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30/11/2018 | FRANCE | N°16/03221

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 1, 30 novembre 2018, 16/03221


ARRÊT DU

30 Novembre 2018







N° 2232/18



N° RG 16/03221 - N° Portalis DBVT-V-B7A-P7WL



SM/MZ

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

30 Juin 2016

(RG F14/00508 -section 3)







































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GROSSE



le 30/11/18



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-









APPELANT :



M. Yann X...

[...]

Comparant,

Assisté de Me Philippe Y..., avocat au barreau de SAINT-OMER





INTIMÉ :



SASU AFCE FORMATION

[...]

[...]

Représentée par Me Christine E..., avocat au b...

ARRÊT DU

30 Novembre 2018

N° 2232/18

N° RG 16/03221 - N° Portalis DBVT-V-B7A-P7WL

SM/MZ

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

30 Juin 2016

(RG F14/00508 -section 3)

GROSSE

le 30/11/18

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. Yann X...

[...]

Comparant,

Assisté de Me Philippe Y..., avocat au barreau de SAINT-OMER

INTIMÉ :

SASU AFCE FORMATION

[...]

[...]

Représentée par Me Christine E..., avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Bertrand Z..., avocat au barreau de METZ

DÉBATS :à l'audience publique du 18 Septembre 2018

Tenue par Sabine Z...

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie COCKENPOT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sabine Z...

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Béatrice A...

: CONSEILLER

Patrick B...

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2018,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sabine Z..., Président et par Maryse ZANDECKI , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La société AFCE Formation qui exerce une activité de formation et de certification, a conclu, le 10 décembre 2010, avec le le ministère de la défense une « convention de période d'adaptation en entreprise » (PAE) d'une durée de trois mois du 1er février au 1er mai 2011, afin de vérifier l'aptitude de M. Yann X..., militaire au sein de la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris, à tenir l'emploi de formateur testeur à la conduite d'engins.

M. X... a ensuite été engagé en qualité de formateur testeur, à compter du 2 mai 2011 par la société AFCE Formation, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu le 29 avril 2011 moyennant une rémunération brute mensuelle forfaitaire de 2 200 euros, revalorisée à 2400 euros au terme de trois mois, pour une durée annuelle de travail de 215 jours.

M. X... était amené à assurer les formations soit dans les locaux d'AFCE Nord à Oignies soit dans les locaux du client, un véhicule de service étant mis à sa disposition pour se rendre sur les lieux de prestations à partir de son domicile.

Le 9 octobre 2013 et le 21 novembre 2013, en raison de difficultés économiques, la société AFCE Formation a proposé à deux reprises à M. X..., la modification de son contrat de travail, pour occuper les fonctions de formateur à La Réunion puis dans l'Est de la France, propositions refusées par l'intéressé le 1er novembre 2013 et le 8 décembre 2013.

Après avoir convoqué M. X... à un entretien préalable fixé au 6 janvier 2014, au cours duquel il lui a été proposé un contrat de sécurisation professionnelle, la société AFCE Formation, par lettre du 15 janvier 2014, lui a notifié les motifs économiques de la rupture en lui précisant qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle cette lettre constituerait la notification de son licenciement et le point de départ de son préavis qu'il était dispensé d'exécuter.

Par lettre du 24 janvier 2014, M. X... a refusé le contrat de sécurisation professionnelle et a sollicité la communication des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements.

Contestant le bien fondé de son licenciement, il a saisi, le 19 juin 2014, la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour absence de formation et de rappel de salaires pour heures supplémentaires.

Par jugement du 30 juin 2016, le conseil de prud'hommes de Lens a condamné la société AFCE Formation à payer à M. X... la somme de 225 euros au titre des frais de téléphone et à lui fournir les attestations de formation et a débouté le salarié du surplus de ses demandes.

Par courrier électronique adressé au greffe le 26 juillet 2016, Maître Y... au nom de M. X... a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées entre les parties.

