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28/09/2018 | FRANCE | N°16/04732

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 3, 28 septembre 2018, 16/04732


ARRÊT DU

28 Septembre 2018







N° 1804/18



N° RG 16/04732 - N° Portalis DBVT-V-B7A-QKIH



PR/AL







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Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

29 Septembre 2016

(RG 15/00080 -section 3)



























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GROSSE :



aux avocats



le 28/09/18





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



SAS TIBCO SERVICES

Route du Bois Cholet BP 9

44860 SAINT AIGNAN GRANDLIEU

Représentée par Me Laurent X..., avocat au barreau de DUNKERQUE assisté de Me M...

ARRÊT DU

28 Septembre 2018

N° 1804/18

N° RG 16/04732 - N° Portalis DBVT-V-B7A-QKIH

PR/AL

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

29 Septembre 2016

(RG 15/00080 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 28/09/18

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SAS TIBCO SERVICES

Route du Bois Cholet BP 9

44860 SAINT AIGNAN GRANDLIEU

Représentée par Me Laurent X..., avocat au barreau de DUNKERQUE assisté de Me Marie-Pascale Y..., avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ :

M. F... Z...

[...]

Représenté par Me Dominique A..., avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 03 Juillet 2018

Tenue par Patrick B...

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie COCKENPOT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sabine C...

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Béatrice D...

: CONSEILLER

Patrick B...

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2018, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sabine C..., Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02 Mars 2017, avec effet différé jusqu'au 03 Mai 2018

M. F... Z... a été embauché par la société Infotec aux droits de laquelle a succédé la société Tibco Services, à compter du 20 février 2007 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de technicien.

M. Z... a été affecté auprès de la société cliente Adeo située à Lezennes.

Par avenant en date du 29 juin 2009, M. Z... a vu l'intitulé de son poste modifié, comme «technicien support».

M. Z... a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie ordinaire du 22 avril au 30 juin 2014.

Le 17 septembre 2014, M. Z... s'est vu indiquer qu'il n'était plus affecté auprès de la société Adeo, mais qu'il devait rejoindre l'agence de Lens à compter du 1er octobre 2014.

Après une tentative de négocier une rupture conventionnelle, M. Z... s'est trouvé en arrêt maladie par son médecin traitant.

Par courrier du 14 novembre 2014, M. Z... a dénoncé divers manquements de la société Tibco Services puis a refusé, par courrier du 22 décembre 2014, sa mutation à Lens.

Le 22 janvier 2015, M. Z... a saisi le conseil de prud'hommes de Lille d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Par lettre recommandée du 3 février 2015, la société Tibco Services a notifié à M. Z... son licenciement pour faute grave suite à son abandon de poste.

Par jugement du 29 septembre 2016 auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties le conseil de prud'hommes de Lille a :

Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre Monsieur F... Z... et la Société TIBCO SERVICES aux torts de l'employeur,

Ditetjugéquelarésiliationjudiciaireprendraeffetàladatedenotificationdu licenciement intervenu le 3 février 2015,

Condamné la Société TIBCO SERVICES à payer à Monsieur F... Z... les sommes suivantes :

- 4.368,00 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 436,80 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 4.413,50 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 16.000eurosautitredesdommagesetintérêtspourlicenciementsans cause réelle et sérieuse,

- 1.800 euros au titre de rappel de prime trimestrielle,

- 180 euros au titre des congés payés y afférents,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêt au taux légal à compter du prononcé de la décision pour les sommes de nature indemnitaire et à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale, soit le 28 janvier 2015,

Ordonnél'exécutionprovisoiredeladécisiondanslalimitedesdispositionsde l'article R1454-28 du Code du Travail et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2.184 euros brut,

Et a débouté Monsieur F... Z... du surplus de ses demandes et la société TIBCO SERVICES de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration en date du 20 décembre 2017, la Société TIBCO SERVICES a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 2 mars 2017, la clôture différée a été fixée au 3 mai 2018 et l'audience de plaidoiries au 3 juillet 2018.

Aux termes de ses conclusions déposées le 1er juin 2017, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la société Tibco Services demande à la cour de :

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire ducontratdetravaildeMonsieurZ...auxtortsdeTIBCO SERVICES et les condamnations subséquentes.

Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de LILLE du 29 septembre 2016 en ce qu'il a condamné TIBCO SERVICES à verser à Monsieur Z... un rappel de prime trimestrielle et les congés payés afférents.

Statuant à nouveau,

Débouter Monsieur Z... de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de TIBCO SERVICES et de ses demandes subséquentes,

Dire et juger le licenciement de Monsieur Z... fondé sur une faute grave,

Débouter Monsieur Z... de toutes ses demandes.

CondamnerMonsieurZ...àverseràTIBCOSERVICESunesommede 2.000,00€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Subsidiairement, etdansl'hypothèseoùlaCourferaitdroitneserait-ceque partiellement aux demandes de Monsieur Z..., le débouter de sademande en paiementd'uneindemnitéautitredel'article700ducodedeprocédurecivile,s'il bénéficie de l'aide juridictionnelle.

En cas de condamnation de la concluante au paiement de l'article 700 du code de procédure civile, dispenser totalement du remboursement au Trésor des sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en vertu des dispositions de l'article 123 du décret du 19 décembre 1991 pris en application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Aux termes de ses conclusions, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. Z... demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de LILLE le 29 septembre 2017 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre Monsieur F... Z... et la Société TIBCO SERVICES aux torts de l'employeur,

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de LILLE le 29 septembre 2017 sur les autres dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

CONSTATERquelasociétéTIBCOServicesacommisplusieursmanquementsgraves empêchant la poursuite du contrat de travail de Monsieur Z... ;

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre Monsieur F... Z... et la société TIBCO Services aux torts de l'employeur ;

DIREETJUGERquelarésiliationjudiciaireprendraeffetàladatedenotificationdu licenciement intervenu le 3 février 2015 ;

En conséquence,

CONDAMNERlasociétéTIBCOServicesàpayeràMonsieurF...Z...les sommes suivantes :

-4.744,16 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

-4.768 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

-476, 80 € au titre des congés payés afférents ;

-19.000 € à titre de dommages et intérêts au visa des dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail ;

-15.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct.

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que le licenciement notifié à Monsieur F... Z... le 3 février 2015 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

CONDAMNERlasociétéTIBCOServicesà payeràMonsieurF...Z...les sommes suivantes :

-4.744,16 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

-4.768 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

-476, 80 € au titre des congés payés afférents ;

-19.000 € à titre de dommages et intérêts au visa des dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail ;

-15.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct.

A toutes fins,

DIRE ET JUGER que la clause de non concurrence est nulle ;

CONDAMNERlasociétéTIBCOServicesàpayeràMonsieurF...Z...la somme de 8.542,40 euros au titre de la nullité de la clause de non concurrence ;

CONDAMNERlasociétéTIBCOServicesàpayeràMonsieurF...Z...la sommede2.000eurosàtitrederappeldeprimetrimestriellesurlapériodeavril2014' janvier 2015, outre 200,00 euros à titre de congés payés y afférents ;

PRONONCERla condamnationau paiementde ces sommes avec intérêtsau taux légalà compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, s'agissant des créances de nature salariale ; et à compter du jugement à intervenir s'agissant des créances de nature indemnitaire avec capitalisation des intérêts;

ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

CONDAMNERlasociétéTIBCOServicesàpayeràMonsieurF...Z...la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de résiliation judiciaire

M. Z... soutient que la société Tibco a commis de nombreux manquements d'une gravité telle qu'ils empêchent la poursuite du contrat de travail, en modifiant unilatéralement son lieu de travail, sa rémunération et son poste de travail, en concluant une clause de non-concurrence nulle, en se livrant à du marchandage, en lui retirant des congés payés et en le discriminant en raison de sa maladie.

La société Tibco Service fait au contraire valoir qu'aucun des supposés griefs, pris isolément ou dans leur ensemble, ne saurait caractériser une atteinte grave rendant impossible le maintien de la relation contractuelle et donc que le contrat de travail a été rompu par le licenciement pour faute grave.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout encontinuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, lejuge doit d'abordrechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. Le juge doit alors prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur lorsque les manquement de celui-ci sont suffisamment graves pour rendreimpossible la poursuitedela relation contractuelle, en sachant que le seul fait qu'il ait modifié unilatéralement le contrat de travail du salarié ne suffit pas en soi à caractériser une telle gravité.

