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31/05/2018 | FRANCE | N°15/02885

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 2, 31 mai 2018, 15/02885


ARRÊT DU

31 Mai 2018







N° 152/18



RG 15/02885



AM/CH

































JUGT

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE

EN DATE DU

30 Juin 2015





































NOTIFICATION



à parties



le



Copies avocat

s



le 31/05/18



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Sécurité Sociale-







APPELANTE :



SARL SIDERBA EUROPE

[...]

Représentée par Me Francis X..., avocat au barreau de LILLE





INTIMES :



Me Y... Alexandre - Liquidateur de SOCIETE ENGINEERING TUYAUTERIES ET BATIMENTS INDUSTRIELS

[...]

Non comparant, ...

ARRÊT DU

31 Mai 2018

N° 152/18

RG 15/02885

AM/CH

JUGT

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE

EN DATE DU

30 Juin 2015

NOTIFICATION

à parties

le

Copies avocats

le 31/05/18

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Sécurité Sociale-

APPELANTE :

SARL SIDERBA EUROPE

[...]

Représentée par Me Francis X..., avocat au barreau de LILLE

INTIMES :

Me Y... Alexandre - Liquidateur de SOCIETE ENGINEERING TUYAUTERIES ET BATIMENTS INDUSTRIELS

[...]

Non comparant, non représenté

Me Y... Alexandre - Liquidateur de SARL LMAT

[...]

Non comparant, non représenté

Me Z... Yvon DOUAI (A...) - Liquidateur de SARL ISOTECHNIC

IMMEUBLE TRADE CENTER 3EME ETAGE

[...]

Non comparant, non représenté

Me B... ET C... Christian (DK) - Liquidateur de SOCIETE ISO TECH INDUSTRIE

[...]

Représenté par Me Laurent D..., avocat au barreau de DUNKERQUE

Me B... ET C... Christian (DK) - Liquidateur de SOCIETE SERSOFAB

[...]

Représenté par Me Laurent D..., avocat au barreau de DUNKERQUE

M. El Mostafa E...

[...]

Représenté par Me F..., substituant Me Jean-Pierre G..., avocat au barreau de DUNKERQUE

CPAM DES FLANDRES

[...]

Représentée par Mme H... Julie, agent de la Caisse² régulièrement mandatée

DÉBATS :à l'audience publique du 20 Mars 2018

Tenue par Alain I...

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Charlotte GERNEZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Denise J...

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain I...

: CONSEILLER

Patrick K...

: CONSEILLER

ARRÊT :Réputé contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mai 2018,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Denise J..., Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société SIDERBA EUROPE a pour activité l'installation de structures métalliques, chaudronnées et de tuyauterie.

Monsieur El Mostafa E... a travaillé, en qualité de soudeur, pour la SociétéSIDERBA EUROPE, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée non successifs, de durée variable, et ce entre le 17 septembre 1990 et le 9 février 2011, mais aussi pour le compte d'autres sociétés parmi lesquelles la société LMAT, la sociétéISOTECHNIC, la société ISO TECH INDUSTRIES, la société SERSOFAB, et la société ENGEINEERING TUYAUTERIES ET BATIMENTS INDUSTRIELS, étant précisé que ces dernières sociétés ont toute été l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, et ont vu respectivement désigner comme mandataire liquidateur Me Z..., Me B..., aux droits duquel vient la société WRA, et Me Y....

Monsieur E... a effectué une déclaration de maladie professionnelle le 3mars2011 sur la base d'un certificat médical initial du 8 janvier 2011.

La CPAM de Dunkerque à laquelle succède à CPAM des Flandres a admis le 8août2011 le caractère professionnel de la maladie et, sur la base d'un taux d'incapacité de 40%, a attribué à l'assuré le 30 août 2011 une rente.

Monsieur E... a saisi le 16 juillet 2012 le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lille d'une action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable, et ce à l'encontre des diverses sociétés l'ayant employé.

