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28/09/2018 | FRANCE | N°15/03074

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 28 septembre 2018, 15/03074


ARRÊT DU

28 Septembre 2018







N° 313/18



N° RG 15/03074

N°Portalis DBVT-V-B67-PCYC



[...]

































JUGT

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ARRAS

EN DATE DU

08 Juin 2015



























NOTIFICATION



à parties



le



Copies a

vocats



le 28/09/18



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Sécurité Sociale-



APPELANT :



M. Sébastien X...

[...]

Comparant et assisté de Me Sébastien HABOURDIN, avocat au barreau de BÉTHUNE



INTIMÉES :



CPAM DE L'ARTOIS

11 BOULEVARD DU PRÉSIDENT ALLENDE

[...]

Représentée par Mme...

ARRÊT DU

28 Septembre 2018

N° 313/18

N° RG 15/03074

N°Portalis DBVT-V-B67-PCYC

[...]

JUGT

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ARRAS

EN DATE DU

08 Juin 2015

NOTIFICATION

à parties

le

Copies avocats

le 28/09/18

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Sécurité Sociale-

APPELANT :

M. Sébastien X...

[...]

Comparant et assisté de Me Sébastien HABOURDIN, avocat au barreau de BÉTHUNE

INTIMÉES :

CPAM DE L'ARTOIS

11 BOULEVARD DU PRÉSIDENT ALLENDE

[...]

Représentée par Mme Hélène Y..., agent de l'organisme, régulièrement mandatée

I...

ZI DE LA MOTTE AU BOIS

[...]

Représentée par Me Xavier Z..., avocat au barreau de BÉTHUNE, substitué par Me A...

DÉBATS :à l'audience publique du 09 Mai 2018

Tenue par Renaud B...

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annick GATNER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre C...

: CONSEILLER DÉSIGNÉ POUR EXERCER LES FONCTIONS DE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain D...

: CONSEILLER

Renaud B...

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2018,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Alain D..., Conseiller et par Séverine STIEVENARD greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur Sébastien X... a été embauché par la société J... en 1988, où il a occupé des postes de technicien informatique, responsable de formation, et, depuis 2001, de chef de projet.

Le 5 février 2009, à l'issue d'un entretien professionnel, un certificat médical d'accident du travail est établi par le docteur Paul E..., faisant état d'un «syndrome anxio-dépressif en qu'il me précise à l'anamnèse être les suites d'un harcèlement moral depuis janvier 2008».

A la même date, le docteur E... établit un second certificat mentionnant : «syndrome anxio-dépressif aigu patent ce jour à l'examen clinique et compatible avec la notion de harcèlement professionnel ».

Depuis cette date, le salarié n'a plus repris d'activité professionnelle.

Une déclaration d'accident du travail a été établie par l'employeur en date du 20 février 2009 dans laquelle il émet toutes réserves sur l'accident.

Puis, Monsieur X... a établi en date du 26 mai 2009, une déclaration de maladie professionnelle pour un syndrome anxio-dépressif chronique, non reprise dans les tableaux.

Le médecin conseil a évalué le taux d'I.P.P. à 25 %.

La Caisse a saisi pour avis le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de la région Nord Pas de Calais Picardie, lequel, le 16 décembre 2009, a émis un avis défavorable, retenant notamment que la pathologie présentée par Sébastien X... a une origine « mixte », et qu'il ne peut être retenu de lien direct et essentiel entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle.

La Caisse a notifié au requérant deux refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle :

-le 15/9/2009 au titre de l'accident du travail

-le 8/1/2010 au titre de la maladie professionnelle.

Saisie par le requérant, la Commission de Recours Amiable, par deux décisions en date du 12 février 2010, a maintenu la position de la Caisse.

Par requête du 22 mars 2010, Monsieur Sébastien X... a, par l'intermédiaire de son conseil, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras d'un recours à l'encontre des deux décisions prises le 12 février 2010 par la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois

Les deux recours, référencés 2010 0 221 et 2010 0 222 ont fait l'objet d'une jonction à l'audience du 9 janvier 2012.

Par jugement en date du 20 février 2012, le Tribunal a décidé ce qui suit:

- Sur les demandes au titre de l'accident du travail :

DÉBOUTÉ Sébastien X... de toutes ses demandes ;

CONFIRME la décision de la Commission de recours amiable du 12 février 2010.

