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31/05/2018 | FRANCE | N°16/00141

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 2, 31 mai 2018, 16/00141


ARRÊT DU


31 Mai 2018











N° 1195/18





RG 16/00141





BR/TD


















































Jugement du


Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE


en date du


06 Juin 2014


(RG F 13/00169 -section 4)

















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GROSSE





le 31/05/18





République Française


Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI


Chambre Sociale


- Prud'Hommes-














APPELANT :





M. Patrick X...


[...]





Comparant assisté de Me Laurent Lestarquit, avocat au barreau de DUNKERQUE








INTIMÉE :





SAS NICODEME


[...]


Repré...

ARRÊT DU

31 Mai 2018

N° 1195/18

RG 16/00141

BR/TD

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

06 Juin 2014

(RG F 13/00169 -section 4)

GROSSE

le 31/05/18

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. Patrick X...

[...]

Comparant assisté de Me Laurent Lestarquit, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMÉE :

SAS NICODEME

[...]

Représentée par Me Laurent Calonne, avocat au barreau de LILLE, et en présence de M. A..., gérant

DÉBATS : à l'audience publique du 20 Mars 2018

Tenue par Béatrice Regnier

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DUTHOIT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sabine Mariette

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Béatrice Regnier

: CONSEILLER

Patrick Remy

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mai 2018,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sabine Mariette, Président et par Véronique GAMEZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. Patrick X... a été embauché dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée le 3 mars 1986 par la SAS Nicodeme, qui commercialise du matériel sanitaire aux professionnels, en qualité d'employé commercial.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions de responsable de secteur.

Saisi par M. X... le 22 février 2013 de demandes tendant notamment à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, le conseil de prud'hommes de Dunkerque a, par jugement du 6 juin 2014, débouté le salarié de ses réclamations et rejeté les demandes reconventionnelles de la SAS Nicodeme .

Par déclaration du 23 juin 2014, M. X... a interjeté appel du jugement.

M. X... a été licencié pour faute grave le 13 février 2015.

M. X... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ou subsidiairement dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la SAS Nicodeme à lui payer les sommes de :

- 32 499,60 euros brut, outre 3 249,96 euros brut de congés payés, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 102 807,06 euros net à titre d'indemnité de licenciement,

- 130 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000,62 euros brut, outre 1 000,06 euros brut de congés payés, à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 32 499,60 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 72 000 euros, outre 7 200 euros de congés payés, à titre de rappel de prime de résultat,

- 5 000 euros net sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner sous astreinte à la SAS Nicodeme de lui remettre un certificat de travail, une fiche de paie et une attestation Pôle Emploi conformes à l'arrêt à intervenir, la cour se réservant la liquidation éventuelle de l'astreinte.

Il soutient que :

- compte tenu de l'étendue de ses missions, il travaillait au-delà des horaires des agences et a ainsi accompli entre 2008 et 2012 de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées ; qu'il n'avait pas la qualité de cadre-dirigeant, sa classification n'étant pas l'une des plus hautes des salariés de l'entreprise, n'ayant pas de pouvoir de décision au sein de la société et n'ayant que peu d'autonomie ;

- la prime de résultat 2012 qui lui a été allouée ne tient pas compte de la vente de l'immeuble de la SAS Nicodeme situé à Dunkerque ; qu'en outre la société n'a fourni aucun document comptable permettant de vérifier le calcul de la prime versée ;

- outre le défaut de paiement des heures supplémentaires et de la prime de résultat 2012, la SAS Nicodeme a commis de graves manquements justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail ; que c'est ainsi :

- qu'elle lui a imposé d'exercer les fonctions de responsable de secteur;

- qu'elle n'a réglé sa prime de fin d'année 2010 qu'en janvier 2011 suite à un oubli ;

- qu'elle a versé avec retard ses salaires de juin et septembre 2012 ;

- qu'elle a modifié unilatéralement son contrat de travail en décidant d'appliquer la convention collective du commerce de gros alors d'une part que son contrat mentionne la convention collective des cadres de la métallurgie, d'autre part qu'il n'a pas été informé individuellement du changement de convention collective ;

- qu'elle lui a retiré une partie de ses fonctions, à savoir celles tenant à l'organisation des congrès de voyage, celles tenant à la rédaction des contrats BFA (bonification de fin d'année) et celles tenant à la gestion des chèques cadeau ;