Par jugement en date du 30 juin 2015 le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lille a :

Dit que la maladie professionnelle contractée par M. El Mostapha E... - tableau n° 44 - est due à la faute inexcusable de son employeur, la société SIDERBA EUROPE,

Débouté M. E... de ses demandes formulées à l'encontre de Maître Z..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. ISOTECHNIC, de Maître B..., mandataire liquidateur de la société ISO TECH INDUSTRIE, et mandataire liquidateur de la société SERSOF AB, et de Maître Y..., tant en sa qualité de mandataire liquidateur de la société LMAT que de la société ENINEERING TUYAUTERIES ET BATIMENTS INDUSTRIELS, et débouté la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres de sa demande de condamnation solidaire des défendeurs,

Fixé au maximum la majoration de la rente de M. E...,

Dit que la majoration de la rente et la réparation des préjudices de Monsieur E... seront avancées par la CPAM des Flandres qui en récupérera le montant auprès de la société SIDERBA EUROPE en application des dispositions de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;

Déboute Maître B... et la société SIDERBA EUROPE de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,

Et avant dire droit sur les préjudices de M. E...,

Ordonné une expertise médicale judiciaire et désigne pour y procéder le DocteurL..., [...], avec mission, les parties convoquées :

- d'examiner Monsieur El Mostapha E...,

- de prendre connaissance de tous éléments utiles en ce compris les éléments du dossier médical,

- déterminer les éléments justifiant une indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- dégager les éléments propres à justifier une indemnisation au titre des souffrances physiques de manière globale, c'est-à-dire endurées avant comme après la consolidation, en qualifiant ce préjudice de très léger, léger, modéré, moyen, assez important, important ou très important,

- évaluer le préjudice esthétique de manière globale, c'est-à-dire avant et/ou après la consolidation en qualifiant ce préjudice de très léger, léger, modéré, moyen, assez important, important ou très important,

- évaluer distinctement le préjudice d'agrément, avant comme après la consolidation, lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs et donner les éléments constitutifs retenus pour ce chef de préjudice,

- dire si l'assistance d'une tierce personne ou l'aménagement du domicile sont nécessaires pour compenser son handicap,

- établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission.

Dit que l'expert adressera son rapport en triple exemplaire dans un délai de 3 mois à compter de la réception du présent jugement, au secrétariat du tribunal des affaires de sécurité sociale qui en transmettra copie aux parties ;

Dit que les frais d'expertise seront avancés par la CP AM des Flandres ;

Dit que l'affaire sera placée au GRAND ROLE dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise dans les délais impartis ;

Dit que, dès réception du rapport d'expertise, l'affaire sera renvoyée sur une audience de mise en état, avec convocation des parties, qui sera assurée par le secrétariat du Tribunal des affaires de sécurité sociale ;

Sursis à statuer sur la demande de M. E... fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile,

Dit que le présent jugement sera notifié à chacune des parties dans les formes et délais prescrits par l'article R142-27 du code de la sécurité sociale par le secrétaire du tribunal des affaires de sécurité sociale désigné conformément à l'article R142-15 du même code.

Le 15 juillet 2015 la société SIDERBA EUROPE a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées par la société SIDERBA EUROPE.

Vu les conclusions déposées par M. E....

Vu les conclusions déposées par la CPAM des Flandres.

Vu les conclusions déposées par la société WRA, venant aux droits de Me B..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ISO.TECH.INDUSTRIE.

Les parties entendues en leurs plaidoiries qui ont repris leurs conclusions écrites, étant précisé que Me Z... en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ISOTECHNIC, que Me Y... en sa qualité de liquidateur de la société LMAT et de la société ENGEINEERING TUYAUTERIES ET BATIMENTS INDUSTRIELS, que Me B... en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SERFOBAT n'ont pas comparu.

SUR CE

De la demande tendant à dire que la maladie professionnelle de M. E... n'a pas été contractée alors qu'il était au service de la société SIDERBIA EUROPE

Aux termes de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre.

En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident,

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d 'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu 'elle est

essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article l. 434-2 et au moins égale à un pourcentage déterminé,

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnait l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Par ailleurs si la présomption de maladie professionnelle, dispense la victime de prouver le lien de causalité entre son affection et son travail s'agissant des maladies inscrites et définies aux articles L. 461-2 et R. 461-3 du code du travail, pour autant ladite présomption ne doit s'appliquer que s'il est établi que le salarié était, dans le cadre de son travail, exposé de manière habituelle à l'un des risques listés dans un tableau de maladie professionnelle, et dans les conditions fixées par ce même tableau.

