ARRÊT DU
31 Mai 2018
N° 1154/18
RG 16/00042
SC/VM
AJ
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES SUR HELPE
en date du
07 Décembre 2015
(RG 14/00219 -section 3)
GROSSE
le 31/05/18
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
Mme Aurélie X...
[...]
Représentée par Me Jean-Marc Y..., avocat au barreau D'AVESNES-SUR-HELPE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/16/02556 du 15/03/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE :
COMMUNE DE SARS POTERIES
[...]
Représentée par Me Bernard RAPP, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Z...
DÉBATS :à l'audience publique du 22 Février 2018
Tenue par Sylvie A...
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Véronique MAGRO
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie A...
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Leila B...
: CONSEILLER
Caroline I...
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mai 2018,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sylvie A..., Président et par Véronique GAMEZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme Aurélie X... a été engagée à compter du 2 septembre 2013 par la Commune de Sars Poteries par contrat de travail 'emploi avenir' en qualité d'agent technique pour une durée de trois ans.
Elle s'est vu notifier des avertissements par lettres des 7 mai et 24 juin 2014.
Par courrier du 17 juillet 2014, elle a été avisée de ce que son contrat ne serait pas renouvelé et qu'il s'arrêterait donc le 31 août 2014.
Contestant le bien fondé de la rupture, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Avesnes sur Helpe qui, par jugement en date du 7 décembre 2015, a :
- dit que le contrat s'était éteint le 31 août 2014 ;
- condamné la Commune de Sars Poteries à payer à Mme X... la somme de 1430euros au titre du préjudice pour non respect de la procédure de licenciement ;
- déboute Mme X... du surplus de ses demandes ;
- débouté la Commune de Sars Poteries de l'ensemble de ses demandes ;
- laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
Par déclaration en date du 7 janvier 2016, adressée par la voie électronique, MmeX... a interjeté appel de cette décision.
Par voie de conclusions déposées le 4 février 2016 et soutenues à l'audience, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Commune de Sars Poteries à lui verser la somme de 1 430 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, d'infirmer la décision en toutes ses autres dispositions et en conséquence de :
- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner la commune de Sars Poteries à lui verser les sommes suivantes :
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 34 320 euros
* indemnité de licenciement : 289,08 euros
* congés payés : 1 716 euros
- condamner sous astreinte de 20 euros par jour à compter de la notification de la décision la Commune de Sars Poteries à lui remettre un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi conformes aux termes de la décision ;
- condamner la Commune de Sars Poteries aux dépens de l'instance.
Sur le non respect de la procédure de licenciement, elle fait valoir que :
- elle n'a jamais reçu la moindre convocation à un entretien préalable au licenciement;
- la lettre de licenciement est datée du lendemain du prétendu entretien, or l'employeur doit respecter un délai de réflexion de 2 jours ouvrables minimum entre l'entretien préalable et la décision de licenciement ;
- la lettre de convocation ne rappelle pas plus la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié et encore moins le lieu où se procurer la liste départementale.
Sur le caractère abusif du licenciement, elle soutient que :
- la lettre de licenciement ne comporte aucun grief précis et matériellement vérifiable afférent à la qualité de son travail ;
- concernant les propos virulents tenus, ils ne peuvent justifier une quelconque sanction alors que ces propos ont été tenus à l'occasion d'un entretien relatif aux griefs qui sont formulés à son encontre ; en effet, les explications du salarié données dans le cadre de sa défense à des mesures disciplinaires envisagées sont considérées comme bénéficiant d'une 'immunité' ;
- les témoignages de Mme C... et Mme D... sont sans rapport avec les motifs du licenciement comme se rapportant à la qualité de son travail ;
- l'attestation de Mme E... vise des faits établis le 27 juin 2014 alors que la lettre de licenciement vise des faits du 26 juin 2014 ;
- en application de l'article L. 1243-4 du code du travail, elle est fondée à solliciter le paiement d'une somme équivalente au montant de la rémunération restant à échoir jusqu'au terme du contrat ;
- par ailleurs, elle n'a pas reçu d'indemnité de licenciement alors que la Commune ne prétend pas à la faute grave.
Sur la demande de congés payés, elle soutient que la Commune de Sars Poteries doit lui régler les congés payés afférents à son activité professionnelle.
Par voie de conclusions déposées le 17 juin 2016 et soutenues à l'audience, la Commune de Sars Poteries demande à la cour de confirmer la décision entreprise sauf en ce qu'elle a considéré que la procédure n'était pas régulière et en conséquence de :
- dire que la procédure est régulière et légitime ;
- débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner Mme X... au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Sur la régularité de la procédure elle fait valoir qu' un courrier recommandé a été envoyé à Mme X... le 8 juillet 2014 pour un entretien du 16 juillet 2014 et qu'elle verse aux débats 'le recommandé' envoyé à Mme X....
