La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2018 | FRANCE | N°17/04522

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 08 novembre 2018, 17/04522


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 08/11/2018



***





N° de MINUTE :

N° RG 17/04522 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q376



Jugement (N° 15/01450)

rendu le 30 mai 2017 par le tribunal de grande instance [Localité 1]





APPELANTES

SARL Care Distribution représentée par son liquidateur, Me [G] [P], domicilié [Adresse 1]

ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adress

e 2]



- société en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer du 17 juillet 2014 -



représentée par Me Loïc Le Roy, membre de la SELARL Lexavoué Amiens Douai, avo...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 08/11/2018

***

N° de MINUTE :

N° RG 17/04522 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q376

Jugement (N° 15/01450)

rendu le 30 mai 2017 par le tribunal de grande instance [Localité 1]

APPELANTES

SARL Care Distribution représentée par son liquidateur, Me [G] [P], domicilié [Adresse 1]

ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

- société en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer du 17 juillet 2014 -

représentée par Me Loïc Le Roy, membre de la SELARL Lexavoué Amiens Douai, avocat au barreau de Douai

assistée de Stéphane Le Roy et ayant également pour conseil Me François Citron, tous deux membres de l'association AARPI, avocats au barreau de Paris

Société Atradius Credito Y Caucion S.A. de Seguros Y Reaseguros, société de droit espagnol et dont l'établissement principal en France est situé [Adresse 3], venant aux droits de la société Atradius Credit Insurance N.V., prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social

[Adresse 4]

[Localité 2] (Espagne)

représentée par Me Eric Laforce, membre de la SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Olivier Kuhn, avocat au barreau de Paris

INTIMÉS

M. le Directeur Régional des Douanes et des Droits Indirects

demeurant

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Administration des Douanes [Localité 1], prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Mme la Receveuse Régionale des Douanes [Localité 1]

demeurant

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentés par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai

assistés de Me Ralph Boussier, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Chloé Frantz, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 13 septembre 2018, tenue par Marie-Hélène Masseron magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Hélène Masseron, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Marie-Laure Aldigé, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 novembre 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme Marie-Hélène Masseron, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 juin 2018

***

La société Care Distribution est entrepositaire agréé par l'administration des douanes dans le domaine des boissons alcooliques. La dette fiscale susceptible de naître de son activité est garantie, sans limitation, par la société Atradius Credit Insurance NV, aux droits de laquelle vient la société Atradius credito y caution SA de seguros y reaseguros (Atradius), ce cautionnement ayant été donné le 27 avril 2012.

La société Care Distribution recevait des expéditions de bières et de vins, en suspension de droits d'accises, les stockait pour le compte de ses clients, puis les réexpédiait sous régime suspensif de droits d'accises sous le couvert d'un document administratif électronique (DAE) à destination d'autres entrepositaires agréés dans l'union européenne. Le bénéfice du régime suspensif implique que la marchandise demeure stockée dans l'entrepôt agréé jusqu'à sa réexpédition.

En 2013, la société Care Distribution faisait l'objet d'une information judiciaire ouverte par le tribunal de grande instance de Lille. Le 11 mars 2014, le gérant de la société, les associés et les salariés étaient interpellés, placés en garde à vue et pour certains, mis en examen et placés en détention provisoire. Des scellés étaient apposés sur les locaux de la société.

Le 11 avril 2014, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lille sollicitait l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Une procédure collective était ouverte par jugement du tribunal de commerce de Boulogne-sur-mer du 26 juin 2014. Une procédure de liquidation judiciaire était ouverte par jugement du 17 juillet 2014 désignant M. [P] en qualité de liquidateur.

Le 29 juillet 2014, l'administration des douanes procédait à un inventaire des stocks dans l'entrepôt de la société Care Distribution. Le 7 août 2014, Me [P] recevait un avis préalable de taxation dressé pour une somme de 25 839 euros correspondant à des stocks manquants. Le 19 septembre 2014, il recevait un avis définitif de taxation pour ce montant. Un avis de mise en recouvrement était notifié le 22 septembre 2014 à la société Care Distribution (avis de recouvrement n° 801/14/527) et à sa caution la société Atradius (avis de recouvrement n° 801/14/528), que les deux sociétés contestaient. Leur réclamation était rejetée par courriers des 20 et 24 avril 2015 par la direction régionale des douanes [Localité 1].

