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20/04/2018 | FRANCE | N°16/04137

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 20 avril 2018, 16/04137


ARRÊT DU


20 Avril 2018











N° 962/18





RG 16/04137





SC/VD


















































JUGT


Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING


EN DATE DU


23 Février 2015



























































République Française


Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI


Chambre Sociale


- Prud'Hommes-














APPELANTE :





SA KEOLIS VENANT AUX DROITS DE LA SA TRANSPOLE


[...]





Représentant : Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD , avocat au barreau de LILLE








INTIMÉ :





M. Jean-Luc X...


[...]


Présent et assisté de Me Alexandre BAR...

ARRÊT DU

20 Avril 2018

N° 962/18

RG 16/04137

SC/VD

JUGT

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

EN DATE DU

23 Février 2015

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SA KEOLIS VENANT AUX DROITS DE LA SA TRANSPOLE

[...]

Représentant : Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD , avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ :

M. Jean-Luc X...

[...]

Présent et assisté de Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE

substitué par Me ARBI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie COLLIERE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Leila GOUTAS

: CONSEILLER

Caroline PACHTER-WALD

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Charlotte GERNEZ

DÉBATS : à l'audience publique du 01 Février 2018

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 Avril 2018,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sylvie COLLIERE, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NOTIFICATION

à parties

le 20/04/18

Copies avocats

le 20/04/18

EXPOSE DU LITIGE

M. Jean-Luc X... a été engagé à compter du 5 mars 1990 par la société Transport en Commun de la Communauté urbaine de Lille (TCC), le contrat de travail stipulant qu'à la suite de sa titularisation au terme d'une année de stage, il occuperait le poste de chef comptable coefficient 390 palier 21 de la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, avec une rémunération de 275 000 francs par an.

Par la suite, la société TCC est devenue la Sa Transpole puis Keolis Lille. Il s'agit d'une filiale du groupe Keolis, groupe privé du secteur des transports de voyageurs. La société Keolis Lille gère les transports urbains de la métropole lilloise dans le cadre d'une délégation de service public.

Le 28 décembre 2011, contestant le coefficient 390 qui lui a été attribué depuis son embauche M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Tourcoing en paiement de rappel de salaire et dommages et intérêts.

Par jugement en date du 23 février 2015, le conseil de prud'hommes de Tourcoing a :

- dit que les fonctions et responsabilités de M. X... relèvent du coefficient 530 palier 23 prévu par la grille de classification de la convention collective nationale sous le titre 'chef de service comptable';

- dit que l'attribution du coefficient 530 s'applique à compter de la titularisation dans son poste;

- condamné la SA Transpole à verser à M. X... un rappel de salaire sur la base du coefficient 530 palier 23 pendant la période non prescrite soit les sommes de :

* 151 644,44 euros à titre de rappel de salaire ;

* 15 164,44 euros au titre des congés payés ;

avec intérêts au taux légal, à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit le 30 décembre 2011;

- condamné la SA Transpole à verser à M. X... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception expédiée le 19 mars 2015, la société Keolis Lille ayant pour nom commercial Transpole a interjeté appel de cette décision.

Par voie de conclusions déposées le 19 janvier 2018 et soutenues à l'audience, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter M. X... de toutes ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la situation de M. X... au sein de la société, elle expose en introduction qu'aucune conséquence ne saurait être tirée de :

- la première page d'une fiche de poste 'chef de service de la comptabilité' qui aurait été remise au salarié par le cabinet de recrutement Centor, s'agissant d'un fax daté de six mois avant son embauche ; de plus, il est établi que M. X... a postulé au poste de responsable comptable financier et non au poste de chef du service de la comptabilité;

- l'embauche de M. X... s'est faite à un salaire supérieur à celui résultant de la simple application du point 100 multipliée par le coefficient 530 ; en effet, à l'époque, pour s'adapter aux salaires à l'embauche sur le marché du travail, elle proposait des rémunérations déconnectées du point 100 de la convention collective et supérieures au niveau conventionnel prévu pour le niveau de poste.

Sur les règles de classification des emplois, elle fait valoir que :

- la classification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions effectivement exercées par ce dernier et le juge doit donner à la relation des parties leur exacte qualification au-delà du simple intitulé de poste ;

- il incombe au salarié demandeur d'apporter la preuve de ce que la nature et l'étendue de ses activités professionnelles correspondent à la qualification supérieure qu'il revendique;

- elle a fait appel à un expert judiciaire en comptabilité agréé près la cour d'appel de Douai, en outre ancien expert-comptable, en la personne de M. B... ; l'intimé ne saurait notamment se prévaloir de ce que cet expert ne l'a pas entendu alors qu'il a pris connaissance de ses écritures et de ses pièces.

Sur la classification des emplois opérée par la convention collective, elle soutient que:

- sur le classement et les critères pris en compte par la convention collective : le poste de 'chef comptable' n'est pas mentionné dans l'annexe III ; il est donc nécessaire, en application de l'article 3 de cette annexe, de l'assimiler à l'un des emplois énumérés ou de rechercher celui dont il se rapproche le plus ;

- sur la répartition du personnel des transports publics urbains (TPU) en différentes catégories:

* l'annexe III prévoit que le personnel est réparti en huit catégories correspondant à huit chapitres et au sein de chaque catégorie par groupe;

* M. X... relève du chapitre VIII personnel des ingénieurs et cadres et de la position 62 'ingénieur ou cadre adjoint' ;

- sur la hiérarchie du personnel des cadres au sein de la convention collective et l'organigramme de l'entreprise :

* la convention collective prévoit que l'entreprise se devise en services qui eux-mêmes sont composés de départements d'activité ;

* s'agissant de l'organigramme de l'entreprise, il convient de relever que, si les intitulés ne correspondent pas à ceux évoqués dans la convention collective, il est néanmoins établi une hiérarchie selon le poste occupé qui est transposable avec l'organisation prévue par la convention collective ; ainsi le secrétariat correspondant à un service au sens de la convention collective, divisé en unités parfois subdivisées en pôles ;

