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05/07/2018 | FRANCE | N°17/02645

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 05 juillet 2018, 17/02645


République Française


Au nom du Peuple Français








COUR D'APPEL DE DOUAI





CHAMBRE 1 SECTION 1





ARRÊT DU 05/07/2018








***








N° de MINUTE :


N° RG 17/02645





Jugement (N° 15/04305)


rendu le 06 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Valenciennes








APPELANT


M. François X...


né le [...] à Escaudain (59124)


demeurant
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[...]





représenté et assisté par Me Mélanie Y..., membre de la SCP Z... Bouchart Y..., avocat au barreau de Valenciennes, substituée à l'audience par Me Pascal Z..., avocat au barreau de Valenciennes








INTIMÉE


SCI Slhs, prise en la personne de ses représentants l...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 05/07/2018

***

N° de MINUTE :

N° RG 17/02645

Jugement (N° 15/04305)

rendu le 06 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Valenciennes

APPELANT

M. François X...

né le [...] à Escaudain (59124)

demeurant

[...]

représenté et assisté par Me Mélanie Y..., membre de la SCP Z... Bouchart Y..., avocat au barreau de Valenciennes, substituée à l'audience par Me Pascal Z..., avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉE

SCI Slhs, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social

[...]

représentée et assistée par Me David A..., membre de la SCP Mathot A..., avocat au barreau de Douai, substitué à l'audience par Me Camille B..., avocat au barreau de Douai

DÉBATS à l'audience publique du 22 février 2018, tenue par Emmanuelle C... magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Etienne Bech, président de chambre

Bruno Poupet, conseiller

Emmanuelle C..., conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 juillet 2018 après prorogation du délibéré en date du 17 mai 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. Etienne Bech, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 septembre 2017

***

Suivant acte authentique du 22 juillet 2011, M. François X... a vendu à la SCI Slhs, moyennant 180000 euros, un immeuble situé [...] (Nord), comportant plusieurs appartements donnés en location.

Un arrêté d'insalubrité de l'immeuble a été pris le 1er décembre 2011.

Invoquant l'existence d'un vice caché, la SCI Slhs a fait assigner M. X... en référé par acte d'huissier en date du 27 mars 2013 afin de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 28 mai 2013, le juge des référés a désigné Mme Martine E... en qualité d'expert. Cette dernière a déposé son rapport le 12 novembre 2014.

Faisant état de l'existence d'une réticence dolosive du vendeur, la SCI Slhs a fait assigner M. X... devant le tribunal de grande instance de Valenciennes par acte d'huissier en date du 7 septembre 2015, sollicitant sa condamnation au paiement des sommes de 40714,51 euros au titre des travaux exécutés pour lever l'arrêté d'insalubrité, 2550 euros TTC indexés sur le coût de la construction suivant l'indice BT 01 au titre des travaux visés dans l'arrêté d'insalubrité et non exécutés par elle, 5000 euros à titre d'indemnité en réparation de son préjudice moral, 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais de l'instance en référé, les frais d'expertise judiciaire ainsi que le droit proportionnel attribué aux huissiers de justice.

Par jugement en date du 6 avril 2017, le tribunal a :

- condamné M. X... à payer à la SCI Slhs la somme de 40714,51 euros,

- débouté la SCI Slhs de ses autres demandes,

- condamné M. X... à payer à la SCI Slhs la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'instance de référé, d'expertise judiciaire et le droit proportionnel régressif attribué aux huissiers de justice.

Par déclaration en date du 21 avril 2017, M. X... a interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions notifiées le 7 juillet 2017, il en sollicite l'infirmation et demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter la SCI Slhs de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 10000euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'instance, de référé, d'expertise judiciaire et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

- le jugement entrepris ne fait aucune référence au rapport d'expertise qui indiquait clairement que chacun des défauts de l'immeuble était visible avant la cession du 22juillet 2014,

- l'expert précise que l'ensemble des désordres était visible par un acquéreur moyennement diligent,

- l'expert relève qu'aucun des désordres constatés n'est de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et que les parties auraient dû visiter les combles avant acquisition, ce qui constitue une négligence de leur part,

- il existe une confusion entre la SCI Slhs et la société Rezo qui a réalisé les travaux, les représentants de la SCI Slhs devant être considérés comme des acheteurs avisés selon l'expert,

- la SCI Slhs et ses représentants avaient une connaissance parfaite de l'immeuble et envisageaient d'y réaliser une opération immobilière spéculative,

- les litiges opposant M. X... à certains locataires étaient clos avant la vente et l'arrêté d'insalubrité a été pris postérieurement à la vente,

- aucune manoeuvre imputable à M. X... ne peut être relevée,

- le montant des travaux sollicité par la SCI Slhs soit 40714,51 euros apparaît excessif par rapport au montant chiffré par l'expert à 9621 euros.

