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31/05/2018 | FRANCE | N°15/02854

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 2, 31 mai 2018, 15/02854


ARRÊT DU

31 Mai 2018







N° 167/18SS



RG 15/02854



AM/NB





























JUGT

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE

EN DATE DU

09 Juin 2015









































NOTIFICATION



à parties



Copies avocats



l

e



le 31/05/18

République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Sécurité Sociale-



APPELANTS :

- M. Nicolas X...

[...] [...]

- Mme Nadège X...

[...]

Représentés par Me Laurence F..., avocat au barreau de LILLE



INTIMÉES :

- SAS PUBLIDISPATCH

[...] L AUMONE

- SOCIETE GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE

[...]

CS [...] NIOR...

ARRÊT DU

31 Mai 2018

N° 167/18SS

RG 15/02854

AM/NB

JUGT

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE

EN DATE DU

09 Juin 2015

NOTIFICATION

à parties

Copies avocats

le

le 31/05/18

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Sécurité Sociale-

APPELANTS :

- M. Nicolas X...

[...] [...]

- Mme Nadège X...

[...]

Représentés par Me Laurence F..., avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES :

- SAS PUBLIDISPATCH

[...] L AUMONE

- SOCIETE GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE

[...]

CS [...] NIORT CEDEX 9

Représentées pars Me Denis Y..., avocat au barreau de PARIS

SOCIETE LEADER INTERIM 5902

[...]

Représentée par Me Laurent Z..., avocat au barreau de PARIS

COMPAGNIE ALLIANZ EUROCOURTAGE

[...] LA DEFENSE

Non comparant non représenté AR de convocation signé le 08.06.2017

CPAM ROUBAIX-TOURCOING

[...]

Représentée par Mme Justine A..., agent de la caisse régulièrement mandaté

DÉBATS :à l'audience publique du 20 Mars 2018

Tenue par Alain B...

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré, les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER : Charlotte GERNEZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Denise C...

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain B...

: CONSEILLER

Patrick D...

: CONSEILLER

ARRÊT :Réputé Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mai 2018,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Denise C..., Président et par Véronique GAMEZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Embauché par la société LEADER INTERIM 5902 à compter du 13 septembre 2010 en qualité de salarié intérimaire M. Albert X... a été mis à la disposition de la société PUBLIDISPATCH spécialisée dans le stockage et la logistique de marchandises.

Le 10 novembre 2010 il a été victime d'un accident mortel en chutant de plus de7mètres, accident dont le caractère professionnel a été reconnu par la CPAM de Roubaix-Tourcoing suivant décision du 15 janvier 2011, laquelle suivant jugement en date du 20 décembre 2012 du tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lille a été déclarée inopposable à la société LEADER INTERIM 5902.

Entre temps, faute de conciliation, les ayants-droit de M. X... ont saisi, par requête expédiée le 29 octobre 2012, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille aux fins de voir juger que l'accident dont M. X... a été victime est dû à la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement en date du 9 juin 2015 le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lillea:

Dit que l'accident du travail dont a été victime Monsieur Albert X... le 10novembre2010 est dû à la faute inexcusable de son employeur;

Fixé au maximum la majoration de la rente allouée à Mme Marie Andrée E... veuve X...;

Fixé les préjudices personnels des ayants droits de la façon suivante :

-Préjudice de Mme Marie Andrée E... veuve X... :

Préjudice moral : 30.000 euros

-Préjudices de Mademoiselle Vanessa X...

Préjudice moral : 20.000 euros

Préjudice scolaire : 3.000 euros

-Préjudice de Monsieur Gaëtan X...

Préjudice moral : 20.000 euros

Débouté les ayants droit de M. X... du surplus de leurs demandes indemnitaires,

Dit que la Caisse primaire d'assurance maladie de ROUBAIX-TOURCOING fera l'avance de ces sommes, sans action contre la société LEADER INTERIM ou la sociétéPUBLIDISPATCH pour le recouvrement des sommes dont elle aura fait l'avance au titre de la faute inexcusable,

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent jugement,

Condamné la Caisse primaire d'assurance maladie de ROUBAIX-TOURCOING à payer aux consorts X..., la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Débouté la société LEADER INTERIM et la compagnie ALLIANZ COURTAGE de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par ordonnance en date du 31 août 2015 la présidente du TASS de Lille, saisie d'une demande en omission de statuer par Nicolas et Nadège X..., a connstaté le dessaisissement de la juridiction compte tenu de l'appel interjeté par ces derniers à l'encontre du jugement.