* le conseil de prud'hommes a jugé que le secrétariat général ne pouvait recevoir la qualification de service conventionnel puisqu'il recouvrait plusieurs domaines de compétence alors que les services définis conventionnellement ont des domaines bien spécifiques (contentieux, comptabilité ...) ; cet argument ne peut qu'être invalidé ; en effet rien n'interdit à une entreprise de regrouper ce qui pourrait éventuellement être qualifié de services au sens conventionnel en un seul et sous une même tête responsable elle-même chef de service dès lors que cela correspondrait bien au niveau requis de responsabilité ou inversement de ne pas donner aux services conventionnellement définis l'étendue ou les responsabilités prévues conventionnellement, auquel cas ils ne recevront pas la qualification de services conventionnels, puisque les conditions prévenus par la convention collective ne sont pas remplies ;

* le service 'secrétariat général' qui n'existe pas conventionnellement est ainsi divisé en six unités ou départements au nombre desquels la comptabilité, lesquels n'existent pas non plus conventionnellement comme services à part entière ;

* l'unité comptabilité au sein Keolis Lille est elle-même divisée en quatre pôles (comptabilité générale et analytique, recettes, immobilisations, audit)

* cet organigramme permet d'établir que M. X... est placé sous le contrôle de M. N..., sécrétaire général ;

* M. N... jusqu'en 2014 puis M. M... par la suite font office

de chef de la comptabilité.

Sur l'absence du poste repère 'chef comptable' dans la convention collective, elle affirme notamment que :

- M. X..., sous le simple prétexte que l'intitulé de son poste ressemblerait à celui de 'chef du service comptabilité' entend obtenir le coefficient 530 et prétend que les dispositions de l'article 3 susvisé n'auraient vocation à être appliquées qu'à des emplois qui n'existeraient pas dans la grille, et non à des emplois dont l'intitulé a été modifié ;

- or le poste de 'chef comptable' n'étant pas repris dans les postes repères de la convention collective, il faut comparer ce poste à celui qui s'en rapproche le plus ;

- par ailleurs, la convention collective nationale des TPU distingue bien le chef du service du personnel et le chef du personnel ou encore le chef du service du contentieux et le chef du contentieux ;

- le fait que le poste de chef comptable n'existe pas à côté du poste de chef du service de la comptabilité, alors que le poste de chef du contentieux existe mais également celui du chef du service du contentieux ne peut en aucune façon venir soutenir l'argument selon lequel le chef comptable serait automatiquement de ce fait le chef du service de la comptabilité; M. X... ne peut prétendre bénéficier directement du coefficient 530 sans étude préalable des définitions de fonctions de ce coefficient .

- or, le salarié est mal fondé à réclamer l'application du coefficient 530 : en effet :

* l'emploi de 'chef du service de la comptabilité' s'il existe est déjà occupé : il résulte de ce qui précède que la comptabilité est un département dont le chef était le secrétaire général et depuis son départ à la retraite le directeur contractuel et financier ; les 'services' de la convention collective sont les 'directions' (huit) au sein de la société ;

la comptabilité compte 22 personnes sur un effectif de 2 685 personnes et ne représente pas un enjeu fondamental en tant que telle, au regard de la répartition des responsabilités comptables entre le département comptable de Keolis Lille et le service des comptabilités du groupe, qui est décisionnaire sur toutes les grandes orientations comptables et financières de la société ;

* le poste de 'chef du service de la comptabilité' décrit par la convention collective ne correspond pas aux fonctions exercées par l'intimé :

1) sur la mise en oeuvre '(de) connaissances théoriques et (d')une expérience s'étendant à tous les domaines d'activité de son département': la question de l'obtention ou pas du diplôme est importante dans l'appréciation de l'attribution du coefficient 530 ; or, l'intimé n'a pas le niveau I ni II de l'éducation nationale ; M. X... ne peut prétendre en outre mettre en oeuvre une expérience s'étendant à tous les domaines d'activité de son département : il n'a aucune expérience dans le secteur de l'audit interneconfié à M. C... ; quant au domaine d'activité 'immobilisations', les règles sont définies dans le contrat de délégation de service public (DSP) et affinées en fonction des règles comptables et des règles groupe ; c'est le groupe qui détermine intégralement les règles à respecter donc l'intimé ne met pas en oeuvre d'expérience particulière dans le segment des immobilisations ;

2) sur l'existence d'une 'très large autonomie de jugement et d'initiative' :

s'agissant de la comptabilité générale, M. X... reçoit des directives précises et détaillées de la direction des comptabilités du groupe afin de tenir la comptabilité et de clore les comptes annuels ; les options de clôture sont décidées par le secrétaire général ; l'intimé est un exécutant des décisions prises par d'autres y compris en comptabilité pure ;

la détermination des éléments financiers ne pas relève pas non plus de la responsabilité de M. X... ;

s'agissant de la détermination du budget du département comptabilité, il ne formule que des propositions; il ne signe pas les chèques ni les virements, ni n'effectue la facturation de la société Brinks spécialisée dans les transports de fonds ; il ne dispose d'aucune délégation pour signer les principaux contrats (contrat Brinks par exemple) ; contrairement à ce qu'il soutient, M. X... n'est pas le principal interlocuteur des banques et en aucun cas ne décide des conditions bancaires, négociées au niveau du groupe ; les affirmations de M. X... selon lesquelles il contrôle, vise et valide l'ensemble des paiements bancaires ou en espèces sur présentation des justificatifs est inexacte : il se borne à vérifier que le code d'imputation d'une opération est exact ; seul le chef de service concerné par la facture valide le paiement ; de nombreuses pièces démontrent que les factures des entreprises tierces sont signées par M. N... en tant que responsable de service ; M. X... n'est pas le principal interlocuteur des commissaires aux comptes ; il n'est qu'un interlocuteur parmi d'autres, prend des rendez-vous et prévient les autres interlocuteurs ; les courriels de M. X... aux commissaires aux comptes sont co-signés par M. N... ; en matière de fiscalité les attributions de M. X... sont également limitées, cette activité étant strictement encadrée par la direction financière du groupe ;

M. X... ne dispose pas d'autonomie dans la gestion du personnel et la gestion du service : l'intégralité des décisions d'embauche doivent être validées par le secrétaire général et la DRH ; les primes et évolutions du personnel comptable sont décidées par le secrétaire général sur avis du chef comptable ; les prérogatives de M. X... sont réduites en matière disciplinaire ;

La participation de M. X... au Comité d'Information et d'Echanges (CIE) comme 65 autres cadres de l'entreprise ne présume en rien de son niveau réel de responsabilité ;

