ARRÊT DU
26 Octobre 2018
N° 2003/18
N° RG 16/03692 - N° Portalis DBVT-V-B7A-QEJ4
SC/VCO
RO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
05 Septembre 2016
(RG 14/00379 -section 4)
GROSSE :
aux avocats
le 26/10/18
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. Yves X...
[...]
Représenté par Me Antoine Y..., avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE :
SAS DDIS
[...] - [...]
[...]
Représentée par Me Muriel Z..., avocat au barreau de LILLE, substitué par CORNU
DÉBATS : à l'audience publique du 21 Juin 2018
Tenue par Sylvie A...
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Véronique MAGRO
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie A...
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Leila B...
: CONSEILLER
Caroline D...
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2018,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sylvie A..., Président et par Audrey CERISIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 07 Juin 2018
EXPOSE DU LITIGE
La société DDIS, ayant pour dirigeant M. C..., a pour activité la conception et la commercialisation d'éoliennes.
M. X... a été engagé à compter du 1er mai 2008 par la société DDIS en qualité de responsable technique.
Le convention collective applicable est celle de la métallurgie ingénieurs et cadres.
Par lettre du 8 avril 2014, M. X... a été convoqué à un entretien préalable fixé au 18 avril suivant, avec mise à pied à titre conservatoire.
Il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier du 23 avril 2014.
Contestant le bien fondé de son licenciement M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Valenciennes qui, par jugement en date du 5 septembre 2016, a :
- requalifié le licenciement de M. X... en licenciement pour insuffisance professionnelle et dit qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- condamné la Sas DDIS à verser à M. X... les sommes suivantes :
- 2990.30 euros au titre du rappel de salaire pour mise à pied conservatoire, outre 299,03 euros au titre des congés payés afférents ;
- 16 200 euros au titre de l'indemnité de licenciement conventionnelle
- 32 400 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 3 200 euros au titre des congés payés afférents ;
- 16 200 euros à titre de rappel de prime de rendement, outre 1 620 euros au titre des congés payés afférents ;
- 2 242,73 euros à titre de rappel de congés payés conventionnels ;
- ordonné à la Sas DDIS de remettre à M. X... un bulletin de paie pour les sommes concernées ainsi qu'une nouvelle attestation pour Pôle emploi sous astreinte de 20 euros par jour et par document à compter du quinzième jour suivant la notification de la décision ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement en vertu des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ;
- débouté M. X... du surplus de ses demandes ;
- débouté la Sas DDIS de sa demande reconventionnelle ;
- condamné la Sas DDIS aux dépens.
Par déclaration en date du 4 octobre 2016 adressée par la voie électronique, la Sas DDIS a interjeté appel de cette décision (instance n° RG 16/03695).
Par déclaration en date du 7 octobre 2016 adressée par la voie électronique, M. X... a également interjeté appel (instance n° RG 16/03692).
Les affaires ont été fixées selon la procédure de l'article 905 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 3 et 19 janvier 2017, la Sas DDIS demandait à la cour de réformer le jugement et en conséquence de :
- débouter M. X... de toutes ses demandes ;
- prendre acte qu'elle reconnaît devoir à M. X... la somme correspondant à 9 jours de congés payés au titre des congés conventionnels ;
- condamner M. X... à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Sur le licenciement, elle faisait valoir en substance que :
- sur le motif disciplinaire du licenciement : M. X... a une formation d'ingénieur ; il avait la maîtrise technique nécessaire et suffisante pour réaliser le projet ; il était le numéro 2 de la société et avait le salaire le plus élevé de l'entreprise ; à la suite d'une avarie importante sur une éolienne et du blocage d'une autre éolienne sur le même parc, l'ensemble du parc a du être mis à l'arrêt et une expertise technique a été demandée qui a conclu que l'éolienne ne pouvait fonctionner correctement avec le serrage trop important des aimants que M. X... avait décidé seul ;
- il ne s'agit pas d'une simple erreur mais d'une légèreté totalement inacceptable pour un professionnel aguerri comme M. X... ;
- non seulement, M. X... a préconisé une solution technique qui s'est avérée désastreuse lors de sa mise en oeuvre mais il n'a pas pris la peine d'analyser ou de faire analyser la solution retenue ;
- il s'avère donc qu'il a fait preuve de graves négligences et d'une légèreté blâmable dans ses fonctions, relevant de la faute grave eu égard à son niveau de compétence et aux conséquences subies, c'est-à-dire une panne très importante et un retard particulièrement conséquent du projet de la société ;
- la faute est d'autant plus avérée qu'une avarie technique s'était déjà produite sur l'éolienne pilote située au parc d'Onnaing pour les mêmes raisons ;
- les corrections apportées aux solutions techniques mises en oeuvre par M. X... sous sa seule responsabilité permettent le fonctionnement correct des éoliennes ;
- sur le délai d'engagement de la procédure de licenciement : s'agissant d'un problème technique et avant d'aboutir à la conclusion que la défaillance était uniquement liée à la faute de M. X..., il a fallu analyser les conclusions du rapport d'expertise du 17 mars 2014 ;
- les conséquences de la faute de M. X... sont désastreuses.