Entre temps Nicolas X... et Nadège X... ont effectivement interjeté appel le22juillet 2015 du jugement du 9 juin 2015 du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées par Nicolas X... et Nadège X....

Vu les conclusions déposées par la CPAM de Roubaix-Tourcoing.

Vu les conclusions déposées par la société LEADER INTERIM 5902.

Vu les conclusions déposées par la société PUBLIDISPATCH et la sociétéGROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE.

Les parties entendues qui ont repris leurs conclusions écrites, étant précisé que la sociétéCOMPAGNIE ALLIANZ EUROCOURTAGE, régulièrement convoquée, n'a pas comparu.

SUR CE

De la demande en indemnisation formulée par M. Nicolas X... et Nadège X...

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent, comme cela résulte de ce même texte, que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident ou de la maladie survenue au salarié et il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Il appartient ainsi au salarié victime d'un accident du travail de prouver, d'une part que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés, et, d'autre part, que l'employeur n'a pris aucune mesure nécessaire concernant ce risque.

En l'espèce il convient de constater que tant la société intérimaire que la sociétéutilisatrice, dans leurs conclusions développées à l'audience, ne formulent aucune contestation quant à l'existence d'une faute inexcusable, n'ayant d'ailleurs pas interjeté appel incident des dispositions du jugement entrepris afférentes à une telle existence.

La société LEADER INTERIM 5902, qui à la différence de la société utilisatrice se prononce sur l'étendue du préjudice subi par M. Nicolas X... et Mme Nadège X..., s'en rapporte à l'appréciation de la Cour quant au point de savoir si une indemnisation doit être allouée à ces deux personnes, en sollicitant dans une telle hypothèse que le montant des dommages et intérêts soit ramené à de plus justes proportions que les sommes demandées.

Si le fait pour les deux appelants d'avoir quitté le foyer familial au jour de la survenance de l'accident a une incidence sur l'évaluation de leur préjudice, pour autant celui-ci n'a pas disparu du fait de ce départ, qui n'a pas distendu les liens affectifs, mais traduit une dépendance affective au quotidien moins prégnante.

Il convient d'indemniser ce préjudice moral résultant de la perte d'un parent, dont le jeune âge doit être souligné au regard des données existant en matière d'espérance de vie, par l'allocation d'une somme de 17000 euros à chacun de ces deux enfants de la victime, et par la même d'infirmer le jugement entrepris qui les avait débouté au titre du rejet du surplus des demandes des consorts X... de leurs propres demandes.

De l'action récursoire de la Caisse

De la recevabilité de l'action au titre de la prescription

Aux termes de l'article 122 du Code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l'espèce la société LEADER INTERIM 5902 soutient que l'action récursoire de la Caisse est prescrite au motif qu'une telle demande a été formulée pour la première fois dans le cadre d'un appel incident, alors même que le point de départ de la prescription quinquennale applicable en matière est l'introduction de la procédure de conciliation ou plus tard la requête des ayants droits de M. X... en reconnaissance d'une faute inexcusable.

Elle fait valoir en conséquence que l'action récursoire en remboursement formulée à son encontre est atteinte par la prescription depuis le 25 octobre 2005, et que la partie n'a formulé cette demande que par des conclusions du 14 février 2018.

Toutefois, il convient tout d'abord de constater que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale était bien saisi de la question du caractère bien-fondé de l'action récursoire de la Caisse puisqu'il s'est prononcé en la rejetant, peu important que le débat sur ce pointait été initié par d'autres parties, étant observé que la Caisse s'était, comme l'indique elle-même la société, à ce titre rapportée à justice, positionnement qui ne constitue pas une reconnaissance du caractère bien-fondé des revendications de la partie adverse.

Par ailleurs, la prescription ne court qu'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, qui doit être fixé enl'espèce au jour où l'existence d'une faute inexcusable a été reconnue, dès lors que celle-ci constitue aux termes de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale le fondement de l'action récursoire de la caisse.

