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01/06/2017 | FRANCE | N°16/03535

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 01 juin 2017, 16/03535


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 01/06/2017





***





N° de MINUTE : 352/2017

N° RG : 16/03535



Jugement (N° 14/01979)

rendu le 15 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Lille





APPELANTE

Mme [V] [R] [P]

née le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 1] (Madagascar)

demeurant

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par

Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Simon Miravete, avocat au barreau de Reims.





INTIMÉE

Mme la Procureure Générale

près la cour d'appel de Douai



représentée par M. Olivier Declerck, substit...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 01/06/2017

***

N° de MINUTE : 352/2017

N° RG : 16/03535

Jugement (N° 14/01979)

rendu le 15 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANTE

Mme [V] [R] [P]

née le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 1] (Madagascar)

demeurant

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Simon Miravete, avocat au barreau de Reims.

INTIMÉE

Mme la Procureure Générale

près la cour d'appel de Douai

représentée par M. Olivier Declerck, substitut général

DÉBATS à l'audience publique du 09 mars 2017, tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Maurice Zavaro, président de chambre

Bruno Poupet, conseiller

Emmanuelle Boutié, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 1er juin 2017 après prorogation du délibéré en date du 11 mai 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. Maurice Zavaro, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 février 2017

***

Mme [V] [R] [P] a relevé appel d'un jugement contradictoire du 15 mars 2016 par lequel le tribunal de grande instance de Lille, saisi à cette fin par le procureur de la République, a constaté son extranéité et l'a condamnée aux dépens.

Elle sollicite l'infirmation de cette décision, le rejet des demandes du procureur général, l'affirmation de ce qu'elle est de nationalité française et la condamnation du Trésor Public aux dépens et à lui payer 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose :

- qu'elle est née le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 1] (Madagascar) de Mme [E] [R],

- qu'elle a été reconnue le 18 septembre 2001, par déclaration devant l'officier d'état civil de [Localité 2], par Mme [E] [R] et par M. [Y] [V], de nationalité française, mariés le [Date mariage 1] 2000,

- qu'elle est arrivée en France en 2002 à la faveur du 'regroupement familial' obtenu par sa mère, laquelle a acquis la nationalité française, comme épouse d'un ressortissant français, par déclaration du 10 mai 2002 enregistrée le 18 mars 2003,

- que, ses parents étant français, elle est française conformément à l'article 18 du code civil,

- qu'à la demande de ses parents, un certificat de nationalité française lui a d'ailleurs été délivré le 31 juillet 2003 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Châlons-en-Champagne,

- qu'il appartient dès lors au ministère public, qui lui conteste la nationalité française, d'apporter la preuve de son extranéité.

A cet égard, le procureur général près la cour d'appel de Douai, qui conclut à la confirmation du jugement, soutient :

- que Mme [V] [R] [P] ne justifie pas d'un état civil certain et qu'en conséquence, sa filiation ne peut être légalement établie à l'égard d'un parent français,

- qu'en effet, une vérification des registres de l'état civil de la commune de [Localité 1] par les autorités consulaires françaises à Madagascar a révélé que l'acte de naissance de l'intéressée est irrégulier au regard de l'article 27 de la loi malgache du 9 octobre 1961 relative à l'état civil en ce qu'il n'est signé ni par l'officier d'état-civil ni par le déclarant,

- que si l'appelante se prévaut d'une ordonnance de référé du tribunal de première instance d'Antalaha (Madagascar) en date du 2 juillet 2008 homologuant, notamment, l'acte de naissance en question, cette ordonnance n'est pas opposable en France dès lors :

* d'une part, que l'intéressée, en ne produisant qu'une photocopie d'une expédition certifiée conforme de la décision, ne respecte pas l'article 8 de la convention franco-malgache du 4 juin 1973 qui dispose que la partie à l'instance qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire [rendue dans l'un des deux Etats signataires] ou qui en demande l'exécution doit produire une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité, l'original de l'exploit de signification de la décision ou de tout autre acte qui tient lieu de signification, un certificat du greffier constatant qu'il n'existe contre la décision ni opposition ni appel ni pourvoi en cassation,