3) sur l'absence de commandement d'ingénieurs ou de cadres des positions précédentes dont il oriente ou contrôle des activités: aucun cadre relevant de la convention collective des transports publics urbains n'est placé sous la direction de M. X... ; l'unique cadre collaborant avec lui est M. C... qui relève de la convention collective des transports routiers et a été mis à disposition par le Groupe Keolis ; le prédécesseur de ce dernier, M. D..., n'a jamais eu le statut de cadre mais était haut technicien au coefficient 340; de plus, M. C... indique lui-même qu'il agit sur plus de 75% de son temps sans aucune directive de la part de M. X... ;

- M. X... ne peut davantage voir assimiler le statut de 'chef comptable' à celui de cadre relevant du coefficient 430 de la convention collective (63 a) :

* pour que le salarié soit considéré comme cadre position 63, il doit mettre en oeuvre 'des connaissances équivalentes à celles sanctionnés par un diplôme' et 'des connaissances fondamentales complétées par

une expérience étendue dans un domaine d'activités ' ; ces deux conditions sont cumulatives ;

* de plus le cadre position 63 est situé à un niveau intermédiaire entre le cadre adjoint et le cadre chef de service administratif ou, à défaut le cadre supérieur ; or, M. X... ne se situe pas au dessus des autres cadres adjoints puisqu'il dépend de M. N..., au même titre que les personnes en charge du contrôle de gestion, des contrats, de l'informatique, du secrétariat, du juridique et de l'assurance ;

* sur la notion de 'large autonomie de jugement et d'initiative' : il résulte d'autres conventions collectives qui définissent l'emploi de chef comptable que si celui-ci peut disposer dans une certaine mesure d'une autonomie de jugement, elle demeure limitée et ne saurait être considérée comme large ;

- le coefficient 390 qui a été accordé au salarié est exact :

* il réalise effectivement les missions de cadre adjoint de service administratif ;

* il est 'affecté à un poste de commandement en vue d'aider le titulaire' au sens de la définition de la convention collective : il ne dirige pas un service et n'a pas de commandement sur un ou plusieurs cadres des positions précédentes ou cadres adjoints puisque c'est M. N... qui l'exerce en sa qualité de secrétaire général ; le titulaire des responsabilités en matière comptable est M. N... ;

* il exerce des responsabilités définies par délégation du supérieur hiérarchique : la délégation peut être implicite, et ne doit pas nécessairement résulter d'un écrit ; il est évident que les rédacteurs de la classification conventionnelle n'ont pas entendu imposer une délégation écrite de pouvoirs ; M. N... assume certaines fonctions qu'il a, pour des raisons de bonne gestion de l'entreprise, délégué à M. X..., sans pour autant lui transférer la responsabilité des actes accomplis ; sur d'autres, M. X... en assume la responsabilité ; elle verse aux débats les délégations de pouvoir données à M. N... entre 1993 et 2012 relative à la gestion financière et fiscale; il est également responsable selon ces documents de l'enregistrement de toutes valeurs et de toutes pièces et informations relatives à la comptabilité ; il est prévu qu'il peut établir des subdélégations mais celles-ci doivent préciser leur étendue, la nature et la durée des pouvoirs subdélégués ; or, il n'y a jamais procédé à l'égard de M. X... ; ces pièces et les preuves que M. N... est signataires des comptes annuels démontrent qu'il est le responsable de la comptabilité.

Par voie de conclusions déposées le 31 janvier 2018 et soutenues à l'audience, M. X... demande à la cour de :

A titre principal,

- ordonner à la SA Keolis Lille venant aux droits de la SA Transpole de le positionner depuis son embauche au coefficient 530 palier 23 de l'annexe III de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs correspondant aux fonctions de chef comptable qu'il occupe ;

- condamner la SA Keolis Lille à lui verser la somme de 266 032,10 euros (à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir) à titre de rappels de salaire, outre celle de 26 603,20 euros au titre des congés payés afférents ;

- condamner la S.A. Keolis Lille à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

A titre subsidiaire :

- ordonner à la SA Keolis Lille de le positionner depuis son embauche au coefficient 430 palier 22 de l'annexe III de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs correspondant aux fonctions de chef comptable qu'il occupe ;

- condamner la SA Keolis Lille à lui verser la somme de 59 454,30 euros à parfaire à titre de rappels de salaire, outre celle de 5 945,40 euros au titre des congés payés afférents ;

- condamner la SA Keolis Lille à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause :

- condamner la SA Keolis Lille à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il expose à titre introductif que :

- dans le cadre de son recrutement, le secrétaire général de l'époque avait remis au cabinet de recrutement Centor une fiche de poste correspondant au poste de chef du service de la comptabilité qui la lui avait remise ; son recrutement s'est donc bien effectué sur un poste de chef du service de la comptabilité ;

- le niveau de rémunération auquel il a été engagé (275 000 francs) supérieur à celui correspondant au coefficient 530 dont relève le poste de chef du service de la comptabilité, montre bien qu'il avait été embauché pour assumer ces dernières fonctions et non pour occuper un poste de chef comptable de niveau largement inférieur.

Sur l'obligation pour la société de lui appliquer la grille de classification de la branche, il rappelle que :

- en application de l'article L. 2254-1 du code du travail, l'employeur est tenu de respecter la grille de classification prévue par la convention collective, en attribuant au salarié le coefficient conventionnel prévu pour les fonctions pour lesquelles il est embauché ;

- la société Keolis sait donc que la classification applicable est celle fixée par l'annexe III de la convention collective mais elle fait une application erronée des dispositions conventionnelles en ce qu'elle refuse de se référer à la grille de classement des emplois définis prévue en annexe 1 du protocole d'accord du 30 janvier 1975 portant définition et classement hiérarchique des emplois, prétendant que son emploi de 'chef comptable' ne correspond pas à celui de 'chef du service de la comptabilité' figurant dans cette liste; elle soutient qu'il doit être fait application des dispositions de l'article 3 de l'annexe III, argumentation qui ne pourra être retenue ; en réalité le poste de 'chef comptable' qu'il occupe et au titre duquel il est à la tête du service de la comptabilité de la société, correspond effectivement à l'emploi de chef du service de la comptabilité figurant dans la grille de classement hiérarchique conventionnelle ;

- l'article 3 précité est destiné à s'appliquer à des emplois n'existant pas dans la grille, et non à des emplois dont l'intitulé a été modifié ; en tout état de cause, même si l'on fait application de l'article 3, son emploi doit être classé comme celui de chef du service de la comptabilité, parce qu'il exige les mêmes connaissances générales et professionnelles, qualification, requiert les mêmes aptitudes physiques, comporte les mêmes sujétions et responsabilités et demande le même rendement ;

- subsidiairement, si par extraordinaire, la cour jugeait qu'il n'occupe pas l'emploi de chef du service de la comptabilité, tel que défini par la convention collective, elle devra le classer sur l'emploi de sous-chef de la comptabilité et non sur celui de cadre adjoint de service administratif.