Sur la prime d'objectifs, elle soutenait que :
- l'objectif de base a bien été fixé puisqu'il s'agissait de la mise en test concluant du parc test éolien ;
- l'objectif n'ayant jamais été atteint, cette prime de rendement n'a jamais été versée ;
- elle a toujours réalisé des pertes et a même dû trouver des fonds pour se recapitaliser, ce qui démontre bien qu'il n'y avait aucun rendement.
Par voie de conclusions des 22 mai et 15 septembre 2017, M. X... demandait à la cour de, statuant tant par dispositions confirmatives qu'infirmatives ou supplétives :
- condamner la société DDIS au paiement des sommes suivantes :
* rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire : 2 990,30 euros
* congés payés sur rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire: 299,03 euros
* indemnité de licenciement (article 29 de la Convention collective des ingénieurs et cadres) : 16 200 euros
* préavis (art 27 CCN ingénieurs et cadres) : 32 400 euros
* congés payés sur préavis : 3 240 euros
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, nets de CSG et CRDS : 81 000 euros
* rappel prime de rendement : 16 200 euros
* congés payés sur rappel de prime de rendement : 1 620 euros
* rappel congés conventionnels : 2 242, 73 euros
* article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros
- ordonner la remise de bulletins de salaires ainsi que de l'attestation Pôle Emploi conformes sous astreinte.
Sur le licenciement, il faisait valoir que:
- il a été licencié pour des faits qui, à les supposer établis, relèvent d'une insuffisance professionnelle ; or, l'insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif de sorte qu'elle ne peut fonder un licenciement disciplinaire ;
- la société DDIS est malvenue à vouloir mettre en exergue ses fonctions de responsable technique pour tenter de convaincre qu'il jouissait d'une parfaite autonomie alors qu'en réalité, il n'était titulaire d'aucune délégation de pouvoir, toutes les décisions étant prises et validées par M. C..., supérieur hiérarchique qui se devait de contrôler l'exécution de ses tâches ;
- la principale préoccupation du dirigeant de la société DDIS était d'avancer au plus vite, quitte à négliger les étapes de validation ;
- le simple constat que l'employeur a attendu presque un mois avant d'engager la procédure de licenciement est incompatible avec la notion même de faute grave ;
- il conteste au surplus l'imputabilité des avaries reprises dans la lettre de licenciement : l'origine des avaries n'est pas prouvée, l'expertise technique de la société CAFDEM n'est qu'un 'rapport d'études' non contradictoire, portant sur des calculs de tenue des vis de maintien des aimants ; or, la rupture de vis n'est pas évoquée comme origine des avaries sur les deux éoliennes ;
- le second grief (absence d'analyse ou d'expertise de la solution technique qu'il avait retenue) n'est pas plus établi : il sera rappelé que M. C... prenait l'ensemble des décisions finales et régulièrement réduisait au maximum le nombre d'essais en atelier.
Sur la prime de rendement, il soutient que :
- l'employeur n'a jamais accepté de discuter de la fixation des objectifs de sorte que cela a eu pour effet de le priver de la prime de rendement contractuellement convenue ;
- lorsqu'un contrat de travail prévoit le paiement d'un salaire variable en considération de l'atteinte d'objectifs, dès lors qu'aucun objectif n'a été fixé au salarié, celui-ci est fondé à prétendre au paiement de la prime dans son intégralité.
