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute [Z] et [J] [P] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne chacun à payer à [S] [P] la somme de 1 000 euros en application de ce texte.

Le greffier,Le président,

Delphine Verhaeghe.Marie-Hélène Masseron.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 17/05124
Date de la décision : 13/12/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°17/05124 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-13;17.05124 ?
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