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18/05/2017 | FRANCE | N°16/00232

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 18 mai 2017, 16/00232


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 18/05/2017



***





N° de MINUTE : 321/2017

N° RG : 16/00232



Jugement (N° 14/04997)

rendu le 07 janvier 2016 par le tribunal de grande instance de Lille





APPELANT

M. [P] [A]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] ([Localité 1])

demeurant

[Adresse 1]

[Adresse 2]



représenté par Me Franço

is Deleforge, membre de la SCP François Deleforge-Bernard Franchi avocat au barreau de Douai

assisté par Me Eric Delfly, avocat au barreau de Lille





INTIMÉS

M. [I] [A]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 1] ([L...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 18/05/2017

***

N° de MINUTE : 321/2017

N° RG : 16/00232

Jugement (N° 14/04997)

rendu le 07 janvier 2016 par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANT

M. [P] [A]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] ([Localité 1])

demeurant

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représenté par Me François Deleforge, membre de la SCP François Deleforge-Bernard Franchi avocat au barreau de Douai

assisté par Me Eric Delfly, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

M. [I] [A]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 1] ([Localité 1])

demeurant

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai

assisté de Me Philippe Lefevre, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Anne-Laure Seris, avocat au barreau de Lille

M. [C] [X]

demeurant

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représenté par Me Virginie Levasseur, membre de la SCP Dominique Levasseur-Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai

assisté de Me Romain Villars, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Maximilien Matteoli, avocat au barreau de Paris

SARL Aléo Industrie, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Eric Laforce, membre de la SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Paul-Louis Minier, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Maurice Zavaro, président de chambre

[P] Poupet, conseiller

Emmanuelle Boutié, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

DÉBATS à l'audience publique du 20 mars 2017, après rapport oral de l'affaire par Maurice Zavaro.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 mai 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. Maurice Zavaro, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 janvier 2017

***

Exposé

Le capital social de la SARL Aléo industrie est réparti entre MM. [I] et [P] [A], qui disposent chacun de 5100 parts ainsi que M. [S] [P] qui en a une. M. [I] [A] était son gérant jusqu'en 2000. Les deux frères ont été co-gérants entre 2000 et 2011. M. [P] [A] a été révoqué de cette fonction lors d'une assemblée générale du 6 juillet 2011, M. [I] [A] redevenant seul gérant. La société Aléo industrie a signé avec l'EURL [I] [A] création une 'convention de direction générale' prévoyant des prestations rémunérées à hauteur de 11 830 euros HT par mois, outre le remboursement des frais, sur justificatif.

Exerçant l'action sociale ut singuli contre la SARL Aléo industrie, MM. [I] [A] et [C] [X], commissaire aux comptes, M. [P] [A] a saisi le tribunal de grande instance de Lille qui, par jugement du 7 janvier 2016, a :

Dit M. [I] [A] irrecevable à agir en nullité des conventions de direction générale signées entre les sociétés Aléo industrie et M. [I] [A] création, faute de qualité ;

Dit l'action sociale en responsabilité exercée à l'encontre de M. [I] [A] en qualité de gérant de la société Aléo industrie, du fait de la signature d'une convention de direction générale le 1er janvier 2011, irrecevable car prescrite ;

Dit M. [P] [A] irrecevable à agir contre la société [I] [A] création faute d'avoir attrait cette dernière à l'instance ;

Dit M. [P] [A] recevable à agir en responsabilité sur le fondement de l'article L223-22 du code de commerce à l'encontre de M. [I] [A] ;

Débouté M. [P] [A] de sa demande de condamnation de M. [I] [A] à rembourser les sommes versées par la société Aléo industrie à la société [I] [A] création, au titre de la convention de direction générale signée le 1er janvier 2012 ;

Débouté M. [P] [A] de sa demande contre M. [C] [X] et de ses autres demandes ;

Condamné M. [P] [A] à payer, au titre des frais irrépétibles, 1 500 euros, chacun, à,

° M. [I] [A],

° La société Aléo industrie,

° M. [C] [X].

*

M. [P] [A] se fonde sur les articles 1131 du code civil et L832-12 du code de commerce pour demander à la cour de :

Constater que la convention de direction générale signée en 2012, et la convention de prestation de services signée en 2013, dont les effets sont constatés dans les exercices 2013 à 2015, sont nulles et de nul effet pour défaut de cause ;

Constater la nullité pour fictivité des conventions correspondant pour partie à des prestations que réalise déjà M. [I] [A] en sa qualité de dirigeant d'Aléo industrie ;

Constater que la réalité des prestations facturées n'est ni établie, ni même discutée en dehors du support juridique sensé les légitimer ;

Constater que les travaux de soudure facturés à Aléo industrie par [I] [A] création ne reposent sur aucune convention connue ;

Constater que la preuve de la réalisation de prestations de soudure n'est pas rapportée ;

Constater que la dépense doit être considérée comme un flux financier anormal au préjudice de la société Aléo industrie ;