M. X..., par conclusions développées oralement à l'audience, demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société AFCE Formation à lui payer les sommes suivantes :

' 29 340 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif (12 mois de salaire)

' 25.791,73 euros à titre d'heures supplémentaires y compris temps de déplacement, outre les congés payés afférents soit 2 579,17 euros,

'13 900 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de formation,

'6 898,40 euros à titre de 14ème mois,

'225 euros à titre de frais de téléphone,

'2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, il demande à la cour de condamner la société AFCE Formation à lui payer la somme de 13.870,5l euros au titre de la contrepartie des temps de déplacements effectués et des heures de travail supplémentaires, outre 1.387,05 euros au titre des conges payes afférents.

Il sollicite également :

'la communication d'une attestation reconnaissant sa qualité de formateur d'engin CACES R386 categorie 1 et 3 et en CACES R372m categorie 9 durant son activité au sein de la société AFCE Formation ;

' la communication des attestations de formation suivantes : Prévention des risques électriques H0B0 realisee en mars 2011 / Monteur (démonteur) d'échafaudage fixe (selon la recommandation CNAMTS R408 : responsable de montage d'echafaudage) / Utilisateur d'échafaudage fixe (selon recommandation CNAMTS R408: personne travaillant sur échafaudage) / Vérificateur d'échafaudage fixe (selon recommandation CNAMTS R408 : responsable de maintenance et d'exploitation d'échafaudage), / Monteur, utilisateur, verificateur d'échafaudage roulant (selon la recommandation CNAM R45 7) ;

'la rectification du certificat de travail et de la mention du DIF ;

'la communication des bilans pédagogiques en Sauveteur Secouriste du Travail des établissements NORD et EST pour l'armee 2014.

Il soutient à l'appui de son appel :

'que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en l'absence de toute difficulté économique et de suppression réelle de son poste de travail puisque la société AFCE Formation a eu recours à la sous-traitance pour occuper ses fonctions ;

'que l'employeur n'a entrepris aucune recherche sérieuse de reclassement et ne lui a même pas proposé , dans le cadre de son obligation de reclassement, les postes qui lui avaient été proposés les 9 octobre et 26 novembre 2013 au titre de la modification de son contrat de travail pour motif économique, ces propositions faites antérieurement à l'engagement, le 19 décembre 2013, de la procédure de licenciement ne pouvant être prises en compte pour vérifier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ;

'que la convention de forfait en jours sur l'année est irrégulière puisqu'il ne bénéficiait pas du statut cadre et ne remplissait aucune des autres conditions permettant le recours au forfait jours ; qu'au surplus la convention de forfait en jours ne lui est pas opposable dans la mesure où la société AFCE Formation n'a jamais établi un quelconque contrôle du décompte du temps de travail afin de vérifier le respect du forfait de 215 jours ;

'que la société AFCE Formation n'a pas pris en compte ses temps de déplacement qui correspondaient à du temps de travail effectif ; que le temps de déplacement anormal donne lieu à une contrepartie par le paiement -a minima- au taux horaire, ou peut même être considéré comme du temps de travail effectif au sens de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003, ainsi que l'a jugé la CJUE dans son arrêt du 10 septembre 2015 ;

'que les temps de repas durant lesquels il était contraint de déjeuner avec ses clients constituaient du temps de travail effectif et non pas un temps de pause puisqu'il ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles ;

'qu'à compter du mois de novembre 2012, il a cessé arbitrairement de recevoir la somme 15 euros par mois pour l'utilisation professionnelle de son téléphone portable personnel ;

'que la société AFCE Formation s'est dispensée de le former à l'ensemble des formations qualifiantes prévues par la convention de la période d'Adaptation à l'Emploi (PAE), telles les formations relatives aux engins de travaux publics, aux chariots industriels ainsi que de lui remettre certaines attestations de formation ;

'qu'il n'a jamais percu le 14éme mois pourtant versé a l'ensemble des salariés sous forme de lissage de la rémunération à compter de 2012.