* d'autre part, que l'ordonnance en question, qui ne fait nullement mention d'une communication au ministère public de la requête sur laquelle elle a été rendue, n'est conforme ni aux articles 49 et 54 de la loi malgache du 9 octobre 1961 ni à l'ordre public international français,

- qu'en outre, la loi malgache ne prévoit pas la possibilité de rendre une décision de cette nature,

- qu'en toute hypothèse, si ladite décision homologue l'acte de naissance litigieux après avoir constaté qu'il n'est pas signé par l'officier d'état-civil, ledit acte demeure irrégulier, et ce à jamais, en ce qu'il n'est pas signé par le déclarant,

- que l'acte de naissance dont se prévaut Mme [V] [R] [P] est donc dépourvu de force probante au regard de l'article 47 du code civil,

- qu'au surplus, l'appelante ne justifie pas de la nationalité française de M. [Y] [V] et n'est pas dispensée de ce faire par la production du certificat de nationalité française dont dispose celui-ci qui peut, seul, s'en prévaloir.

Mme [V] [R] [P] fait valoir en réponse :

- que contrairement à ce que soutient le ministère public, elle ne tente nullement de se soustraire aux exigences de la convention franco-malgache susvisée mais a multiplié vainement les démarches pour y satisfaire,

- qu'elle ne peut produire d'original de l'expédition conforme de l'ordonnance du 2 juillet 2008 du tribunal d'Antalaha dès lors :

* que ses parents, sur la suggestion du procureur de la République de Nantes, ont adressé l'original dont ils disposaient au consulat de France à Madagascar aux fins d'authentification mais n'ont jamais eu de réponse et n'ont pu, malgré relance, obtenir la restitution de ce document,

* qu'elle a sollicité vainement du tribunal de première instance d'Antalaha la délivrance d'une nouvelle expédition certifiée conforme,

- qu'en revanche, elle produit une nouvelle copie de son acte de naissance, qui lui a été délivrée en juin 2016, portant en marge la mention de la décision n° 238 rendue le 2 juillet 2008 par le tribunal de première instance d'Antalaha,

- qu'elle ne peut davantage produire d'acte de signification de la décision du tribunal d'Antalaha dès lors qu'elle n'était pas partie à la procédure, ladite décision ayant été rendue sur une requête du maire de la commune de [Localité 1] aux fins de régularisation de plusieurs actes affectés de la même irrégularité,

- qu'il ressort de l'article 54 alinéa 2 de la loi malgache du 9 octobre 1961 qu'une telle requête n'imposait pas une communication au ministère public,

- qu'il ne ressort pas de l'article 56 de la même loi que la seule absence de la signature du déclarant prive l'acte d'état-civil de son caractère d'acte authentique,

- qu'en toute hypothèse, elle ne peut être tenue pour responsable de carences dans la tenue de l'état-civil malgache ni de l'insuccès de ses démarches auprès des autorités consulaires, qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère probant de son acte de naissance et qu'il ressort de l'ensemble des considérations qui précèdent et des pièces du dossier que cet acte n'a pas été établi par fraude,

- que sa filiation à l'égard de M. [Y] [V] et de Mme [E] [R] est établie et qu'elle justifie de ce que ceux-ci sont de nationalité française.

SUR CE

Il est justifié de ce que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées.

***

L'article 30 du code civil dispose que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause ; que toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants.

Mme [V] [R] [P] étant titulaire d'un tel certificat, qui lui a été délivré en 2003, il appartient au ministère public d'apporter la preuve de ce qu'elle n'est pas française.

Aux termes de l'article 18 du même code, est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français.