Constater que M. [I] [A] est responsable du préjudice subi par Aléo industrie, lié à l'exécution des conventions litigieuses d'une part, à la facturation de travaux de sous-traitance de soudure d'autre part ;

Constater qu'en s'abstenant de rédiger le rapport spécial prévu par l'article L823-12 du code de commerce, le commissaire a manqué à ses obligations ;

Constater que le préjudice subi par Aléo industrie correspond à la totalité des prestations payées en exécution des conventions nulles, fictives ou dont la réalité n'est pas établie ;

Condamner solidairement MM. [I] [A] et [C] [X] à rembourser à la société Aléo industrie 599 275 euros ;

Constater qu'Aléo industrie n'a aucun intérêt à conclure contre ses intérêts ;

Déclarer la SARL Aléo industrie irrecevable en ses fins et prétentions tendant au rejet des demandes présentées par M. [P] [A] ;

Condamner solidairement MM. [I] [A] et [C] [X] à lui payer 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [I] [A] conclut à la confirmation du jugement et demande à la cour de :

Juger irrecevable l'action ut singuli ;

Juger irrecevable la demande d'annulation des conventions de direction générales conclue entre 2013 et 2015, ainsi que des conventions de sous-traitance de prestations de soudure, car nouvelles en cause d'appel ;

Juger irrecevables les prétentions formées contre lui pour avoir conclu des prestations de sous-traitance de soudure, qui sont également nouvelles ;

Juger irrecevables dès lors que les conventions litigieuses ne sont pas annulées, la demande en remboursement des sommes versées en exécution des dites conventions ;

Condamner M. [P] [A] à lui payer 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Aléo industrie conclut dans le même sens et demande subsidiairement qu'il soit jugé qu'elle n'a subi aucun préjudice du fait des conventions litigieuses. Elle sollicite 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

M. [C] [X] considère ne pas avoir commis de faute dans l'exercice de sa mission et conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il rejette les prétentions de M. [P] [A] à son encontre. Il sollicite 15 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Discussion

Sur la recevabilité des demandes d'annulation de conventions conclues par la société Aléo industrie :

L'appelant fonde sa demande d'annulation des conventions signées entre les sociétés Aléo industrie et [I] [A] création sur l'article L223-22 du code de commerce prévoyant que, outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant, intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués.

C'est à juste titre que le jugement relève que ce texte ne donne aucune qualité à un associé pour obtenir l'annulation de conventions signées entre deux sociétés, dont au surplus l'une des deux sociétés signataires n'est pas partie à l'instance.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il dit M. [P] [A] irrecevable à agir en annulation des conventions de direction générale de 2011 et de 2012, faute de qualité. Il sera ajouté qu'il est également irrecevable pour le même motif à agir en annulation des conventions de prestation de service de 2013.

Sur la responsabilité du gérant du fait des conventions de direction générale :

Toute action en responsabilité suppose la démonstration d'une faute et d'un préjudice en résultant directement.

L'appelant soutient que la faute du gérant est d'avoir conclu des conventions de gestion nulles car dépourvues de cause, le préjudice en résultant étant le total des sommes versées par Aléo industrie au cours des exercices 2012 à 2015.

Les missions décrites dans la convention de direction générale signée entre l'EURL [I] [A] création et la SARL Aléo industrie représentée 'par un de ses co-gérants' le 1er janvier 2011, sont de 'conseil et d'assistance' dans la politique commerciale, l'organisation de manifestations, l'élaboration des budgets prévisionnels, l'administration du personnel, de 'coordination', dans la recherche appliquée à la conception de nouveaux produits, le recrutement et la formation et de 'décision', limitée en cela aux choix industriels et aux choix d'application de techniques nouvelles. L'identité du co-gérant signataire n'est pas précisée étant observé que jusqu'au 6 juillet 2011 la société était gérée par MM. [I] et [P] [A]. C'est la seule convention communiquée, mais les parties conviennent de ce que les suivantes (qui seules font l'objet de critiques) sont rédigées dans les mêmes termes.

On ne peut déduire du fait que l'ensemble de ces fonctions pouvaient être assurées par l'un des gérant, puis à partir de juillet 2011, par le seul gérant, qu'une telle mission, dont les dimensions d'assistance et de conseil ne peuvent être simplement écartées, est nécessairement et pour ce seul fait, sans contrepartie.

Quand bien même l'externalisation des tâches relevant de la fonction de direction d'une société serait-elle répréhensible, le préjudice en résultant ne saurait être, comme le soutient l'appelant, le coût de ces prestations, mais uniquement le surcoût pour l'entreprise de la fonction de gestion, sauf à établir que durant la période considérée la société n'a absolument pas été gérée, ce qui n'est pas démontré.

