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02/02/2017 | FRANCE | N°15/07533

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 02 février 2017, 15/07533


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 02/02/2017





***





N° de MINUTE : 84/2017

N° RG : 15/07533



Jugement (N° 14/00714) rendu le 26 novembre 2015

par le tribunal de grande instance de Valenciennes



REF : BP/AMD





APPELANTE



Association Groupe AHNAC (Association Hospitalière Nord Artois Cliniques)

prise en la personne de son représentant sta

tutaire

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Deleforge Franchi, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Thomas Buffin, avocat au barreau de L...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 02/02/2017

***

N° de MINUTE : 84/2017

N° RG : 15/07533

Jugement (N° 14/00714) rendu le 26 novembre 2015

par le tribunal de grande instance de Valenciennes

REF : BP/AMD

APPELANTE

Association Groupe AHNAC (Association Hospitalière Nord Artois Cliniques)

prise en la personne de son représentant statutaire

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Deleforge Franchi, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Thomas Buffin, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Ondine Prevoteau, avocat

INTIMÉES

SA Inéo Digital Nord

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Eric Tiry, membre du cabinet A.D.N.B, avocat au barreau de Valenciennes

assistée de Me François Forté, membre de la SELARL DF Associés, avocat au barreau de Paris.

SA La Communication Hospitalière

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Arnaud Dragon, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Gérard Vergne, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 24 novembre 2016 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Maurice Zavaro, président de chambre

Bruno Poupet, conseiller

Emmanuelle Boutié, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 février 2017 après prorogation du délibéré en date du 26 janvier 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Maurice Zavaro, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 octobre 2016

***

Par convention du 28 octobre 2004, le centre hospitalier [Localité 1] a consenti à la société La Communication Hospitalière (LCH) une délégation de service public concernant la mise à la disposition des patients de prestations de téléphonie, télévision et télédistribution, et ce pour une durée de douze ans.

Au cours de l'année 2007, l'association Groupe AHNAC (Association Hospitalière Nord Artois Clinique), qui exploite la clinique [Établissement 1] sur le même site que le centre hospitalier [Localité 1], a conçu le projet de faire assurer par le même opérateur les prestations de téléphonie, télévision et internet au profit de ses patients et, après négociation avec LCH, a demandé en 2008 au centre hospitalier l'autorisation d'utiliser à cette fin les services centraux de celui-ci (serveurs centraux, auto commutation téléphonique).

Le centre hospitalier ayant donné son accord, LCH a mis en place les installations nécessaires dans les locaux de la clinique [Établissement 1] et y a assuré ses prestations à partir du 12 février 2009.

Or, la convention de délégation de service public du 28 octobre 2004 au profit de LCH a été résiliée unilatéralement par le centre hospitalier à compter du 3 mai 2010.

Cette rupture a donné lieu à une procédure devant le tribunal administratif de Lille.

LCH, privée de l'accès aux services centraux du centre hospitalier, s'est donc trouvée dans l'impossibilité de poursuivre ses prestations au sein de la clinique [Établissement 1] (AHNAC) qui a néanmoins conservé le matériel installé dans ses locaux et a eu recours à la société Inéo Digital Nord (Inéo) pour assurer la continuité des prestations susvisées à ses patients.

Par acte du 11 février 2014, LCH a assigné l'AHNAC devant le tribunal de grande instance de Valenciennes afin de la voir condamner, sur le fondement de l'article 1147 du code civil et du rapport d'une expertise judiciaire précédemment ordonnée en référé, à l'indemniser du préjudice qu'elle estimait subir.

L'AHNAC a appelé Inéo en cause et les deux procédures ont été jointes.

Par jugement contradictoire du 26 novembre 2015, le tribunal a :

- dit que LCH et l'AHNAC étaient liées par un contrat de gestion et d'exploitation de prestations,

- dit que l'AHNAC a résilié abusivement ce contrat,

- condamné l'AHNAC à payer à LCH, à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes :

* 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de son comportement abusif et déloyal,

* 96 623,50 euros au titre de la perte des matériels installés,

* 50 232 euros au titre de la perte de redevances,

- condamné Inéo à garantir l'AHNAC de ces condamnation à hauteur de 50 232 euros,

- condamné l'AHNAC à payer en outre à LCH la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Inéo de sa demande fondée sur ledit article 700,

- condamné l'AHNAC aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

L'AHNAC, ayant relevé appel de ce jugement, demande à la cour :

- à titre principal, d'infirmer cette décision et de débouter LCH de ses demandes,

- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à son appel en garantie à l'encontre d'Inéo et d'étendre cette garantie à toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

- en tout état de cause, d'ordonner à LCH de reprendre son matériel dans le mois de la signification du présent arrêt sous astreinte de cent euros par jour de retard et de la condamner à lui payer 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais d'expertise et aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Deleforge et Franchi.