La position du ministère public est que Mme [V] [R] [P], compte tenu des irrégularités de l'acte présenté comme son acte de naissance, ne justifie pas d'un état civil certain et que, en conséquence, sa filiation ne peut être légalement établie à l'égard d'un parent français.

Or, la filiation de l'intéressée à l'égard de M. [Y] [V] et de Mme [E] [R] repose sur un acte de reconnaissance.

En effet, selon l'article 316 du code civil, la filiation peut être établie par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance ; la reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur ; elle est faite dans l'acte de naissance, par acte reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre acte authentique; l'acte comporte les mentions prévues à l'article 62.

La reconnaissance établit donc un lien de filiation et il est constant qu'elle a un effet absolu.

Ledit article 62 dispose que l'acte de reconnaissance énonce, notamment, les date et lieu de naissance, le sexe et les prénoms de l'enfant ou, à défaut, tous renseignements utiles sur la naissance.

L'appelante verse aux débats l'acte reçu par l'officier de l'état civil de [Localité 2] par lequel 'le dix-huit septembre deux mil un à quatorze heures vingt minutes, [Y] [D] [V], né à [Localité 3] (Marne) le [Date naissance 2] 1964, employé des postes, et [E] [R], née à [Localité 4] (République de Madagascar) le [Date naissance 3] 1975, sans profession, domiciliés à [Adresse 2], ont déclaré reconnaître pour leur fille [V] [R] [P], née à [Localité 1] (République de Madagascar) le [Date naissance 1] 1997 de [E] [R]'.

Quelles que soient les incertitudes que, selon l'intimé, les irrégularités de son acte de naissance font peser sur son état civil tel qu'il résulte dudit acte de naissance, l'enfant objet de la reconnaissance est identifié et est incontestablement, à tout le moins et pour reprendre la formule employée par le ministère public, Mme [V] [R] [P] 'se disant' née le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 1] de Mme [E] [R].

Par conséquent, la filiation de la personne partie à la présente procédure en tant qu'appelante, bénéficiaire d'un certificat de nationalité en date du 31 juillet 2003, se disant ou désignée comme Mme [V] [R] [P], née le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 1] de Mme [E] [R], à l'égard de M. [Y] [V] et de Mme [E] [R], est établie par cet acte de reconnaissance.

Même si la jurisprudence estime que le renversement de la preuve prévu par l'article 30 du code civil au profit du titulaire d'un certificat de nationalité française ne bénéficie qu'à celui-ci, il est à noter que M. [Y] [V] et Mme [E] [R] sont titulaires de certificats de nationalité française, et ce, en ce qui concerne Mme [E] [R], pour avoir souscrit le 10 mai 2002, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, c'est-à-dire comme ayant contracté mariage avec un ressortissant français, une déclaration de nationalité française, enregistrée le 18 mars 2003 et non frappée d'opposition dans le délai imparti à l'Etat pour ce faire.

Quoi qu'il en soit, l'appelante justifie de la nationalité française de M. [Y] [V] en versant aux débats l'acte de naissance de celui-ci, né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 3] (Marne) de deux parents nés en France, et les actes de naissance de ces derniers, eux-mêmes nés, chacun, de deux parents nés en France.

Dès lors, il est établi que Mme [V] [R] [P] est française en application de l'article 18 du code civil.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement.

Il incombe à l'Etat, partie perdante, de supporter la charge des dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait en outre inéquitable, vu l'article 700 du même code, de laisser à l'appelante la charge intégrale de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

constate que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées,

infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

rejette les demandes du procureur général,

dit que Mme [V] [R] [P], se disant née à [Localité 1] (République de Madagascar) le [Date naissance 1] 1997, est Française,

condamne l'Etat aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à Mme [V] [R] [P] d'une indemnité de trois mille euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,Le président,

Delphine VerhaegheMaurice Zavaro


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 16/03535
Date de la décision : 01/06/2017

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°16/03535 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-01;16.03535 ?
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