- qu'elle a diminué son salaire global ;

- que, courant 2012, elle a tardé à lui rembourser des frais professionnels importants et lui a demandé de s'expliquer sur ses dépenses ;

- qu'elle lui a imposé de remplacer temporairement le responsable de l'agence de Dunkerque sans percevoir le supplément temporaire de rémunération prévu à l'article 25 de la convention collective des cadres de la métallurgie ;

- qu'il a été victime de mesures vexatoires : communication d'une attestation d'emploi mentionnant la saisine du conseil de prud'hommes pour résiliation judiciaire, absence de communication des fiches de paie des responsables d'agence, mise à l'écart, lettre de recadrage du 20 octobre 2014, demande d'explication sur ses dépenses;

- son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en ce que la convocation à l'entretien préalable ne précisait pas qu'un licenciement pour faute grave était envisagé et en ce que les faits reprochés sont inexacts et non constitutifs d'une faute grave.

La SAS Nicodeme demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, subsidiairement de limiter le montant de l'indemnité de licenciement à 72 474,11 euros et celui de l'indemnité de préavis à 16 249,80 euros, et de condamner M. X... à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- elle n'a commis aucun manquement ; que c'est ainsi que :

- M. X... a accepté les fonctions de responsable de secteur et a été favorable à l'ouverture de nouvelles agences ;

- M. X... n'a pas subi de mesures vexatoires ; qu'en effet :

- c'est à sa demande que sa prime de fin d'année 2010 lui a été versé en janvier 2011 ;

- les virements des salaires de juin et septembre ont été décalés d'un seul jour pour tous les salariés, n'ayant pas été pris en compte le jour même par la banque ;

- le salarié n'a pas été mis à l'écart ; que, notamment, il a toujours été rendu destinataire du double des fiches de paie des collaborateurs nécessaires à l'exécution de ses tâches ;

- les échanges intervenus sur les notes de frais démontrent que les parties étaient en bons termes ;

- M. X... a accepté de remplacer temporairement le responsable de l'agence de Dunkerque ;

- les responsabilités de M. X... n'ont pas été diminuées ; qu'en effet :

- il a toujours eu la gestion des chèques-cadeaux, certaines règles lui ayant simplement été imposées pour tenir compte de la législation et du contrôle des dépenses ;

- il a toujours été chargé de l'organisation des congrès de voyages, seul un formalisme ayant été imposé sur demande de l'URSSAF ;

- il a toujours décidé de l'attribution des BFA, seul un formalisme ayant été imposé pour des raisons fiscales ;

- M. X... ne peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires dans la mesure où il était cadre dirigeant et où les documents qu'il produit n'étayent pas suffisamment sa réclamation ;

- le salaire fixe de M. X... n'a jamais diminué et le mode de calcul des primes n'a pas varié ;

- la prime de résultat 2012 a été correctement calculée sur la base des résultats des agences de son secteur, la plus-value de cession de l'immeuble de Dunkerque n'ayant pas à être prise en compte ;

- il a été légalement procédé au changement de la convention collective applicable ; que ce changement a été motivé par la modification de l'activité réelle de la société, dont le négoce de sanitaire et chauffage est devenu prépondérant ; que le contrat de travail du salarié prévoyait que la convention collective pouvait être modifiée sous réserve d'un changement d'activité ; qu'enfin M. X... a été informé du changement ;

- les faits reprochés à M. X... dans la lettre de licenciement sont établis et constituent une faute grave.

SUR CE :

1) Sur les heures supplémentaires :

Attend que, conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;

Que dès lors la durée légale du travail, telle que définie ci-dessus, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction applicable, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile ;

Que par application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande ;

Que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient aussi à ce dernier de fournir préalablement des éléments suffisamment précis de nature à étayer sa demande et à permettre également à l'employeur d'y répondre ;

Attendu qu'en l'espèce M. X... soutient que les modalités d'exercice de ses fonctions lui ont interdit de bénéficier du statut de cadre dirigeant mentionné à son contrat de travail et qu'il a été contraint d'accomplir un nombre d'heures de travail dépassant celui légalement prévu en raison de sa charge de travail et des missions confiées ;