En outre en cas de succession d'employeurs, la maladie professionnelle doit en principe être considérée comme ayant été contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur de rapporter la preuve contraire.

En l'espèce il convient tout d'abord de constater qu'à la date de la constatation médicale le salarié était employé par la société SIDERBA EUROPE, laquelle fait valoir qu'au moment de cette constatation médicale le salarié avait recommencé à travailler à son profit après une interruption de près de trois années, au cours desquelles il avait été embauché par d'autres entreprises au sein desquelles il avait été exposé au risque d'inhalation de produits tels que visés par le tableau numéro 44 maladies professionnelles.

La société SIDERBA EUROPE soutient qu'il résulte de cette présentation chronologique des périodes d'activité du salarié au profit d'autres employeurs que la maladie professionnelle n'a pas été contactée à ses services, et que par la même aucune faute inexcusable ne peut lui être imputée dans la survenance de la maladie professionnelle, reprochant à ce titre au tribunal de n'avoir retenu que sa seule responsabilité qu'au regard des procédures de liquidation judiciaire concernant les autres employeurs mis en cause par le salarié, à qui elle reproche de s'abstenir de répondre à ses arguments relatifs à l'exposition au risque en cas de succession employeur.

Il apparaît ainsi que la société SIDERBA EUROPE ne formule aucune contestation quant au développement par M. E... d'une des maladies désignées par le tableau n° 44 des maladies professionnelles, et quant au respect du délai de prise en charge et de la durée d'exposition.

Il y a lieu à ce titre de souligner la durée particulièrement longue du délai de prise en charge, soit 35 ans, en ce qu'elle ne couvre pas que la seule période ayant précédé immédiatement la constatation médicale, mais tient compte au regard de la nature de la pathologie le décalage pouvant exister entre la dite constatation médicale et le moment où l'exposition au risque a pu provoquer la maladie de l'assuré.

Or durant ce délai de prise en charge M. E... a travaillé à de multiples reprises pour la société SIDERBA EUROPE et durant plusieurs mois au cours de l'année 2007,

de sorte que son exposition au risque ne s'est pas limitée à quelques journées de travail, même s'il est exact qu'aucun travail n'est effectué en 2008 et 2009 pour cette même société.

En ce qui concerne la liste des principaux travaux susceptibles de provoquer la maladie dont est atteint l'assuré, il convient, après avoir souligné son caractère indicatif, de constater qu'il résulte tant de l'enquête menée par la caisse primaire d'assurance maladie que des attestations d'anciens collègues de travail du salarié, que celui-ci a effectué de manière régulière notamment lors des périodes d'emploi par la société SIDERBA EUROPE des travaux de soudure à l'arc et de polissage, tels que mentionnés par le tableau.

Les allégations de cette dernière société selon lesquelles il ne s'agissait que de simples soudures et que le meulage ne portait pas sur des éléments recouverts de peinture au minimum de plomb ne sont corroborées par aucun élément objectif et procèdent de simples affirmations.

Par ailleurs en visant de telles activités de meulage la société SIDERBA EUROPE se réfère indirectement aux dispositions de l'article R. 4534-132 du code du travail qui prévoient la nécessité de mises en oeuvre de protections spécifiques dans un tel cas, alors même que le tableau n° 44 des maladies professionnelles ne procèdent pas à une telle distinction, qui ne peut avoir une éventuelle portée que s'agissant du débat relatif à la mise en place de mesures pour préserver le salarié d'un danger auquel il était exposé.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, contrairement aux allégations de la société SIDERBA EUROPE, M. E... a bien été exposé de manière habituelle au risque d'inhalation de poussière minérale ou de fumées contenant des particules de fer ou d'oxyde de fer lorsqu'il était employé par cette société.

