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19/10/2017 | FRANCE | N°16/03368

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 19 octobre 2017, 16/03368


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 19/10/2017



***





N° de MINUTE : 567/2017

N° RG : 16/03368



Jugement (N° 11/01934)

rendu le 02 février 2016 par le tribunal de grande instance d'Avesnes sur Helpe





APPELANTS

M. [D] [Y]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

et

Mme [Z] [Q] épouse [Y]

née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 2] (Pér

ou)

demeurant ensemble

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentés par Me Jean-Raphaël Doyer, membre de la SCP Billard Doyer, avocat au barreau d'Avesnes sur Helpe

assistés de Me Gilda Licata, avocat au barreau de...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 19/10/2017

***

N° de MINUTE : 567/2017

N° RG : 16/03368

Jugement (N° 11/01934)

rendu le 02 février 2016 par le tribunal de grande instance d'Avesnes sur Helpe

APPELANTS

M. [D] [Y]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

et

Mme [Z] [Q] épouse [Y]

née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 2] (Pérou)

demeurant ensemble

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentés par Me Jean-Raphaël Doyer, membre de la SCP Billard Doyer, avocat au barreau d'Avesnes sur Helpe

assistés de Me Gilda Licata, avocat au barreau de Paris

INTIMÉES

SAS Aedificia Participations, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Société Ifb France, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 5]

- ordonnance de caducité de la déclaration d'appel du 21 mars 2017 -

SA Edelis anciennement dénommée SAS Akerys Promotion, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentées par Me Eric Laforce, membre de la SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistées de Me Armelle Amichaud-Dabin, avocat au barreau de Toulouse, substituée à l'audience par Me Banquet, avocat au barreau de Toulouse

SA Crédit Foncier de France, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Philippe Gillardin, membre de la SCP Defossez Gillardin Demory, avocat au barreau d'Avesnes sur Helpe

ayant pour conseil Me Pierre-Yves Rossignol, membre de la SCP Granrut, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 04 septembre 2017, tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Maurice Zavaro, président de chambre

Bruno Poupet, conseiller

Emmanuelle Boutié, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2017 après prorogation du délibéré en date du 12 octobre 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. Maurice Zavaro, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 juillet 2017

***

Par acte notarié du 8 juin 2007, la société Akerys Promotion a vendu à M. et Mme [Y], en l'état futur d'achèvement, deux lots dans un immeuble d'habitation à [Localité 7] pour le prix de 200 000 euros.

Cet achat était financé par un prêt immobilier du même montant consenti le 25 avril 2007 par le Crédit Foncier.

Il s'agissait d'une opération de défiscalisation dans le cadre défini par la loi dite 'Robien', engagée par la signature par M. [Y] d'un contrat de réservation présenté par M. [V] [W], se présentant comme agent indépendant, mandataire d'une société IFB France représentant elle-même la société Akerys Promotion.

Au mois de septembre 2011, M. et Mme [Y] ont saisi le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe de diverses demandes dirigées contre les sociétés Akerys Promotion, IFB France et Crédit Foncier.

Par jugement contradictoire du 2 février 2016, le tribunal a :

- débouté M. et Mme [Y] de toutes leurs demandes,

- ordonné la réouverture des débats pour leur permettre de prendre position sur la demande reconventionnelle en paiement de 70 000 euros présentée par la société Akerys Promotion,

- renvoyé l'affaire à une audience ultérieure,

- condamné M. et Mme [Y] aux dépens supportés par le Crédit Foncier,

- réservé sa décision sur les autres dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 31 mai 2016, M. et Mme [Y] ont relevé appel de ce jugement à l'encontre des parties défenderesses en première instance.

Ils ont en outre assigné à comparaître devant la cour une société Aedificia Participations par acte du 30 août 2016.

Par ordonnance du 21 mars 2017, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel dirigée contre la société IFB France.