Il y a lieu au regard de l'ensemble de ces éléments de débouter la sociétéLEADERINTERIM 5902 de sa demande tendant à dire l'action récursoire delacaisse primaire d'assurance-maladie des Flandres irrecevable.

De la recevabilité de l'action de la caisse au titre de l'existence d'une demande de nouvelle

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce la société PUBLIDISPATCH et la société GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE soutiennent que l'action récursoire de la Caisse est irrecevable comme étant nouvelle en appel, faute pour cette dernière d'avoir formulé une telle demande en première instance, se contentant de s'en rapporter à justice sur le moyen tiré de l'inopposabilité de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident à l'égard de la société d'intérim.

Toutefois, il convient tout d'abord de constater que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale était bien saisi de la question du caractère bien-fondé de l'action récursoire de la Caisse puisqu'il s'est prononcé en la rejetant, peu important que le débat sur ce point ait été initié par d'autres parties, étant observé que la Caisse s'était, comme l'indiquent elles-mêmes les sociétés, à ce titre rapportée à justice, positionnement qui ne constitue pas une reconnaissance du caractère bien-fondé des revendications des parties adverses.

Par ailleurs l'exercice par la caisse primaire d'assurance maladie de son action récursoire est recevable même pour la première fois en cause d'appel, dans la mesure où cette action de la caisse, obligatoirement appelée en déclaration de jugement commun en vertu des dispositions de l'article L. 452-4 du même code par le salarié ou ses ayantsdroit lorsqu'ils poursuivent la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, tend, au sens des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile, aux mêmes fins que celles de sa mise en cause.

De la recevabilité de l'action récursoire de la Caisse au titre de l'autorité de la chosejugée du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du20 décembre 2012

Aux termes de l'article 122 du Code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l'espèce la société utilisatrice et la société avec laquelle elle a conclu un contrat d'assurance, font valoir que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 20 décembre 2012 ayant déclaré inopposable à la société d'intérim la décision de prise en charge de l'accident dont a été victime M. X..., du fait de l'autorité de la chose jugée y étant attachée, fait obstacle à ce que l'action récursoire de la caisse puisse être reconnue à l'encontre de cette dernière société.

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1355 du code civil l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Or la question de l'inopposabilité est distincte de celle de l'existence d'une faute inexcusable dans la mesure où la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle et l'action en reconnaissance de la faute inexcusable sont indépendantes.

En effet, ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l'accident, de la maladie ou de la rechute, la décision prise par la Caisse dans les conditions prévues par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 29 juillet 2009, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Elle n'affecte en conséquence ni la caractérisation de cette faute ni ses conséquences indemnitaires pour l'employeur de sorte que l'inopposabilité à ce dernier de la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie professionnelle, quel qu'en soit le motif, ne fait pas obstacle à l'action récursoire de la Caisse à son encontre.

Il résulte de ces éléments qu'aucune autorité de la chose jugée, relativement à la demande concernant l'inopposabilté, ne peut être opposée au motif de dispositions d'un jugement devenu définitif concernant tant l'existence de la faute inexcusable, à proprement parler, que l'action récursoire intentée par la caisse.

Du caractère bien-fondé de l'action récursoire de la Caisse

Aux termes de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2012, et applicable au présent litige, dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.

Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.

Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.

En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit.

Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L. 434-17.

La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le montant par l'imposition d'une cotisation complémentaire dont le taux et la durée sont fixés par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail sur la proposition de la caisse primaire, en accord avec l'employeur, sauf recours devant la juridiction de la sécurité sociale compétente.

La cotisation complémentaire ainsi prévue ne peut être perçue au-delà d'une certaine durée et son taux excéder ni une fraction de la cotisation normale de l'employeur, ni une fraction des salaires servant de base à cette cotisation.

Dans le cas de cession ou de cessation de l'entreprise, le capital correspondant aux arrérages à échoir est immédiatement exigible.

En l'espèce la caisse primaire d'assurance-maladie de Lille demande à la cour que la société LEADER INTERIM 5902 soit condamnée à garantir les conséquences financières de sa faute inexcusable, au motif que l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, et ne prive pas par la même la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versées par elle.

