ARRÊT DU
26 Octobre 2018
N° 380/18
N° RG 15/02989 - N° Portalis DBVT-V-B67-PB2R
[...]
JUGT
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOULOGNE SUR MER
EN DATE DU
19 Juin 2015
NOTIFICATION
à parties
le
Copies avocats
le 26/10/18
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Sécurité Sociale-
APPELANT :
CPAM DE LA COTE D'OPALE
[...]
CS 90001
[...]
Représentant : Me Valérie X..., avocat au barreau de DOUAI, substituée par Me Y...
INTIME :
M. Charles Z...
[...]
Comparant,
Comparant en personne assisté de Me Olivier A..., avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
DÉBATS :à l'audience publique du 20 Juin 2018
Tenue par Renaud B...
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre C...
: CONSEILLER DESIGNE POUR EXERCER LES FONCTIONS DE PRESIDENT
Alain D...
: CONSEILLER
Renaud B...
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2018,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Alain D..., Conseiller et par Audrey CERISIER greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur Charles Z... a établi en date du 14 novembre 2013, une déclaration d'accident du travail rédigée par lui-même, dans laquelle il se déclare victime d'une dépression réactionnelle à son domicile le 5 novembre 2010 à 8h15, à laquelle était joint un certificat médical daté du 14 novembre 2013 du docteur E... mentionnant «certificat établi pour le 5 novembre 2010. Fait le 14 novembre 2013 » et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 31 décembre 2011.
Par courrier du 21 novembre 2013, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la côte d'opale a indiqué qu'elle ne pouvait donner suite à cette déclaration qui intervenait après le délai de deux ans de la date de l'accident.
Saisie par Monsieur Z..., la Commission de Recours Amiable de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CÔTE D'OPALE a, par décision du 30 janvier 2014, refusé la prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle.
Par lettre recommandée du 15 janvier 2014, réceptionnée par le secrétariat le 17 février 2014, Monsieur Z... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Boulogne sur Mer d'une contestation de cette décision de la commission de recours amiable.
Par jugement du 19 juin 2015, le Tribunal a constaté que Monsieur Z... avait justifié de «l'envoi à la CPAM du 8 février 2012» et dit que la caisse était considérée comme ayant pris en charge l'accident du travail ainsi déclaré.
Notifié à la caisse le 6 juillet 2015, ce jugement a fait l'objet d'un appel de cette dernière par courrier expédié au greffe de la Cour le 22 juillet 2015.
Par conclusions reçues par le greffe le 15 décembre 2017 et soutenues oralement, l'appelante demande à la Cour de:
- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOULOGNE SUR MER,
En conséquence,
- Confirmer la décision de rejet de prise en charge notifiée par la Caisse le 21 novembre 2013 ;
- Débouter Monsieur Z... de sa demande de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels des faits survenus le 5 novembre 2010 ;
- Condamner Monsieur Z... Charles au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l'article 700
Débouter Monsieur Z... Charles de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes
Elle fait en substance valoir que l'accident allégué du 5 novembre 2010 n'a été déclaré que le 14 novembre 2013 et que la prescription était manifestement acquise, que le premier juge s'est fondé sur l'envoi par l'intéressé d'un courrier du 7 février 2012 avant le délai de prescription, que cependant ce courrier, à supposer son envoi établi, ne fait aucunement référence à un accident survenu le 5 novembre 2010, qu'au surplus le certificat médical produit est du 13 novembre 2013 ce dont il résulte qu'il ne pouvait être annexé au courrier allégué du 7 février 2012, qu'aucun délai d'instruction ne pouvait commencer à courir compte tenu des termes de l'article R.441-10 du Code de la sécurité sociale qui prévoit que la caisse dispose d'un délai de 30 jours pour statuer sur la reconnaissance du caractère professionnel d'un accident à compter de la réception de la déclaration d'accident du travail et du certificat médical initial.
Par conclusions reçues par le greffe le 17 janvier 2018 et soutenues oralement, Monsieur Charles Z... demande à la Cour de:
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Boulogne sur mer en date du 19/06/2015
Dire et juger que la CPAM de LA COTE D'OPALE est considérée comme ayant pris en charge l'accident de travail déclaré le 7 Février 2012.
La condamner au paiement d'une somme de 2500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La condamner en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.
Il fait valoir que le certificat médical dont fait état la caisse n'est pas le certificat médical initial et que son argumentation ne saurait dès lors prospérer.
Par arrêt du 23 février 2018 la Cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 9 mai 2018 à 14 heures à laquelle elle a invité Monsieur Z...:
- à produire un bordereau de communication de pièces faisant apparaître les pièces qu'il entend verser aux débats et qui ont été communiquées à la caisse.
- à indiquer s'il revendique ses différents jeux de conclusions et, dans l'affirmative, à - - reprendre son argumentation dans un jeu de conclusions unique.
à produire le courrier reçu par la caisse selon accusé de réception signé le 8 février 2012.
La caisse soutient oralement à nouveau ses écritures reçues par le greffe le 15 décembre 2017.
Par conclusions reçues par le greffe par message électronique le 4 mai 2018 et soutenues oralement, Monsieur Charles Z... demande à la Cour de:
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Boulogne sur mer en date du 19/06/2015
Vu les dispositions de l'article L 441-2 du Code de la Sécurité Sociale,
Vu l'article R 441-10 du Code de la Sécurité Sociale,
Vu l'absence de réponse de la Caisse dans le délai de 30 jours,
Vu l'article R 413-1 du Code de la Sécurité Sociale
Dire et juger que la CPAM de LA COTE D'OPALE est considérée comme ayant pris en charge l'accident de travail déclaré le 7 Février 2012,
Dire et juger que l'accident de travail sera admis à compter du 5/11/2010 jusqu'à la date de stabilisation de la maladie au 30/11/2011 avec passage en invalidité à dater du 1/12/2011.