M. et Mme [Y] demandent à la cour, au terme de quatre-vingt-une pages de conclusions, d'infirmer le jugement et de :

- prononcer la nullité du contrat de réservation conclu le 8 mars 2007 entre M. [Y] et la société Akerys Promotion,

- prononcer la nullité de l'acte authentique de vente, la nullité ou la résolution du contrat de prêt, la résiliation du contrat d'assurance associé au prêt,

- ordonner la publication de la présente décision au service de la publicité foncière d'Avesnes-sur-Helpe,

- condamner la société Akerys à leur restituer la somme de 200.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt et capitalisation des intérêts,

- dire qu'ils devront restituer le bien immobilier à la société Akerys mais seulement après remboursement du prix par celle-ci,

- dire que les loyers et indemnités de carence locative qu'ils ont perçus leur resteront acquis,

- ordonner les restitutions croisées de la somme de 200 000 euros au Crédit Foncier et des sommes perçues par celui-ci au titre du prêt,

- dire que la société Akerys Promotion devra les garantir de toute somme qu'ils pourraient devoir à l'administration fiscale,

- condamner la société Akerys Promotion à leur verser, à titre de dommages et intérêts et avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt et capitalisation des intérêts :

* 2 000 euros au titre des 'peines et soins',

* 40 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la nullité de la vente ne serait pas prononcée, condamner la société Akerys Promotion à leur payer 59 512,90 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'une chance de ne pas contracter et 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, avec intérêts comme ci-dessus,

- en tout état de cause, condamner la société Akerys Promotion à leur payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir essentiellement :

- que le contrat de réservation est nul pour contrevenir aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, ce qui entraîne la nullité de la suite de l'opération,

- qu'à tout le moins, le contrat de vente est nul, leur consentement ayant été surpris par un dol constitué par les informations inexactes qui leur ont été données sur l'intérêt et la rentabilité de l'opération (situation de l'immeuble, montant des loyers, conditions de l'assurance garantissant les carences de location, plus-value prévisible ...), ce qui entraîne la nullité ou la résolution du contrat de crédit immobilier et du contrat d'assurance y associé,

- que les circonstances de l'opération et le présent litige leur causent un important préjudice moral,

- qu'à supposer qu'il soit jugé que les fautes commises par la société Akerys Promotion ne justifient pas la nullité du contrat, celles-ci leur ont causé un préjudice matériel en leur ayant fait perdre une chance de ne pas contracter.

La société Edelis, précédemment dénommée Akerys Promotion, la société Aedificia Participations et la société IFB France ont notifié aux autres parties des conclusions récapitulatives communes le 10 juillet 2017 par lesquelles elles sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme [Y] de leurs demandes et la condamnation de ces derniers à payer à chacune d'elles la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens..

Elles font valoir :

- que les consorts [Y] n'apportent pas la preuve d'un démarchage à domicile ayant précédé la signature du contrat de réservation,

- que celui-ci n'est pas soumis aux dispositions des articles L 121-21 et suivants du code de la consommation,

- qu'il respecte ces dispositions,

- que M. et Mme [Y] ont renoncé à se prévaloir des causes de nullité alléguées,

- que la nullité du contrat de réservation n'entraîne pas la nullité du contrat de vente,

- que le caractère prétendument mensonger et trompeur des informations qui ont été données à M. et Mme [Y] est imaginaire, que le dol n'est pas caractérisé et que la société Akerys Promotion n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité.

Le Crédit Foncier de France demande pour sa part à la cour :

- en cas de confirmation du jugement entrepris, de confirmer la condamnation de M. et Mme [Y] à supporter la charge de ses dépens et de les condamner à lui verser 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dans le cas contraire :

* de dire qu'il devra restituer à M. et Mme [Y] les sommes payées par eux et les frais de dossier, que ceux-ci devront lui restituer la partie du crédit qui a été débloquée (130 000 euros) et que ces sommes devront se compenser, l'inscription d'hypothèque conventionnelle continuant à garantir le paiement de sa créance,

* de condamner solidairement IFB France et Akerys Promotion à lui payer 3 900 euros à titre de dommages et intérêts, soit le montant qu'il ne pourrait plus réclamer à M. et Mme [Y] dans le cadre de l'indemnité de résiliation anticipée de 3 % sur le montant des fonds débloqués,

* de les condamner également solidairement à lui régler 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions des appelants en date du 19 juin 2017, les conclusions récapitulatives des sociétés Edelys, Aedificia Participations et IFB France en date du 10 juillet 2017 et les conclusions du Crédit Foncier de France notifiées le 20 octobre 2016.

SUR CE

La déclaration d'appel de M. et Mme [Y] à l'encontre de la société IFB France ayant été déclarée caduque, ainsi que cela a été dit ci-dessus, cette dernière n'est plus dans la cause et les conclusions prises en son nom sont irrecevables.

Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de réservation

M. et Mme [Y] présentent cette demande pour conclure ensuite 'en conséquence' à la nullité du contrat de vente.

Or, il est constant que la nullité du contrat de réservation, qui est facultatif, ne saurait entraîner ipso facto la nullité du contrat de vente en l'état futur d'achèvement.

