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20/04/2018 | FRANCE | N°17/02671

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 3, 20 avril 2018, 17/02671


ARRÊT DU

20 Avril 2018







N° 146/18



RG 17/02671



AA/SST

































JUGT

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE

EN DATE DU

20 Juillet 2017





































NOTIFICATION



à parties



le



Copies

avocats



le 20/04/18



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Sécurité Sociale-





APPELANTES :



CPAM ROUBAIX-TOURCOING

[...]

[...]

Représentée par M. Nicolas X..., agent de la caisse régulièrement mandaté

SA SEDEV

[...]

Représentée par Me Y..., avocat au barreau de Lille



INTIMÉE :



Mme Irène Z...

[....

ARRÊT DU

20 Avril 2018

N° 146/18

RG 17/02671

AA/SST

JUGT

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE

EN DATE DU

20 Juillet 2017

NOTIFICATION

à parties

le

Copies avocats

le 20/04/18

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Sécurité Sociale-

APPELANTES :

CPAM ROUBAIX-TOURCOING

[...]

[...]

Représentée par M. Nicolas X..., agent de la caisse régulièrement mandaté

SA SEDEV

[...]

Représentée par Me Y..., avocat au barreau de Lille

INTIMÉE :

Mme Irène Z...

[...]

Représentée par Me Christine F..., avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 22 Février 2018

Tenue par Agathe ALIAMUS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DUTHOIT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre A...

: CONSEILLER DÉSIGNÉ POUR EXERCER LES FONCTIONS DE PRÉSIDENT

Michèle B...

: CONSEILLER

Agathe ALIAMUS

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

Prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 Avril 2018,les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre A..., Conseiller désigné pour exercer les fonctions de Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 26 janvier 2015, Madame Irène Z..., salariée de la société SEDEV, en qualité de directrice de magasin de prêt-à-porter depuis janvier 1985, a été convoquée à un entretien préalable à une mesure disciplinaire.

Un arrêt de travail pour maladie a été prescrit le jour même, postérieurement à cet entretien, précisant au titre des éléments médicaux ' syndrome dépressif réactionnel au travail'.

Un certificat médical initial a été rédigé également daté du 26 janvier 2015, portant la mention rectificatif et faisant état d'un syndrome dépressif réactionnel au travail.

La société SEDEV a régularisé une déclaration d'accident du travail le 20 mars 2015 dans les termes suivants :

' Mme Z... a été reçue par ses supérieurs pour un entretien préalable à sanction. Elle dit que ce moment a été difficile à vivre. Elle s'est donc rendue chez son médecin.'

Un refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle a été notifié après enquête administrative le 10 juillet 2015.

La commission de recours amiable a été saisie le 04 septembre 2015.

Une décision de rejet a été rendue le 20 octobre suivant.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale de LILLE a été saisi le 10 décembre 2015.

Par jugement du 20 juillet 2017, notifié le 31 juillet suivant, le tribunal a :

- dit la demande de Madame Z... recevable,

- dit l'intervention volontaire de la société SEDEF irrecevable,

- annulé la décision de la commission de recours amiable du 20 octobre 2015,

- dit que l'accident du 26 janvier 2015 est un accident du travail au sens de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale,

- renvoyé Madame Z... devant la caisse primaire d'assurance maladie de ROUBAIX-TOURCOING pour la liquidation de ses droits,

- débouté Madame Z... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Appel a été formé par la caisse primaire d'assurance maladie de ROUBAIX-TOURCOING le 03 août 2017, enregistrée sous le n° 17 / 02671, et par la société SEDEV le 23 août suivant, enregistrée sous le n° 17 / 02822.

Les deux affaires ont été appelées à l'audience du 22 février 2018.

En cette circonstance, par conclusions récapitulatives datées du 08 février 2018, visées et soutenues à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de ROUBAIX-TOURCOING demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale de LILLE en date du 20 juillet 2017,

- confirmer le refus de prise en charge de l'accident déclaré par Madame Z... en date du 26 janvier 2015 au titre de la législation sur les risques professionnels,

- débouter Madame Z... de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la caisse primaire d'assurance maladie rappelle les dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale ainsi que la preuve préalable incombant au salarié quant à l'effectivité d'un fait accidentel défini par la jurisprudence comme un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle. Elle précise que cette preuve doit reposer sur des éléments objectifs venant conforter ses allégations du salarié qui ne peuvent suffire en elles-mêmes. Elle ajoute que le critère de soudaineté de l'événement distingue l'accident de la maladie et que concernant la lésion psychique, l'assuré doit démontrer qu'un fait anormal, qui est habituellement un fait brutal, imprévisible, exceptionnel ou encore en rupture avec le cours habituel des choses, est à l'origine du traumatisme.

