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07/09/2017 | FRANCE | N°16/07571

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 07 septembre 2017, 16/07571


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 07/09/2017





***





N° de MINUTE : 492/2017

N° RG : 16/07571



Jugement (N° 15003758)

rendu le 19 novembre 2016 par le tribunal d'instance de Lille







APPELANTE



Administration des Douanes et Impôts Indirects

ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



régulièrement convoqué

e par lettre recommandée avec accusé de réception



représentée et assistée de Me Jean Di Francesco, membre du cabinet Urbino Associés, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Anne-Claire Moyen, avocat au barreau d...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 07/09/2017

***

N° de MINUTE : 492/2017

N° RG : 16/07571

Jugement (N° 15003758)

rendu le 19 novembre 2016 par le tribunal d'instance de Lille

APPELANTE

Administration des Douanes et Impôts Indirects

ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception

représentée et assistée de Me Jean Di Francesco, membre du cabinet Urbino Associés, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Anne-Claire Moyen, avocat au barreau de Douai

INTIMÉE

SARL Jules

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception

représentée et assistée de Me Marguerite Trzaska, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 12 juin 2017 tenue par Maurice Zavaro magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Maurice Zavaro, président de chambre

Bruno Poupet, conseiller

Emmanuelle Boutié, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 septembre 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Maurice Zavaro, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé

La société Jules a importé, de janvier 2002 à décembre 2004, des articles textiles en maille de la Jamaïque. Elle bénéficiait du régime préférentiel de droits attachés à cette origine, sous condition de la présentation d'un certificat EUR 1.

Suite à une mission d'enquête communautaire et suivant procès-verbal du 18 janvier 2006, les agents des douanes ont remis en cause la validité des certificats d'origine EUR présentés. Ils retenaient que les produits importés n'étaient pas fabriqués exclusivement à partir de fils, condition nécessaire à l'application du tarif préférentiel, mais à partir de vêtements provenant de Chine. La société Jules a réglé 697 882 euros au titre des droits de douane et de la TVA.

Elle sollicitait remboursement des sommes payées, l'instruction de la demande étant suspendue dans l'attente d'une décision de la Commission européenne saisie d'une demande similaire émanant d'un autre Etat membre.

Par décision REM 03/07 du 3 novembre 2008, la Commission européenne a refusé d'accorder le remboursement dans l'affaire dont elle était saisie. En application de cette décision, les douanes ont notifié à la société Jules un refus de remboursement par courrier du 11 janvier 2009.

Par jugement du 18 novembre 2016, le tribunal d'instance de Lille constatant un manquement de l'administration au principe de la contradiction, a annulé le procès-verbal de notification du 18 janvier 2006 et a condamné l'administration des douanes à rembourser à la société Jules 697 882 euros ainsi qu'à lui payer 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

*

L'administration des douanes et des impôts indirects conclut au rejet des prétentions de la société Jules et à sa condamnation à payer 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'à l'époque du contrôle, la jurisprudence relative aux droits de la défense n'était pas développée et la codification du droit d'être entendu n'existait pas. Elle souligne par ailleurs que la situation s'apprécie in concreto et soutient que la société Jules avait connaissance de l'objet du contrôle, a eu la possibilité de faire valoir son point de vue, a été convoquée. Elle considère par ailleurs que sa position est bien fondée au fond dès lors que les certificats d'origine ont été annulés.

La SAS Jules conclut à la confirmation du jugement et soutient que les certificats EUR 1 n'ont pas été invalidés par les autorités jamaïcaines, que le compte rendu n'établit pas que ces certificats auraient été délivrés à tort, que le compte rendu n'a aucune force probante, que la notification de la dette douanière est irrégulière, que les autorités jamaïcaines ont commis une erreur active qui ne pouvaient être raisonnablement décelée par la société Jules, qu'il existe des circonstances particulières au sens de l'article 239 du code des douanes communautaires.

Elle sollicite 6 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel.

Discussion

Sur la procédure :

Une décision faisant grief ne peut être prise à l'égard de quiconque sans possibilité pour l'intéressé de faire valoir utilement ses observations sur les faits constatés et le droit appliqué. Il s'agit là d'un principe fondamental du droit processuel, aujourd'hui reconnu en matière douanière par la charte des contrôles douaniers adoptée le 31 mars 2009 mais respecté antérieurement, ainsi qu'en atteste un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 18 décembre 2008. Toutefois, en l'absence d'un ensemble normatif de référence, c'est dans la réalité des faits qu'il convient d'apprécier la méconnaissance éventuelle des droits de la défense au regard des principes généraux de loyauté dans le recueil et le partage des éléments de la cause ainsi que de la possibilité pour le mis en cause, de faire valoir utilement son point de vue.