- Sur les demandes au titre de la maladie professionnelle :

AVANT DIRE DROIT,

- ORDONNE, en application des articles 327, 331, 333 du Code de Procédure Civile, R 142-19 du Code de la Sécurité Sociale , l'appel en la cause de la société par actions simplifiées J..., prise en la personne de son représentant légal;

- DIT que le Secrétariat de la présente juridiction procédera à toutes convocations utiles à cette fin

- RAPPELLE l'affaire a l'audience du 25 juin 2012.

- RÉSERVE les autres demandes, notamment la demande présentée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La S.A.S. J... a régulièrement été mise en cause.

Par jugement du 15 juillet 2013 le Tribunal a décidé ce qui suit:

DÉBOUTÉ M. X... de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident subi par M. X... le 5 février 2009 du fait de l'autorité de la chose jugée;

AVANT DIRE DROIT,

DÉSIGNÉ le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de NORMANDIE, Direction régionale du service médical de Normandie, avenue du Grand Cours [...], aux fins :

-de prendre connaissance de la demande de reconnaissance de maladie

professionnelle, des éléments médicaux, du rapport Administratif de la Caisse primaire d'Assurance Maladie de l'ARTOIS ; de l'avis motivé du médecin du travail, des éléments produits sur les conditions de travail et les différents postes occupés par l'intéressé(e) ainsi que des enquêtes diligentées, de celles qu'il pourrait ordonner et de l'ensemble des observations et pièces produites, le tout dans le respect des dispositions du code de la sécurité sociale ;

de dire si la pathologie présentée par M. X..., à savoir, « syndrome anxio-dépressif » maladie non reprise au tableau des maladies professionnelles, est directement causée par son travail habituel au sein de la S.A.S MC K... ;

-de donner son avis dûment motivé sur l'existence d'un lien de causalité entre l'affection présentée par M. X... et l'exercice de sa profession

-plus précisément de dire si la pathologie présentée par M. X... et imputable au moins pour partie à l'exercice de sa profession et de préciser la part de cette imputabilité ;

INVITE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'ARTOIS à adresser au Comité Régional de Reconnaissance. des Maladies Professionnelles désigné l'ensemble des pièces visées à l'article D. 461-29 du Code de la Sécurité Sociale, et notamment l'avis motivé du médecin du travail, sauf carence établie de ce dernier ;

INVITE M. X... à communiquer en temps utile au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de NORMANDIE tous éléments au soutien de ses prétentions et notamment tous éléments nouveaux ;

DIT que le Comité devra adresser son avis au Secrétariat du Tribunal dans le délai de deux mois à compter de la saisine ;

Dit que les parties disposent d'un délai d'un mois, à compter de la notification de la présente décision, pour interjeter appel.

Par avis rendu le 17 avril 2014, le CRRMP de la région de Rouen Normandie indique que «l'analyse du dossier de Monsieur X... ne permet pas de mettre en évidence d'éléments suffisamment caractérisés susceptibles d'avoir un lien avec la pathologie déclarée».

Puis, par jugement du 8 juin 2015 le Tribunal a décidé ce qui suit:

Confirme la décision prise Ie12 février 2010 par la commission de recours amiable s'agissant de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle présentée par Monsieur Sébastien X... ;

Déboute la I... de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens.

Dit que les parties disposent d'un délai d'un mois, à compter de la notification de la présente décision, pour, le cas échéant, interjeter appel.

Notifié à l'assuré le 6 juillet 2015, ce jugement a fait l'objet d'un appel de sa part par courrier de son avocat expédié au greffe de la Cour le 31 juillet 2015.

Par conclusions reçues par le greffe le 5 avril 2018 et soutenues oralement, l'appelant demande à la Cour de:

Le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

REFORMER la décision entreprise et STATUANT A NOUVEAU.

Constater le caractère professionnel de la maladie dont il est atteint,

En conséquence, l'admettre au bénéfice de la législation sur l'accident du travail et de la maladie professionnelle, avec toutes conséquences de droit,

Laisser les dépens à la charge de la CPAM.