La caisse primaire d'assurance maladie soutient, en l'espèce, qu'il n'y a ni fait accidentel ni événement soudain, Irène Z... faisant elle-même état d'un mal-être au travail pré-existant depuis 2014. Elle ajoute que l'expression de reproches professionnels et le ressentiment en résultant ne sauraient caractériser un syndrome dépressif réactionnel constitutif d'un accident du travail. Elle précise également que l'entretien ne constituait pas un événement imprévisible pour la salariée qui en connaissait l'objet, que cet entretien s'est déroulé dans le respect de ses droits et que les témoins excluent tout fait accidentel. Elle conclut à l'absence de tout fait anormal et soudain et évoque une situation de souffrance au travail provenant de plusieurs facteurs professionnels : harcèlement sur un réseau social, mutation de son adjointe, relation conflictuelle avec la remplaçante, convocation pour un entretien à une mesure disciplinaire sans cependant que l'on puisse déterminer un fait générateur susceptible de caractériser un accident du travail ni que cet entretien constitue, à cet égard, un fait anormal dans le cadre du travail.

Pour sa part, par conclusions remises, visées et soutenues à l'audience, la société SEDEV demande à la Cour de :

- acter l'intervention volontaire de la société SEDEV au soutien de la CPAM,

- infirmer la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale de LILLE du 20 juillet 2017 en toutes ses dispositions,

- confirmer la décision de la CPAM du 10 juillet 2015 de refuser la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'accident du travail déclaré par Madame Z....

Au soutien de ses demandes, la société SEDEV rappelle tout d'abord les termes de l'article 330 du code de procédure civile et explique que son intervention volontaire est justifiée par une procédure prud'homale en cours concernant la rupture du contrat de travail d'Irène Z... intervenue pour inaptitude le 11 avril 2016. Elle précise que la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident déclaré permettrait à la salariée de revendiquer notamment le bénéfice d'une indemnité spéciale de licenciement et le doublement de son préavis de sorte qu'il existe un intérêt pour la société d'intervenir dans le présente procédure en préservation de ses droits.

Au fond, la société SEDEV s'associe aux moyens développés par la caisse primaire d'assurance maladie quant à l'absence de caractère professionnel de l'accident déclaré. Elle conteste, à cet égard, tout fait accidentel lors de l'entretien préalable à mesure disciplinaire du 26 janvier 2015 ainsi que toute dégradation antérieure des conditions de travail du fait de l'employeur.

Par conclusions transmises par voie électronique le 08 février 2018, visées et soutenues oralement, Irène Z... demande, pour sa part, à la Cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a dit que l'accident du 26 janvier 2015 dont elle a été victime est un accident du travail et doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels,

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de ROUBAIX-TOURCOING de ses demandes,

- débouter la société SEDEV de ses demandes,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de ROUBAIX-TOURCOING à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens.

Irène Z... fait tout d'abord valoir que l'employeur n'a pas d'intérêt personnel à agir puisque le refus de prise en charge de l'accident lui reste acquis.

Sur le fond, elle soutient qu'aucun texte n'exige, pour la reconnaissance d'un accident du travail, que celui-ci résulte d'une action violente et soudaine d'une cause extérieure. Elle rappelle, à son tour, l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale et fait valoir que si un accident du travail implique la survenance d'une lésion, celle-ci peut être caractérisée par des troubles psychologiques indépendamment de toute lésion corporelle notamment si ces troubles psychologiques sont apparus brutalement suite à un incident d'ordre professionnel.

Elle explique, à cet égard, que dans le cadre de l'entretien du 26 janvier 2015, elle a subi un flot incessant de critiques et d'humiliations et s'est totalement effondrée. Elle soutient que la survenance d'un fait anormal n'est nullement nécessaire et qu'il suffit qu'une dégradation soudaine de son état de santé soit survenue au temps et au lieu du travail. Elle rappelle avoir été accablée, en pleurs et en profonde souffrance et relève que les témoins qui s'appliquent à minimiser les faits n'en rapportent pas moins le choc émotionnel qu'elle a ressenti au cours de l'entretien. Elle conclut, en conséquence, que la matérialité de l'accident est parfaitement établie.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les parties ayant interjeté appel du même jugement rendu le 20 juillet 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de LILLE, il convient d'ordonner la jonction des deux recours sous le numéro le plus ancien par application de l'article 367 du code de procédure civile.

Sur l'intervention volontaire de la société SEDEV

Aux termes de l'article 330 du code de procédure civile, l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

L'article 325 du code de procédure civile précise que l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties avec un lien suffisant.

En l'espèce, une procédure prud'homale est en cours qui a donné lieu à un jugement rendu par le 22 janvier 2018 dont la société SEDEV a interjeté appel.

S'agissant notamment de la rupture du contrat de travail intervenue pour inaptitude, la société SEDEV justifie d'un intérêt à intervenir dans la présente procédure.

Elle est, en conséquence, recevable en son intervention volontaire.

Sur la reconnaissance de l'accident du travail

En application de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, constitue un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail.

Il résulte de ce texte que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.