A l'audience de plaidoiries du 9 novembre 2017, les parties ont été invitées à produire après l'avoir fait traduire un extrait de la norme TUV Nord et à déposer une note en délibéré sur le point de savoir si cet organisme de certification avait été amené à vérifier le serrage des aimants de l'alternateur.
Ces documents ont été transmis ainsi que les observations des parties (courriers des 4 et 15 décembre 2017,18 et 23 janvier 2018).
Par arrêt en date du 26 janvier 2018, la cour a :
- ordonné la jonction des instances ;
- révoqué l'ordonnance de clôture en date du 10 octobre 2017 ;
- enjoint à la société DDIS de verser aux débats la traduction en français de l'annexe 2 de sa pièce 5 ;
- fixé la clôture de la procédure au 7 juin 2018 ;
- ordonne la réouverture des débats à l'audience de plaidoiries du 21 juin 2018 ;
- réservé le surplus ainsi que les dépens.
La traduction requise a été transmise par la société DDIS le 23 mai 2018.
MOTIFS :
La condamnation de la société DDIS à régler à M. X... la somme de 2 242,73 euros n'est pas discutée. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.
Sur le bien fondé du licenciement :
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
« Nous vous rappelons tout d'abord que vous êtes salarié depuis le 8 mai 2008 en qualité de responsable technique.
Par courrier remis en main propre le 8 avril 2014, nous vous avons convoqué le 18 avril 2014 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre, entretien auquel vous vous êtes présenté accompagné d'un conseiller.
Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.
Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :
Le 18 septembre 2013, l'éolienne E8 située sur le parc d'Ortoncourt a subi une avarie particulièrement importante, à savoir la casse des aimants après 600 h de fonctionnement.
Le 1er octobre l'éolienne E7 du même parc éolien se bloque après près de 3000 h de fonctionnement.
Pour des raisons de sécurité du matériel, l'ensemble du parc éolien a dû être mis en arrêt, et ce dans le souci d'éviter toute autre casse.
Plusieurs explications ont été envisagées pour justifier la casse des aimants. Vous avez à ce titre rappelé lors de l'entretien du 18 avril la suppression d'un artifice (une plaque), que vous aviez déjà pu évoquer ou encore le démontage/remontage des aimants entraînant leur fragilité excessive.
Cette avarie remet fondamentalement en cause les choix technologiques de la société.
Aussi, pour connaître la ou les raisons de la casse avec certitude, une expertise technique a été demandée auprès de CADFEM société allemande le 13 novembre 2013.
Le rapport final d'étude qui a été restitué le 17 mars 2014 aboutit aux conclusions suivantes :
- Le calcul des vis inox avec le couple de serrage initial n'est pas possible,
- Les déformations des aimants malgré la réduction des efforts de serrage pris par CADFEM sont importantes et les efforts combinés électromécaniques et thermiques conduisent ainsi à une rupture inévitable.
Le serrage trop important des aimants a donc provoqué leur casse.
En votre qualité de responsable technique vous aviez établi à l'intention de l'atelier, une note d'une page précisant le couple de serrage des vis à 25 Nm, conduisant à un effort de plus de 3 tonnes sur l'aimant.
Des échanges se sont poursuivis avec CADFEM jusqu'à début avril 2014 pour évaluer l'étendue des modifications à apporter suite à cette avarie. Plusieurs configurations ont été discutées et toutes les solutions envisagées avec CADFEM visent à fixer les aimants par collage et à réduire très sensiblement le couple de serrage des vis et à changer la nature du matériau des vis.
Lors de l'entretien du 18 avril, des explications vous ont été demandées sur ce choix de serrage.
Vous n'avez pas souhaité vous exprimer sur le sujet.
En votre qualité de cadre responsable technique, il vous appartenait pourtant de vous assurer que les choix techniques étaient adaptés. Vos fonctions impliquent notamment:
- L'établissement de la définition des besoins (différents composants),
- La définition du process d'industrialisation,
- La détermination des processus de qualité et des critères attachés.
En l'occurrence, les conclusions démontrent qu'aucune éolienne n'aurait pu fonctionner correctement avec le serrage que vous aviez préconisé. Un tel défaut de conception n'aurait jamais dû se produire au vu de formation d'ingénieur, de votre expérience dans le secteur des éoliennes et de votre niveau de responsabilité au sein de la société.