Il fait valoir que sa pathologie n'est pas contestée en son principe, que divers certificats médicaux du médecin traitant et du psychiatre sont produits aux débats, qu'il ne fait aucun doute que cette pathologie trouve son origine dans la relation de travail dégradée, qu'il est certain que cette souffrance au travail a, pour origine, le comportement de ses supérieurs de à son égard, qu'ils lui ont fait comprendre, au travers de divers entretiens, qu'il n'avait plus sa place dans la Société et ont même évoqué leur souhait d'une rupture amiable du contrat de travail, alors même qu'il ne pouvait être fait aucun reproche à M. X..., que la lecture des pièces versées aux débats montre une altération croissante de ses conditions de travail, que le dossier de la médecine du travail fait apparaître les annotations suivantes Visite du 02/06/2008: « n'est pas à l'aise dans son job », visite du 01/12/2008: « stress important, dette de sommeil, souffrance au travail», il est fait état du traitement anxiolytique pris par Monsieur X... (ATARAX par exemple) , visite du 22/04/2009: « se sent mis au placard », qu'il s'agit d'éléments déterminants permettant de démontrer le lien de causalité entre l'état psychologique du concluant et l'exposition professionnelle, et le comportement de ses supérieurs hiérarchiques à son égard, que le docteur F... écrivait en outre a son confrère médecin du travail, le 16 juillet 2009: « Je reçois en consultation Monsieur X... Sébastien, depuis le 16 février 2009 dans le cadre d'un trouble de l'adaptation avec humeur anxieuse et dépressive dans un contexte de conflit au travail», que de plus il a écrit à son employeur le 16 janvier 2009 dans les termes suivants : «le 28 janvier 2008, je vous ai exposé mon malaise à mon poste de travail dans l'entreprise. Durant cet entretien, je vous ai fait part dans un premier temps que ma charge de travail avait fortement diminué(...). Une année s'est écoulée et rien n'a changé vis-à-vis de ma fonction. Je n'ai reçu de la part de mon supérieur hiérarchique aucun objectif pour l'année 2008 et cela se répète sur l'année 2009. J'ai la forte impression d'être mis au placard et de ne servir à rien dans ce poste (..). Il semblerait que je sois laissé complètement l'abandon. Comme vous pouvez-vous en douter, tout cela agit sur mon état de santé et je vous affirme rencontrer mon médecin régulièrement afin de m'aider sortir de l'état dépressif dans lequel je me trouve( ..). », que si Monsieur X... se trouvait dans un tel état, c'est uniquement en raison des difficultés rencontrées au travail, difficultés dont il s'est ouvert à plusieurs reprises auprès de sa hiérarchie, qu'un autre élément de preuve attestant de la dégradation des conditions de travail ayant entraîné la dépression de Monsieur X... est le fait que contrairement aux autres salariés, celui-ci n'a pas eu son entretien de fin d'année 2008, qui se déroule généralement vers septembre, que c''est un délégué syndical, Monsieur G..., qui a dû intervenir auprès du DRH de Mc Cain, le 3 février 2009, pour le faire remarquer à l'employeur tout en s'étonnant par ailleurs que contrairement aux autres salariés, le concluant n'avait pas reçu d'augmentation de salaire, qu'il a été déclaré inapte par la médecine du travail le 17 août 2009, dans les termes suivants : « inapte à tout emploi chez Mc Cain », sous entendant que la souffrance de Monsieur X... était directement liée à l'altération de ses conditions de travail chez Mc Cain, qu'au regard de ces éléments, il est établi que la maladie de Monsieur X... a été essentiellement et directement causée par son travail habituel au sein de la société MAC CAIN, au sens de l'article. L.461-1 du Code de la Sécurité Sociale.

Par conclusions reçues par le greffe le 19 avril 2018 et soutenues oralement, la I... demande à la Cour de:

JUGER mal fondé Monsieur X... en son appel, ses fins et conclusions, CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions,

DÉBOUTER Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes,

LE CONDAMNER au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de procédure civile

Elle fait valoir que l'intéressé ne produit aucun élément permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, que les certificats médicaux ne font que retranscrire les propos du salarié, que les deux avis successifs des CRRMP constatent l'absence de lien entre l'affection déclarée et le travail habituel de l'intéressé.

Par conclusions reçues par le greffe le 25 avril 2018 et soutenues oralement, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois demande à la Cour de:

DECLARER Monsieur Sébastien X... mal fondé en son appel,

LE DÉBOUTER de ses fins, moyens et conclusions,

Ce faisant,

CONFIRMER le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ARRAS en date du 08 JUIN 2015.

ENTÉRINER les deux avis rendus par les Comités Régionaux de Reconnaissance des Maladies Professionnelles des régions Nord-Pas de Calais- Picardie et Normandie.