Si un événement soudain imputable au travail déclenche l'apparition brutale de troubles psychiques, la qualification d'accident du travail peut être retenue.

En l'espèce, Irène Z... a été convoquée par la société SEDEV le 26 janvier 2015 pour un entretien préalable à une mesure disciplinaire qui s'est tenu en présence de Sylvain C..., responsable régional, de Géraldine D..., directrice commerciale, et d'Anne-Sophie E..., membre du comité d'entreprise assistant la salariée.

Ces personnes, entendues dans le cadre de l'enquête administrative menée par la caisse primaire, contestent la survenance d'un accident du travail en relevant que l'entretien s'est déroulé dans le respect des droits de la salariée, informée de son objet et assistée. Il est confirmé qu'Irène Z... a pleuré, qu'à cette occasion, Sylvain C... a quitté la salle mais que la salariée a pu faire valoir son point de vue et n'a pas exprimé de souffrance ou de problème de santé.

Il résulte cependant du compte-rendu établi par Anne-Sophie E... que cet entretien a donné lieu à de nombreuses remarques de l'employeur tant sur l'investissement personnel d'Irène Z... que sur ses fonctions d'encadrement et qu'au moment de prendre la parole, celle-ci était 'très accablée et en pleurs'.

Il est ainsi précisé que ' vu l'état de madame Z... complètement effondrée, monsieur C... décide de sortir de la pièce afin de (la) laisser avec madame D....

Madame D... rejoint Sylvain et réconforte madame Z... en expliquant que le plus important vu son état est d'aller très rapidement voir un médecin et prendre un peu de repos car elle la sent dans l'incapacité de réintégrer le magasin dans cet état (...).'

Un certificat médical a été établi le jour même, postérieurement à cet entretien, constatant un syndrome dépressif réactionnel au travail.

Si le médecin rédacteur, comme le relève la société SEDEV, ne dispose pas d'éléments relatifs aux conditions de travail autres que les déclarations de la salariée, il n'en demeure pas moins qu'il constate médicalement la survenance d'un syndrome dépressif réactionnel et prescrit un arrêt de travail.

Il convient d'observer à cet égard qu'Irène Z... indique sans être utilement contredite qu'elle n'a pas été en arrêt de travail antérieurement et ce en dépit de la dégradation des relations de travail dont les parties font état.

Pour sa part, Irène Z... relate l'entretien en précisant que celui-ci a duré deux heures, ce qui est conforme à la densité du contenu repris dans le compte-rendu ci-dessus évoqué, qu'elle a été accablée de reproches après 30 ans d'ancienneté, que 'c'est au cours de cette réunion que son corps a lâché prise', qu'elle s'est 'effondrée pendant deux heures durant', que la directrice commerciale lui a demandé de prendre immédiatement rendez-vous avec son médecin traitant. Elle ajoute que son époux est venu la chercher et l'a conduite directement chez le médecin suite à un malaise et à un stress incontrôlable.

Il résulte de ces éléments et notamment du compte-rendu rédigé par la représentante du comité d'entreprise, qu'à l'occasion de l'entretien du 26 janvier 2015, est survenue une altération brutale de l'état de santé psychique d'Irène Z... manifestée sous forme de pleurs et d'un effondrement émotionnel qui a été perçu par son responsable qui a préféré quitter la pièce ainsi que par la directrice commerciale qui lui a conseillé de consulter son médecin immédiatement, son état donnant effectivement lieu le jour même à constatation médicale.

La preuve est donc rapportée de la matérialité d'un événement générateur lié au travail et d'une lésion brutale manifestée immédiatement aux temps et lieu du travail.

Dans ces conditions, Irène Z... a été victime le 25 janvier 2015 d'un accident du travail.

Elle doit être renvoyée à la caisse primaire d'assurance maladie pour régularisation de ses droits.

Le jugement déféré doit, en conséquence, être confirmé à cet égard.

***

L'issue de la procédure conduit à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et à condamner la caisse primaire d'assurance maladie de ROUBAIX-TOURCOING à payer à Irène Z... la somme de 500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par mise à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des instances 17/02671 et 17/02822 sous le numéro le plus ancien,

Réforme le jugement en ce qu'il a dit l'intervention volontaire de la société SEDEF irrecevable,

Et statuant à nouveau à cet égard,

Déclare la SA SEDEV recevable en son intervention,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que l'accident du 26 janvier 2015 constitue un accident du travail et a renvoyé Irène Z... à la caisse primaire d'assurance maladie de ROUBAIX-TOURCOING pour la régularisation de ses droits,

y ajoutant,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de ROUBAIX-TOURCOING à payer à Irène Z... la somme de cinq cents euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le greffierle conseiller désigné pour exercer les fonctions de Président

N. BERLY P. A...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 3
Numéro d'arrêt : 17/02671
Date de la décision : 20/04/2018

Références :

Cour d'appel de Douai E3, arrêt n°17/02671 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-20;17.02671 ?
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