La société Care Distribution et la société Atradius faisaient assigner devant le tribunal de grande instance [Localité 1], par actes séparés des 10 juin et 24 juin 2015, M. le directeur régional des douanes et droits indirects [Localité 1], Mme la receveuse régionale des douanes [Localité 1] et l'administration des douanes (ci-après l'administration des douanes), à l'effet de voir annuler les avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014 et les décisions de rejet des contestations des 20 et 24 avril 2015.

Par jugement du 30 mai 2017, le tribunal de grande instance de Dunkerque a :

- débouté les sociétés Care Distribution et Atradius de leurs demandes d'annulation des avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014 et des décisions de rejet des 20 et 24 avril 2015,

- constaté l'absence de dépens,

- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Care Distribution, représentée par son liquidateur M. [P], et la société Atradius ont interjeté appel de cette décision par deux déclarations distinctes. Les procédures ont été jointes.

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 février 2018 par la société Care Distribution, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, qui sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau, d'annuler l'avis de mise en recouvrement n° 801/14/527 du 22 septembre 2014 ainsi que la décision du 20 avril 2015 rejetant sa contestation, de condamner l'administration des douanes aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir à titre principal que le principe des droits de la défense n'a pas été respecté par l'administration des douanes.

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er mars 2018 par la société Atradius, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, qui sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, l'annulation de l'avis de mise en recouvrement n° 801/14/528 du 22 septembre 2014 et de la décision de rejet du 24 avril 2015, la condamnation de l'administration des douanes à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, se prévalant des exceptions inhérentes à la dette de la société Care Distribution et faisant valoir elle aussi, à titre principal, l'irrégularité de la procédure pour non respect du principe général du contradictoire et des droits de la défense.

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 juin 2018 par l'administration des douanes, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, qui demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et en conséquence :

de déclarer réguliers et bien fondés les avis de mise en recouvrement n° 801/14/527 et n° 801/14/528 en date du 22 septembre 2014 notifiés aux sociétés Care Distribution et Atradius

de déclarer régulières et bien fondées les décisions de rejet des 20 et 24 avril 2014

de débouter les sociétés appelantes de leurs demandes plus amples et contraires

de les condamner aux dépens et à lui payer chacune la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE MOTIF :

L'article L.80 M du Livre des procédures fiscales dispose que :

I. - 1. En matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration.

Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l'administration. Il est invité à faire connaître ses observations.

[...]

2. Si le contribuable demande à bénéficier d'une communication écrite, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l'issue du délai de trente jours prévu à l'alinéa précédent, l'administration prend sa décision.

Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée.

II. [']

Cette garantie de procédure a été accordée au contribuable à la suite d'une série d'arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne dont l'arrêt [X] rendu le 18 octobre 2008 en matière de droits de douane.

Au travers de cet arrêt, la CJUE a jugé que 'les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision' (point 37) et qu'il appartient au juge national 'de s'assurer que le délai [destiné à recueillir les observations des intéressés] ainsi individuellement assigné par l'administration correspond à la situation particulière de la personne ou de l'entreprise en cause et qu'il leur a permis d'exercer leurs droits de la défense dans le respect du principe d'effectivité'. (souligné par la cour)

En l'espèce, il convient de rappeler que lorsque l'administration des douanes a adressé le 7 août 2014 à Me [P], liquidateur de la société Care Distribution, un avis préalable de taxation pour un montant total de 25 532 euros suite à un inventaire du stock de la société effectué le 29 juillet 2014, ladite société était à l'arrêt et placée sous scellés judiciaires, dépourvue de ses dirigeants mis en examen et placés en détention dans le cade d'une information judiciaire ouverte par le tribunal de grande instance de Lille en mars 2014 ; la société avait fait l'objet moins de six semaines auparavant d'un redressement judiciaire prononcé par jugement du 26 juin 2014 sur la requête du ministère public et le liquidateur venait d'être désigné par jugement du 17 juillet 2014. L'avis préalable de taxation était ainsi adressé au coeur de l'été, alors que Me [P] représentait la société depuis 20 jours et ne disposait pas d'interlocuteurs dans l'entreprise.