Elle fait valoir que les avis des CRRMP sont concordants et que le second CRRMP disposait de l'intégralité des documents produits aux débat par l'intéressé.

MOTIFS DE L'ARRÊT.

Attendu que le juge apprécie souverainement les avis rendus par les CRRMP dans le cadre des dispositions des alinéa 3 et 4 de l'article L.461-1 du Code de la sécurité sociale et, qu'outre ces avis, il peut prendre en considération les autres éléments du débat pour fonder sa conviction sur le caractère professionnel ou non de la maladie déclarée.

Attendu que par courrier du 16 janvier 2009 au Directeur des relations humaines de la société MAC CAIN, Monsieur X... indique avoir fait part à ce dernier de son malaise dans l'entreprise, du fait que sa mission semblait se terminer et qu'il avait sollicité à plusieurs reprises auprès de son supérieur hiérarchique pour qu'il revoit son orientation professionnelle.

Qu'il se plaint dans ce courrier que rien n'a changé depuis un an malgré ses demandes, d'avoir été mis au placard, de ne servir à rien dans son poste, d'être complètement laissé à l'abandon et de se trouver du fait de cette situation dans un état dépressif.

Attendu que le directeur des ressources humaines ( DRH ) a répondu par courrier du 30 janvier 2009 qu'il était étonné des propos du salarié qui ne refléteraient en rien selon lui la réalité et les échanges intervenus, que le salarié ne lui avait fait à aucun moment part d'un quelconque malaise dans l'exercice de ses fonctions et que les fonctions exercées lui depuis octobre 2001 étaient inchangées et resteraient inchangées sans diminution de ses responsabilités.

Attendu que par courrier en réponse du 10 février 2009 le salarié insiste sur le fait que contrairement à ce qu'affirme le DRH, ce dernier avait parfaitement connaissance de son malaise dans l'exercice de ses fonctions.

Qu'il rappelle dans ce courrier que c'est le directeur lui-même qui lui avait demandé d'envoyer un mail à son supérieur hiérarchique, qu'il n'a cependant eu aucune nouvelle de sa part, qu'il a alors pris rendez-vous avec une des responsables de l'entreprise le 18 avril 2008 et qu'il a à nouveau exposé son malaise à cette dernière.

Que par courrier du 20 février 2009 l'employeur continue à contester formellement le fait que le salarié lui aurait fait part du malaise qu'il aurait ressenti depuis le mois de février 2008 et il lui confirme qu'il poursuit ses fonctions de chef de projet sans qu'il soit ou qu'il ait été envisagé une diminution de ses responsabilités.

Attendu qu'un certain nombre d'éléments du débat corroborent les affirmations de Monsieur X....

Qu'ainsi la préoccupation de ce dernier au sujet de l'évolution de son poste apparaît bien dans un mail 19 février 2008 à son supérieur hiérarchique, évoqué dans le courrier du 10 février 2009, qui faisait suite à un rendez-vous avec le directeur des relations humaines au sujet de l'évolution de sa situation dans la société.

Qu'il indique en effet dans ce mail, sur la suggestion du DRH, interroger son supérieur hiérarchique sur le point de savoir s'il a des nouvelles pour lui en ce qui concerne l'évolution de son poste et lui demande quelles sont les actions qu'il a entreprises savoir s'il a des nouvelles pour lui en ce qui concerne l'évolution de son poste et il lui demande qu'elles sont les actions qu'il a entreprises pour l'aider.

Que la tonalité de ce mail fait clairement apparaître la préoccupation du salarié au sujet de son activité professionnelle puisqu'il y indique avoir rencontré le jour même à ce sujet le directeur des relations humaines et qu'il y utilise un vocabulaire dont il résulte qu'il existe clairement une difficulté puisqu'il évoque «les actions entreprises pour l'aider».

Attendu ensuite que l'assistante de direction de l'entreprise interrogée par l'agent enquêteur de la caisse a indiqué qu'elle avait eu une discussion avec Monsieur X... deux ans environ auparavant, soit aux début de l'année 2007, dont il ressortait que ce dernier se plaignait de ne pas avoir beaucoup de travail, de s'ennuyer et d'avoir demandé à son supérieur hiérarchique de discuter de sa situation.

Que cette même assistante de direction indique qu'elle avait constaté qu'il ne se déplaçait plus beaucoup depuis 2007.