Attendu, en premier lieu, qu'est considéré comme cadre dirigeant celui à qui sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qui est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoit une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunérations pratiquées dans l'entreprise ou son établissement; que ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise ;

Attendu qu'en l'espèce, si M. X... organisait librement son emploi du temps et percevait une rémunération élevée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait bénéficié d'une large autonomie dans ses prises de décision et surtout qu'il aurait participé à la direction de la SAS Nicodeme ; que la société ne fournit en effet aucun élément permettant de retenir que le salarié aurait eu un rôle décisionnel dans la stratégie ou encore les choix importants concernant la vie de l'entreprise ; que l'organigramme versé à ce titre, d'où il résulte qu'outre le président (M. A...), la société bénéficiait d'un directeur général délégué (M. François Nicodeme), d'un directeur administratif et financier (M. Fabrice F...) et de deux responsables de secteur (MM. X... et G...), n'apporte aucune information sur les pouvoirs des deux derniers au sein de la direction ; que les pièces fournies n'établissent pas davantage que, s'agissant de son secteur d'activité particulier, M. X... aurait lui-même choisi le site des agences de Dunkerque et de Cattin ou encore décidé du licenciement du responsable de la première ; que, concernant l'examen des documents afférents aux chèques-cadeaux, congrès voyages et BFA permet de constater que, si leur gestion appartenait à M. X... qui choisissait les clients concernés et avait un rôle majeur dans l'organisation matérielle de ces avantages destinés à fidéliser la clientèle, le pouvoir décisionnel appartenait in fine à M. A... ou M. F... qui signaient les reçus des chèques cadeau et contrôlaient leur valeur, approuvaient les programmes et devis des voyages et signaient les BFA ;

Attendu que M. X... est dès lors bien fondé à soutenir que les modalités d'exercice de ses fonctions lui ont interdit de bénéficier du statut de cadre dirigeant mentionné à son contrat de travail ;

Attendu, sur le second point, le salarié verse aux débats d'une part un document dactylographié mentionnant ses horaires de travail habituels au cours des années 2008 et 2012 ainsi que les horaires spécifiques à certains jours, d'autre part un mail adressé par son employeur le 24 décembre 2010 à 19h24, enfin un courrier du 8 janvier 2013 dans lequel il indique désormais refuser l'accomplissement d' heures supplémentaires;

Attendu que M. X... produit ainsi des éléments préalables suffisamment précis qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande ;

Attendu que la SAS Nicodeme conteste la réalité des horaires mentionnés sur le décompte produit par le salarié ; qu'elle fournit un document intitulé 'communication interne' prévoyant notamment que le déménagement de l'agence de Dunkerque est organisé par MM. H... et A... ainsi qu'une analyse des notes de frais de M. X... pour les années 2011 à 2013 ;

Attendu que les seuls documents produits par l'employeur ne sont pas de nature à établir l'absence totale de fiabilité du décompte fourni par le salarié ; que la société ne verse pour sa part aucune pièce montrant qu'elle aurait procédé au décompte, au contrôle et à la vérification des horaires de travail de l'intéressé et ainsi rempli ses obligations en matière de durée du travail ;

Qu'au vu des éléments produits, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. X... a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées ; qu'elle fixe à la somme de 5 230 euros la somme qui lui est due de ce chef, majorée des congés payés y afférents ;

2) Sur le travail dissimulé :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable : ' Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : (...) / 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli (...)' et qu'aux termes de l'article L. 8223-1 du même code : ' En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.' ;

Attendu que le défaut de mention du nombre total d'heures de travail accomplies par M. X... sur ses bulletins de paie n'a pas été intentionnelle de la part de la SAS Nicodeme mais a résulté de la mauvaise appréciation de la qualité de cadre dirigeant ; que la demande d'indemnité pour travail dissimulé est donc rejetée ;

3) Sur le rappel de prime de résultat :

Attendu que le contrat de travail de M. X... prévoit notamment le versement d'une prime de 3 % du résultat net corrigé des loyers de l'agence de Dunkerque ;

Attendu que le salarié, qui a perçu 1 490 euros brut à ce titre pour l'année 2012, soutient qu'il aurait dû toucher 72 000 euros, outre les congés payés, correspondant à 3% du prix de vente de l'immeuble occupé par l'agence ;