En l'espèce, il convient donc de vérifier si la société Tibco a commis les différents manquements que M. Z... lui reproche et de voir, ensuite, s'ils sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société.

S'agissant d'abord de la modification du lieu de travail

Il sera rappelé d'une part, que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu, et d'autre part que dès lors que le changement de lieu de travail intervient dans un secteur géographique distinct de celui dans lequel travaille habituellement le salarié, il y a modification de son contrat de travail, la mutation ne pouvant alors intervenir sans l'accord du salarié.

En l'espèce, le contrat de travail du 19 février 2007 de M. Z... dans une clause sur le «lieu de travail» stipule que «Dans un premier temps, le salarié intégrera une équipe en place chez un de nos clients. Dans ce cadre son lieu de travail initial sera situé sur Lezennes. En cas d'arrêt du contrat client, le lieu de travail du salarié sera au siège social de la société à Lens. Le salarié sera en outre amené à effectuer des déplacements. Il déclare par avance accepter tous déplacements ainsi que toute mutation de son lieu de travail lié à un changement de siège social de la société. Le salarié déclare accepter expressément cette mobilité».

Il résulte de cette clause que les parties n'ont pas entendu contractualiser le lieu de travail à Lezennes, lequel a été indiqué au titre de simple information, et que M. Z... s'est engagé à rejoindre le siège social à Lens, comme lieu de travail, en cas d'arrêt du contrat client.

Toutefois, contrairement à ce que soutient la société, M. Z..., qui est resté au même lieu de travail pendant 7 ans, n'exerçait pas des fonctions supposant par essence une mobilité, laquelle ne peut de toute façon qu'être temporaire, lorsqu'elle a lieu au-delà d'un même secteur géographique.

La cour en déduit que dès lors que le contrat client avec la société Adeo n'avait pas été arrêté, M. Z... n'était pas tenu rejoindre le siège social à Lens en application de la clause du contrat, mais seulement pour le cas où Lens ressortirait du même secteur géographique que Ronchin (siège de la société Adeo). Sur ce point, outre que la prévision d'une clause spéciale au contrat plaide déjà pour une réponse négative, la cour relève en tout état de cause que indépendamment de la seule distance kilométrique entre les deux lieux, qui n'est pas considérable dans l'absolu, la ville de Lens et celle de Ronchin relèvent de bassins d'emplois différents dont les accès respectifs sont malaisés non seulement en transports en commun, mais aussi en voiture du fait de conditions de circulation difficiles aux heures de pointe, avec donc pour effet, dans les deux cas, d'allonger considérablement le temps de transports de M. Z....

La cour en conclut que la société Tibco a imposé à M. Z... un changement de lieu dans un autre secteur géographique, qu'elle a donc modifié unilatéralement son contrat, ce qui constitue un manquement à ses obligations, lequel, à lui seul, n'est toutefois pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la résiliation judiciaire.

S'agissant de la modification de la rémunération

La cour relève que, comme le montrent ses bulletins de paie, M. Z... a perçu une prime dite exceptionnelle de 600 euros, en mars 2013, en juin 2013, en septembre 2013, en décembre 2013 et en avril 2014 au lieu de mars 2014, suite à un «oubli» de M. Jonathan E..., responsable de production Nord.

La cour en déduit que, indépendamment même de savoir à ce stade si elle était liée à la promotion de M. Z... en tant que «ROC», cette prime dite exceptionnelle constituait, au regard de la constance et de la régularité des versements, un élément de salaire et non une prime discrétionnaire, de sorte que l'employeur ne pouvait ainsi modifier la rémunération du salarié en cessant comme il l'a fait, de verser cette prime à compter d'avril 2014.

La cour en déduit que la société a commis, indépendamment même de toute modification unilatérale du contrat, un manquement qui, sans être suffisamment grave en soi pour empêcher la poursuite du contrat de travail, n'en demeure pas moins, en dépit de son ancienneté, un manquement sérieux et ceci d'autant plus que M. Z... a protesté à plusieurs reprises contre l'absence de versement de la prime.