La société AFCE Formation demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il la condamne à payer à X... la somme de 225 euros nets à titre de frais de téléphone et à fournir les attestations de formation dont ce dernier ne serait pas dépositaire, de le confirmer pour le surplus et de condamner M. X... à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient :

'que les difficultés économiques sont réelles comme en atteste le compte de résultats versé aux débats qui fait état d'une perte de 489 000 euros ; qu'étant la seule société du groupe ayant une activité dans le secteur de la formation professionnelle, les difficultés économiques doivent s'apprécier uniquement au niveau d'AFCE Formation;

'que M. C... n'a pas été embauché par AFCE Formation mais est intervenu le 28 janvier 2014 en sous-traitance pour assurer la formation d'ores et déjà programmée de M. X... ; que s'il est interdit à l'employeur de réembaucher au poste du salarié licencié pour suppression de poste, rien ne lui interdit de redistribuer les tâches de ce salarié à des personnes non salariées de l'entreprise , à un Directeur Général où un bénévole ;

'dès le début de la procédure de licenciement, elle a recherché les possibilités de reclassement internes et dans les différentes sociétés du groupe et a proposé au salarié des postes de reclassement en qualité de formateur , le 9 octobre et le 21 novembre 2013, le premier à la Réunion et le second dans l'est de la France en remplacement de M. D... qui avait demandé à bénéficier d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail ;

'que les développements du salarié sur le « forfait jour » sont inopérants puisque celui-ci n'était pas soumis au forfait jour au sens de l'article L.3121-43 du code du travail puisqu'il n'était pas cadre et qu'il a été rémunéré pour 151,67 heures sans aucune référence à un quelconque forfait jour sur ses bulletins de paie ; qu'elle ne conteste pas les temps déclarés, par le salarié mais l'analyse juridique qu'il fait de ces différents temps, puisqu'il assimile à du travail effectif un certain nombre de temps qui n'en sont pas, comme les temps de déplacement et de pause ;

'que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat travail n'est pas du temps de travail effectif et n'ouvrent droit qu'à une contrepartie financière ou en repos s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ; que dans l'entreprise, la contrepartie visée à l'article L.3121-4 prend la forme d'un repos de 11 jours de RTT par an ; qu'au lieu de travailler 226 jours dans l'année comme tous les autres salariés, le contrat de M. X... prévoit qu'il ne travaille que 215 jours par an, et bénéfice de 11 jours de RTT par an ;

'que le salarié a omis de déduire de son temps de travail effectif les journées de récupérations dont il a bénéficié ;

'que n'a effectué aucune heure supplémentaire, puisqu'il n'a jamais dépassé les 1607 heures de travail effectif par an puisque lorsque la durée du travail se calcule sur l'année, les heures supplémentaires se décomptent au-delà de 1600 heures (+7 heures au titre de la journée de solidarité) conformément à l'article 8 de la loi n°2000'37 du 19 janvier 2000 ;

'qu'elle a décidé en novembre 2012 de fournir à tous les salariés un téléphone professionnel ; que seul M. X... a refusé ce téléphone qui est resté dès lors en permanence à sa disposition, de sorte qu'il ne peut peut revendiquer aujourd'hui le paiement de l'indemnité de 15 euros dont il bénéficiait auparavant ;

'la convention PAE qui partie du dispositif de reconversion des militaires, signée par M. X... a pour but « de faciliter l'obtention d'un contrat de travail », ne prévoit aucune obligation d'assurer une formation, la seule obligation du chef d'entreprise étant de se prononcer sur sa décision d'embauche sous 3 mois ; qu'elle a bien communiqué les attestations de formation pour les 3 certifications R408 et pour la certification R457 réclamées par l'intéressé ;

'que, M. X... n'ayant aucune certification de formateur testeur au moment de son embauche ' ce qui a nécessité justement qu'il suive des formations ' celui-ci ne percevait qu'un 13ème mois, sans prime ou 14ème mois supplémentaire ;

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS :

Sur le bien fondé du licenciement :

Aux termes de l'article L.1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, «le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.»

Le refus du salarié d'une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique, qui ne constitue pas une offre de reclassement, ne libère pas l'employeur de son obligation de reclassement, qui doit être mise en oeuvre préalablement au licenciement.

En l'espèce, il résulte des pièces produites qu'en raison de difficultés économiques, M. X... s'est vu proposer le 9 octobre 2013 , en application de l'article L. 1222-6 du code du travail, une mutation sur un poste de formateur à la Réunion, proposition qu'il a refusée par lettre du 1er novembre 2013.