Attendu toutefois que le résultat d'une agence est la différence entre le produit des ventes à la clientèle et les charges nécessaires à la réalisation de ces ventes ; qu'il reflète le simple résultat de l'activité commerciale de l'agence et tient compte des seuls éléments liés à cette activité commerciale, à l'exclusion des éléments immobiliers dont la gestion revient au président de l'entreprise ; que c'est donc à juste titre que la société n'a pas intégré la plus-value de cession de l'immeuble de Dunkerque dans le calcul de la prime ;

Attendu que, par suite, la demande en paiement d'un rappel de la prime de résultat 2012 doit être rejetée ;

4) Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Attendu, d'une part, que, lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; que, lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement ;

Attendu, d'autre part, que, conformément à l'article 1224 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté ayant le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts ;

Attendu que M. X... formule plusieurs griefs à l'encontre de son employeur, qu'il convient d'examiner successivement en les regroupant en trois catégories :

- Modification du contrat de travail :

Attendu, en premier lieu, que M. X... reproche à la SAS Nicodeme de lui avoir imposé les fonctions de responsable de secteur ; que toutefois, contrairement à ce que soutient le salarié, sa désignation en qualité de responsable de secteur, qui constituait une promotion, a été acceptée par lui ainsi qu'il ressort des échanges de courriels intervenus en 2006, 2007 puis en 2010 concernant l'agence de Cattin;

Attendu, en deuxième lieu, que M. X... fait grief à la SAS Nicodeme d'avoir changé la convention collective applicable et donc modifié unilatéralement son contrat de travail ; que toutefois le rappel, dans le contrat de travail, de la convention collective applicable et des conditions de sa remise en cause n'était formulé qu'à titre informatif ; que, si le contrat mentionnait qu'il était régi par les dispositions de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et que cette application s'effectuait sous réserve d'un changement d'activité ou de toute autre situation entraînant leur remise en cause, la SAS Nicodeme justifie d'une part avoir dénoncé l'usage relatif à l'application des autres conventions collectives que celles du commerce de gros à effet au 1er janvier 2013, d'autre part avoir consulté les représentants du personnel sur cette dénonciation et en avoir informé individuellement M. X... par courrier du 5 novembre 2012 confirmé par lettre du 1er février 2013 jointe à sa fiche de paie de janvier 2013 ; que l'application de la seule convention collective du commerce de gros, correspondant à l'activité principale de la société Nicodeme, est donc intervenue régulièrement et n'a par ailleurs pas constitué une modification du contrat de travail de l'appelant ;

Attendu, en troisième lieu, que M. X... prétend avoir été privé de certaines de ses responsabilités ; que toutefois, si certaines procédures ont pu être mises en oeuvre par la SAS Nicodeme dans le cadre de l'octroi des chèques cadeaux, des voyages congrès et de BFA, elles n'ont pour autant ôté aucune responsabilité du salarié dans la gestion de ces avantages ; que c'est ainsi que l'intéressé a continué tout au long de la relation contractuelle à commander les chèques cadeaux, à organiser les congrès voyages et à identifier les clients pouvant bénéficier des avantages ; que l'exigence de reçus et de formalisations des engagements de la société et des clients n'a pas modifié le rôle de M. X... en la matière, un simple contrôle de l'entreprise sur le nombre, la valeur et la validité des avantages émis étant indispensable pour leur régularité et leurs incidences sociales ou fiscales ;

- Rémunération incomplète ou tardive :

Attendu, en premier lieu, que M. X... argue d'une diminution de son salaire global entre 2010 et 2012 ; que toutefois le salaire fixe est resté constant, seule la part variable ayant subi une diminution sans que le salarié n'argue qu'elle aurait fait l'objet d'un calcul inexact ; que ce grief manque donc en fait ;

Attendu, en deuxième lieu, que M. X... invoque une méconnaissance des dispositions de l'article 25 de la convention collective des cadres et ingénieurs de la métallurgie qui prévoient le paiement temporaire d'un complément de salaire en cas de remplacement provisoire de plus de trois mois à un poste avec surcroît de travail et ou de responsabilité ; que toutefois M. X... ne forme aucune demande de rappel de salaire de ce chef ; que par ailleurs la cour observe que, au jour de la saisine du conseil de prud'hommes, la convention en cause n'était plus applicable et que ce grief ne pouvait donc empêcher la poursuite de son contrat de travail ;