Les contestations de cet employeur ne sont pas de nature à établir au service de quelle société l'assuré travaillait lorsque l'exposition au risque a provoqué sa maladie mais seulement de mettre en lumière l'impossibilité de déterminer de façon certaine l'identité de cette entreprise, de sorte que la société SIDERBA EUROPE ne rapporte pas la preuve nécessaire pour remettre en cause le principe selon lequel la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale.

De l'existence d'une faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise, que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il résulte du même texte qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident ou de la maladie survenus au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

En l'espèce la société SIDERBA EUROPE, au-delà de ses contestations quant à la réalité d'une exposition de l'assuré au risque lorsqu'il travaillait à son profit, qui sont contraires à la réalité de l'exercice des fonctions du salarié comme la Cour l'a déjà relevé, soutient qu'elle ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel M. E... a pu être exposé, et qu'elle a de toute manière pris l'ensemble des mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il convient néanmoins de constater que les dangers d'inhalation de poussières minérales ou de fumées contenant des particules de fer ou d'oxyde de fer ont été mis en évidence par la création en 1967 d'un tableau de maladie professionnelle.

Il ne s'agit pas du seul élément ayant eu pour conséquence une information des employeurs de la dangerosité des activités de polissage et de soudage, puisque le centre international de recherche sur le cancer a classé dès 1990 les fumées de soudage comme un agent cancérigène possible pour l'homme, préconisant par ailleurs au titre de principe de prévention l'usage d'un appareil de protection respiratoire adapté à la nature et la durée des travaux.

De telles informations ont été relayées et complétées par un document de l'assurance maladie datant du mois de juin 2009, et une notice d'information établie par le ministère du travail le 8 janvier 2009 en collaboration avec l'INRS, étant précisé que des recommandations ont été adoptées le 13 novembre 2008 par le comité technique national des industries de la métallurgie s'agissant du soudage à l'arc et du coupage.

Il résulte de ces éléments que la société SIDERBA EUROPE, qui a pour activité l'installation de structures métalliques, chaudronnées et de tuyauterie, et recourait à ce titre de manière habituelle à des salariés procédant à des opérations de soudure à l'arc et de polissage, avait ou aurait dû avoir conscience dès 1967 du danger auquel était exposé M. E... en pratiquant de telles opérations.

Par ailleurs il ressort des attestations des salariés ayant travaillé avec M. E... que l'employeur n'a pas pris des mesures suffisantes pour préserver le salarié du danger auquel il était exposé.

En effet la société ne peut pas se prévaloir de l'obtention de certifications VCA par AIBVINCOTTE et de la limitation des équipements de protection individuelle tels que visés par l'article R. 4534-131 et R. 4534-133 du code du travail pour soutenir qu'elle a effectivement pris les mesures de nature à protéger le salarié du danger auquel il était exposé.

Au-delà du fait que la lecture des comptes-rendus établis par cet organisme de certification permet de constater que l'employeur ne se conforme pas toujours aux points d'améliorations suggérées par celui-ci, puisque l'absence de liaison entre l'analyse des risques et les tâches critiques a été mise en évidence le 28 septembre 1999 et de nouveau visée en 2005, il convient de rappeler l'obligation pesant sur lui d'assurer la sécurité de protéger la santé physique et mentale des travailleurs telle que rappelée par l'article L.4121-1 du code du travail.

Par ailleurs l'éventuelle insuffisance de mesures réglementaires de la part de l'État, qui a pu déjà être sanctionnée dans d'autres hypothèses par les juridictions administratives, ne constitue pas une cause d'exonération de la responsabilité de l'employeur.

La liste des éléments de protection individuelle figurant sur le document intitulé coffre pour soudeur permet de constater l'absence d'appareils de protection respiratoire que préconisent tant le centre international de recherche sur le cancer que le comité technique national des industries de la métallurgie.

Il convient de rappeler à ce titre que de tels appareils doivent être distingués des masques de protection muni d'un filtre oculaire, qui n'ont d'autre mission que de protéger le salarié et son entourage des risques encourus au niveau des organes de vue, étant précisé d'une part que la photo remise par la société n'est pas datée et ne permet pas ainsi de déterminer à quelle période les éléments de protection y figurant ont été mis en place, et d'autre part que le caractère exhaustif de telles protections ne peut être retenu.

