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30/03/2018 | FRANCE | N°16/04040

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 3, 30 mars 2018, 16/04040


ARRÊT DU

30 Mars 2018







N° 821/18



RG 16/04040



ML/CG







RO



































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

17 Octobre 2016

(RG F 15/00264 -section 2)





































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GROSSE :



aux avocats



le 30/0318





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



SA INITIAL SAVAM LUX

[...] -

L 3225 BETTEMBOURG LUXEMBOURG

Représentée par Me Loïc D..., avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me David X..., avocat au barreau de LILLE



INTIMÉ :



M. Patric...

ARRÊT DU

30 Mars 2018

N° 821/18

RG 16/04040

ML/CG

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

17 Octobre 2016

(RG F 15/00264 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 30/0318

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SA INITIAL SAVAM LUX

[...] -

L 3225 BETTEMBOURG LUXEMBOURG

Représentée par Me Loïc D..., avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me David X..., avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ :

M. Patrick Y...

[...]

Représenté par Me Gérald Z..., avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS :à l'audience publique du 06 Février 2018

Tenue par Michèle A...

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sabine B...

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Michèle A...

: CONSEILLER

Béatrice C...

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Mars 2018,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sabine B..., Président et par Annick GATNER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 18 Janvier 2017, avec effet différé jusqu'au 18 Septembre 2017

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 8 septembre 2003 faisant suite à un contrat de travail à durée déterminée du 30 juin 2003, la société Savam Lux appartenant au groupe Norbert Dentressangle, de droit luxembourgeois et ayant son siège au Luxembourg, a engagé M. Patrick Y... en qualité de chauffeur international auquel un poids lourd est mis à disposition, moyennant un salaire mensuel de 1943,30euros après six mois d'ancienneté, pour un temps de travail mensuel de 173heures.

Ce contrat donne attribution aux juridictions luxembourgeoises pour connaître des contentieux à naître et prévoit l'application du droit luxembourgeois.

Par lettre du 16 décembre 2013, la société Savam Lux a notifié à M. Patrick Y... son licenciement pour raison non inhérente à la personne, le délai de préavis prenant fin le 30 juin 2014, et par lettre du 29 janvier 2014, l'a informé à sa demande et conformément à la législation luxembourgeoise, des motifs économiques de son licenciement. Une indemnité de deux mois de salaire lui a été versée.

Considérant que la loi française était applicable, M. Patrick Y... a saisi le 8 juin 2015 le Conseil de prud'hommes de Lens de demandes d'indemnisation.

Par jugement du 17 octobre 2016, le Conseil de Prud'hommes s'est déclaré compétent pour connaître du litige, a dit que la loi française était applicable et a condamné la société Savam Lux à verser à M. Patrick Y... les sommes suivantes:

- 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Savam Lux a interjeté appel de ce jugement. Par ordonnance du 18 janvier 2017, un calendrier de procédure a été fixé et la date de clôture a été différée à la date du 18 septembre 2017.

Par conclusions notifiées le 20 janvier 2017, la société XPO Transport Solutions Luxemburg , anciennement dénommée Savam Lux, demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de se déclarer incompétent pour connaître le litige au profit des juridictions luxembourgeoises et subsidiairement, de dire la loi luxembourgeoise applicable et M. Patrick Y... forclos en ses demandes, plus subsidiairement, de le débouter de ses demandes. Reconventionnellement, elle demande de le condamner à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société XPO Transport fait valoir que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître du litige, en raison de la clause attributive de juridiction insérée au contrat de travail qui doit s'appliquer conformément aux articles 24 et 25 du règlement n°1215/2012 du 12 décembre 2012 et qu'en tout état de cause, la compétence des juridictions luxembourgeoises est acquise en application de l'article 21 de ce règlement qui prévoit la compétence du lieu où se trouve l'employeur lorsque le travailleur n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, ce qui est le cas de M. Patrick Y... dont seulement 39% des transports ont été réalisés uniquement sur le territoire français suivant des ordres de missions donnés par des exploitants gérant la flotte des camions au Luxembourg. Elle considère que le fait qu'il rentre le week-end à son domicile avec le camion ne permet pas de dire que son activité était organisée à partir de son domicile.

