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29/06/2018 | FRANCE | N°16/01279

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 29 juin 2018, 16/01279


ARRÊT DU

29 Juin 2018







N° 1586/18



RG N° RG 16/01279



ML/VG

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

01 Mars 2016

(RG 15/00863 )











































GROSSE


>le 29/06/18



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-









APPELANTE :



SA SOCIETE DE LA RAFFINERIE DE DUNKERQUE

[...]

BP 94519

59381 DUNKERQUE CEDEX

Représentée par Me Isabelle X..., avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMÉ :



M. Serge Y...

[...]

59229 TETEGHEM

Représenté par Me Michel Z...

ARRÊT DU

29 Juin 2018

N° 1586/18

RG N° RG 16/01279

ML/VG

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

01 Mars 2016

(RG 15/00863 )

GROSSE

le 29/06/18

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SA SOCIETE DE LA RAFFINERIE DE DUNKERQUE

[...]

BP 94519

59381 DUNKERQUE CEDEX

Représentée par Me Isabelle X..., avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ :

M. Serge Y...

[...]

59229 TETEGHEM

Représenté par Me Michel Z..., avocat au barreau de PARIS substitué par Me A...

DÉBATS :à l'audience publique du 23 Mai 2018

Tenue par Michèle B...

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe C...

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel D...

: CONSEILLER

Michèle B...

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Juin 2018,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe C..., Président et par Valérie COCKENPOT , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. Serge Y... a été embauché par la société de la Raffinerie de Dunkerque à compter du 4 décembre 1972 en qualité d'ouvrier qualifié 1B, suivant la classification de la convention collective des industries du pétrole. Il a évolué dans la société pour occuper des postes d'ouvrier de fabrication puis d'opérateur extérieur et enfin d'opérateur tableau à compter du 29 octobre 1985. Il a quitté l'entreprise le 31 août 1999.

Considérant avoir subi un préjudice résultant de son exposition aux poussières d'amiante, M. Serge Y..., non éligible au dispositif de l'ACAATA en absence d'inscription de l'employeur sur la liste relevant de ce dispositif, a saisi le conseil de prud'hommes de Dunkerque le 25 juin 2013 d'une demande d'indemnisation du préjudice subi.

Par jugement du 1er mars 2016 notifié le 15 mars 2016, le conseil de prud'hommes a condamné la société de Raffinerie de Dunkerque à verser à M. Serge Y... les sommes suivantes :

- 9.253 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété,

- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties ont été déboutées de leurs autres demandes.

La société de la Raffinerie de Dunkerque a interjeté appel de ce jugement le 25 mars 2016 et par conclusions soutenues oralement à l'audience, demande à la cour de le réformer, de dire la demande de M. Serge Y... irrecevable pour prescription et subsidiairement de le débouter de sa demande formée au titre du préjudice d'exposition, plus subsidiairement, de ramener à de plus justes proportions la demande d'indemnisation.

Elle fait valoir en substance que :

- les demandes d'indemnisation du préjudice d'anxiété ne sont ouvertes aux salariés exposés à l'amiante qu'à l'encontre des sociétés figurant sur une liste des établissements concernés par le dispositif de la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante prévue par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, ce que n'est pas son cas,

- la demande est irrecevable en raison de sa prescription, l'action étant prescrite au plus tard le 17 juin 2013, le point de départ du délai étant la fin de l'exposition aux poussières d'amiante,

- la demande est irrecevable en absence de demande de prise en charge par la CPAM au titre de la maladie professionnelle,

- le préjudice d'exposition allégué résultant de la violation de l'obligation de sécurité est un préjudice moral inclus dans la notion du préjudice d'anxiété, la demande étant dépourvue de fondement juridique,

- M. Serge Y... est défaillant dans la charge de la preuve d'une exposition personnelle et habituelle aux poussières d'amiante en absence d'un usage systématique de l'amiante, les attestations produites n'étant pas probantes, alors qu'aucune faute ne peut lui être reprochée au regard du droit positif en vigueur au moment des faits,

- la preuve du préjudice allégué qui doit résulter de la certitude d'avoir été contaminé n'est pas apportée, le dommage n'étant que potentiel et le lien de causalité non établi puisque l'exposition domestique existe également,

- très subsidiairement, l'indemnisation ne peut être forfaitaire.