Sur l'exercice des fonctions et des responsabilités correspondant à l'emploi conventionnel de chef de service de la comptabilité, il fait valoir en substance que :

- la catégorie des ingénieurs et cadres confirmés à laquelle il appartient, sans discussion sur ce point, distingue les niveaux suivants :

* l'ingénieur adjoint ou cadre adjoint,

* l'ingénieur ou cadre,

* l'ingénieur chef de groupe, ou cadre chef de service administratif;

- il est cadre, chef de service administratif -chef du service de la comptabilité : l'analyse de la relation contractuelle, de ses fonctions et responsabilités, de sa place dans la hiérarchie de l'entreprise le démontrent ; il remplit l'ensemble des critères fixés par la classification conventionnelle alors même qu'ils sont pour certains alternatifs :

* il est chef d'un service administratif :

il ressort notamment des organigrammes qu'il dirige un service administratif en l'occurrence le service de la comptabilité ;

au moment de son embauche, ses cartes de visite le désignaient comme 'chef du service comptabilité' ;

sa place dans la hiérarchie est une preuve supplémentaire : jusqu'en 2014, il avait pour supérieur hiérarchique le secrétaire général, M. N... et depuis cette date, le directeur contractuel et financier, M. M... a remplacé M. N... au poste de secrétaire général, habilement rebaptisé ; le poste de secrétaire général qui figure dans la classification conventionnelle relève de la catégorie des cadres supérieurs; lui-même est donc bien à la tête du service en charge de la comptabilité; ses comptes rendus d'entretien d'évaluation le désignent comme 'responsable du service comptable' ce qui démontre qu'il est bien à la tête d'un service ; le 14 novembre 1995, le directeur général l'a désigné pour participer à des réunions mensuelles appelées aujourd'hui comités d'information et d'échanges ; il verse au débat des mails prouvant son statut de chef de service ; il est par ailleurs le correspondant de la direction financière du groupe et de la direction financière de la Communauté Urbaine de Lille en sa qualité d'autorité organisatrice, qualités mentionnés sur ses compte-rendus d'entretien annuels ;

l'argumentation de la société Keolis sur le fait qu'il n'existerait pas de service de la comptabilité ou que s'il en existe un, son chef serait le secrétaire général est opportuniste et erronée ; le service au sens de la classification conventionnelle des TPU est une entité qui a un champ d'activité bien défini, circonscrit à un domaine, ce que n'est pas le secrétariat général dont le champ d'activité, d'actions et de responsabilités est beaucoup plus large, ce qui a été retenu à juste titre par le conseil de prud'hommes ; chez Keolis Lille, le terme service n'a d'ailleurs jamais été utilisé pour désigner le secrétariat général qui, de manière générale, est désigné sous le vocable de direction qui renvoie à une division plus grande et importante que le service ; le lien hiérarchique qui existe entre M. N... et lui ne suffit pas à faire du premier le chef de service de la comptabilité ;

* il met en oeuvre des connaissances théoriques et une expérience s'étendant à tous les domaines d'activité de son département :

les partenaires sociaux ont entendu ne pas conditionner l'accès à ce niveau de classification à l'obtention d'un diplôme, ni même à une validation des acquis de l'expérience, cette analyse étant confirmée par les dispositions introductives du groupe 6 du chapitre VIII 'personnel des ingénieurs et cadres' ; dès lors, le fait qu'il ait validé deux des trois certificats du DECS, à savoir le certificat d'études juridiques et le certificat d'études comptables, n'est pas de nature à le priver de la

possibilité d'accéder au niveau conventionnel de cadre chef de service administratif ;

contrairement à ce qu'allègue Keolis Lille, il met en 'uvre ses connaissances théoriques et son expérience dans tous les domaines de son département, puisqu'il oriente, contrôle et accompagne le travail de l'ensemble de ses collaborateurs ; s'agissant en particulier du domaine de l'audit, il verse aux débats des échanges de mails avec Antoine C... , responsable de l'audit interne, placé sous sa responsabilité démontrant son intervention dans ce domaine ; le domaine des immobilisations relève de son service comme cela ressort notamment de ses entretiens individuels d'évaluation ;

* il assume des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative dans son domaine de compétences :

à son poste, il assume l'animation, la direction et la responsabilité de quatre services (audit comptable, immobilisations, comptabilité SA et comptabilité recettes) ;

il a notamment la responsabilité de la comptabilité générale ; dès lors que Keolis Lille fait partie d'un groupe, il est logique qu'il ne gère pas la comptabilité de la société de façon totalement indépendante et séparée de la comptabilité du groupe ; la mise en oeuvre des directives ponctuelles données par le groupe n'exclut pas l'exercice de responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative ;

la gestion administrative et la comptabilisation des biens de reprise sont des missions qui relèvent de son service de même que la gestion administrative des biens de retour, la gestion des sorties de biens du patrimoine et la proposition d'un plan de réforme à l'autorité organisatrice, la gestion des transferts de biens d'un site à un autre et la tenue de la comptabilité budgétaire ; il en a la responsabilité ;

il est par ailleurs le principal interlocuteur des banques ; les personnes citées par Keolis Lille comme ayant des échanges réguliers avec les banques sont placées sous sa responsabilité ; il contrôle, vise et valide l'ensemble des paiements bancaires ou en espèces, sur présentation des justificatifs, à l'exception depuis 2000 des contrôles liés à la paie et ne se borne pas à vérifier que le code d'imputation d'une opération est correct et que cela a bien été visé par le chef du service de l'émetteur ; de plus, la lecture de la procédure de contrôle et de règlement des factures montre que M. N... ne signe pas les factures en qualité de responsable du service comptable ; s'il ne dispose pas de la signature bancaire, c'est parce que les procédures mises en oeuvre au sein de la société et du groupe reposent sur un principe de séparation des tâches en la matière pour éviter toutes fraudes ;