La condamner au paiement d'une somme de 2500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La condamner en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.
Il fait valoir que l'accident doit être considéré comme pris en charge faute pour la Cour d'avoir respecté le délai de 30 jours qui lui était imparti pour statuer, que devant la Cour la CPAM de la COTE D'OPALE ne prétend plus que l'action de Monsieur Z... serait prescrite mais que le courrier dont elle ne conteste plus la réception ne mentionnerait pas un accident survenu le 5/11/2010, que cependant le certificat médical dont elle fait état n'est pas le certificat initial, que dès lors, son argumentation ne saurait prospérer, que l'accident du travail sera admis à compter du 5/11/2010 jusqu'à la date de stabilisation de la maladie au 30/11/2011 avec passage en invalidité à dater du 1/12/2011, que la Cour doit savoir que l'invalidité n'a jamais été prise en compte par la CPAM et que la période de décembre 2011 est restée sans indemnisation.
MOTIFS DE L'ARRET.
Attendu qu'aux termes de l'article L431-2 1° du Code de la sécurité sociale:
Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.
Qu'il résulte notamment de ce texte que la déclaration de l'accident du travail à la caisse interrompt la prescription de l'action en reconnaissance de l'accident.
Attendu que Monsieur Z... sollicite la prise en charge d'un accident qui serait survenu le 5 novembre 2010 et dont il a effectué la déclaration par l'établissement d'un formulaire de déclaration daté du 14 novembre 2013.
Attendu que cet accident étant survenu selon lui le 5 novembre 2010, il s'ensuit que la prescription de son action a commencé à courir à partir de cette date.
Attendu que la caisse soutient que cette prescription était acquise à la date de la déclaration de l'accident.
Qu'en réponse à la fin de non recevoir tirée de la prescription biennale qui lui est opposée par la caisse sur le fondement de l'article L.431-2 du Code de la sécurité sociale, Monsieur Z... fait valoir que la prescription de son action aurait été interrompue par son courrier de déclaration de cet accident reçu par la caisse le 8 février 2012.
Attendu, comme le soutient à juste titre la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale sans être d'ailleurs aucunement contredite sur ce point, ce courrier ne fait aucune référence à un quelconque accident du travail du 5 novembre 2010.
Que le courrier en question porte très clairement sur une maladie professionnelle, à savoir une dépression réactionnelle «causée par l'accident du travail du 15 décembre 2006 et ( par ) sa rechute du 31 juillet 2009» dont Monsieur Z... indique expressément «je demande que la maladie «dépression réactionnelle» soit prise en charge dans toutes ses conséquences au titre de la législation des accidents ou maladies professionnelles».
Qu'il s'ensuit que ne portant pas sur un accident et encore moins sur un accident qui serait survenu le 5 novembre 2010, ce courrier ne peut en aucun cas avoir interrompu la prescription de l'action de Monsieur Z... en reconnaissance de l'accident litigieux.
Que cette action est donc prescrite.
Que les premiers juges n'ont pas statué sur la fin de non recevoir de la caisse mais ont estimé que Monsieur Z... pouvait se prévaloir d'une décision implicite de prise en charge tirée de l'absence de réponse de la caisse à son courrier reçu par elle le 8 février 2012.
Attendu qu'en statuant ainsi les premiers juges ont commis une erreur de droit.
Qu'il résulte en effet des dispositions de l'article L.431-2 précité que l'auteur d'une déclaration d'accident du travail ne peut prétendre à la reconnaissance implicite du caractère professionnel de l'accident résultant de l'absence de réponse de l'organisme social dans le délai prévu à l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, lorsqu'à la date de la déclaration de cet accident ses droits aux prestations et indemnités prévus par la législation professionnelle étaient déjà prescrits en application de l'article L. 431-2, alinéa 1er, du même code.
Que les premiers juges ne pouvaient en conséquence retenir l'existence d'une décision implicite de la caisse sans se prononcer sur la fin de non recevoir tirée de la prescription invoquée par cette dernière.
Attendu en outre que les premiers juges ont également et surtout commis une erreur de fait.
Que pour qu'une décision implicite de prise en charge d'un accident du travail se soit en effet formée sur le fondement de l'article R.441-10 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable, il convient en effet que la caisse ait été saisie d'une déclaration portant sur l'accident accompagnée du certificat médical initial ce qui n'est pas le cas en l'espèce, comme il a été démontré ci-dessus, puisque le courrier porte sur une déclaration de maladie professionnelle et non sur un accident qui serait survenu le 5 novembre 2010 et que le certificat médical initial produit à l'appui de la déclaration du 14 novembre 2013 indique expressément avoir été établi à cette date.
Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de dire que la demande de Monsieur Z... est irrecevable pour cause de prescription et qu'il ne peut se prévaloir d'une décision implicite de prise en charge de la caisse et de dire en conséquence bien fondées les décisions de refus de prise en charge de la caisse et de sa commission de recours amiable.
Que la solution du litige justifie le rejet des prétentions de Monsieur Z... sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et sa condamnation de ce chef à verser à la caisse une indemnité de 1500 €.
PAR CES MOTIFS.
La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,
Dit que la demande de Monsieur Z... est irrecevable pour cause de prescription et qu'il ne peut se prévaloir d'une décision implicite de prise en charge de la caisse et dit en conséquence bien fondées les décisions de refus de prise en charge de la caisse et de sa commission de recours amiable.
Condamne Monsieur Charles Z... à régler à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la côte d'opale la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et le déboute de ses prétentions de ce chef.
Le Greffier,Pour le Président empêché,
A. CERISIERA. D...