A tout le moins, des validations de calcul, une demande d'analyse préalable ou d'expertise aurait dû être menée sur le sujet, avec des ressources internes ou externes le cas échéant. Vous avez retenu avec légèreté une solution technique défaillante.
Votre négligence fautive sur ce point est loin d'être anodine car l'impact financier lié à ce défaut de conception et à la cassure du matériel en résultant dépasse le million d'euro.
Lors de l'entretien, il a également été rappelé qu'une avarie technique s'était déjà produite sur l'éolienne pilote située au parc d'Onnaing. En mars 2013, nous avions constaté une perte de puissance : la démagnétisation des aimants est évoquée. Cette cause sera confirmée lors de l'expertise menée par DDIS et OVH en décembre 2013.
Vous aviez expliqué que cette anomalie n'était pas liée aux aimants mais à la mauvaise conduite de l'éolienne, qui avait été trop vite montée à sa puissance nominale. Selon vous, il aurait fallu stabiliser progressivement la puissance.
Cet argument, que vous avez réitéré pendant l'entretien du 18 avril n'est au final pas convaincant.
Comme rappelé lors de l'entretien, l'expertise technique démontre que la démagnétisation est une fois encore due au montage des aimants :
Les efforts de serrage des aimants sur la culasse tôlée, à plus de 3 tonnes par aimant, conduisent à un poinçonnage des aimants, l'étude CADFEM montre bien cette déformation par ailleurs minimisée car les efforts de serrage repris par CADFEM sont plus faibles. Ces aimants sont recouverts d'un revêtement epoxy de 10 microns, sous cette couche isolante se trouve une couche de Ni conductrice. L'effet de poinçonnage induit par le serrage des vis vient percer ce revêtement isolant, met en court circuit l'aimant, la culasse et la plaque rotor. Des courants de Foucault apparaissent dans l'aimant, la température des aimants s'élève dépassant très vite les 100°C. Sur Onnaing des températures supérieures à 200 °C ont été constatées. La démagnétisation était donc inévitable.
La conduite de l'éolienne n'est en rien responsable de cette démagnétisation mais c'est bien le montage aimant sur culasse tôlée avec des vis serrées à 25 Nm qui conduit à cette démagnétisation. D'autre part les dégâts initiés par le poinçonnage dû au serrage très important sont démultipliés par les mouvements relatifs entre aimant et culasse ; les aimants se contractent quand la température augmente, les tôles de la culasse se dilatent. Ces mouvements relatifs viennent accélérer la rupture du revêtement epoxy et faciliter le développement des courants de Foucault.
Une fois encore, des vérifications de calcul, une demande d'analyse préalable ou d'expertise aurait dû être menée sur le sujet, avec des ressources internes ou externes le cas échéant. Or vous n'avez jamais rien évoqué de tel alors qu'il s'agit précisément des attributions relevant de vos fonctions.
Au vu des conclusions de l'expertise le choix de serrage des aimants tel que vous l'avez retenu était donc préjudiciable car techniquement défaillant : démagnétisation des aimants et surtout casse inévitable. Les solutions de remplacement qui ont été envisagées à la suite de la remise des conclusions démontrent qu'à aucun moment, la solution que vous aviez retenue ne trouve de pertinence technique pour notre modèle. L'absence d'étude préalable s'avère être une négligence fautive pour un ingénieur responsable technique de votre niveau.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture.
En raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé. (...)'
Il est ainsi reproché au salarié une défaut de conception et l'absence de vérification de ses calculs par une étude préalable.
L'employeur ayant fait le choix d'une procédure disciplinaire, il lui incombe de rapporter l'existence d'une faute.
Il sera d'abord indiqué que le rapport de la société CADFEM permettant de déterminer l'origine de la casse des aimants étant en date du 17 mars 2014 et l'engagement de la procédure de licenciement en date du 8 avril 2014, il ne peut être reproché à la société DDIS de ne pas avoir agi dans un délai restreint.
En l'espèce, il ressort du rapport de la société CADFEM que le couple de serrage des vis à 25 Nm était trop élevé pour la classe de propriété des vis. Cette conclusion est confirmée par les calculs effectués par la société Cimes qui indique que le couple de serrage de 25 Nm est 'hors norme' pour une vis inox A2-70.
Si ces rapports n'ont pas établis contradictoirement, ils ont été régulièrement produits et soumis à la libre discussion des parties.