il vise également les factures de la Brink's pour paiement après vérification par le bureau comptabilité recettes de Mme E..., placée sous sa responsabilité jusqu'en 2014 ;

il est le principal interlocuteur des commissaires aux comptes lors de leur intervention pour le contrôle des comptes et, à supposer que le secrétaire général soit le responsable des comptes, ce qui n'est confirmé par aucune pièce objective, cela ne signifie pas que lui-même ne dispose pas d'une très large autonomie de jugement et d'initiative dans ses échanges avec les commissaires aux comptes, autonomie qui ressort des pièces qu'il produit ;

il est le correspondant de la Brink's ; en particulier, il avait mis en place en 2003 tout le dispositif de sécurisation des transports de fonds ;

il verse également aux débats les mandats qui lui ont été donnés par le président directeur général pour représenter la société Transpole et la société en participation lors des contrôles fiscaux menés par la direction des vérifications nationales et internationales ;

plus généralement les pièces produites montre l'importance des missions et responsabilités qui lui étaient confiées en matière fiscale ;

le fait que M. N... valide le budget qu'il élabore pour son service n'exclut pas le fait que ses fonctions comportent des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative, laquelle ne doit pas être amalgamée avec un large pouvoir de décision comme le fait Keolis Lille ;

dans le cadre de son entretien avec l'expert B..., M. N... reconnaît lui-même que des missions impliquant une large autonomie de jugement et d'initiative lui ont été confiées, telles que celle d'être le chef du projet de changement du logiciel comptable ;

* il a des responsabilités managériales et commande un ou plusieurs ingénieurs et cadres:

la convention collective des TPU définit encore le poste de cadre chef de service administratif comme un poste comportant 'le commandement sur un ou plusieurs ingénieurs ou cadres des positions précédentes dont il oriente ou contrôle les activités';

il s'agit d'un critère alternatif avec celui tenant à l'exercice de responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative ; ensuite la convention collective vise les ingénieurs et cadres des positions précédentes de sorte que l'employeur ne peut limiter cette catégorie aux cadres ayant un coefficient supérieur à celui des cadres adjoints, soit 390 ;

il manage une équipe de vingt personnes, des cadres, des techniciens, des agents de maîtrise, des employés comme le mentionne son entretien annuel d'évaluation de 2010;

parmi les quatre chefs de bureau sous sa responsabilité, M. C..., chef de bureau de l'audit comptable a le statut de cadre et le fait qu'il relève d'une autre convention collective ne change rien au fait qu'il est un cadre placé sous son commandement ; en outre, si Mme E... a le statut d'agent de maîtrise, la fiche de poste correspondant à ses fonctions indique qu'elles relèvent du statut cadre ;

il assume la responsabilité de la gestion du personnel avec une très large autonomie de jugement et d'initiative ; si M. N... signe les contrats de travail, il ne réalise aucun entretien au préalable avec le personnel ; il ne fait que valider les choix opérés par lui ; il réalise et participe aux études de fonction et cotation des membres de son service, contrôle le travail de ses collaborateurs et intervient dans le cadre des procédures disciplinaires les concernant dont il prend notamment l'initiative ;

- sur le caractère infondé de son classement comme cadre adjoint de service administratif :

* il n'est pas affecté à un poste de commandement en vue d'aider le titulaire, il exerce ses missions de chef du service de la comptabilité sous l'autorité hiérarchique de Monsieur N... ; leurs champs d'activité et de compétence sont différents ;

* il n'exerce pas ses fonctions sur délégation de M. N...; le lien hiérarchique qui existe entre ce dernier, secrétaire général et lui ne signifie pas que le second agit sur délégation du premier ; en tout état de cause si l'employeur souhaite soutenir le contraire, il lui appartient de

prouver la délégation en produisant notamment un acte de délégation; or, il n'apporte aucun élément ni aucune précision sur cette délégation qui n'existe pas.

- sur l'avis d'expert de M. B... :

* ce rapport est dépourvu de tout caractère contradictoire ; M. B... a été désigné unilatéralement par l'employeur, sans concertation ni information à son égard ; M. B... ne l'a pas entendu ni n'a pris contact avec son avocat ; bien qu'il indique que la société Keolis et son Conseil lui ont communiqué 'l'ensemble des pièces produites aux débats par les deux parties devant le conseil de prud'hommes', force est de constater qu'il ne précise pas la liste des pièces du salarié, ne cite aucune de ces pièces et n'en a annexé aucune à son rapport ;

* M. B... a établi son avis sur la base de témoignages émanant de quatre personnes salariées de la société Keolis Lille ou du groupe Keolis désignées unilatéralement par Keolis Lille, et alors que deux de ces personnes sont M. N... l'ancien secrétaire général de Keolis Lille et son remplaçant M. M... , directeur contractuel et financier ; les personnes entendues ne se sont pas exprimées spontanément et librement mais ont dû répondre à des questions manifestement rédigées par l'employeur ;

* M. B... a procédé à une analyse partisane, reprenant la thèse de l'employeur, des quelques pièces qu'il a utilisées.

- il a calculé ses rappels de salaire en respectant les règles de la prescription quinquennale, en prenant en compte la majoration due au titre de l'ancienneté et le fait qu'il bénéficiait d'un treizième mois ;

- son préjudice distinct du non paiement des salaires conventionnellement dus est né de la perte de pouvoir d'achat qu'il a entraîné et qui a créé pour lui un trouble dans ses conditions d'existence depuis plus de 26 ans.

Sur l'exercice de fonctions et de responsabilités correspondant à l'emploi conventionnel de sous-chef du service de la comptabilité, il soutient à titre subsidiaire que :

- il remplit l'ensemble des critères fixés par la définition conventionnelle de l'emploi alors même qu'ils sont pour certains alternatifs ;

- l'ensemble des pièces produites et des explications précédemment fournies l'établissent.

MOTIFS :

Sur la demande de rappels de salaire :

L'annexe III de la convention collective des transports urbains : 'définition et classement hiérarchique des emplois' résultant du protocole d'accord du 30 janvier 1975 prévoit en son annexe 1 les 'définitions et équivalences des emplois' et précise dans ses articles 2 et 3 que :

- article 2 : 'le classement hiérarchique des emplois définis à l'annexe 1 (de la présente annexe III) tient compte des connaissances générales et professionnelles ainsi que de la qualification exigée, des aptitudes physiques requises, des sujétions de l'emploi, du rendement obtenu et de la responsabilité.'