C'est donc inutilement, au regard du but qu'ils poursuivent, qu'ils formulent cette demande sur laquelle la cour se trouve néanmoins contrainte de statuer.

M. et Mme [Y] fondent cette demande sur le non respect des dispositions du code de la consommation relatives au démarchage.

Contrairement à ce que soutient la société Akerys Promotion, si ce contrat a été conclu à la suite d'un démarchage, il était soumis aux dispositions du code de la consommation relatives à ce procédé.

Le tribunal a relevé que la contestation par Akerys Promotion de ce que le contrat avait été conclu dans le cadre d'un démarchage n'était pas sérieuse dès lors que ledit contrat mentionne qu'il a été signé au domicile de M. [Y] et cite les dispositions susvisées.

Akerys Promotion, pour soutenir que cela n'est pas suffisant, expose d'une part que l'existence d'un démarchage suppose que l'engagement conclu a été déterminé par le déplacement du professionnel au domicile du co-contractant et que l'échange des consentements sur la chose et le prix a bien eu lieu à ce domicile, d'autre part que les contrats signés par les clients sont des contrats types destinés à être utilisés dans toutes les hypothèses de vente et comportent donc toutes les dispositions légales utiles.

Cependant, elle ne conteste pas que le démarchage est un mode habituel de commercialisation de ce type de 'produits' et qu'elle y a recours, elle n'affirme pas ni, a fortiori, ne démontre que c'est M. [Y] qui aurait pris contact avec M. [W], étant ici d'ailleurs rappelé qu'aux termes de l'article L 121-21 du code de la consommation, la notion de démarchage inclut l'hypothèse où le professionnel se trouve au domicile du client à la demande de celui-ci, ni que la rencontre des volontés ayant donné lieu à l'établissement et à la signature du contrat serait intervenue antérieurement en d'autres circonstances.

En outre, Akerys a adressé le contrat de réservation à M. [Y] le 14 mars 2007, accompagné d'une lettre, versée aux débats, précisant que cet envoi est fait conformément aux dispositions, notamment, des articles L121-23, L121-24, L121-25 et L121-26 du code de la consommation qui sont les dispositions relatives au démarchage.

L'ensemble de ces considérations permet d'affirmer que le contrat de réservation litigieux a bien été conclu dans le cadre d'un démarchage.

Quoi qu'il en soit, l'article L121-23 susvisé dispose que les opérations visées à l'article L.121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1 °- Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2 °- Adresse du fournisseur ;

3 °- Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4 °- Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5°- Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6°- Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L.313-1 ;

7°- Faculté de renonciation prévue à l'article L.121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L.121-23, L.121-24, L.121-25, L.121-26.

Or, comme l'a constaté le tribunal, le contrat du 8 mars 2007 répond à cette exigence (contrairement à ce que prétendent les appelants, le nom du démarcheur, M. [W], y est mentionné), sauf en ce qui concerne l'adresse du fournisseur, Akerys Promotion, adresse qui figure en revanche sur le courrier, évoqué ci-dessus, du 14 mars suivant accompagnant l'exemplaire du contrat adressé à M. [Y] et dont la réception constituait le point de départ du délai de rétractation.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande tendant à voir constater la nullité du contrat de réservation et le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la nullité alléguée du contrat de vente pour dol

L'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable en l'espèce, disposait qu'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

L'article 1116 précise que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'il ne se présume pas et doit être prouvé.

M. et Mme [Y] exposent que la signature du contrat de réservation ayant conduit ensuite à la vente a été signé par M. [Y] sous l'effet d'un harcèlement de M. [W] à une époque où il était fragilisé par l'absence de son épouse, qui séjournait alors au Pérou, son pays d'origine, pour résoudre de graves problèmes familiaux, et l'inquiétude qui en résultait.

Le tribunal a considéré avec justesse que les attestations d'amis et de collègues produites par M. [Y] ne faisaient que rapporter les dires de ce dernier quant à un harcèlement et n'étaient donc pas probantes et que l'attestation de M. [V] selon laquelle il avait été témoin de la réception par M. [Y] de deux appels téléphoniques de M. [W] à quelques minutes d'intervalle était insuffisante pour caractériser un harcèlement. De surcroît, il n'est pas exclu que la 'fragilité' alléguée de M. [Y] à l'époque lui ait fait ressentir comme un harcèlement et même une 'violence psychologique', selon son expression, une insistance peut-être contrariante mais propre à la pratique du démarchage et explique son anxiété rapportée par les témoins.