Attendu, en troisième lieu, que M. X... invoque un paiement tardif de la prime 2010 et des salaires de juin et septembre 2012 ; que toutefois c'est sur la demande même du salarié que le versement de la prime 2010 a été décalé de décembre 2010 à janvier 2011 ; que le retard concernant les salaires n'a quant à lui été que d'un jour et pour des raisons indépendantes de la volonté de l'employeur ; qu'il ne s'agit donc pas d'un manquement grave empêchant la poursuite du contrat de travail ;

Attendu, en, quatrième lieu, que M. X... se plaint du remboursement tardif de frais professionnels engagés en juin et septembre 2012 ; que toutefois le salarié reconnaît lui-même que, depuis sa récrimination, de tels incidents ne se sont pas reproduits ; que ce manquement n'a donc pas empêché la poursuite du contrat de travail;

- Mesures vexatoires :

Attendu, en premier lieu, que l'établissement d'une attestation d'emploi portant mention d'une procédure engagée devant le conseil de prud'hommes - rectifiée sur demande du salarié, le défaut de communication de la fiche de paie du responsable de l'agence de Dunkerque de novembre 2013, la demande d'explication sur une dépense professionnelle spécifique en juin 2012 ou encore l'engagement d'une procédure disciplinaire en juillet 2014 suivie d'une simple lettre de recadrage en octobre 2014 ne constituent pas des mesures vexatoires ;

Attendu, en second lieu, que les seuls témoignages de salariés produits en pièces 146 à 148, particulièrement imprécis en ce que, notamment, aucune date des faits rapportés n'est fournie, sont insuffisants à établir la mise à l'écart dont M. X... aurait fait l'objet ; que les témoins citent le rôle joué par un dénommé M. Jean-Pierre I... sans le salarié ne fournisse pour sa part à ce niveau d'élément d'information sur le comportement qu'aurait eu l'intéressé à son égard ;

- Non-paiement d'heures supplémentaires :

Attendu que M. X... n'invoque pas expressément ce grief à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire ; que toutefois, arguant d'une violation des obligations contractuelles de la SAS Nicodeme, il y a lieu d'examiner d'examiner l'incidence de cette carence ; que la cour retient que le seul défaut de paiement de la somme de 5 230 euros sur cinq années de travail n'a pu empêcher la poursuite de la relation contractuelle, alors même qu M. X... bénéficiait d'une rémunération mensuelle de base de près de 5 000 euros, outre les primes ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les manquements invoqués à l'encontre de la SAS Nicodeme soit ne sont pas matériellement établis, soit n'ont pu empêcher la poursuite du contrat de travail du salarié ; que la demande de résiliation judiciaire est donc, par confirmation, rejetée ;

5) Sur le licenciement :

Attendu qu'il convient de rappeler que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

Que par ailleurs la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis, la charge de la preuve pesant sur l'employeur ;

Attendu qu'en l'espèce M. X... a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 février 2015 pour plusieurs séries de motifs, que les parties estiment devoir synthétiser en trois griefs et qu'il convient d'examiner selon la distinction ainsi opérée : impréparation et départ brutal de la réunion de lancement de l'année 2015 en date du 14 janvier 2015, absence de suivi du BFA fournisseur et de motivation du personnel, dénigrement du directeur sanitaire chauffage dans un courriel du 17 janvier 2015 ;

Attendu, sur le premier point, qu'il ressort des témoignages versés aux débats par la SAS Nicodeme que, lors de la réunion de lancement de l'année 2015 du 14 janvier 2015, M. X... a reconnu n'avoir préparé que la partie 'rétroviseur' (bilan des résultats) et s'être en outre limité à la seule agence de Calais ; qu'invité à préparer durant le restant de la matinée la partie 'viseur' (prospective) pour l'ensemble des agences de son secteur afin de pouvoir la présenter l'après-midi, il a quitté la réunion et ne s'y est pas représenté après la pause déjeuner ; que le courriel du salarié adressé le 17 janvier suivant aux cadres présents le 14 janvier précédent, dont les premiers termes sont 'Un petit mail pour m'excuser de mon départ précipité de la réunion du 14.01.2015", confirme cette absence ;

Attendu que l'attitude adoptée le 14 janvier 2015 est fautive dans la mesure où il appartenait à M. X... d'une part de préparer sérieusement son intervention à la réunion en cause, d'autre part d'y participer dans son intégralité ;