Par ses dernières conclusions notifiées le 13 juillet 2017, la SCI Slhs sollicite la confirmation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande au titre de l'indexation de la somme de 2850 euros TTC sur le coût de la construction suivant l'indice BT 01 au titre des travaux visés dans l'arrêté d'insalubrité et de celle de 5000 euros à titre d'indemnité en réparation de son préjudice moral.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau sur ces deux points, de faire droit à ces demandes et, à titre reconventionnel, d'assortir les condamnations prononcées des intérêts courant au taux légal à compter du 21 juin 2012, date de la mise en demeure et de condamner M. X... au paiement de la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de la SCP Mathot-A....

Elle soutient que :

- M. X... avait connaissance de l'existence de l'enquête sanitaire et sociale depuis juin 2008 a minima,

- l'agence régionale de santé a visité l'immeuble le 31 mai 2011 et a rendu son rapport le 20 juillet 2011, soit deux jours avant la vente,

- M. X... a dissimulé l'existence d'un litige l'opposant à Mme D..., voisine de l'immeuble, ainsi qu'à certains locataires,

- le silence fautif de M. X... sur ces points a vicié le consentement de la SCI Slhs, ce comportement étant constitutif d'une réticence dolosive au sens de l'article 1116 du code civil,

- la qualité de l'acquéreur est sans incidence sur la réticence dolosive, de même que le caractère apparent des désordres,

- l'expert a repris le coût des travaux nécessaires à la levée de l'arrêté d'insalubrité pour un montant de 40714,51 euros,

- elle n'a pas fait réaliser l'intégralité des travaux visés dans l'arrêté d'insalubrité, les travaux restant à réaliser étant chiffrés par l'expert à la somme de 2850 euros TTC,

- la violation par M. X... de son devoir général de loyauté lui a causé un préjudice moral.

MOTIVATION

Aux termes de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1eroctobre 2016, applicable en l'espèce, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, ans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Il est constant néanmoins que la victime du dol a le choix d'agir en nullité du contrat ou seulement en responsabilité aux fins d'indemnisation.

Le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait, qui s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

Le 2 janvier 2012, le préfet du Nord a pris un arrêté d'insalubrité concernant l'immeuble litigieux avec possibilité d'y remédier sous réserve de la réalisation de travaux, dans les règles de l'art, et au plus tard à la date du 1er avril 2012, l'immeuble étant interdit, de façon temporaire, à l'habitation :

- concernant l'appartement n° 3 :

* vérification de la stabilité du plancher de l'appartement avec remise en état pour assurer la planéité du sol ;

* remise en état des sols, murs et plafonds dégradés par l'humidité ;

* création des aérations réglementaires dans les pièces de service ;

* mise en sécurité de l'installation électrique avec attestation d'un professionnel à fournir ;

* mise en place d'un chauffage suffisant et adapté à l'isolation du logement ;

* suppression des causes d'humidité ;

* déclassement du bail de la pièce sans ouvrant ne pouvant être considéré comme une pièce principale ;

* suppression de l'accessibilité au plomb éventuellement contenu dans les peintures ;

* suppression de la communication directe entre les WC et la cuisine.

- concernant les parties communes :

* installation de mains courantes et de garde-corps réglementaires dans les escaliers ;

* installation de garde-corps réglementaires aux menuiseries ;

* suppression des causes d'humidité et remise en état des murs, sols et plafonds détériorés par l'humidité ;

* suppression des fuites sur le réseau d'évacuation des eaux usées ;

* suppression de l'accessibilité au plomb éventuellement contenu dans les peintures ;

* remise en état des murs extérieurs ;

* vérification de la toiture avec remise en état si nécessaire ;

* remise en état des menuiseries pour en assurer l'étanchéité et le fonctionnement normal.