Quoi qu'il en soit, il n'est pas démontré que M. [W] ait eu connaissance de la situation de fragilité dans laquelle M. [Y] dit qu'il se trouvait à l'époque et en ait profité voire abusé pour le convaincre de conclure un contrat. Elle ne saurait donc être prise en compte pour apprécier l'existence de manoeuvres dolosives.

M. et Mme [Y] font état d'informations erronées voire mensongères données verbalement par M. [W] mais ils sont, par la force des choses, dans l'incapacité d'en apporter la preuve.

Ils fondent toutefois également leur argumentation sur le document remis à M. [Y], intitulé 'projection financière'.

Ce document, quoique se voulant personnalisé à partir des informations données par le client sur sa situation et ses objectifs ('Vous êtes l'architecte de ce document, nous sommes l'artisan qui l'a construit'), présente plutôt d'une manière générale les critères d'un 'bon placement', critères auxquels, naturellement, le placement proposé était censé répondre.

M. et Mme [Y] dénoncent des informations inexactes ou insuffisantes (réticences), les ayant déterminés à contracter en les trompant quant à la valeur vénale du bien, sa valeur locative, le contexte économique local, le taux d'intérêt, la garantie des carences locatives et loyers impayés, la défiscalisation

Si l'on ne peut nier la puissance et la pression, dans le cadre d'un démarchage à domicile, par définition intrusif, d'un discours insistant qui se doit d'être persuasif et attractif, on ne doit pas perdre de vue la faculté de rétractation offerte après la signature d'un contrat dans ces conditions, qui permet de réfléchir à tête reposée, de vérifier telle ou telle information reçue, voire de prendre conseil auprès de personnes avisées, surtout si l'on est anxieux à l'idée de s'être engagé peut-être à tort dans un projet d'une certaine envergure. Ainsi, M. [Y] a signé le contrat de réservation le 8 mars 2007 mais ledit contrat lui a été adressé le 14 mars, de sorte qu'il l'a reçu au mieux le 15, et qu'il disposait alors d'un délai de rétractation de sept jours.

La 'projection financière' cite parmi les critères de 'bon placement' du projet proposé 'la sélection du site dans un cadre agréable, dans une ville dynamique, bien équipée, avec des réseaux de communication performants', de nature à favoriser la location. Le tribunal d'Avesnes-sur-Helpe a noté, à regrets mais avec réalisme, que Maubeuge et sa région ne répondaient pas vraiment à ce critère et il en était déjà ainsi il y a dix ans. Cependant, la situation économique de la région, qui pouvait naturellement être inconnue des appelants, domiciliés dans les Yvelines, pouvait être vérifiée. En outre, il n'est pas démontré que cette situation ait entraîné une difficulté à louer le bien. Il est certes établi que l'appartement de M. et Mme [Y] n'a pas été continuellement loué depuis sa livraison mais l'imputation de cette situation au contexte local n'est qu'hypothétique et la société Akerys produit une attestation du 15 novembre 2011, émanant certes de son service de gestion immobilière mais donc l'inexactitude n'est pas démontrée ni même alléguée, qu'à cette date, 28 appartements sur 34 étaient loués dans la résidence considérée, ce qui est un taux d'occupation plutôt satisfaisant.

Il était annoncé aux acquéreurs un prix d'achat inférieur ou, au maximum, égal au prix du marché, ce qui, selon eux, n'aurait pas été le cas. Or, le bien vendu est un appartement de type T4 de 82 m² dans une résidence neuve, avec balcon et parking. Le prix global, 200 000 euros, se décompose en 13 500 euros pour le parking et 186 500 euros pour l'appartement. Il est précisé que ce prix s'entend 'acte en main' et englobe les frais d'acte ainsi que les frais, droits et honoraires accessoires aux actes authentiques de vente ou de prêt, y compris les frais d'inscription d'hypothèque au profit de tous organismes prêteurs, ainsi que les frais de procuration, à l'exception des frais de dossier bancaire. Le prix réel est donc moindre (indéterminé mais environ 156 000 euros si l'on en croit Akerys) et les pièces produites par les appelants censées établir les prix du marché à [Localité 7] en 2007 ne mettent pas en évidence une surévaluation du prix d'achat. D'ailleurs, M. et Mme [Y] indiquent que le prix moyen d'acquisition d'un logement de taille comparable au leur se situait entre 171 392 euros pour un immeuble 'normal' et 143 376 euros pour un immeuble 'moyen', le bien en question se situe dans cette fourchette, étant observé que la cour n'est pas en mesure d'apprécier si'l'on est en présence d'un immeuble 'moyen' ou d'un immeuble 'normal', tels que l'entendent les appelants.