Que par ailleurs, le directeur du personnel a confirmé à l'enquêteur de la caisse que Monsieur X... ressentait un «mal être» et qu'il estimait qu'il n'était pas reconnu, qu'il pouvait apporter plus à la société et qu'il méritait mieux.

Qu'il convient donc de retenir de tout ce qui précède, par voie de présomptions graves précises et concordantes, que depuis le début de l'année 2007, Monsieur X... ressentait un mal être dans l'exercice de ses fonctions pour le compte de la société MAC CAIN à raison d'une diminution réelle ou ressentie des tâches qui lui étaient confiées par son employeur.

Attendu qu'il n'apparaît aucunement qu'une solution ait été trouvée pour remédier aux difficultés rencontrées par Monsieur X....

Qu'il ne résulte pas des éléments du débat que son supérieur hiérarchique ait donné aucune suite à ses courriers électroniques de février 2008 le sollicitant sur l'évolution de son poste et demandant son aide.

Qu'un rendez-vous avec une responsable de l'entreprise puis avec le DRH à plusieurs reprises en avril 2008 n'a pas permis de solutionner les difficultés, un courrier de l'employeur faisant apparaître que le salarié aurait refusé un poste pour des motifs géographique tandis que le salarié soutient que tel n'est pas le cas puisqu'il indique avoir refusé le poste à raison de l'absence de toute contrepartie financière au surcroît de travail qu'il impliquait.

Qu'il est apparu en tous cas un blocage de la situation puisqu'en 2008, sans qu'il soit possible de déterminer la date précise de ces discussions, les parties ont négocié en vue de la rupture amiable du contrat de travail, ce que le directeur des relations humaines a reconnu auprès de l'enquêteur de la caisse.

Que par la suite il est acquis que le salarié a vu ses responsabilités diminuer.

Que le directeur des ressources humaines, contredisant son courrier du 20 février 2009, a en effet indiqué à l'enquêteur de la caisse que si à l'issue de l'entretien du 5 février 2009, Monsieur X... n'avait pas changé de coefficient ni de salaire, son niveau de responsabilités dans l'organigramme de la société était modifié dans la mesure où les responsabilités étaient partagées du fait de l'embauche d'une personne supplémentaire.

Attendu que le jour même de l'entretien précité, Monsieur X... se voit délivrer par son médecin-traitant un arrêt de travail pour accident du travail et effectue une déclaration d'accident du travail au vu d'un certificat médical initial de ce médecin faisant état d'un «syndrome anxio-dépressif en qu'il me précise à l'anamnèse être les suites d'un harcèlement moral depuis janvier 2008», un certificat médical délivré par le même médecin le même jour faisant également état d'un «syndrome anxio-dépressif aigüe patent ce jour à l'examen clinique et compatible avec la notion de harcèlement moral professionnel».

Que ce même médecin avait délivré à l'intéressé le 22 novembre 2008 un certificat médical indiquant qu'il souffrait d'un syndrome anxio-dépressif avec mise sous traitement spécifique toujours en cours et que son patient lui avait déclaré être victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur depuis un an.

Que l'arrêt du 5 février 2009 a fait l'objet de prolongations successives jusqu'au 20 juillet 2009.

Que pendant cet arrêt, l'intéressé a été vu en consultation le 16 février 2009 par un psychiatre des Hôpitaux, le Docteur F..., qui a indiqué que son état de santé nécessitait la continuité de son suivi et qu'il le reverrait en consultation le 9 avril 2009, un courrier ultérieur de ce médecin adressé au médecin du travail le 16 juillet 2009 faisant état d'un suivi de l'intéressé depuis cette consultation initiale dans le cadre d'«un trouble de l'adaptation avec humeur anxieuse et dépressive dans le cadre d'un conflit au travail».

Que le 22 avril 2009, le médecin du travail, à l'issue d'une visite de reprise, a déclaré l'intéressé inapte à reprendre tout poste de travail dans l'entreprise mais apte à occuper un poste en milieu ordinaire de travail, étant précisé qu'il prendra finalement un avis d'inaptitude définitive le 17 août 2009.

Que le 26 mai 2009, Monsieur X... a établi une déclaration de maladie professionnelle.

Que dans un certificat médical du 10 juin 2009 son médecin-traitant indique que l'intéressé est suivi depuis le 21 août 2008 en raison de son travail et qu'il n'a jamais été suivi avant cette date pour un syndrome anxio-dépressif, précisant confirmer que «son état actuel est relationnel et secondaire au travail et non problèmes familiaux antérieurs».