Il est établi que l'immeuble situé [...] a fait l'objet d'une enquête sanitaire diligentée par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Nord en vue de l'évaluation de la salubrité de l'immeuble dès le mois de juin 2008, ce dont M. X... a été régulièrement informé, et que dans un courrier en date du 4 septembre 2008, la direction sanitaire des affaires sanitaires et sociales a relevé l'existence de plusieurs infractions au règlement sanitaire départemental nécessitant la réalisation de travaux de mise en conformité. M. X... ne nie pas n'avoir donné aucune information à l'acquéreur sur l'existence d'une procédure d'insalubrité alors même que l'immeuble avait fait l'objet d'une inspection relative à l'état d'insalubrité et d'occupation le 31 mai 2011 par l'Agence régionale de santé qui a conclu, dans son rapport rendu le 20 juillet 2011, soit antérieurement à la signature de l'acte authentique, à l'insalubrité de l'immeuble et à l'obligation de réaliser des travaux de mise en conformité.

Par ailleurs, s'il résulte des termes du rapport d'expertise judiciaire que la majorité des désordres étaient visibles par un acquéreur 'normalement diligent', le seul caractère dégradé de l'immeuble ne permettait pas à la SCI Slhs d'avoir connaissance de la procédure d'insalubrité dont l'immeuble faisait l'objet nonobstant sa qualité de professionnelle du bâtiment.

Selon l'acte authentique régularisé par les parties le 22 juillet 2011, l'immeuble vendu est divisé en cinq logements, dont trois loués, et M. X... ne pouvait ignorer que la SCI Slhs l'acquérait comme immeuble de rapport.

Dès lors, si la preuve de l'existence de litiges opposant M. X... à ses locataires et à sa voisine n'est pas apportée, il appartenait à tout le moins à M. X... d'attirer l'attention de la SCI Slhs sur l'existence d'une procédure d'insalubrité affectant l'immeuble vendu et sur la nécessité de réaliser des travaux, urgents et de grande ampleur, de mise en conformité des logements loués afin de se conformer aux prescriptions de la Direction des affaires sanitaires et sociales du Nord. La dissimulation par le vendeur d'une telle information, déterminante et de nature à remettre en cause le projet de la SCI Slhs d'acheter l'immeuble, le coût des travaux correspondant à plus de 25% du prix de vente, caractérise sa volonté de tromper l'acquéreur et constitue donc une réticence dolosive, les liens d'amitié unissant les parties étant indifférents en l'espèce.

Par ce dol, M. X... a causé à la SCI Slhs un préjudice tenant à l'obligation où elle s'est trouvée de réaliser des travaux pour pouvoir affecter l'immeuble à l'usage, connu du vendeur, auquel elle le destinait, préjudice dont il lui appartient de l'indemniser.

Il y a lieu, par conséquent, de confirmer la décision entreprise sur ce point.

***

Il n'est pas contesté que la SCI Slhs a réalisé les travaux de mise en conformité de l'immeuble, la déclaration d'insalubrité ayant été levée par arrêté préfectoral en date du 13 avril 2012.

Si M. X... fait valoir que les demandes indemnitaires de la SCI Slhs sont injustifiées dans la mesure où les travaux ont été réalisés par la société Rezo, appartenant aux administrateurs de la SCI, il ne produit aucun élément de nature à remettre en cause le coût des travaux réalisés ainsi que leur nécessité.

L'expert a constaté la réalisation des travaux figurant sur la facture produite par la SCI Slhs à l'exception des travaux relatifs à la réfection du mur pignon pour un montant de 7434 euros; en l'absence de tout justificatif produit par la SCI Slhs à ce sujet, son indemnisation sera limitée à la somme de 33280,51 euros que M. X... sera condamné à lui payer avec les intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt conformément à l'article 1153-1 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016..

Toutefois, en l'absence de tout nouvel élément de preuve produit en cause d'appel, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la SCI Slhs de sa demande relative aux travaux restant à réaliser, l'arrêté d'insalubrité ayant d'ores et déjà été levé au vu des travaux réalisés.

La SCI Slhs ne justifiant pas de l'existence d'un préjudice distinct de celui qui a été examiné ci-dessus, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires.

***

M. X..., partie perdante, doit, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, être condamné aux dépens d'appel comme il l'a été à juste titre aux dépens de première instance.

Il est en outre équitable, vu l'article 700 du même code, qu'il indemnise la SCI Slhs de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné M. X... à payer à la SCI Slhs la somme de 40714,51 euros,

statuant à nouveau sur ce seul point, condamne M. François X... à payer à la SCI Slhs la somme de trente-trois mille deux cent quatre-vingts euros et cinquante-et-un centimes (33280,51) avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2017,

le condamne aux dépens et au paiement à la SCI Slhs de la somme de trois mille euros (3000) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

Delphine Verhaeghe Etienne Bech


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 17/02645
Date de la décision : 05/07/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°17/02645 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-05;17.02645 ?
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