Il convient au regard de l'ensemble de ces éléments de dire que la société SIDERBA EUROPE a commis une faute inexcusable, et qu'il ne peut être reproché à M. E..., qui avait initialement engagé une action à l'encontre de plusieurs de ses employeurs, d'avoir en appel formulé des demandes à l'encontre de la seule société SIDERBA EUROPE, étant rappelé que la reconnaissance d'une faute inexcusable commise par un seul de ses employeurs lui permet d'obtenir l'intégralité des indemnitées complémentaires auxquelles il peut prétendre.

Il résulte par ailleurs de l'importance de l'exposition de l'intéressé, révélée notamment par les attestations produites aux débats, que cette faute inexcusable doit être considérée comme une des causes nécessaires de la maladie contractée par le salarié.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris.

Les conséquences financières de la faute inexcusable

De la majoration de la rente

Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L.452-2 du Code de la sécurité sociale en cas de faute inexcusable de l'employeur la victime qui s'est vu accorder une indemnité en capital reçoit une majoration ne pouvant excéder le montant de ladite indemnité et celle ayant obtenu le bénéfice d'une rente reçoit une rente majorée ne pouvant excéder soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.

Il résulte du texte précité que la majoration de la rente et du capital alloué à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle consécutif à une faute inexcusable de l'employeur est calculée en fonction de la réduction de la capacité dont celle-ci reste atteinte et que dès lors la majoration doit suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime.

Il ressort également de la combinaison de ce même texte et des articles L. 434-2 et L.453-1 du code de la sécurité sociale que seule la faute inexcusable du salarié est de nature à limiter la majoration du capital ou de la rente à laquelle il est en droit de prétendre en raison de la faute inexcusable de son employeur.

Après avoir rappelé que la faute inexcusable du salarié ne peut être retenue que dans l'hypothèse où celui-ci a commis volontairement une faute d'une exceptionnelle gravité

l'exposant sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience, il convient de constater qu'en l'espèce il n'est pas soutenu et encore moins démontré que le salarié ait commis une faute inexcusable.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au maximum la majoration accordée à la victime au titre de I'article L.452- 2 du Code de la sécurité sociale et dit que cette majoration suivra le taux d'évolution de l'incapacité de la victime.

De l'indemnisation du préjudice

Il résulte de l'article 1. 452-3 du Code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie

professionnelle peut demander à ce dernier la réparation de son préjudice d'agrément si elle justifie de la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie, de ses souffrances physiques et morales non déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, de son préjudice esthétique ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités professionnelles et qu' elle peut également être indemnisée d'autres chefs de préjudice à la condition qu'ils ne soient pas déjà

couverts par le livre TV du Code de la sécurité sociale.

En l'espèce il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une expertise judiciaire pour déterminer les préjudices de M. E....

De l'action récursoire de la Caisse

Il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris relatives à l'avance par la caisse primaire d'assurance-maladie des Flandres de la majoration de la rente et de réparation des préjudices de l'assuré, et de la récupération auprès de la société SIDERBA EUROPE, dès lors que le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille a débouté à juste titre cette caisse de sa demande de condamnation solidaire.

En effet, au-delà du fait qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre d'une société objet d'une procédure en liquidation judiciaire, la créance pouvant seulement être constatée et fixée dans le cadre de ladite procédure sous réserve d'une copie de la déclaration de sa créance ou tout autre élément justifiant de la mention de sa créance sur la liste prévue à ce titre, la récupération des sommes avancées ne peut se faire qu'à l'encontre de l'employeur dont la faute inexcusable à été reconnue.

De l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner la société SIDERBA EUROPE à payer à M.E... la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris,

Ajoutant au jugement entrepris,

Condamne la société SIDERBA EUROPE à payer à M. El Mostafa E... la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que par application de l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale la procédure est gratuite et sans frais et qu'il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

V. M...D. J...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 2
Numéro d'arrêt : 15/02885
Date de la décision : 31/05/2018

Références :

Cour d'appel de Douai B2, arrêt n°15/02885 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-31;15.02885 ?
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