Par lettre du 21 novembre 2013, la société AFCE Formation lui a proposé, toujours en application de l'article L.1222-6 du code du travail, un poste de formateur dans l'est de la France en remplacement de M. D... qui avait demandé à bénéficier d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail. M. X... a refusé cette proposition par lettre du 8 décembre 2013.

Ayant refusé ces modifications de son contrat de travail, X... s'est vu notifier, par lettre 15 janvier 2014, les motifs économiques de la rupture du contrat de travail, cette lettre lui précisant qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, elle constituerait la notification de son licenciement et le point de départ de son préavis qu'il était dispensé d'exécuter.

M. X... ayant refusé le contrat de sécurisation professionnelle son contrat de travail a donc été rompu le 15 janvier 2014.

Or, force est de constater que la société AFCE Formation a procédé au licenciement en s'abstenant de proposer à M. X..., dans le cadre de son obligation de reclassement, les postes vacants que l'intéressé avait refusé dans le cadre des propositions de modification de son contrat de travail, alors qu'elle était tenue de lui proposer tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser.

Il en résulte que la société AFCE Formation n'a pas satisfait à son obligation de rechercher toutes les possibilités de reclassement, de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En considération de son ancienneté du salarié ( 3 ans ), de sa rémunération brute mensuelle, de son âge, de sa formation et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, de la durée de sa période de recherche d'emploi ou de reconversion professionnelle, des aides dont il a pu bénéficier, il convient d'allouer à M. X... la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il dit le licenciement fondé et déboute M. X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaire :

Il sera relevé que les développements de M. X... sur le « forfait jour » sont inopérants puisque la société AFCE Formation admet qu'il ne pouvait être soumis au forfait jour au sens de l'article L.3121-43 du CDT, dès lors qu'il n'était pas cadre et qu'il était rémunéré sur la base mensuelle de 151,67 heures.

En l'absence de convention de forfait qui lui serait valablement opposable, X... peut donc se prévaloir de la réglementation sur le temps et la durée du travail et est par conséquent recevable à solliciter le paiement des heures supplémentaires qu'il a accompli au-delà de l'horaire légal du travail fixé à 35 heures, dès lors que la société AFCE Formation qui luui a appliqué un forfait de rémunération n'a manifestement pas rémunéré l'intégralité des heures effectuées au delà de la durée légale.

Sur ce point, il convient de relever que la société AFCE Formation ne conteste pas les différents temps déclarés par l'intéressé mais réfute l'analyse juridique qui en est faite aux motifs que dans le décompte produit, sont assimilés à du travail effectif un certain nombre de temps qui n'en sont pas.

'Sur les temps de déplacement :

M. X... sollicite à ce titre, à titre principal, la somme de 25 791,73 euros, correspondant à 880,70 heures de déplacement entre 2011 et 2014, ces temps de déplacement devant être prises en compte, selon lui comme du temps de travail effectif, ainsi que l'a jugé la Cour de Justice de l'Union européenne dans son arrêt du 10 septembre 2015 ;

Toutefois, ainsi que l' énonce l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-266/14 du 10 septembre 2015 (Tyco, points 48 et 49), il résulte de la jurisprudence de la Cour que, exception faite de l'hypothèse particulière visée à l'article 7, § 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 en matière de congé annuel payé, celle-ci se borne à réglementer certains aspects de l'aménagement du temps de travail, de telle sorte que, en principe, elle ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs et que, partant, le mode de rémunération des travailleurs dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle les travailleurs n'ont pas de lieu de travail fixe ou habituel et effectuent des déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites des clients désignés par leur employeur, relève, non pas de ladite directive, mais des dispositions pertinentes du droit national.

Or, en application de l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif, de sorte que la demande principale de M. X... sera rejetée.

M. X..., sollicite à titre subsidiaire, une somme à titre de contrepartie financière pour les temps de déplacement, cette contrepartie correspondant aux 880,70 heures de déplacement rémunérées au taux horaire sans déclenchement des heures supplémentaires.

La société AFCE Formation soutient sur ce point qu'en application de l'article L.3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat travail n'ouvrent droit qu'à une contrepartie financière ou en repos s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail et que M. X... a perçu cette contrepartie financière sous la forme d'un repos de 11 jours de RTT par an.