Sur le bien fondé de la rupture, elle soutient que :
- est considérée comme une cause réelle et sérieuse de rupture l'absence qui n'a pas été au préalable autorisée par l'employeur et pour laquelle le salarié n'a fourni aucun motif sérieux ;
- de même le refus opposé par le salarié d'exécuter le travail pour lequel il a été embauché, d'accomplir une tâche entrant dans ses attributions ou correspondant à sa qualification permet à l'employeur de rompre le contrat de travail ;
- enfin, l'attitude injurieuse, insultante vis à vis de l'employeur constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute grave ;
- en l'espèce, Mme X... a quitté son poste de travail de sa propre initiative sans prévenir son employeur et elle a invectivé avec virulence et mépris sa supérieure hiérarchique ; elle n'a pas non plus effectué les tâches qui lui étaient imparties avec conscience et professionnalisme, faisant fi des remarques qui lui étaient faites ;
- les propos virulents ont été tenus durant les heures de travail et non pendant l'entretien préalable auquel Mme X... ne s'est pas présentée.
Sur les demandes financières, elle précise que Mme X... n'apporte pas la preuve d'un préjudice donnant droit à des dommages et intérêts.
MOTIFS :
Sur la rupture du contrat emploi d'avenir :
L'emploi d'avenir est un contrat destiné à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes sans emploi, régi par les articles L.5134-110 et suivants et R. 5134-161 et suivants du code du travail.
Lorsque l'employeur est une collectivité territoriale, il est conclu sous la forme d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi.
En l'espèce, le contrat signé par les parties est un contrat à durée déterminée de trente-six mois.
L'article L.5134-115 du code du travail énumère limitativement les cas de rupture anticipée de l'emploi d'avenir à durée déterminée : outre la faute grave, la force majeure et l'inaptitude physique du salarié prévues par l'article L. 1243-1 auquel il est renvoyé, ce texte prévoit que le contrat de travail 'peut être rompu à l'expiration de chacune des périodes annuelles de son exécution, à l'initiative du salarié, moyennant le respect d'un préavis de deux semaines, ou de l'employeur, s'il justifie d'une cause réelle et sérieuse, moyennant le respect d'un préavis d'un mois et de la procédure prévue à l'article L.1232-2 '.
En l'espèce, l'employeur s'est placé dans le cadre d'une rupture à date anniversaire pour cause réelle et sérieuse.
La lettre de rupture qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
'Suite à nos différends entretiens concernant votre travail, à votre mauvaise foi lorsque nous vous faisons des réflexions sur votre façon de travailler, à notre entretien avec Monsieur F... de l'association 'Réussir en Sambre-Avesnois' qui vous avait demandé de faire des efforts, à vos deux avertissements, rien n'a changé.
Lors de votre entretien avec Mme Denet Dominique, secrétaire générale, chef du personnel à la salle des fêtes en présence de Mme E..., adjointe, concernant votre absence injustifiée de votre lieu de travail du jeudi 26 juin à qui vous avez dit qu'elle n'avait aucun ordre à vous donner, vos propos lors de cet entretien ont été très virulents.
Après toutes ces remarques, une convocation pour un entretien le mercredi 16 juillet à 16 heures en mairie vous a été envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception le 8 juillet 2014. Vous ne vous êtes ni présentée ni excusée.
Je vous confirme que votre contrat d'avenir ne sera pas renouvelé et que celui-ci s' arrêtera donc au 31 août 2014. (...)'
Le seul fait précis évoqué dans ce courrier est l'attitude de Mme X... à l'égard de Mme Denet quand cette dernière lui a reproché une absence du 26 juin 2014.
En effet, s'il est mentionné dans le premier paragraphe de la lettre que malgré les entretiens et sanctions déjà infligées 'rien n'a changé', il n'est évoqué aucun fait précis. En outre, s'il est mentionné une absence injustifiée du 26 juin, cette absence en elle-même n'est pas reprochée à Mme X..., le grief étant relatif à son comportement avec sa supérieure hiérarchique quand cette dernière a évoqué cette absence.
S'agissant de cet unique grief, il est versé aux débats par la Commune :
- une attestation de Mme E..., adjointe au maire qui déclare que le 27 juin 2014, alors qu'elle était à la salle des fêtes avec Mme Denet, celle-ci a fait remarquer à Mme X... qu'elle était partie avant l'heure de sa fin de service la veille au soir et précise 'cette dernière a admis mais a répondu aussitôt, a été très virulente et sans respect pour sa supérieure. Mme Denet lui a demandé de lui parler sur un autre ton, elle a répondu qu'elle s'en fichait qu'on pouvait lui coller un avertissement, qu'elle avait trouvé un autre travail dans une friterie de Sars Poterie.'
- une attestation de Mme Denet qui indique :'je me suis fait insulter devant l'adjointe aux écoles, Mme E... et une employée Mme G.... Elle m'a dit que je n'avais rien à lui dire, que je n'étais pas son chef et j'en passe...'