- article 3 : 'les emplois ne figurant pas dans l'annexe sont classés comme emplois définis auxquels ils peuvent être assimilés, ou dont ils se rapprochent le plus, compte tenu des critères d'appréciation qui sont énumérés à l'article 2 du présent protocole et sur lequel a été fondé le classement desdits emplois'.

Le chapitre VIII 'personnel des ingénieurs et cadres groupe 6 'de l'annexe 1 mentionne de manière liminaire que le niveau de connaissance de ce groupe correspond aux niveaux I et II de l'Education nationale, les diplômes correspondants pouvant être acquis par la voie des écoles hautement spécialisées ou par la voie universitaires, mais aussi que 'les ingénieurs et cadres ne justifiant pas des diplômes énumérés ci-dessus bénéficient des dispositions du présent classement d'après les fonctions effectivement remplies.'

Les ingénieurs et cadres sont répartis en trois catégories, les 'années de début' (position 61 cadre débutant) , les 'ingénieurs et cadres confirmés' et les 'cadres supérieurs', les parties s'accordant à dire que M. X... fait partie des cadres confirmés mais s'opposant sur la position repère à laquelle il y a lieu de le rattacher, cette position déterminant le coefficient.

Au sein de la catégorie des ingénieurs et cadres confirmés, la position 62 est la suivante:

'62 ingénieurs et cadres adjoints

Ingénieur ou cadre :

- qui est affecté à un poste de commandement en vue d'aider le titulaire ;

- ou qui exerce par délégation de son supérieur hiérarchique des responsabilités délimitées dans les domaines technique, d'exploitation, administratif ou de gestion.'

Au nombre des emplois en faisant partie figure le 'cadre adjoint de service administratif ', coefficient 390. La société Keolis soutenant que M. X... est cadre adjoint

La position 63 'ingénieur ou cadre' est ainsi définie :

'Ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en oeuvre non seulement des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances fondamentales complétées par une expérience étendue dans un département d'activité.

Ses responsabilités et ses fonctions sont généralement définies par son chef qui, dans certains réseaux, peut être le directeur de l'entreprise lui-même.

Sa place dans la hiérarchie le situe au-dessus des agents de maîtrise et des ingénieurs adjoints ou cadres adjoints placés éventuellement sous son autorité ou bien comporte, dans les domaines technique, d'exploitation, administratif ou de gestion, des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d'initiative.'

Au nombre des emplois relevant de cette position se trouve en 63c le 'sous-chef de la comptabilité' coefficient 430, M. X... entendant se voir positionner à ce coefficient à titre subsidiaire.

La position 64 'ingénieurs chefs de groupe ou cadres chef de service administratif' est ainsi définie :

'Ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en oeuvre des connaissances théoriques et une expérience s'étendant à tous les domaines d'activité de son département.

Sa place dans la hiérarchie lui donne le commandement sur un ou plusieurs ingénieurs ou cadres des positions précédentes dont il oriente ou contrôle les activités ou bien comporte, dans les domaines technique, d'exploitation, administratif ou de gestion, des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative.'

Figure dans cette position en 64d) le 'chef de service de la comptabilité' au coefficient 530 que M. X... entend se voir attribuer à titre principal.

En l'espèce, M. X... a été embauché à compter du 5 mars 1990 pour occuper après sa titularisation un poste de chef comptable. C'est cet emploi qui a toujours figuré sur ses bulletins de salaire et que le salarié lui-même indique sur ses courriels, peu important qu'un temps il ait figuré sur une carte de visite comme 'chef du service comptabilité', que ses entretiens annuels d'évaluation mentionnent un poste de 'responsable service comptable' ou même que sur la fiche de poste datée du 12 septembre 1989 qui lui aurait été fournie à l'époque de son embauche par le cabinet de recrutement, il soit mentionné 'chef du service de comptabilité et paie' puisque que ce n'est pas cet intitulé qui figure sur son contrat de travail et que ce contrat de travail qui est le seul document signé ne renvoie pas à cette fiche de poste.

Ainsi, M. X... occupe un emploi qui ne figure pas expressément dans l'annexe 1 de l'annexe III qui ne vise que le poste de 'sous-chef de la comptabilité' et celui de 'chef de service de la comptabilité ' de sorte qu'il y a lieu, en application des dispositions susvisées de l'article 3, de rechercher à quel emploi celui occupé par le salarié doit être assimilé ou celui dont il se rapproche le plus.

Il sera précisé d'emblée que :

- l'absence de diplôme du niveau I ou II obtenu par M. X... ne peut en elle-même conduire à exclure qu'il puisse occuper un emploi assimilé à celui de chef du service de la comptabilité. En effet, il a été rappelé ci-dessus que les dispositions conventionnelles permettent aux ingénieurs n'ayant pas les diplômes des niveaux I et II de l'Education nationale de bénéficier d'un classement selon les fonctions effectivement remplies;

- à l'inverse le fait que M. X... ait perçu à son embauche un salaire supérieur à celui résultant de l'application du coefficient 530 qu'il revendique à titre principal, ne peut entraîner à lui seul son classement à ce coefficient, la société Keolis Lille démontrant avoir embauché M. X... au 'prix du marché' de l'époque, en déconnectant le salaire de la valeur du point afin de lui proposer un salaire d'embauche de 275 000 francs par an, supérieur à celui de son emploi précédent qui s'élevait à 255 000 euro par an ;

- enfin s'agissant de 'l'avis d'expert' produit par la société Keolis Lille, s'il est exact que cet avis, établi à la demande de la société appelante, ne l'a pas été après que M. B... ait entendu M. X... ou recueilli ses observations, et n'a donc pas la valeur d'une expertise, la cour peut s'y référer comme aux autres pièces produites dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats et donc susceptible d'être contradictoirement débattu.

Ces précisions étant apportées, il sera relevé que M. Antoine C... a été engagé à compter de mars 2008 en qualité d'auditeur interne par la SA Keolis, pour être détaché auprès de sa filiale Transpole (aujourd'hui Keolis Lille). Ses missions étaient de quatre types : audit de procédures, audit des comptes, inventaires et gestion des stocks et missions transverses.