Elle précise que contrairement à ses collègues de travail qui travaillent 226 jours par an, M. X... n' a ainsi travaillé que 215 jours par an

Toutefois, l'attribution de jours de réduction de temps de travail est un dispositif permettant la réduction du temps de travail de 39 heures à 35 heures, les heures excédant 35 heures par semaine n'étant pas rémunérées comme heures supplémentaires mais étant compensées par des jours ou demi-journées de repos dans le cadre de la période de référence. Ces jours de repos sont en conséquence étrangers au dispositif prévu par l'article L.3121-4 du code du travail, de sorte que l'employeur ne peut imputés le nombre de jours de repos acquis par le salarié au titre de la réduction du temps de travail sur la contrepartie due au salarié pour les temps de déplacement qui dépassent le temps normal de trajet.

En outre, par une attestation du 26 septembre 2016, un collègue de M. X... témoigne qu'il bénéficiait au même titre que tous les autres formateurs d'un contrat forfaitaire de 215 jours et non de 226 jours comme le soutient la société AFCE Formation et confirme également l'absence de contrepartie en repos pour les déplacements.

M. X... est donc fondé à obtenir la contrepartie prévue par l'article L.3121-4 du code du travail pour les temps de déplacement qu'il a effectués dont il n'est pas contesté par la société AFCE Formation qu'ils dépassaient le temps normal de trajet.

En l'absence de détermination par accord collectif, d'entreprise ou d'établissement ou de branche et à défaut de détermination par l'employeur, il appartient à la cour de fixer le montant de cette contrepartie.

Cependant, contrairement à ce que soutient M. X..., cette contrepartie ne peut en aucun cas correspondre à une heure de travail « normale », une telle modalité de calcul aboutissant à assimiler le temps de trajet à du temps de travail effectif.

Au vu des plannings versés aux débats pour la période travaillée au sein de la société, détaillant semaine par semaine, les différents temps ( trajet aller-retour et travail sur site) il sera alloué à M. X... au titre de la contrepartie pour les temps de déplacement dépassant la durée normale de trajet la somme de 6000 euros.

'Sur les temps de repas :

Selon l'article L.3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le

salarie est à disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

L'article L.3121-2 du même code dispose que «le temps nécessaire à la restauration ainsi que le temps consacre aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L.3121-1 sont réunies».

En l'espèce, le document d'accueil des salariés versé aux débats tant par M. X... que par la société AFCE Formation, mentionne en page 3 : «il est également rappelé l'obligation faite au formateur de déjeuner en compagnie des stagiaires, ceci faisant partie du caractere pédagogique de la formation».

Il en résulte que ces temps de repas durant lesquels M. X... ne pouvait vaquer librement à des occupations personnelles correspondent à du temps travail effectif et doivent être rémunérés comme tel.

'Sur les temps d'intervention :

Il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

M. X... verse à l'appui de sa demande, les comptes rendus d'activité renseignés sur lesquels figurent par semaine les différents temps passés dans chaque mission ou activité et ayant servi l'établissement de tableaux récapitulatifs par année civile, ainsi qu'un tableau récapitulatif des heures effectuées par année, ces éléments étant suffisamment précis pour à étayer la demande au sens du texte précité.

La prétention du salarié étant étayée, il appartient donc à l'employeur de se conformer à son obligation de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

La société AFCE Formation soutient en réponse que le salarié a systématiquement majoré son temps de travail en déclarant plus de 7 heures de travail par jour, ce qui ne correspond nullement à la réalité. Selon la société AFCE Formation le temps de formation dit «face à face pédagogique» ne sont pas de 7 heures par jour, mais de 6 heures, la 7ème heure étant consacré à du temps de préparation et de rangement de la salle, sans toutefois verser les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par M. X....

Elle ne peut pas davantage soutenir que M. X... n'a pas effectué d'heure supplémentaire au motif que son temps de travail n'a jamais dépassé 1607 heures de travail effectif par an, puisqu'elle ne peut se prévaloir d'une quelconque convention de forfait en jours ou en heures sur l'année et que les heures supplémentaires sont celles accomplies par le salarié au-delà de l'horaire légal du travail fixé à 35 heures.