Les sociétés intimées soutiennent au contraire que les dispositions de l'article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale, instaurées par la loi du 17 décembre 2012, et aux termes desquelles, quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 et L. 452-3, ne sont pas applicables au présent litige.

Elles font valoir à ce titre que lesdites dispositions, dont la promulgation démontre, a contrario qu'avant son entrée en vigueur, la règle législative à laquelle le législateur entendait mettre fin prévalait, ne sont pas d'application rétroactive, en ce qu'elles ne concernent que les actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites à compter du 1er janvier 2013, et que la caisse procède à une interprétation contra legem de l'article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale, alors même que son contenu est limpide, et également contraire aux dispositions de l'article 1 du Code civil instaurant le principe de non rétroactivité des lois.

Toutefois la loi du 17 décembre 2012 n'a que très partiellement modifié l'ancien article L. 452-2 du code de la sécurité sociale en indiquant à la fin du sixième alinéa après le mot " récupère " " le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret ", et en supprimant les deux derniers alinéas.

L'article L452-3 est quant à lui demeuré inchangé, disposant toujours qu'indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'articleprécédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation. De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée. La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

Il apparaît ainsi que la loi du 17 décembre 2012 n'est pas revenue sur des dispositions antérieurement applicables et excluant sans ambiguïté l'action récursoire de la caisse, s'agissant de la réparation des préjudices visés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, lorsque la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident ou de la maladie est inopposable à l'employeur en raison d'une irrégularité de la procédure ayant conduit à cette prise en charge.

En effet l'article L. 452-3, en ce qu'il disposait avant la loi du 17 décembre 2012 que la réparation du préjudice est versé directement au bénéficiaire par la Caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur, ne formulait aucune hypothèse d'exclusion de cette récupération par la Caisse, et ce n'est que par le biais d'une interprétation erronée desdites dispositions, que des caisses ont pu voir leur action récursoire rejetée.

Si la loi du 17 décembre 2012, qui a le mérite de régler la question de l'action récursoire des caisses afférentes à celle en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur intentée à compter du 1er janvier 2013, ne peut servir de base à une action récursoire relative à une période antérieure, pour autant une telle action doit être admise dès lors que la question de l'inopposabilité est distincte de celle de l'existence d'une faute inexcusable dans la mesure où la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle et l'action en reconnaissance de la faute inexcusable sont indépendantes.

En effet, ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l'accident, de la maladie ou de la rechute, la décision prise par la Caisse dans les conditions prévues par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 29 juillet 2009, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Elle n'affecte en conséquence ni la caractérisation de cette faute ni ses conséquences indemnitaires pour l'employeur de sorte que l'inopposabilité à ce dernier de la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie professionnelle, quel qu'en soit le motif, ne fait pas obstacle à l'action récursoire de la Caisse à son encontre.

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing fera l'avance de ces sommes, sans action contre la société LEADER INTERIM 5902 pour le recouvrement des sommes dont elle aura fait l'avance au titre de la faute inexcusable, et de faire droit à la demande de la Caisse en reconnaissance de son action récursoire.

De la limitation de l'action récursoire de la Caisse aux sommes versées à M. Nicolas X... et à Mme Nadège X...

La société utilisatrice et son assureur soutiennent que certains des consorts X... n'étant ni appelants ni intimés, le jugement du 9 juin 2015 est devenu définitif à leur égard, de sorte que l'appel incident interjeté par la caisse primaire d'assurance-maladie ne peut modifier les rapports de droit entre ses trois demandeurs et les autres parties en cause.

Elles font valoir à ce titre que la faculté pour la Caisse d'exercer une action récursoire à l'égard d'un employeur en cas de faute inexcusable est indissociable de la faculté de l'employeur de contester le caractère professionnel de l'accident, et qu'en l'espèce un tel caractère est définitivement acquis en ce qui concerne Mme Marie-Andrée E... veuve X..., M. Gaëtan X... et Mme Vanessa X....

Toutefois il convient de constater que l'appel diligenté par la Caisse ne concerne que ses rapports avec la société d'intérim, en sa qualité d'employeur du salarié décédé, et indirectement la société utilisatrice en ce qu'elle peut être l'objet d'une action en garantie de la part de l'employeur.