Son contrat de travail stipulait : 'le détail de vos missions sous forme d'objectifs annuels et leurs évolutions ultérieures vous seront précisées par votre supérieur hiérarchique, Monsieur Jean-Luc X..., ou toute autre personne qui pourrait lui être substituée'.

Il mentionnait également que l'emploi de M. C... était rattaché au groupe 2 de l'annexe IV 'ingénieurs et cadres' de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transports.

Au nombre des emplois types de ce groupe, figure (outre les emplois de directeur d'un réseau de transports de voyageurs, de sous-directeur ou adjoint au chef d'exploitation, de chef d'un garage très important et de directeur de succursale 1er degré ne correspondant manifestement pas à l'emploi de M. C... ) celui de chef de service de comptabilité 1er degré ainsi défini : 'agent chargé de l'établissement des bilans et des comptes de résultats, sans le contrôle d'un expert comptable ; centralise et contrôle les écritures tenues sous son autorité directe et dans les bureaux de comptabilité ; veille à la rentrée des fonds, traite des litiges intéressant son service ; peut avoir la procuration en banque ou la procuration commerciale ; a dans son service jusqu'à 10 agents; ; chefs de bureau de comptabilité, comptables ou aides-comptables (cet effectif pourra être réduit en cas d'utilisation du matériel électromécanographique)'.

La définition du contenu des missions de M. C..., le fait que son supérieur hiérarchique soit clairement mentionné comme étant M. X..., dont il n'est pas l'adjoint, et sa position dans sa convention collective amènent à considérer que M. X... a occupé à compter l'arrivée de M. C... une place dans la hiérarchie lui donnant le commandement sur un cadre d'une position précédente dont il orientait ou contrôlait les activités au sens de la convention collective des transports publics urbains.

En effet :

- d'une part, la société Keolis ne peut utiliser, pour voir écarter l'application de ce critère, le fait qu'Antoine C... relèverait d'une autre convention collective que celle des transports urbains, ce seul fait n'interdisant pas de rechercher l'emploi équivalent de M. C... dans la convention collective des transports publics urbains pour vérifier ensuite la place de M. X... dans la hiérarchie au sens de la classification de cette convention collective ;

- d'autre part, la société Keolis ne peut sérieusement soutenir que M. X... ne serait pas véritablement le supérieur hiérarchique de M. C.... Si le 21 février 2017 M. C... a répondu 'oui, je confirme ces différentes assertions' à la question quelque peu 'fermée' de M. B... lui demandant de 'confirmer' que c'était principalement M. N..., secrétaire général qui lui communiquait les plans et instructions d'audit et auquel il rendait compte, son rattachement à M. X... n'étant qu' 'administratif ' et si, dans un courriel du 27 février 2014 à l'avocat de la société Keolis Lille, M. N... a quantifié à 64% le pourcentage du temps de travail de M. C... durant lequel il ne recevait pas de directives de M. X... ni d'appréciation sur son travail de ce dernier, il sera relevé qu'outre la désignation expresse de M. X... comme supérieur hiérarchique de M. C... dans son contrat de travail dans les termes ci-dessus reproduits:

* l'organigramme de la société Transpole faisait apparaître l'audit comptable comme un des quatre pôles soumis à l'autorité hiérarchique de M. X... ;

* c'est également ce dernier qui a, le 22 février 2012, procédé en qualité de 'N+1' à l'entretien annuel d'évaluation de M. C... afin de vérifier

si les objectifs de l'année 2011 avaient été atteints et de lui fixer des objectifs pour l'année 2012 ;

* les courriels produits par M. X... démontrent que M. C... lui soumettait des propositions d'audit, le sollicitait pour la validation de son travail et que M. X... lui suggérait d'ailleurs parfois des ajouts (pièce 66 de l'intimé).

Dans ces conditions, il faut donc considérer qu'à compter de mars 2008, M. X... exerçait au sens de la convention collective applicable les fonctions correspondant à celles de chef du service de la comptabilité et devait bénéficier du coefficient 530 étant précisé que le fait qu'en novembre 2014, au cours de l'instance devant le conseil de prud'hommes, le pôle audit comptable ait été soustrait à l'autorité de M. X... et M. C... rattaché au groupe Keolis, ne doit pas amener à corriger le coefficient de M. X... au motif qu'il ne commanderait plus un cadre, cette modification à laquelle il n'a pas consenti ne pouvant avoir d'influence sur son coefficient.

Il sera précisé que ce rattachement à la position 64d n'est pas contradictoire avec celle de son supérieur hiérarchique M. N.... En effet, si ce dernier a été embauché le 15 septembre 1987 au coefficient 430 de la convention collective des transports publics urbains en qualité de responsable ressources humaines, d'une part il a évolué depuis son embauche, d'autre part il est sorti des effectifs de Keolis Lille le 28 février 1989 pour être repris par la SA Keolis et a, à cette occasion changé de convention collective pour être soumis à la convention collective des transports routiers tout en continuant à travailler au sein de Keolis Lille comme secrétaire général, emploi expressément visé dans la convention collective des transports publics urbains qui classe le 'secrétaire général administratif 'parmi les cadres supérieurs à la position 65 correspondant au coefficient 630.

Avant mars 2008, et au vu des seules pièces produites relatives à cette période, il sera retenu que:

- M. X... n'était pas cadre adjoint au sens de la convention collective ;

- M. X... qui n'avait pas de cadre sous son commandement ne démontre pas qu'il avait 'des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative' et ne peut prétendre au coefficient 530 ;

- M. X... qui n'était pas situé au dessus d'un ou plusieurs cadres adjoints démontre en revanche qu'il avait une large autonomie de jugement et d'initiative et pouvait prétendre au coefficient 430, son emploi correspondant à celui de la position 63 c 'sous-chef de la comptabilité'.

Ainsi, M. X... n'était pas cadre adjoint au sens de la convention collective. En effet, le cadre adjoint n'est affecté à un poste de commandement qu'en vue d'aider le titulaire (en l'espèce M. N... secrétaire général) ou exerce par délégation de son supérieur hiérarchique des responsabilités délimitées.