A défaut pour la société AFCE Formation de rapporter la preuve des horaires effectuées par M. X..., il convient, au vu des pièces produites, d'allouer à ce dernier, les sommes suivantes à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées incluant les temps de pause, les temps d'intervention et de préparation, à l'exclusion des temps de déplacement :

'au titre de l'année 2011 : 2 496,48 euros

'au titre de l'année 2012 : 4 271,09 euros

'au titre de l'année 2013 : 3 688,40 euros

'au titre de l'année 2014 : 466,06 euros

'soit un total de 10 922,03 euros, outre les congés payés afférents.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il déboute M. X... de sa demande.

Sur la prime de 14ème mois :

En l'espèce, M. X... fait valoir qu'il n'a jamais percu le 14éme mois pourtant versé à l'ensemble des salariés sous forme de lissage de rémunération à compter de 2012.

Concernant l'application du principe ' à travail égal, salaire égal', il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ou de traitement entre des salariés placés dans une situation identique. Il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence de traitement, le juge appréciant ensuite leur pertinence. L'employeur n'est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre les salariés que pour un même travail ou pour un travail de valeur égale.

La société AFCE Formation qui ne conteste pas la différence de traitement invoquée par M. X..., expose que tous les formateurs de la société étaient en effet rémunérés de manière différente : certains bénéficiaient d'un 14ème mois contractuel, d'autres d'un 14ème mois sous condition des résultats obtenus, d'autres de primes exceptionnelles, d'autres encore, uniquement du 13ème mois.

Selon elle, les rémunérations étaient différentes dans la mesure où le travail réalisé par les formateurs n'était pas de valeur égale. Elle ajoute que M. X... qui avait la qualité de formateur testeur uniquement en SST et pas dans les autres domaines de formation, notamment les CACES à destination des entreprises de BTP, ne peut donc prétendre à la prime de 14ème mois versée aux formateurs d'AFCE qui sont des formateurs testeurs.

Cependant, la société AFCE Formation se borne à affirmer que les autres formateurs bénéficiaires de la prime de 14ème mois sont titulaires de certifications et ont une plus grande polyvalence que M. X..., sans verser la moindre pièce justificative à l'appui de cette affirmation.

En l'absence d'élément objectif justifiant la différence de traitement, M. X... est bien fondé à réclamer le paiement des sommes suivantes à titre de 14ème mois :

'au titre de l'année 2011 : 1598,40 euros,

'au titre de l'année 2012 : 2400 euros,

'au titre de l'année 2013 : 2400 euros,

'au titre de l'année 2014 : 500 euros

soit au total la somme de 6 898,40 euros.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur le préjudice lié a l'absence de formation et au refus de communication des attestattions de formation :.

M. X... soutient d'abord que lors de la signature du contrat d'orientation, la société AFCE Formation s'est engagée à dispenser un certain nombre de formation qualifiante afin de lui permettre d'exercer ses fonctions de formateur testeur.

Esuite, M. X... fait valoir d'une part, qu'il été amené à demander à son employeur les attestations des formations qu'il avait suivies, mais que ce dernier ne lui aurait jamais répondu, d'autre part qu'à la suite de la décision du Conseil de Prud'hommes, l'absence de réponse de la société AFCE Formation l'empêche de prétendre à la formation professionnelle par prérequis fixée par l'INRS en vue de se présenter à une formation certifiante de formateur en SST, de sorte que la société AFCE a délibérément fait obstacle à sa recherche dans un nouvel emploi, ce qui justifie l'octroi d'une indemnisation.

Toutefois, il résulte des termes de la convention PAE conclue entre les parties, qui fait partie du dispositif de reconversion des militaires, que la période d'adaptation dure trois mois, et n'a pas d'autre objectif que celui mentionné à l'article 2 de la convention à savoir : « pendant la durée de la période d'adaptation en entreprise, le militaire se familiarise avec les conditions de vie et de travail dans l'entreprise et l'entreprise vérifie l'aptitude de celui-ci à tenir l'emploi de formateur testeur ' »

Cette convention a pour but « de faciliter l'obtention d'un contrat de travail », et la seule obligation du chef d'entreprise est alors de se prononcer sur sa décision d'embauche sous 3 mois. Il n'est prévu aucune obligation d'assurer une formation.