Subsidiairement, la société XPO Transport affirme que si la Cour se déclare compétente pour connaître du litige, elle doit appliquer la loi luxembourgeoise par application de la convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux conventions contractuelles, qui prévoit l'application de la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail , à défaut du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur à moins que le contrat de travail ne présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de ce pays est applicable.

Elle précise que M. Patrick Y... bénéficiait de la sécurité sociale luxembourgeoise et payait ses impôts par prélèvement à la source au Luxembourg.

Au fond, elle indique que l'article L1224-11 du code du travail luxembourgeois prévoit un délai de forclusion de trois mois pour obtenir réparation d'une résiliation abusive du contrat de travail et que les demandes tardives de M. Patrick Y... sont dont irrecevables. Elle ajoute que les motifs économiques énoncés par l'employeur résultent de la baisse des prix des transports routiers et de l'augmentation des charges ainsi que de l'application du règlement communautaire sur le cabotage et justifient la suppression du poste de M. Patrick Y... qui ne l'a pas contesté.

Elle précise que si la loi luxembourgeoise n'impose pas d'obligation de reclassement préalablement au licenciement, un poste a été proposé à M. Patrick Y... qui l'a refusé.

Très subsidiairement, si la Cour applique le droit français, elle observe que le salarié ne justifie pas de son préjudice et de sa situation professionnelle et conteste toute exécution déloyale du contrat de travail.

Par conclusions en réponse notifiées le 27 avril 2017, M. Patrick Y... demande à la Cour de dire in limine litis la loi française applicable, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Xpo Transport à lui verser les sommes suivantes:

- 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

M. Patrick Y... expose que la conclusion de contrats de travail par l'intermédiaire de sociétés luxembourgeoises est destinée à contourner la législation française sur le contrat de travail et que la convention de Rome prévoit en son article 3 qu'en déterminant la loi applicable, le travailleur ne peut être privé des dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix. Il avance que la fourniture de travail est faite à partir du territoire français, que le camion y est entreposé, qu'il effectuait ses prestations sur le territoire français dans lequel il habite.

Au fond, il fait valoir que la lettre de licenciement n'est pas motivée et que l'employeur a manqué à son obligation de recherche de reclassement. Il ajoute qu'en cherchant à éviter l'application de la législation française à un contrat de travail s'exécutant en France, l'employeur a fait preuve de mauvaise foi.

SUR CE:

- sur la compétence des juridictions françaises:

L'article 19 du règlement CE 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles 1, alors applicable, énonce 'qu'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait:

1. Devant les tribunaux de l'Etat membre où il a son domicile,

2. Devant un autre Etat membre:

- devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou

- lors que le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.'

Le lieu de travail habituel s'entend comme étant l'endroit où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l'intégralité de la période d'activité du travailleur.

L'article 21 précise qu'il ne peut être dérogé à ces dispositions que par des conventions attributives de juridiction postérieures à la naissance du différend ou qui permettent au travailleur de saisir d'autres tribunaux que ceux indiqués dans la section relative à la compétence en matière des contrats de travail.

Il s'ensuit que la clause attributive de compétence aux juridictions luxembourgeoises mentionnée au contrat de travail litigieux, qui ne répond pas aux conditions énumérées ci-dessus, n'est pas valable et doit être écartée.

Il ressort des pièces produites que M. Y..., domicilié [...], exécutait ses missions de transport international de marchandises par voie routière entre les différents pays de l'Europe communautaire selon les ordres de mission transmis par des exploitants travaillant au siège social de l'employeur au Luxembourg.

Suivant le relevé des transports effectués entre le 1er juillet 2012 et le 30 juin 2014 produit par l'employeur, il apparaît qu'il a réalisé une grande majorité de ses transports avec le véhicule poids lourd mis à sa disposition à partir de la France pour livrer soit en France, ce qui constituait 39% de son activité, soit dans des Etats limitrophes; Le chargement à l'étranger avec une livraison en France était réalisé dans une moindre proportion, étant observé que seuls 12% des voyages n'ont pas été réalisés à partir ou à destination de la France.

Il en résulte que M. Y... a accompli la majeure partie de son travail en France et qu'en conséquence, les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur le litige opposant les parties.