L'indépendance des rapports entre d'une part la Caisse et le salarié, et d'autre part la Caisse et l'employeur a pour conséquence qu'une décision définitive reconnaissant le caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident entre une Caisse et un salarié ne fait pas obstacle à la contestation par l'employeur d'un tel caractère dans ses rapports avec la Caisse, étant observé qu'en l'espèce l'inopposabilité de la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle résulte d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 20 décembre 2012.

Il y a donc lieu de dire que l'action récursoire de la caisse doit s'exercer à l'égard de l'ensemble des sommes versées aux ayants droits de M. Albert X....

De l'action en garantie exercée par la société LEADER INTERIM 5902 à l'égard de la société PUBLIDISPATCH

II résulte de la combinaison des articles L 451-1,L 452-2,L 452-3 et L 452-4 du code de la sécurité sociale que la victime ne peut agir en reconnaissance de faute inexcusable que contre l'employeur, quel que soit l'auteur de la faute, et que le versement des indemnités est à la charge exclusive de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie laquelle n'a de recours que contre la personne qui a la qualité d'employeur.

Selon l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale, pour l'application des articles L452-1 à L 452-4 aux salariés liés par un contrat de travail temporaire, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens des dits articles, à l'employeur. Cedernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable.

En l'espèce il convient de constater qu'aucun manquement à ses obligations ayant pu participer à l'existence d'une faute inexcusable ne peut être imputé à la société LEADER INTERIM 5902, de sorte qu'il convient de faire droit à sa demande en garantie formulée à l'égard de la société PUBLIDISPATCH en sa qualité d'entreprise utilisatrice, étant observé que cette dernière n'a pas contesté l'absence de faute imputable à la société d'intérim.

De l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner la société PUBLIDISPATCH à payer à la sociétéLEADER INTERIM 5902 la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et d'infirmer le jugemententrepris en ce qu'il a condamné la caisse primaire d'assurance-maladie de Roubaix-Tourcoing sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

Déboute la société LEADER INTERIM 5902 de sa demande tendant à dire l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance-maladie de Roubaix-Tourcoing irrecevable,

Déboute les sociétés PUBLIDISPATCH et GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE de leur demande tendant à dire l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance-maladie de Roubaix-Tourcoing irrecevable,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Nicolas X... et MmeNadègeX... de leur demande en dommages et intérêts, en ce qu'il a rejeté l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance-maladie de Roubaix-Tourcoing à l'égard de la société LEADER INTERIM, et en ce qu'il a condamné la caisse primaire d'assurance-maladie de Roubaix-Tourcoing à payer la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau, et ajoutant au jugement entrepris,

Fixe le préjudice personnel de M. Nicolas X... à la somme de 17000 euros,

Fixe le préjudice personnel de Mme Nadège X... à la somme de 17000 euros,

Dit que la caisse primaire d'assurance-maladie de Roubaix-Tourcoing devra faire l'avance de ces sommes qui porteront intérêts à compter du présent jugement,

Condamne la société LEADER INTERIM 5902à rembourser à la caisse primaired'assurance-maladie de Roubaix-Tourcoing les sommes dont elle doit fairel'avance au profit de Mme Marie-Andrée E... veuve X..., M. Gaëtan X..., Mme Vanessa X..., Mme Nadège X..., et M. Nicolas X... au titre des conséquences financières découlant de la reconnaissance d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident subi par M. Albert X...,

Condamne la société PUBLIDISPATCH à garantir la société LEADER INTERIM 5902 de l'ensemble des sommes qu'elle devra rembourser à la caisse primaire d'assurance-maladie de Roubaix-Tourcoing au titre des conséquences financières découlantdelareconnaissance d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident subi par M. Albert X...,

Déclare le présent arrêt commun à la société GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE et à la société ALLIANZ IARD-ALLIANZ EUROCOURTAGE,

Condamne la société PUBLIDISPATCH à payer à la société LEADER INTERIM 5902 la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que par application de l'article R-144-10 du code de la sécurité sociale la procédure est gratuite et sans frais et qu'il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens

Le Greffier, Le Président,

V. GAMEZ D. C...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 2
Numéro d'arrêt : 15/02854
Date de la décision : 31/05/2018

Références :

Cour d'appel de Douai B2, arrêt n°15/02854 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-31;15.02854 ?
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