Ces deux attestations, à défaut d'être davantage circonstanciées sont insuffisantes à démontrer la très grande virulence des propos de Mme X... à l'égard de Mme Denet. Si elles permettent de retenir que Mme X... ne s'est pas adressé à Mme Denet sur un ton approprié, ce seul fait n'est pas suffisamment sérieux pour justifier le non renouvellement du contrat emploi d'avenir alors que les avertissements précédemment notifiés n'étaient pas relatifs à des problèmes de comportement de Mme X... à l'égard de sa hiérarchie mais à des absences injustifiées et à la qualité de son travail.
Il convient donc de retenir que la rupture est sans cause réelle et sérieuse.
L'employeur ne s'étant pas placé dans l'un des cas de rupture prévus à l'article L. 1243-1 du code du travail à savoir la faute grave, la force majeure ou l'inaptitude, la sanction prévue par l'article L. 1243-4 de ce code n'a pas vocation à s'appliquer.
Par ailleurs, les articles L.5234-110 et suivants ne contiennent aucune disposition relative à la sanction encourue en cas de rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat emploi d'avenir à date anniversaire .
Dès lors la salariée, victime d'une rupture prématurée, ne peut prétendre qu'à une indemnisation correspondant au préjudice subi et non aux rémunérations qu'elle aurait perçues jusqu'au terme du contrat.
Mme X... âgée de 26 ans lors de la rupture percevait un salaire de 1 445,42 euros par mois et, si elle ne justifie pas pour sa part de l'évolution de sa situation depuis la rupture du contrat, la Commune produit quant à elle une attestation de M. Christophe H..., gérant de la Sarl Royale Brasserie située à Avesnes sur Helpe, en date du 2 septembre 2015, qui indique que Mme X... est salariée dans son établissement depuis septembre 2014.
Compte tenu de ces éléments, il convient de condamner la Commune à payer à Mme X... la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Aucune disposition légale n'ouvre droit à une indemnité de licenciement. Le jugement qui a débouté Mme X... de cette demande sera donc confirmé.
Sur la demande indemnitaire pour licenciement irrégulier :
La Commune démontre avoir adressé une convocation à l'entretien préalable par courrier recommandé avec demande d'avis de réception adressé le 9 juillet 2014, qui lui a été retourné avec la mention 'pli avisé et non réclamé'.
Il en résulte que Mme X... ne peut faire grief à son employeur de ne pas l'avoir convoquée à un entretien préalable.
En outre, l'article L.5134-115 susvisé ne renvoie qu'aux dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail sur la convocation à un entretien préalable et non à celles de l'article L. 1234-4 sur l'assistance par un conseiller du salarié lors de cet entretien ni à celles de L. 1232-6 du même code sur le délai minimum de deux jours ouvrables qui doit séparer l'entretien préalable de l'expédition de la lettre de licenciement.
Ainsi, il en résulte qu'aucune irrégularité n'a été commise de sorte que Mme X... ne peut réclamer aucune indemnité.
Le jugement sera donc réformé de ce chef.
Sur la demande indemnitaire au titre des congés payés :
Selon l'article L. 1242-16 du code du travail, 'le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée a droit à une indemnité compensatrice de congés payés au titre du travail effectivement accompli durant ce contrat, quelle qu'ait été sa durée, dès lors que le régime des congés applicable dans l'entreprise ne lui permet pas de les prendre effectivement. Le montant de l'indemnité , calculé en fonction de cette durée, ne peut être inférieur au dixième de la rémunération totale brute perçue par le salarié pendant la durée de son contrat. L'indemnité est versée à la fin du contrat, sauf si le contrat à durée déterminée se poursuit par un contrat de travail à durée indéterminée.'
En application de ces dispositions, Mme X... peut donc prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés de 1 502,30 euros, correspondant au dixième de la rémunération perçue pendant la durée de son contrat.
Le jugement qui a débouté Mme X... de cette demande sera donc réformé.
Sur la délivrance de documents :
Il convient d'ordonner à la Commune de Sars Poteries de délivrer à Mme X... un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi conformes à la présente décision, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La Commune de Sars Poterie qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Elle sera par ailleurs nécessairement déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme Aurélie X... de sa demande d'indemnité de licenciement ;
Réforme sur le surplus ;
Statuant à nouveau,
Dit que la rupture du contrat emploi d'avenir est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la Commune de Sars Poterie à payer à Mme Aurélie X... les sommes de :
- 1 500 euros euros à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse ;
- 1 502,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
Déboute Mme Aurélie X... de sa demande indemnitaire pour irrégularité de la procédure de licenciement ;
Ordonne à la Commune de Sars Poteries de délivrer à Mme Aurélie X... un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi conformes à la présente décision ;
Rejette la demande d'astreinte ;
Y ajoutant,
Déboute la Commune de Sars Poteries de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la Commune de Sars Poteries aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER
V. GAMEZ
LE PRESIDENT
S. A...