A cet égard, M. [P] [A] ne conteste pas, lorsqu'il était co-gérant, avoir perçu en rémunération de ses services au 1er semestre 2010, 82 056 euros, soit 13 676 euros mensuels alors que durant toute l'année 2010, l'EURL [I] [A] création était elle-même rémunérée à hauteur de 10 920 euros HT par mois, soit 13 060 euros TTC.

A s'en tenir aux rémunérations, il découle de ces chiffres que la société Aléo industrie a réalisé des économies en ce qui concerne le coût de sa gestion, à partir du second semestre 2010, car le coût mensuel de celle-ci s'établit, au premier semestre, à 27 700 euros environ et à 13 000 euros environ au second semestre, 11 830 euros en 2011 et 2012, 7 663 euros en 2013, 14 205 euros en 2014 et 16 490 euros en 2015, étant observé que pour ce qui est des exercices 2014 et 2015, le coût de la sous-traitance de certaines opérations de soudure sont inclus dans les frais de gestion.

Il en résulte que le préjudice allégué n'étant pas démontré, le jugement doit être confirmé en ce qu'il rejette les demandes fondées sur la responsabilité personnelle du gérant.

Sur les demandes au titre des travaux de sous-traitance :

La responsabilité de M. [I] [A] est encore recherchée pour avoir sous-traité à la société [I] [A] création, des travaux de soudure qui ne reposent sur aucune convention commune, dont la réalité n'est pas même établie.

M. [I] [A] oppose à ces demandes qu'elles sont formées pour la première fois en cause d'appel.

Il s'agit, suivant les indications fournies par l'appelant, de prestations facturées en 2015 pour un montant HT de 77 459 euros HT, comptes approuvés lors de l'assemblée générale ordinaire du 29 avril 2015 et en 2015 pour un montant HT de 89 899 euros HT, compte approuvé au cours de l'assemblée générale ordinaire du 17 mai 2016.

En ce qui concerne la recevabilité, l'article 564 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. La cour observe que le calendrier de procédure s'imposant à M. [P] [A] en première instance lui commandait de conclure avant le 16 mars 2015 et que la clôture a été prononcée le 30 septembre 2015 de sorte que celui-ci a pu être dans l'impossibilité de conclure sur ces faits qui procèdent des mêmes principes que ceux dont l'application est demandée concernant les conventions de gestion, mais qui n'ont pas été en sa possession suffisamment tôt pour lui permettre de les inclure dans ses demandes en première instance. La demande sera donc déclarée recevable.

Au fond, le fait pour une entreprise de confier à un partenaire des travaux de sous-traitance est une pratique courante que la seule absence de convention écrite ne rend pas suspecte. Faute d'apporter le moindre élément de nature à laisser supposer que cette opération serait fictive, ce qui impliquerait une faute pénale, les demandes de M. [P] [A], à qui incombe la charge de prouver les faits qu'il allègue, de ce chef doivent être rejetées.

Sur la responsabilité du commissaire aux comptes :

L'article L823-12 du code de commerce prévoit que les commissaires aux comptes signalent à la plus prochaine assemblée générale ou réunion de l'organe compétent les irrégularités et inexactitudes relevées par eux au cours de l'accomplissement de leur mission, Ils révèlent au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance, sans que leur responsabilité puisse être engagée par cette révélation.

L'appelant fait grief au commissaire aux comptes de n'avoir pas dénoncé aux organes sociaux les irrégularités qu'il aurait du relever dans l'exercice de sa mission.

Il découle cependant de ce qui précède que l'irrégularité des transferts de fonds, alléguée par M. [P] [A], n'est pas établie, de sorte que l'on ne peut retenir à son encontre de n'avoir révélé aucun fait au procureur de la République ni signalés des faits qu'il n'avait pas à tenir pour irréguliers ou inexacts. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejette les demandes contre le commissaire aux comptes.

Sur la recevabilité des demandes de la société Aléo industrie :

L'appelant considère que la société Aléo industrie serait irrecevable en ses prétentions, au motif d'un manque d'intérêt à agir.

Il s'agirait là d'une fin de non-recevoir. Or l'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. En l'espèce le défaut d'intérêt ne saurait être établi d'évidence, sans examen du litige au fond. Il s'en suit que l'on ne peut opposer aucune fin de non-recevoir à la société Aléo industrie.

Par ces motifs

La cour,

Dit la SARL Aléo industrie recevable en ses demandes ;

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Dit la demande en responsabilité du gérant de la société Aléo industrie au titre des travaux de soudure sous traités à l'EURL [I] [A] création recevable ;

Déboute M. [P] [A] de ses demandes de ce chef ;

Condamne M. [P] [A] à payer 5 000 euros à chacune des personnes suivantes, au titre des frais irrépétibles exposés en appel :

M. [I] [A],

La SARL Aléo industrie ;

M. [C] [X],

Le condamne aux dépens d'appel

Le greffier,Le président,

Delphine VerhaegheMaurice Zavaro


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 16/00232
Date de la décision : 18/05/2017

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°16/00232 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-18;16.00232 ?
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