S'agissant de la modification unilatérale des fonctions et du poste

La cour relève que M. Z... a été embauché initialement en qualité de technicien Coefficient 275 niveau 2.1 de la grille des Etam, que par avenant du 19 février 2007, il est devenu «technicien support» avec la position 2.1, coefficient 275 statut Etam, que par une note de service du 21 octobre 2009 il s'est vu confier à compter du 1er novembre 2009 «l'animation et la responsabilité de l'ensemble de l'équipe» et, enfin et surtout, que par une lettre de mission du 20 février 2013 qu'il a signée, il s'est vu confier des fonctions pour la période du 1er mars 2013 au 30 juin 2013 dont les «missions principales» correspondent exactement aux missions d'un «Responsable opérationnel client» (ROC).

La cour en déduit que contrairement à ce que soutient la société Tibco, M. Z... s'est vu confier, au plus tard à partir du 1er mars 2013, les fonctions de «Responsable opérationnel client», fonctions qu' il a exercées, et que son contrat a ainsi été modifié par cette lettre de mission signée par les deux parties, peu important que cette modification n'ait pas donné lieu à un avenant formel et peu important aussi que la lettre de mission du 17 septembre 2013 pour une mission de ROC pour la période du 1er juillet 2013 au 31 octobre 2013 n'ait pas été signée, la première lettre de mission du 20 février 2013 ne comportant aucun motif censé justifier le caractère seulement temporaire de la mission en question, celle-ci ne pouvait être qu'à durée indéterminée.

La cour en conclut que M. Z... s'est vu confier les fonctions de ROC au plus tard le 1er mars 2013 pour une durée indéterminée, comme le confirment au demeurant différents mails que M. Z... verse aux débats, de telle sorte qu'en considérant par la suite que M. Z... n'avait pas les fonctions de ROC, la société Tibco a modifié unilatéralement son contrat et commis un nouveau manquement.

La cour estime que ces différents manquements de la société Tibco sont, ajoutés les uns aux autres, suffisamment graves au point d'empêcher la poursuite de la relation de travail et donc de justifier la résiliation judiciaire aux torts de la société, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres manquements invoqués à cet égard.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail de M. Z... aux torts de la société Tibco Services avec effet à la date de la notification du licenciement intervenu le 3 février 2015.

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire :

S'agissant du montant la rémunération mensuelle brute de M. Z...

M. Z... soutient que son salaire brut mensuel n'était pas de 2 184 euros brut comme l'indiquent ses bulletins de paie, mais de 2 384 euros bruts en incluant la prime dite exceptionnelle qui lui a été versée chaque trimestre à partir de mars 2013 jusqu'en avril 2014.

La société fait au contraire valoir que M. Z... n'a perçu au cours des douze mois qui ont précédé la rupture de son contrat qu'une prime exceptionnelle et purement discrétionnaire de 600 euros qui n'est pas prévue par son contrat de travail et qui sera donc exclue du calcul du montant de sa rémunération moyenne brute.

En l'espèce, la cour rappelle que, comme le confirment les mails que lui a adressés M. Jonathan E... et qu'il verse aux débats, M. Z... a perçu cette prime d'un montant fixe plusieurs trimestres consécutifs en contrepartie de sa mission de ROC qui a modifié ses fonctions contractuelles, de telle sorte que cette prime dite exceptionnelle constituait, au regard de la constance et de la régularité des versements, non pas une prime discrétionnaire mais un élément de salaire.

La cour en conclut que indépendamment des modalités de versement de cette prime, la rémunération de M. Z... s'élevait sur la période des 12 derniers mois à la somme de 2 384 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

S'agissant du calcul des indemnités

La société Tibco services sera condamnée à verser à M. Z... les somme qu'il réclame au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, à savoir de 4 768 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les 476,80 au titre des congés payés afférents, et de 4 744,16 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, dont seule l'assiette est contestée par la société à l'exclusion du mode de calcul.

Le jugement sera donc infirmé sur les quantums.

La résiliation étant prononcée aux torts de l'employeur, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et M. Z... ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise qui emploie plus de 11 salariés, il a droit à des dommages et intérêts qui ne peuvent être inférieurs aux salaires des six derniers mois en application de l'article L.1235-3 dans sa version alors en vigueur.