La mesure de contrôle ayant donné lieu à l'avis de mise en recouvrement, a été initiée le 16 octobre 2003, suivant mention protée au derniers des procès-verbaux, et s'est conclue le 18 janvier 2006. Quatre procès-verbaux de constat ont été établis dans le cadre de cette procédure :

16 octobre 2003

Les agents des douanes se présentent au siège de la société Jules et informent son directeur des achats d'une enquête de contrôle. Toutefois celle-ci porte sur des tissus en provenance d'Indonésie, du Maroc ou de Roumanie.

23 septembre 2005

Un inspecteur et un contrôleur des douanes se présentent au siège de la société Jules et son reçus par son directeur des achats. Ils l'informent de ce que l'Office de lutte anti-fraude (OLAF) de l'Union européenne a découvert un circuit de fraude portant sur l'importation de tissus de la Jamaïque et que la société Jules est apparue avoir réalisé des importations en provenance de fournisseurs jamaïcains impliqués dans le circuit en cause. Ils demandent à leur interlocuteur de produire la liste des fournisseurs, les factures, les dossiers commerciaux et douaniers. M. [C] leur présente l'ensemble de ces documents qui sont consultés sur place et restitués après qu'un tableau récapitulatif a été établi conjointement. Une déclaration de M. [C] est actée ; il exprime sa surprise et affirme sa bonne foi ; il demande communication du rapport OLAF «afin de construire tout type de recours nous permettant de récupérer notre préjudice.»

19 octobre 2005

Les mêmes agents se présentent à nouveau et sont reçus par M. [C]. Ils demandent que les dossiers comptables commerciaux et douaniers relatifs aux importations en provenance de trois fournisseurs déjà évoqués le 23 septembre leur soient présentés. Ils les consultent sur place et emporte une copie de certaines pièces. Un nouveau tableau est établi conjointement. M. [C] fourni des explications complémentaires.

18 janvier 2006

Les mêmes agents reviennent au siège de la société afin de «procéder à la clôture du contrôle». Ils rappellent les faits et informent M. [C] de ce qu'ils retiennent à l'encontre de la société Jules des fausses déclarations d'origine préférentielle qui induisent des taxes éludées pour un montant de 697 882 euros. Ils ajoutent que ce montant doit être acquitté dans un délai de 10 jours au plus et de ce qu'il dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission de conciliation et d'expertise douanière pour avis.

*

Il ressort de ce rappel que les agents des douanes sont intervenus deux fois dans le cadre de l'instruction de l'affaire et une dernière fois pour signifier leurs conclusions. Au cours du premier contrôle, les éléments de l'affaire ont été clairement exposés, ainsi que l'existence du rapport OLAF qui a été communiqué. Le recueil des informations s'est fait contradictoirement de sorte que la société avait connaissance de tous les éléments en la possession des douanes. Lors de la troisième visite, les agents de douanes ont signifié leurs conclusions et informé le société faisant l'objet du contrôle, du redressement. Cette dernière rencontre s'est tenue trois mois après la seconde réunion d'instruction, c'est-à-dire au terme d'un délai suffisant pour faire l'analyse des pièces recueillies contradictoirement et pour préparer une défense que la société était en mesure de faire valoir puisqu'elle avait la possibilité de formuler toute observation.

Il est constant que le projet de redressement n'a pas été notifié à la société en cause antérieurement à la réunion du 18 janvier 2006. Mais une telle notification n'était pas exigée dès lors que l'intéressée avait connaissance des griefs formés à son encontre et avait la possibilité de les discuter utilement. Tel est bien le cas dès lors qu'elle était en mesure de faire valoir ses observations lors de cette dernière rencontre et qu'elle disposait de tous les éléments pour fonder son argumentation, auxquels la connaissance du montant des droits éludés n'apportait rien.

Sur le fond :

Défaut d'invalidation des certificats EUR1 par les autorités jamaïcaines

La société Jules soutient qu'aux termes de l'accord de partenariat et d'une jurisprudence abondante, seule l'autorité compétente du pays émetteur peut se prononcer sur l'applicabilité et l'authenticité des certificats d'origine préférentielle. Elle souligne que l'administration des douanes n'a pas suivi la procédure de contrôle a posteriori prévue par la réglementation. Elle en déduit que celle-ci n'est pas fondée à contester l'applicabilité des certificats de circulation EUR incriminés. Elle considère que le rapport OLAF n'était basé que sur des suppositions et des soupçons. Elle ajoute que la réclamation des douanes seraient prescrites.