- sur la loi applicable au litige et la recevabilité des demandes :

Selon l'article 3 de la convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles, le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

L'article 6 prévoit cependant que 'nonobstant les dispositions de l'article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article'.

Le paragraphe 2 énonce: ' nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, le contrat de travail est régi:

a: par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou

b: si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays s'applique.'

En l'espèce, le contrat de travail signé entre M. Y... et son employeur prévoit qu'il est soumis à la loi luxembourgeoise.

S'il est constant que M. Patrick Y... a réalisé des transports internationaux entre différents Etats communautaires, il ressort du relevé des transports produit par l'employeur, seule pièce relative à son activité soumise aux débats, que M. Y... exerçait une grande majorité de ses missions à partir de la France ou à destination de la France. En conséquence, et même si M. Patrick Y... payait ses impôts au Luxembourg par prélèvement à la source et bénéficiait de la sécurité sociale luxembourgeoise, la France doit être considérée comme étant le lieu où il a accompli habituellement son travail, en sorte que la loi française serait applicable au contrat de travail à défaut de choix des parties.

M. Y... se borne à revendiquer l'application de la loi française et ne donne aucune explication sur le fait que l'application de la loi luxembourgeoise choisie par les parties aurait pour effet de le priver de la protection que lui assurent des dispositions impératives de la loi française.

En outre, il sera rappelé, s'agissant du délai de saisine de la juridiction prud'homale invoqué par l'employeur, que dès lors que le salarié n'est pas privé du droit d'accès au juge, les règles de procédure aménageant les délais de saisine des juridictions du travail ne portent pas atteinte aux dispositions impératives de la loi française qui auraient été applicables en l'absence de choix d'une loi étrangère applicable au contrat de travail.

Sur ce point, l'article L124-11 du code du travail luxembourgeois prévoit que l'action judiciaire en réparation de la résiliation abusive du contrat de travail doit être introduite auprès de la juridiction du travail sous peine de forclusion dans un délai de trois mois à partir de la notification du licenciement ou de sa motivation. A défaut de motivation, le délai court à compter de l'expiration du délai visé à l'article L124-5 paragraphe 2. Ce délai est valablement interrompu en cas de réclamation écrite auprès de l'employeur par le salarié, son mandataire ou son organisation syndicale. Cette réclamation fait courir, sous peine de forclusion, un nouveau délai d'une année.

Ce délai de forclusion de trois mois imposé par la loi luxembourgeoise, qui ne prive pas le salarié de son droit d'accès au juge, ne portant donc pas atteinte aux dispositions impératives de la loi française qui aurait été applicable à défaut de choix, s'impose en conséquence au contrat de travail de M. Y....

Or il ressort des pièces produites que le licenciement et sa motivation ont été notifiés à M. Patrick Y... les 16 décembre 2013 et 29 janvier 2014 et qu'il n'a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son bien-fondé que le 8 juin 2015.

A défaut de tout élément établissant qu'il a formé une réclamation auprès de l'employeur ayant pour effet de prolonger le délai de forclusion d'une année, il convient de constater que son action a été formée tardivement et est forclose.

Il s'ensuit que les demandes du salarié en réparation de la rupture abusive du contrat de travail et au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail sont irrecevables.

M. Y... succombant en appel sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'apparaît pas en revanche manifestement inéquitable de laisser à la charge de la société XPO Transport Solutions Luxemburg les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer.

PAR CES MOTIFS:

la Cour,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il déclare les juridictions françaises compétentes pour connaître des demandes,

STATUANT à nouveau:

DIT que la loi applicable au contrat de travail de M. Y... est la loi luxembourgeoise,

DÉCLARE irrecevables les demandes de M. Patrick Y... comme étant forcloses ;

DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code procédure civile,

CONDAMNE M. Patrick Y... aux dépens qui comprendront les dépens de première instance.

Le Greffier

A.GATNER

Le Président

S. B...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale a salle 3
Numéro d'arrêt : 16/04040
Date de la décision : 30/03/2018

Références :

Cour d'appel de Douai A3, arrêt n°16/04040 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-30;16.04040 ?
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