En l'espèce, en considération de son ancienneté (plus de 7 ans dans l'entreprise), de sa rémunération brute mensuelle (2 384 euros), de son âge (34 ans au moment du licenciement), et aussi de ce qu'il justifie de son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi en catégorie 1 depuis le 5 février 2015 et avoir bénéficié de 396 allocations journalières de Pôle emploi au 31 mars 2016, mais sans justifier de sa situation au regard de l'emploi ultérieurement, il y a lieu d'évaluer le préjudice qu'il a subi au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 16 000 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

En outre, la cour ordonne à la société Tebco Services, sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail sans sa version alors applicable, à rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage que l'organisme a versées à M. Z... du jour de son licenciement et ceci dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice distinct liée à la dégradation des conditions de travail :

Au soutien de sa demande de 15 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice distinct, M. Z... soutient que par son action, la société Tibco a contribué à dégrader ses conditions de travail, que son attitude a été particulièrement déloyale, puisqu'elle a eu des conséquences sur son état de santé le contraignant à se mettre en arrêt de travail à compter du mois d'octobre 2014, qu'en outre la décision de le relever de ses fonctions chez Adeo a été prise en raison de son arrêt maladie d'avril 2014, de sorte qu'il a subi une discrimination en raison de son état de santé.

Il ressort de l'article L.1134-1 du code du travail que le salarié qui invoque une discrimination doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, à charge, a u vu de ces éléments, à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, M. Z... fait valoir que la société n'a pas accepté son arrêt de travail pour maladie et qu'elle a cherché à le sanctionner en décidant unilatéralement de le relever de ses fonctions auprès du client Adeo et que dans ce contexte il est donc manifeste que les conditions de travail se sont dégradées au retour de son arrêt maladie.

La cour relève d'abord que M. Z... ne présente pas d'éléments précis, notamment quant aux dates de son arrêt maladie, et qu'en fait il a été en arrêt maladie ordinaire du 22 avril au 30 juin 2014 c'est à dire après qu'il se soit plaint, le 31 mars 2014, de ne pas avoir perçu sa prime trimestrielle, de telle sorte que ses conditions de travail ont commencé à se dégrader avant même son retour d'arrêt maladie.

En revanche, la cour constate ensuite que la décision prise par la société Tibco de relever M. Z... de ses fonctions chez la société Adeo est bien postérieure à son retour d'arrêt maladie, de sorte que cet élément de fait est suffisamment précis pour laisser supposer l'existence d'une discrimination directe en raison de l'état de santé de M. Z....

Pour justifier sa décision, la société Tibco fait valoir qu'elle n'a fait que respecter la volonté de son client Adeo de ne plus avoir M. Z... en détachement. A cet égard, la cour précise que l'employeur ne peut se contenter de se retrancher derrière la volonté d'une société cliente pour justifier une discrimination directe et qu'en l'espèce les raisons qu'elle invoque comme étant celles de la société cliente pour se séparer de M. Z... («afin de se mettre en conformité avec les contraintes réglementaires d'utilisation des ressources externes dans le cadre de prestations techniques», le fait d'avoir entendu l'émission de « doutes sur certaines compétences du collaborateur Viannay Z...» «ce dernier ne leur apportait pas satisfaction sur plusieurs points») sont toutes beaucoup trop vagues, imprécises et empruntes de subjectivité, pour pouvoir constituer des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La cour en conclut que la décision de muter M. Z... de la société Adeo, au siège social de la société Tibco à Lens a été prise en raison de son état de santé et que M. Z... a donc été victime d'une discrimination directe, laquelle lui a causé un préjudice distinct de celui qui a été réparé au titre de la résiliation judiciaire et que la cour évalue en l'espèce à la somme de 1 000 euros.

S'agissant de la violation de l'obligation de loyauté liée au retrait des congés payés, la cour relève que le 3 octobre, M. Z... a été informé, à sa demande, qu'il disposait encore de 28 jours de congés. Le 6 octobre 2014, M. Z... a posé une demande de congés pour la période du 6 au 10 octobre 2014. En outre, par courrier du 6 octobre 2014, la société Tibco a informé M. Z... de son acceptation de le dispenser de l'exécution de son activité, avec maintien de rémunération, pour la période restant à courir qui suivra les différents congés qu'il posera, le temps nécessaire à la mise en oeuvre de la procédure de rupture conventionnelle. Par courrier du 21 octobre 2014, la société Tibco a confirmé à M. Z... l'échec de la procédure de rupture conventionnelle en raison de la demande d'indemnisation disproportionnée qu'il avait formulée, que la procédure étant caduque les modalités qui avaient été accordées de poser des congés payés dans cette attente l'étaient également et qu'il était mis en demeure de reprendre ses fonctions dès réception ou de justifier son absence, ses fonctions s'exerçant désormais à l'agence de Lens.