En outre, il n'était nul besoin d'une expertise sur les éoliennes elle-mêmes pour conclure que c'est le couple de serrage hors norme à 25 Nm qui a entraîné la casse des aimants.
Il est constant que ce couple de serrage a été défini par M. X... qui a donc commis une erreur de conception.
Toutefois, quelles qu'en soient la gravité et les conséquences notamment financières qu'elle a eu sur l'activité de l'entreprise, une telle erreur ne caractérise que l'insuffisance professionnelle du salarié, fût-il cadre de haut niveau. Si l'employeur argue d'une erreur grossière et d'une légèreté inacceptable, force est de constater qu'une expertise a été utile pour la déceler.
En revanche, l'importance du projet et les enjeux financiers en cause devaient amener M. X... à faire valider son calcul théorique par des essais, soit au sein même de l'entreprise soit à l'extérieur de celles-ci, avant que la construction de l'éolienne ne soit lancée.
Cette abstention imputable à un ingénieur expérimenté est fautive.
M. X... ne peut s'en exonérer en indiquant que 'la principale préoccupation de M. C... était d'avancer au plus vite, quitte à négliger les étapes de validation. Le projet n'a donc pas été mené par phases avec validation avant d'enclencher la phase suivante et les essais en atelier ont été réduits au minimum pour des questions de coûts, de délais et de moyens matériels et toujours sur décision de M. C...'. En effet :
- de telles allégations sont un aveu de ce que des essais plus poussés auraient été nécessaires ;
- l'impossibilité alléguée de procéder à ces essais en interne ou d'y faire procéder en externe n'est pas établie : les attestations produites ne contiennent que des considérations générales consignées par deux anciens salariés qui ont quitté la société DDIS pour l'un en avril 2012 et pour l'autre en décembre 2011, bien avant l'erreur de conception commise par M. X... et la reproduction des propos tenus par M. X... lors de l'entretien préalable s'agissant de l'attestation du conseiller du salarié ;
- il n'est aucunement établi qu'à un quelconque moment, M. X... en sa qualité de responsable technique ait réclamé qu'il soit procédé à des essais préalables et se soit heurté à un refus de la part de son employeur .
M. X... ne peut davantage tirer argument de ce que l'organisme de certification TUV/Nord avait vérifié l'alternateur alors qu'il ne ressort pas des pièces traduites versées aux débats que la vérification opérée par cet organisme dans le cadre des normes en vigueur ait porté sur le serrage des vis de fixation des aimants.
Il demeure que la négligence fautive de M; X..., si elle est suffisamment sérieuse pour justifier la rupture de la relation de travail, n'exigeait pas sa rupture immédiate et ne peut dès lors être qualifiée de faute grave.
Il convient donc de réformer le jugement déféré en ce qu'il a requalifié 'le licenciement ...en licenciement pour insuffisance professionnelle'et de dire qu'il s'agit d'un licenciement pour partie disciplinaire.
En revanche, cette décision sera confirmée en ce qu'elle a retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a en conséquence condamné la société DDIS à régler à M. X... un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents et l'indemnité conventionnelle de licenciement, déboutant le salarié de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la prime de rendement :
L'article 4-2 du contrat de travail stipule : 'M. X... percevra en fin d'exercice une prime de rendement annuelle correspondant à 1 mois de salaire en vue d'atteindre des objectifs fixés d'un commun accord. Ces objectifs seront fixés en début d'exercice d'un commun accord entre le parties et matérialisé par la conclusion d'un avenant au présent contrat de travail.'
En l'espèce, aucun avenant n'a jamais été signé pour définir les objectifs à atteindre d'un commun accord et rien ne permet contrairement à ce que soutient l'employeur de considérer qu'un objectif de base avait été fixé consistant en la mise en test concluant du parc test éolien.
Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la prime de rendement devait être réglée au salarié dans son intégralité pour les trois années ayant précédé sa saisine et a condamné la société DDDIS à payer à M. X... à ce titre la somme de 16 200 euros (5 400 x 3), outre 1 620 euros au titre des congés payés afférents.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
L'équité doit amener à rejeter les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie gardera la charge des dépens qu'elle a exposés en appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Réforme le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement pour insuffisance professionnelle ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit que le licenciement est en partie disciplinaire ;
Confirme le jugement sur le surplus ;
Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.
Le Greffier, LePrésident,
A. CERISIER S. A...