Attendu qu'en effet M. I..., directeur sanitaire chauffage et organisateur et animateur de la réunion du 14 janvier 2015, avait, dans deux courriels des 30 décembre 2014 et 8 janvier 2015, attiré l'attention des collaborateurs sur l'importance de la réunion du 14 janvier et sur la nécessité de préparer deux interventions, la première pour la partie 'rétroviseur'sur les résultats des agences dont ils ont la responsabilité, la seconde pour la partie 'viseur' sur les objectifs ainsi que la liste des actions concrètes envisagées ; qu'il y était expressément mentionné que l'improvisation était exclue ; que par ailleurs M. I... avait, lors de la matinée du 14 janvier, enjoint à M. X... de présenter la partie 'viseur' l'après-midi ; que le salarié a ainsi contrevenu aux instructions claires et précises données par M. I... tant en amont - par le biais des mails susvisés - qu'au jour même de la réunion ; que pourtant cette réunion annuelle, qui réunissait la direction, l'ensemble des responsables de secteur et de l'ensemble des responsables d'agence, revêtait une importance toute particulière dès lors qu'elle visait à faire le bilan de l'année passée et à fixer les objectifs de l'année à venir ;

Attendu, sur le troisième point, que, dans son courriel adressé le 17 février 2015 aux cadres présents à la réunion du 14 janvier précédent, M. X... a discrédité une partie de la direction de la SAS Nicodeme, et en particulier M. I..., même si ce dernier n'a pas été cité expressément ; que c'est notamment ainsi que M. X... a sous-entendu ouvertement que M. I... ne méritait pas son respect et l'a désigné, là encore indirectement mais sans ambiguïté, notamment sous les termes 'le sauveur (ça va pas durer longtemps)' 'le je pense donc je suis', 'le j'ai décidé', le professeur (non il ne m'a jamais rien enseigné', 'le pion (ça oui!)', 'le 6 fois le SMIC' , 'le virage à 180°' ou encore 'le roi du plan d'action sans suite' ; que M. X..., tenu à un devoir de loyauté et de réserve envers son employeur d'autant plus qu'il exerçait des fonctions de responsabilité, a ainsi manqué à ses obligations ;

Attendu que M. X... avait fait l'objet d'une lettre de recadrage le 20 octobre 2014 pour un manque de définition d'objectifs pour son secteur et de plans d'action ; qu'il avait alors été enjoint de préparer une analyse des forces et faiblesses des agences de son secteur et de proposer des mesures d'action concrètes ; que, compte tenu des observations ainsi formulées - dont le salarié n'a à l'évidence pas tenu compte lors de la réunion du 14 janvier 2013, et de la nature des deux griefs retenus - le troisième reproche étant quant à lui insuffisamment étayé par les pièces produites, la cour estime le licenciement pour faute grave justifié ; que M. X... est dès lors débouté de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts ;

6) Sur la remise des documents sociaux rectifiés :

Attendu que, compte tenu de la solution donnée au litige, il est partiellement fait droit à cette réclamation ;

7) Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité d'allouer à M. X... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré, excepté en ce qu'il a débouté M. Patrick X... de ses demandes tendant au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à la remise d'une fiche de paie et de l'attestation Pôle emploi rectifiées et en ce qu'il a laissé les dépens à la charge de l'intéressé,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que le licenciement pour faute grave de M. Patrick X... est justifié,

Déboute M. Patrick X... de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Nicodeme à payer à M. Patrick X... les sommes de

5 230 euros brut à titre de rappel des heures supplémentaires outre les congés payés afférents, soit 523 euros brut, et de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

Ordonne à la SAS Nicodeme de remettre à M. Patrick X... une fiche de paie et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt,

Dit qu'à défaut d'exécution volontaire dans le mois de la notification du présent arrêt, elle sera contrainte de s'exécuter sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard et par document, passé ce délai, l'astreinte étant limitée à six mois,

Condamne la SAS Nicodeme aux dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

V. GAMEZ S. Mariette


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale a salle 2
Numéro d'arrêt : 16/00141
Date de la décision : 31/05/2018

Références :

Cour d'appel de Douai A2, arrêt n°16/00141 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-31;16.00141 ?
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