Attendu que les notes manuscrites du médecin du travail font apparaître que l'intéressé l'a consulté le 24 juillet 2006 et qu'à cette date il lui a fait part du placement des problèmes de santé de son épouse puis qu'il l'a consulté le 23 octobre 2006 et lui a indiqué que son épouse était en soins palliatifs.

Que les mentions déchiffrables de ces notes à ces dates ne font pas apparaître qu'il ait exprimé des doléances au médecin au sujet de ses conditions de travail ni qu'il lui ait fait part de problèmes pouvant rentrer dans le cadre d'un syndrome anxiodépressif, la seule précision pouvant se rapporter à un éventuel état de stress, tout à fait explicable compte tenu de l'état de santé de son épouse, figurant aux notes du 23 octobre dans lesquelles le médecin relève qu'il fume beaucoup.

Que par contre, le médecin du travail note à la date du 2 juin 2008, après avoir appris de l'intéressé que son épouse était décédée le [...], qu'il «n'est pas à l'aise dans son job» puis il note le 1erdécembre 2008 qu'il subit un stress important du fait qu'il n'a «pas de directives et de '.. à son travail», qu'il est suivi par son médecin de famille, qu'il subit une souffrance au travail et il note également que son supérieur hiérarchique est en Hollande et que Monsieur X... a rencontré Monsieur H... ( le DRH).

Que dans ses notes du 1erdécembre 2008 le médecin du travail note pour la première fois la prise par l'intéressé d'un traitement médical antidépresseur.

Que les notes du médecin du travail lors de la visite de reprise du 22 avril 2009, à l'issue de laquelle il a estimé l'intéressé inapte à reprendre le travail, font apparaître qu'il est arrêté pour accident du travail depuis février 2009 et qu'il «se sent mis au placard».

Que les notes du 10 juillet 2009 portent sur le fait que la déclaration d'accident du travail a fait l'objet d'un rejet, faute de fait accidentel soudain, et qu'une déclaration de maladie professionnelle va être effectuée et il y apparaît la poursuite d'un traitement antidépresseur.

Attendu que le rapprochement des éléments du débat qui établissent la préoccupation et le mal être ressentis par Monsieur X... du fait de ses conditions de travail à partir du début 2007, et des éléments médicaux du débat ainsi que des notes du médecin du travail contredit les conclusions des deux CRRMP successifs retenant l'un le caractère «mixte» de l'affection déclarée et l'autre l'absence de lien suffisamment caractérisé entre cette dernière et l'activité professionnelle.

Que ce rapprochement fait en effet clairement apparaître que l'intéressé ne souffrait d'aucun syndrome anxio-dépressif et ne prenait aucun traitement lorsque sont survenus les graves problèmes de santé de son épouse puis le décès de [...] et que s'est installé chez l'intéressé à partir de 2007 de manière totalement indépendante de ses problèmes familiaux un mal-être professionnel qui est allé jusqu'à se traduire par l'apparition chez lui en novembre 2008 d'un syndrome anxio-dépressif exclusivement consécutif aux difficultés croissantes ressenties par lui sur le plan professionnel.

Qu'il est donc établi par les éléments précités du débat l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie litigieuse et l'activité professionnelle de l'intéressé.

Qu'il convient dans ces conditions, réformant le jugement en ses dispositions contraires, de dire que la maladie litigieuse présente un caractère professionnel au sens des dispositions de l'article L.461 alinéa 4 du Code de la sécurité sociale et qu'il convient en conséquence de dire non fondée la décision de la caisse de refus de prise en charge de cette maladie au titre de la législation professionnelle et la décision de la commission de recours amiable de rejet du recours de l'intéressé contre cette décision de la caisse.

PAR CES MOTIFS.

Infirme le jugement déféré.

Dit non fondées les décisions de la caisse et de sa commission de recours amiable respectivement des 8 janvier et 12 février 2010 refusant la prise en charge de la maladie litigieuse au titre de la législation professionnelle et dit que cette maladie présente un caractère professionnel au sens de l'article L.461-1 alinéa 4 du Code de la sécurité sociale.

LE GREFFIER

S. STIEVENARD

POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ

A. D..., CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 15/03074
Date de la décision : 28/09/2018

Références :

Cour d'appel de Douai E4, arrêt n°15/03074 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-28;15.03074 ?
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