Dans ce contexte particulier qui plaçait le liquidateur dans une situation très difficile, le délai de trente jours prévu par l'article L. 80 M du Livre des procédures fiscale pour permettre au contribuable de faire des observations, que l'administration a appliqué à la lettre, n'était pas suffisant pour assurer l'exercice effectif des droits de la défense, ce d'autant que la motivation contenue dans l'avis de préalable de taxation manquait de clarté et de cohérence et ne permettait pas à Me [P] d'émettre son point de vue en toute connaissance de cause dans le délai de trente jours qui lui était imparti par l'administration.

Cet avis préalable est ainsi motivé : L'article L. 237-2 de code de commerce précise que la personnalité morale de l'entreprise subsiste pour les besoins de sa liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci.

La survenance de la liquidation judiciaire entraîne l'exigibilité des droits sur stocks.

Toutefois les marchandises continuent d'être détenues dans l'entrepôt de l'opérateur dans l'attente de leur commercialisation.

Les droits doivent être acquittés au fur et à mesure de leur commercialisation. A cet effet, je vous adresse ci-joint un état liquidatif détaillé, établi par catégorie de produits et nature d'imposition (tableau de calcul des accises joint au présent courrier).

Le liquidateur est tenu de reverser au comptable des douanes les droits facturés et acquittés par l'acquéreur des produits lors de leur commercialisation, qui ne constituent pas un actif d'entreprise.

En cas de cession du stock sous le régime de la suspension à un autre opérateur agréé, le liquidateur sera invité à justifier de leur cession en droits suspendus.

A contrario, les droits sont exigibles en cas de cession à un opérateur non agréé.

Cette motivation contient une contradiction en ce qu'elle indique tout à la fois que les droits d'accises sont immédiatement exigibles à raison de l'ouverture de la liquidation judiciaire sans même attendre la clôture de celle-ci, et que ces droits ne sont exigibles qu'au fur et à mesure de la commercialisation du stock, laissant ainsi comprendre que la société bénéficie toujours du régime de suspension des droits jusqu'à la clôture de la procédure collective dans l'hypothèse où la cession du stock est réalisée au profit d'un opérateur agréé.

Cette motivation contradictoire ne permettait pas au liquidateur judiciaire d'en saisir précisément le sens et la portée. Elle pouvait lui laisser croire que les droits ne seraient pas exigés en cas de vente des stocks à un opérateur agréé, cession qui nécessitait une vérification de l'administration postérieurement à l'émission de l'avis préalable de taxation, incompatible avec une taxation définitive dans le délai de 30 jours. Me [P] ne possédant pas de compétence particulière en la matière, devait s'adjoindre les conseils d'un avocat avant de pouvoir émettre des observations utiles qu'il n'a pu effectivement formaliser que le 20 octobre 2014, par lettre de son conseil adressée à l'administration des douanes, après avoir reçu notification de l'avis de taxation définitive et de l'avis de mise en recouvrement.

Par ailleurs, la réponse qui a été apportée à ces observations le 20 avril 2014 est très insuffisante, l'administration se bornant à affirmer, sans même exposer la doctrine citée : 'En cas de liquidation judiciaire, la doctrine administrative prévoit l'émission d'un AMR (avis de mise en recouvrement) à l'encontre du redevable et de sa caution solidaire dans le cadre de la notification de créances'.

Elle ne reprend pas les motifs invoqués dans son avis préalable de taxation et ne répond pas aux observations de Me [P], fondées quant à elles sur cet avis. Ce faisant, elle n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 80 M du Livre des procédures fiscale lui imposant de motiver sa réponse aux observations du contribuable.

La procédure suivie par l'administration à l'encontre de la société Care Distribution et de sa caution la société Atradius est ainsi entachée de nullité faute d'avoir permis l'exercice effectif des droits de la défense ; le jugement entrepris sera infirmé, sauf en ce qu'il a constaté l'absence de dépens et exclu, pour des raison d'équité, l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour constate elle-même l'absence de dépens et écarte l'application du texte susvisé pour des considérations d'équité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a constaté l'absence de dépens et débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

Annule les avis de mise en recouvrement n° 801/14.527 et n° 801/14/528 du 22 septembre 2014,

Annule les décisions de rejet des 20 et 24 avril 2015,

Constate l'absence de dépens,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,Le président,

Delphine VerhaegheMarie-Hélène Masseron


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 17/04522
Date de la décision : 08/11/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°17/04522 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-08;17.04522 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award