La tromperie alléguée sur la valeur locative n'est pas objectivée si l'on considère que celle-ci était estimée à 675 euros par mois, chiffre que la cour a cherché vainement dans les pièces 1, 5 et 7 des appelants mais que l'intimée confirme avoir annoncé, et qu'il est établi par les deux premiers contrats de location conclus en 2010 et 2011 que le loyer a été fixé à ce montant. La prévision d'une augmentation du loyer de 2 % par an, si elle était formulée (on ne la trouve pas non plus dans la 'projection financière',pièce 5), était naturellement à prendre avec circonspection, étant ici rappelé que l'augmentation du loyer au cours d'un bail est encadrée et dépend d'un indice publié.

Si des exemples de plus-values importantes à la revente sont donnés, une telle plus-value ne peut être raisonnablement considérée comme une certitude.

La tromperie alléguée sur le taux d'intérêt assortissant l'emprunt contracté pour acquérir l'immeuble n'est pas explicitée ni démontrée.

La garantie des loyers en cas de carence de location ou d'impayés aurait été totale selon les dires de M. [W] dont il a été constaté supra qu'ils étaient invérifiables. La 'projection financière', elle, mentionne bien l'existence de conditions et d'une franchise. L'information donnée ne s'avère pas mensongère.

En ce qui concerne la défiscalisation, il n'est pas contesté que l'opération considérée s'inscrit bien dans le dispositif de la 'loi Robien'. La 'projection financière' en énonce les principes. M. et Mme [Y] reprochent à Akerys de ne pas avoir détaillé toutes les conditions d'application de ce dispositif mais celles-ci étaient accessibles par ailleurs.

En tout état de cause, les appelants n'expliquent pas ce qui, s'ils avaient connu le détail de ces conditions d'application, les aurait retenus de contracter ; qu'ils ne démontrent nullement avoir été dans l'impossibilité de bénéficier de la défiscalisation annoncée en raison d'un élément essentiel qui leur aurait été dissimulé par leur co-contractant et dont la connaissance les aurait dissuadés de contracter.

Compte tenu de ce qui précède, le fait que la fiabilité de l'opération ait été garantie par le label EDC présenté comme décerné par une association d'investisseurs indépendante dont il s'avérerait qu'il s'agit en réalité d'une émanation du groupe Akerys n'apparaît pas comme déterminant.

Il ne peut être reproché à un démarcheur qui a pour but de conclure un contrat, ni même à son mandant, de présenter un 'produit' en se situant dans l'hypothèse la plus favorable et en taisant les aléas que toute personne du niveau socio-professionnel des appelants sait peser sur quelqu'investissement que ce soit, y compris les investissements immobiliers et locatifs et les procédés de défiscalisation.

De surcroît, une information inexacte ou dissimulée ne caractérise un dol que s'il est démontré qu'elle a été donnée ou omise délibérément dans l'intention de tromper une personne pour la convaincre de contracter.

M. et Mme [Y] n'apportent pas la preuve d'informations ou de réticences présentant ce caractère.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir constater la nullité du contrat pour dol.

Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur un manquement au devoir de conseil et d'information

Les développements qui précèdent, desquels il résulte que les appelants ne démontrent pas avoir été privés d'informations déterminantes ne relevant pas de ce que chacun peut connaître, tel l'aléa, ou se procurer suffisent à écarter l'existence d'un tel manquement.

Le jugement doit donc être également confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

L'absence de nullité du contrat de vente rend sans objet les demandes de résiliation du contrat de prêt et du contrat d'assurance l'assortissant.

Il en résulte que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il appartient à M. et Mme [Y], parties perdantes, de supporter la charge des dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Pour autant, l'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour,

déclare irrecevables les conclusions de la société IFB France,

confirme le jugement,

déboute M. et Mme [Y] de leurs demandes,

déboute les sociétés Edelis, Aedificia Participations et Crédit Foncier de France de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

condamne solidairement M. et Mme [Y] aux dépens.

Le greffier,Le président,

Delphine VerhaegheMaurice Zavaro


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 16/03368
Date de la décision : 19/10/2017

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°16/03368 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-19;16.03368 ?
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