Toutefois, dès lors que les autorités compétentes de l'Etat d'exportation déclarent, à la suite d'un contrôle a posteriori, que le certificat EUR 1 n'est pas applicable aux marchandises réellement exportées, cette circonstance permet à elle-seule aux autorités de l'Etat d'importation de constater que les droits légalement dus n'ont pas été exigés et d'engager une action en recouvrement. En l'espèce, l'invalidation des certificats litigieux est la conséquence d'une enquête communautaire, diligentée sur invitation du ministère jamaïcain des affaires étrangères. Elle conclut, sous contreseing du gouvernement jamaïcain, au caractère incorrect des certificats en cause de sorte que la société importatrice ne peut s'en prévaloir étant observé que cette cour n'est pas juge de la procédure d'enquête communautaire.

Enfin, même en considérant comme premier acte de la procédure le procès-verbal du 16 octobre 2003, il ne s'est pas écoulé plus de trois années entre cet événement et le procès-verbal de notification du recouvrement de sorte que la prescription n'est pas acquise, quoi qu'il en soit de l'incidence du rapport OLAF sur ce point.

Défaut de démonstration d'une délivrance fautive des EUR 1 de la société Jules

La société importatrice critique les constatations et les déductions du rapport OLAF qui ne seraient fondées que sur des statistiques et qui ne détaillent pas les opérations en cause en caractérisant leurs irrégularités.

L'administration des douanes rappelle à juste titre que les rapports établis par l'OLAF constituent des éléments de preuve admissibles dans les procédures contentieuses nationales. Par ailleurs ce rapport, contresigné par le gouvernement jamaïcains, n'a pas été remis en cause par la Commission européenne dans sa décision REM 03/07 du 3 novembre 2008, de sorte que l'objection doit être écartée.

Erreur des autorités jamaïcaines

La société Jules invoque l'article 220-2-b du code des douanes communautaire qui prévoit que les droits ne sont pas dus a posteriori lorsque lorsqu'ils n'avaient pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes qui ne pouvaient raisonnablement être décelée par le redevable de bonne foi.

Ce texte précise que la délivrance d'un certificat incorrect ne constitue pas une erreur lorsque celui-ci a été établi sur la base d'une présentation incorrecte des faits par l'exportateur, sauf si les autorités émettrices savaient ou auraient dû savoir que les marchandises ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier d'un traitement préférentiel.

Il résulte du compte rendu de l'enquête OLAF que les exportateurs ont présenté les faits de manière incorrecte pour obtenir la délivrance par les autorités jamaïcaines des certificats en cause ; que les marchandises importées de Chine ont été décrites de manière délibérément inexacte ; que seule l'enquête a permis de révéler les stratagèmes employés ; que rien n'étaye l'affirmation suivant laquelle les autorités jamaïcaines connaissaient ou auraient du connaître la véritable nature des produits en cause. Il en résulte que l'on ne peut retenir une erreur de l'autorité émettrice, qui n'était pas tenue de procéder à des contrôles systématiques de sorte que le volume des échanges ne pouvait lui apparaître.

Situation particulière de la société Jules

La société Jules invoque sa situation particulière dont il doit être tenu compte, aux termes de l'article 239 du code des douanes communautaire dès lors que l'on ne reproche à l'intéressé, ni man'uvres, ni négligences manifeste.

Elle expose que, dans le cadre des mêmes opérations d'importation, la société espagnole El corte inglese a vu l'avis de mise en recouvrement émis par les douanes de son pays, annulé de sorte qu'il existerait une différence de traitement de deux opérateurs placés dans une situation semblable.

L'événement invoqué ne caractérise pas une situation particulière au sens du texte en cause. En effet les mêmes principes s'appliquaient à la société espagnole qui a bénéficié d'une annulation de l'avis de mise en recouvrement la concernant, fondée sur un manquement des autorités ibériques aux règles de procédure qui s'imposaient à elles, ce dont tous les importateurs européens ne peuvent se prévaloir au titre de l'égalité de traitement, dès lors que la procédure conduite par les autorités françaises se trouve validée par cette cour.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La procédure est sans frais répétibles aux termes de l'article 367 du code des douanes. En revanche il serait inéquitable de laisser à l'administration des douanes l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a exposés au cours de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement ;

Déboute la société Jules de ses demandes ;

La condamne à payer à l'administration des douanes 9 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Dit n'y avoir lieu à dépens.

Le greffier,Le président,

Delphine Verhaeghe.Maurice Zavaro.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 16/07571
Date de la décision : 07/09/2017

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°16/07571 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-07;16.07571 ?
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