La cour déduit de la brutalité de ces annonces et du ton employé dans le courrier que la société Tibco a violé son obligation de loyauté, mais que faute de montrer le lien entre cette violation et son arrêt maladie ultérieur, M. Z..., qui ne soutient aucun manquement à l'obligation de sécurité, ne fait pas la preuve du préjudice distinct qu'il aurait subi de ce chef et qui n'aurait pas déjà été réparé, en particulier par les dommages et intérêts accordés dans le cadre de la résiliation judiciaire.

En conséquence, au titre du préjudice distinct lié à la dégradation des conditions de travail, il y a lieu de condamner la société Tibco à verser à M. Z... 1 000 euros en réparation de la discrimination dont il a été victime en raison de son état de santé.

Le jugement sera infirmé de ce dernier chef.

Sur le rappel de la prime trimestrielle

La prime trimestrielle de 600 euros ayant été accordée à M. Z... en contrepartie de ses nouvelles fonctions contractuelles de Roc et cette prime étant devenue un élément de sa rémunération, la société Tibco est redevable à M. Z... d'une somme de 2 000 euros correspondant aux primes de juin, septembre et décembre 2014 et à la part proportionnelle de la prime pour le mois de janvier 2015.

Il y a donc lieu de condamner la société Tibco à verser à M. Z... la somme de 2 000 euros ainsi que les 200 euros de congés payés afférents et donc d'infirmer le jugement sur le quantum.

Sur le préjudice subi au titre de la clause de non concurrence illicite

La cour relève qu'en l'absence de contrepartie financière, la clause de non-concurrence du contrat de travail de M. Z... est nulle, mais que contrairement à ce que ce dernier affirme le fait que la clause de non concurrence soit nulle ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié, l'existence comme l'évaluation du préjudice relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond.

En l'espèce, la cour relève que M. Z... ne prouve pas le préjudice que lui aurait causé cette clause et, en particulier, le fait qu'il aurait respecté cette clause et qu'elle l'aurait limité dans ses recherches d'emploi.

En conséquence, M. Z... sera débouté de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les intérêts et leur capitalisation

Il y a lieu de rappeler que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, lesquels courent de plein droit à compter de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les indemnités portent intérêt légal à compter de la décision qui l'alloue.

En outre, les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera confirmé de ces deux chefs et compte tenu de l'issue du litige, la société Tibco Services sera en outre condamnée à payer à M. Z... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement du conseil de Prud'hommes de Lille du 29 septembre 2016, sauf en ce qu'il a :

prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre M. F... Z... et la société Tibco Services aux torts de l'employeur avec effet au 3 février 2015,

considéré que la clause de non concurrence était nulle et débouté M. Z... de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

condamné la société Tibco Services à verser à M. F... Z... 16 000 euro de dommages et intérêts au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la rémunération de M. F... Z... s'élevait sur la période des 12 derniers mois à la somme de 2 384 euros,

Condamne la société Tibco Services à verser à M. F... Z... les sommes suivantes :

- 4 768 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 476,80 au titre des congés payés afférents,

- 4 744,16 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice distinct qu'il a subi du fait de la dégradation des conditions de travail suite à la discrimination dont il a été victime en raison de son état de santé,

- 2 000 euros de rappels de salaires liés à la prime trimestrielle non versée,

- 200 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelle que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances de nature indemnitaire à compter du jugement pour les sommes de 16 000 euros et 1500 eurso allouées par le conseil de prud'hommes et à compter du présent arrêt pour les autres sommes de nature indemnitaire.

Ordonne la capitalisation des intérêts échus dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la société Tebco Services de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage que l'organisme a versées à M. F... Z... du jour de son licenciement et ceci dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage.

Déboute M. F... Z... du surplus de ses demandes,

Déboute la société Tibco Services de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la société Tibco Services aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

S. STIEVENARD S. C...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale a salle 3
Numéro d'arrêt : 16/04732
Date de la décision : 28/09/2018

Références :

Cour d'appel de Douai A3, arrêt n°16/04732 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-28;16.04732 ?
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