Dans ses écritures en réponse, M. Serge Y... sollicite de la cour la confirmation du jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum de l'indemnisation accordée et de condamner la société de la Raffinerie de Dunkerque à lui verser les sommes suivantes :

- 18.506,63 euros en réparation du préjudice subi,

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que :

- le préjudice d'exposition fautive à un matériau nocif est un préjudice matériel résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité pendant l'exécution du contrat de travail, suivant les dispositions de l'article L4121-1 du code du travail, et diffère du préjudice d'anxiété qui est un préjudice moral subjectif et qui naît de l'inscription de l'entreprise sur la liste,

- la société SDR a exposé ses salariés durant de nombreuses années à l'inhalation de fibres d'amiante présente sous diverses formes sans aucune protection individuelle ou consignes et ne peut prétendre avoir ignoré le risque auquel elle les exposait au regard de l'état des connaissances scientifiques alarmantes contemporaines sur ses conséquences médicales,

- il travaillait souvent à proximité des calorifugeurs qui manipulaient l'amiante en grande quantité dans des pièces confinées et a nécessairement subi un préjudice d'exposition à ce matériau nocif pendant 6.188 jours, devant être indemnisé à hauteur de 3 euros par jour.

MOTIFS DE L'ARRET

- sur la prescription de l'action :

Suivant l'article L1471-1 du code du travail dans sa version résultant de la loi du 14 juin 2013, en vigueur du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Les dispositions transitoires de cette loi prévoient cependant que ce délai s'applique aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Les dispositions transitoires de la loi antérieure du 17 juin 2008, qui a réduit à cinq ans le délai de la prescription trentenaire précédemment fixé par l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable, précisent également que ces dispositions réduisant le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du jour en vigueur de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il s'ensuit que l'action en indemnisation du préjudice que M. Serge Y... allègue avoir subi pendant l'exécution du contrat de travail qui a pris fin le 31 août 1999 était soumise à la prescription trentenaire réduite à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 puis à deux ans par la loi du 14 juin 2013, de sorte qu'elle n'était pas prescrite le 25 juin 2013, date de la saisine de la juridiction prud'homale. L'appelant est donc recevable en son action.

- au fond :

L'article L 4121-1 du code du travail impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.

S'agissant de l'exposition aux poussières d'amiante, seuls les salariés qui ont travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, peuvent prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral dit d'anxiété résultant du fait de se trouver, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.

M. Serge Y..., dont l'employeur n'est pas inscrit sur la liste des entreprises relevant de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, allègue avoir subi un préjudice matériel distinct de ce préjudice moral d'anxiété résultant nécessairement de l'exposition à l'inhalation de fibres d'amiante pendant l'exécution de son travail. Cependant, alors qu'il n'évoque ni dommage matériel ni dommage physique, il n'apporte aucun élément démontrant que le préjudice en résultant, qui serait moral, diffère du préjudice d'anxiété tel que défini ci-dessus.

Il s'ensuit que ne répondant pas aux conditions exigées pour être indemnisé de ce préjudice moral d'anxiété résultant de l'exposition aux poussières d'amiante et de ses répercussions psychologiques face au risque encouru, M. Serge Y... doit être débouté de sa demande d'indemnisation et le jugement déféré infirmé.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie la charge de ses frais irrépétibles. Il n'y a donc pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré,

STATUANT à nouveau :

DEBOUTE M. Serge Y... de sa demande d'indemnisation,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. Serge Y... aux dépens qui comprendront les dépens de première instance.

Le greffier,Le président,

V. COCKENPOTP. C...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 16/01279
Date de la décision : 29/06/2018

Références :

Cour d'appel de Douai C3, arrêt n°16/01279 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-29;16.01279 ?
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