Elle fait valoir à cet effet :

- que les contrats conclus par elle-même et par le centre hospitalier avec LCH constituent un ensemble contractuel indivisible,

- que la résiliation du contrat la liant à LCH résulte de plein droit de la résiliation de la convention liant le centre hospitalier à LCH et ne saurait engager sa responsabilité contractuelle,

- qu'au demeurant, le contrat la liant à LCH s'analyse en un contrat de dépôt, qu'elle ne peut être tenue d'indemniser LCH dès lors qu'il appartenait à cette dernière de reprendre son matériel et que, de surcroît, celui-ci a une valeur comptable nulle pour avoir été acquis au titre de charges et immédiatement amorti,

- à titre subsidiaire, qu'il appartient à Inéo, à qui il incombait de remplacer le matériel qu'elle savait ne pas appartenir à la clinique, de la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de LCH, tant en ce qui concerne le défaut de restitution du matériel que les redevances perçues grâce à son utilisation.

LCH conclut à la confirmation du jugement, sauf à porter à 20 000 euros le montant de l'indemnité mise à la charge de l'association Groupe AHNAC au titre de son comportement abusif et déloyal, et à la condamnation de cette dernière à lui verser 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de maître Arnaud Dragon.

Elle fait valoir :

- que le contrat la liant à l'association Groupe AHNAC n'est pas un contrat de dépôt mais bien un contrat de fourniture de matériel et de prestation de services,

- qu'elle n'a autorisé son successeur, Inéo, à utiliser son matériel que pendant quinze jours pour permettre à celle-ci et à l'association d'organiser la transition,

- que son matériel ne lui a pas été restitué et a été utilisé de mai 2010 à juin 2011 par Inéo sans contrepartie,

- qu'elle a été privée pendant cette période et de son matériel et des redevances qu'elle aurait perçues si l'exécution du contrat s'était poursuivie,

- que l'indemnisation qu'elle demande est conforme à l'évaluation de son préjudice faite par l'expert judiciaire et non utilement critiquée.

Inéo déclare s'en rapporter à justice quant à l'appel dirigé par l'AHNAC contre LCR mais sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à garantir l'association de sa condamnation à payer à LCR la somme de 50 232 euros, au débouté de l'AHNAC de ses demandes dirigées contre elle et à la condamnation de l'AHNAC à lui verser une indemnité de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir :

- que le contrat qu'elle a conclu avec l'AHNAC ne prévoyait pas le rachat par ses soins du matériel de LCR mais son remplacement,

- qu'elle ne peut être tenue pour responsable de ce que l'AHNAC n'a pas restitué ledit matériel à LCR, ce qui l'a empêchée, elle, Inéo, de fournir comme convenu, un nouveau matériel et l'a d'ailleurs conduite finalement à résilier son offre,

- qu'elle n'a nullement manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de l'AHNAC et qu'il n'y a donc aucun fondement à la demande de garantie de cette dernière,

- qu'elle est étrangère à la rupture de la convention liant l'AHNAC à LCR et par conséquent au préjudice, allégué par cette dernière, résultant de la perte de redevances (manque à gagner).

SUR CE

Vu les articles 1134, 1147, 1217, 1218 du code civil ;

attendu que LCR et l'AHNAC s'accordent sur le fait qu'il n'a pas été établi de convention écrite entre elles ;

que le tribunal a retenu à juste titre que les pièces versées aux débats et les échanges intervenus entre les parties révélaient leur volonté d'assurer aux patients de la clinique [Établissement 1] des prestations identiques à celles que LCR servait aux patients du centre hospitalier ; que ces échanges joints à l'installation du matériel confirment la réalité de la conclusion d'une convention, calquée sur la convention de délégation de service public consentie par le centre hospitalier à LCR ;

que l'AHNAC ne peut nier qu'elle comportait, pour LCR, l'obligation d'assurer le fonctionnement des réseaux de télévision, téléphonie etc. dont la fourniture de matériel (téléviseurs et autres appareils) était le moyen ; qu'il ne s'agit donc pas, comme le soutient l'AHNAC, d'un simple contrat de dépôt mais bien d'un contrat de fourniture de matériel et de prestation de service, étant observé au demeurant que la qualification de contrat de dépôt n'aurait pas exonéré l'AHNAC de l'obligation, qu'il lui est reproché par LCR de ne pas avoir respectée, de restitution du matériel en cas de résiliation de la convention ;

attendu que l'interdépendance de contrats ou l'indivisibilité d'un ensemble contractuel suppose que les obligations souscrites participent à une même opération économique, qu'en quelque sorte, l'une trouve sa cause dans l'autre (tels la location d'un matériel et la maintenance de celui-ci, le contrat de prestation de service et la location financière du matériel nécessaire à son exécution) ;