Il apparaît ensuite que M. X... reconnait dans ses écritures avoir obtenu, grâce à son employeur, des certifications dans certains domaines (PRAP, CACES) et a suivi les formations suivantes :

'formation de formateur en SST du 12 au 14 décembre 2011,

'formation en nacelle 1B et 3B (PEMP) le 14 juin 2011,

'formation en engin de TP le 26 avril 2013,

'formation à la conduite d'engins de la catégorie 1B le 07 septembre 2011,

'formation à la prévention des risques liés à l'activité physique (PRAP) le 21 juillet 2011.

Par ailleurs, alors que le conseil de prud'hommes, dans le dispositif de sa décision a demandé à M. X... de s'assurer qu'il n'avait pas déjà les attestations demandées et a condamné la société AFCE Formation à fournir à M. X... les attestations de formation si ce dernier n'en était pas déjà dépositaire, force est de constater que l'intéressé n'a rien réclamé à son ancien employeur dans le cadre de l'exécution de cette décision.

Il ressort enfin des pièces produites que la société AFCE Formation a bien transmis les attestations de formation pour les 3 certifications R408 et pour la certification R457 réclamées par M. X... mais que s'agissant de la certification H0B0 manquante, il n'est pas établi qu'il a participé à cette formation.

Il n'est en conséquence pas démontré que la société AFCE Formation aurait manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de M. X... en matière de formation ou de délivrance des attestations de formation.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation à ce titre.

En revanche le jugement sera infirmé en ce qu'il ordonne la remise d'attestations de formation.

Sur l'indemnité pour l'utilisation du téléphone personnel :

Les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier.

En l'espèce, le contrat de travail prévoit que l'utilisation du téléphone portable du salarié à des fins professionnelles fera l'objet d 'un remboursement forfaitaire. Durant l'exécution du contrat ce remboursement a été fixé à la somme mensuelle de 15 euros ainsi qu'en attestent les bulletins de salaire.

Or il n'est pas contesté que la société AFCE Formation a cessé de verser cette somme au salarié aux motifs qu'elle a, en novembre 2012, mis à disposition de l'ensemble des salariés, un téléphone professionnel et que seul M. X... a refusé ce téléphone qui est resté dès lors en permanence à sa disposition..

En l'absence d'avenant signé par M. X..., la société AFCE Formation ne pouvait lui imposer l'utilisation d'un téléphone professionnel contrairement aux clauses contractuelles et cesser le remboursement des frais exposés par l'intéressé pour les besoins de son activité professionnelle.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société AFCE Formation à payer à M. X... la somme de 225 euros à titre de remboursement des frais de téléphone.

Sur la remise des documents de fin de contrat :

En application de l'article R 1234-9 du Code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L 5421-2 et transmet ces mêmes attestations à l'institution mentionnée à l'article L 5312-1.

Par ailleurs, en application des articles L 1234-19 et D 1234-6 du même code, un certificat de travail doit être remis au salarié.

Il convient donc d'ordonner la remise de ces documents.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société AFCE Formation succombant en appel sera condamnée aux dépens et à payer à M. X... la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

- Infirme le jugement sauf en ce qu'il condamne la société AFCE Formation à payer à M. X... la somme de 226 euros à titre de remboursement de frais de téléphone et déboute ce dernier de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour absence de formation,

- Et statuant à nouveau et y ajoutant :

- Dit le licenciement non fondé,

- Condamne la société AFCE Formation à payer à M. X... les sommes suivantes :

'15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'10 922,03 euros à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires, outre 1092,20 euros au titre des congés payés,

'6000 euros à titre de contrepartie pour les temps de déplacement,

'6 898,40 euros à titre de prime de 14ème mois,

'2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que la société AFCE Formation devra remettre à M. X... dans les 15 jours de la signification de cette décision, les documents de fin de contrat conformes à la présente décision et notamment le le certificat de travail rectifié quant aux périodes travaillées et au DIF.

- Condamne la société AFCE Formation aux dépens.

Le Greffier Le Président

Maryse ZANDECKI Sabine Z...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale a salle 1
Numéro d'arrêt : 16/03221
Date de la décision : 30/11/2018

Références :

Cour d'appel de Douai A1, arrêt n°16/03221 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-30;16.03221 ?
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