Or, d'abord M. X... exerçait son autorité directement sur les salariés de la comptabilité, service qui n'a cessé de s'étoffer puisque de cinq salariés en 1994, il est passé à une vingtaine de salariés au fil des années qui ont suivi, répartis en quatre pôles (audit comptable, immobilisations, comptabilité SA, comptabilité recettes) tous dirigés avant l'arrivée de M. C... par des agents de maîtrise. Il apparaissait dans son entretien annuel 2006 qu'il était 'responsable service comptable' et avait 'un management autonome des équipes'. Il était mentionné sur les entretiens annuels d'évaluation des salariés du service comptabilité non comme adjoint de M. N... mais comme le 'N+1' et M. N... comme le 'N+2'.

En outre, embauché au poste de chef comptable, il accomplissait les tâches inhérentes à ces fonctions sans nécessité de délégation de son supérieur hiérarchique. D'ailleurs aucune délégation émanant de M. N... n'est produite ni prouvée.

Sur l'intensité de l'autonomie de jugement et d'initiative, force est de constater que :

- M. X... ne faisait pas partie du comité de direction dont M. N... faisait partie mais assistait avec d'autres cadres à une réunion mensuelle 'autour' de ce comité ; à compter de 2000, cette 'conférence de direction' est devenue 'comité d'information et d'échanges' ;

- en sa qualité de secrétaire général, M. N... se voyait déléguer par le directeur général les pouvoirs de ce dernier afin de veiller notamment à de 'l'enregistrement de toutes valeurs et de toutes pièces et informations nécessaires à la tenue de la comptabilité'; M. N... a également reçu pouvoir de signer seul au nom et pour le compte de la société 'les différents documents comptables, déclarations, engagements, attestations de reversement, options et autres qui, en vertu de la législation et de la réglementation en vigueur, doivent être transmis à toutes les administrations, notamment fiscales, sociales et douanières ainsi que toutes demandes en remise, dégrèvement ou réduction, demandes d'exonération de taxe d'apprentissage, ainsi que toutes demandes tendant à l'octroi de délais de paiement auprès des administrations fiscales et sociales, excepté les adhésions nouvelles à un régime ou une option fiscale différents.';

- c'est M. N... et non M. X... qui signait les contrats de travail du service de la comptabilité, y compris les contrats précaires (exemple de l'embauche le 29 septembre 2007 à durée déterminée de Mme F... comme employée comptable);

- M. X... donnait son avis sur les candidats et M. N... décidait ; ainsi le 16 juillet 2006, M. X... a s'agissant de l'embauche de la responsable comptabilité recettes indiqué à M. N... : 'une préférence pour Annick E... ! A vous de juger.' ;

- Messieurs N... et X... procédaient tous deux à des entretiens préalables à des sanctions disciplinaires ; dans ce cadre, le 3 octobre 2005, M. N... a reçu Mme G... et le 21 mars de la même année, M. X... avait reçu M. H... puis avait rédigé le 4 mai 2005 la lettre lui notifiant une mise à pied disciplinaire ;

- il résulte de l'attestation de Mme Isabelle I... que les interventions des commissaires aux comptes s'effectuaient deux à trois fois par an 'sous la houlette' de M. N... ; elle y assistait en qualité de responsable du contrôle de gestion ainsi que M. X... ; le rapport final était adressé à M. N...;

- s'agissant de l'exercice clos au 31 décembre 2007, la lettre d'affirmation de la sincérité des comptes a été co-signée par M. N..., secrétaire général et M. J..., président directeur général, M. X... n'apparaissant pas ;

- les pièces produites démontrent et cela est également relevé par M. B... dans le rapport contenant son avis, que l'appartenance de la société Keolis Lille à un groupe, le groupe Keolis limite la liberté d'initiative et de jugement des responsables comptables des filiales ;

- M. X... était le correspondant de la société Brink's et à ce titre, s'il n'a pas signé le contrat de transport de fonds et de valeurs, il a mené les négociations avec la Brink's et a signé en 2005 des protocoles de sécurité ;

- il a reçu mandat en 2000 du président directeur de la société Transpole de présenter toutes observations utiles dans le cadre du contrôle fiscal de cette société;

- il a été désigné en février 2005 chef de projet du groupe de travail constitué pour l'élaboration d'un cahier des charges concernant le changement de logiciel finances de Transpole et pour l'accompagnement pendant la réalisation, M. N... étant le pilote de ce projet.

L'ensemble de ces éléments montrent que si M. X... n'avait pas de responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative, mais des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d'initiative.

En définitive, les rappels de salaire doivent être accordés sur la base du coefficient 530 à compter de mars 2008 et sur la base du coefficient 430 avant cette date.

En l'état des tableaux réalisés par M. X..., la cour n'est pas en mesure de calculer les rappels de salaire avec un changement de coefficient en cours de période. Les parties seront donc renvoyées à y procéder, à charge pour elles de ressaisir la cour en cas de difficultés.

Sur la demande indemnitaire complémentaire :

M. X... ne caractérise pas l'existence d'un préjudice indépendant du retard dans le paiement des salaires que la société Keolis lui aurait causé par sa mauvaise foi.

Le jugement qui l'a débouté de sa demande indemnitaire sera donc confirmé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Keolis Lille sera condamnée aux dépens d'appel et il y a lieu en outre d'accorder à M. X... au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés en appel une somme complémentaire de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Réforme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Dit que M. Jean-Luc X... doit être positionné :

- pour la période allant de la titularisation dans son poste jusqu'au 28 février 2008, au coefficient 430 palier 22 de l'annexe III de la convention collective des transports publics urbains correspondant à ses fonctions de chef comptable;

- pour la période à compter du 1er mars 2008, au coefficient 530 palier 23 de l'annexe III de la convention collective correspondant à ses fonctions de chef comptable ;

Ordonne la liquidation sur état des rappels de salaires et congés payés afférents, dans les conditions précisées ci-dessus, qui devra intervenir en tout état de cause dans les quatre mois de la signification du présent arrêt et dit qu'en cas de difficultés sur cette liquidation l'une ou l'autre des parties pourra saisir la cour pour y mettre fin, et ceci par simple requête préalablement notifiée ;

Confirme le jugement déféré sur le surplus ;

Condamne la société Keolis Lille à payer à M. Jean-Luc X... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel ;

Condamne la société Keolis Lille aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

N. BERLY S. COLLIERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 16/04137
Date de la décision : 20/04/2018

Références :

Cour d'appel de Douai D1, arrêt n°16/04137 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-20;16.04137 ?
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