qu'il n'existe pas un tel lien entre les contrats conclus respectivement par le centre hospitalier et par l'AHNAC avec LCR, à plusieurs années de distance, même s'ils portaient sur des prestations similaires ;

attendu cependant qu'il est incontesté que la résiliation par le centre hospitalier de la délégation de service public, privant LCR de l'usage des installations techniques de l'hôpital, a mis obstacle à la poursuite de la convention unissant LCR et l'AHNAC ;

que chacune des parties, en acceptant les modalités pratiques de l'exécution de la convention (c'est-à-dire via les installations techniques du centre hospitalier), a accepté les risques de cette dépendance ;

que dès lors, l'AHNAC ne peut reprocher à LCR d'avoir interrompu ses prestations ni LCR reprocher à l'AHNAC de l'avoir privée de la possibilité de les poursuivre;

que par conséquent, l'AHNAC ne peut être tenue pour responsable de la rupture de la relation contractuelle ;

que cela exclut qu'elle puisse être condamnée à verser des dommages et intérêts à LCR pour 'rupture abusive' et à indemniser LCR du manque à gagner résultant de cette rupture et, incidemment, prive d'objet l'appel en garantie dirigée par l'AHNAC contre Inéo, cette dernière faisant au demeurant valoir à juste titre que le préjudice allégué par LCR, à savoir la perte de perception de redevances, n'a pas pour cause la perception desdites redevances par Inéo à compter du mois de mai 2010, résultant d'une prestation réellement assurée par cette dernière, même si c'est avec le matériel de LCR, mais bien la rupture de la convention AHNAC/LCR ;

qu'il y a lieu, dès lors, d'infirmer le jugement sur ce point ;

attendu, en revanche, qu'il ressort des courriers échangés par les trois parties en présence à compter du mois de mai 2010, à propos du sort du matériel appartenant à LCR resté dans la clinique, que LCR a autorisé l'AHNAC et Inéo à utiliser son matériel pendant quinze jours, le temps de trouver une solution, puis a sollicité de l'AHNAC le paiement de la somme de 126 806 euros HT, ramenée ultérieurement à 96 648 euros HT dans un souci de conciliation, en contrepartie de la conservation de son matériel par l'AHNAC, que cette dernière, après avoir nié toute convention conclue avec LCR, a tenté, tout en obligeant LCR à patienter, de faire racheter ce matériel par Inéo conformément à un engagement qu'aurait pris celle-ci alors qu'Inéo a écrit et soutient que son offre n'avait jamais été de racheter le matériel mais de le remplacer et que, comme l'a souligné le tribunal, aucune pièce émanant d'Inéo ne prouve le contraire ; que l'AHNAC, consciente du préjudice résultant pour LCR de la situation, a néanmoins tergiversé inutilement, ne démontre pas avoir proposé la restitution du matériel et l'a effectivement conservé sans bourse délier ; qu'elle a, ce faisant, causé à LCR un préjudice qu'il lui appartient de réparer ;

que l'expert judiciaire a estimé ce préjudice à 96 623,50 euros TTC ; que l'AHNAC ne produit pas d'éléments probants au soutien de sa critique de cette estimation et, en particulier, n'apporte pas la preuve de ce que, comme elle le soutient, LCR aurait enregistré le matériel comme charges avec comme conséquence un amortissement immédiat ;

qu'il y a lieu dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de LCR de ce chef, sauf à préciser, pour éviter tout problème d'exécution, que la somme de 96 623,50 euros produit, de droit, des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement ;

vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné l'AHNAC à payer à la société La Communication Hospitalière, à titre de dommages et intérêts, les sommes de :

* 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de son comportement abusif et déloyal,

* 50 232 euros au titre de la perte de redevances,

- condamné la société Inéo Digital à garantir l'AHNAC de ces condamnations à hauteur de 50 232 euros,

statuant à nouveau,

- déboute la société La Communication Hospitalière de ses demandes de ces chefs,

- constate que l'appel en garantie dirigé par l'AHNAC à l'encontre de la société Inéo Digital n'a pas d'objet,

confirme le jugement en ses autres dispositions, sauf à préciser que la somme de 96 623,50 euros produit des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,

déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples,

condamne l'AHNAC, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la société La Communication Hospitalière et à la société Inéo Digital une indemnité de trois mille cinq cents euros chacune,

la condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par maître Dragon selon les modalités prévues par l'article 699 du même code.

Le greffier,Le président,

Delphine Verhaeghe.Maurice Zavaro.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 15/07533
Date de la décision : 02/02/2017

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°15/07533 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-02;15.07533 ?
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