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08/12/2016 | FRANCE | N°15/05660

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 08 décembre 2016, 15/05660


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 08/12/2016



***





N° de MINUTE : 651/2016

N° RG : 15/05660



Jugement rendu le 17 juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Lille



REF : BP/AMD





APPELANTS



M. [B] [B]

et Mme [A] [B]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]



représentés par Me Eric Laforce, membre de la SELARL Eric Laforce,

avocat au barreau de Douai

assistés de Me Paul-Guillaume Balay, avocat au barreau de Lille





INTIMÉS



M. [L] [V], notaire

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]



représenté et assisté de Me Véronique Vitse-Boeuf, memb...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 08/12/2016

***

N° de MINUTE : 651/2016

N° RG : 15/05660

Jugement rendu le 17 juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Lille

REF : BP/AMD

APPELANTS

M. [B] [B]

et Mme [A] [B]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentés par Me Eric Laforce, membre de la SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistés de Me Paul-Guillaume Balay, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

M. [L] [V], notaire

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

représenté et assisté de Me Véronique Vitse-Boeuf, membre de la SELARL ADEKWA, avocat au barreau de Lille, constituée aux lieu et place de Me Yves Letartre, avocat substituée à l'audience par Me Julie Ribet, avocat au barreau de Lille

SASU Actif Immo

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 1]

SARL [V] [G] Immobilier

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 1]

représentées et assistées de Me Julien Bailly, membre de l'association Bailly Montpellier, AARPI, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Maurice Zavaro, président de chambre

Bruno Poupet, conseiller

Emmanuelle Boutié, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

DÉBATS à l'audience publique du 26 Septembre 2016 après rapport oral de l'affaire par Bruno Poupet.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 décembre 2016 après prorogation du délibéré en date du 24 novembre 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. Maurice Zavaro, président, et Mme Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 juin 2016

***

Par acte sous seing privé du 4 octobre 2011 et par l'intermédiaire de l'agence [V] [G] Immobilier, l'EURL Actif Immo a promis de vendre à M. et Mme [B] un terrain à bâtir d'une superficie de 615 m² situé [Adresse 4] moyennant 120 000 euros.

L'acte authentique de vente a été reçu le 22 décembre 2011 par Me [L] [V], notaire à [Localité 2].

Exposant que le permis de construire qu'ils avaient demandé leur avait été refusé et que le terrain s'avérait inconstructible, M. et Mme [B] ont fait assigner l'EURL Actif Immo ainsi que la SARL [V] [G] Immobilier et Me [V] devant le tribunal de grande instance de Lille afin d'obtenir la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vives cachés, subsidiairement de l'erreur et très subsidiairement du dol, ainsi que la condamnation solidaire des défendeurs à les indemniser du préjudice qu'ils affirmaient subir.

Par jugement contradictoire du 17 juillet 2015, le tribunal a déclaré leurs demandes irrecevables au motif tiré de ce que l'assignation, en violation des articles 28-4°c et 30 du décret du 4 janvier 1955, n'avait pas été publiée au service chargé de la publicité foncière, et les a condamnés aux dépens ainsi qu'au paiement à la SARL [V] [G] Immobilier et à Me [V] d'une indemnité de 1 500 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [B], ayant relevé appel de ce jugement, en sollicitent l'infirmation, déclarent avoir régularisé la procédure par la publication de l'assignation et demandent à la cour :

- de prononcer la résolution de la vente sur les fondements exposés ci-dessus,

- de condamner la SARL Actif Immo à leur rembourser la somme de 120 000 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation,

- de condamner solidairement la SARL [V] [G] Immobilier et Me [V] à les garantir du remboursement du prix,

- de condamner solidairement la SARL Actif Immo, la SARL [V] [G] Immobilier et Me [V] à leur payer 114 298,76 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts légaux à compter de l'assignation, outre 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Les sociétés Actif Immo et [V] [G] Immobilier concluent à la confirmation du jugement, subsidiairement au débouté de M. et Mme [B] de leurs demandes et en tout état de cause à la condamnation de ces derniers aux dépens et au paiement à la société Actif Immo de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles font valoir essentiellement que le permis de construire a été refusé à M. et Mme [B] en raison de la nature du projet (construction d'un ensemble de plusieurs logements), différent de celui en vue duquel ils ont acquis le terrain (construction d'une maison individuelle) mais que les appelants n'apportent pas la preuve du caractère inconstructible du terrain.

Me [V] conclut également à la confirmation du jugement, subsidiairement au rejet des demandes formées à son encontre en faisant valoir qu'aucune faute ne peut lui être reproché dès lors qu'il n'est pas intervenu dans la négociation du terrain mais uniquement comme rédacteur de l'acte authentique et à la condamnation des appelants aux dépens et à lui payer 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Attendu que l'article 126 du code de procédure civile dispose que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ;

qu'il est constant que la régularisation peut intervenir en cause d'appel ;

que M. et Mme [B] justifient de ce que l'assignation introductive d'instance a été publiée le 26 janvier 2016 au service de la publicité foncière de Lille et de ce que la fin de non-recevoir retenue à bon droit par le tribunal ne peut plus leur être opposée ;

***

attendu que l'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;

que l'article 1644 précise que dans ce cas, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ;

qu'il n'est pas contesté que le terrain acquis par M. et Mme [B] se trouve en zone constructible ;

que cependant, la demande de permis de construire qu'ils ont déposée le 26 décembre 2012, portant sur la construction d'un bâtiment abritant plusieurs logements, a été rejetée par un arrêté du 25 février 2013 ;

que le premier motif de ce rejet est le suivant :

'considérant qu'en vertu de l'article UC 2 du plan local d'urbanisme, toute unité foncière située en arrière-plan et raccordée à la voie publique ou privée par un accès automobile dans les conditions fixées à l'article UC 3 doit avoir sa plus petite dimension égale ou supérieure à cinq mètres (voir en annexe documentaire le schéma sur la notion d'arrière-plan,

considérant que la plus petite dimension de l'unité foncière est de 4,01 mètres' ;

qu'il résulte clairement de cette motivation que le rejet n'est pas dû à la nature du projet mais à une caractéristique du terrain lui-même, l'unité foncière ;

qu'il est vain de la part des intimés de s'interroger sur le point de savoir si le terrain en question est bien raccordé à la voie publique par un accès automobile dans les conditions fixées à l'article UC 3 dès lors qu'en opposant la règle précitée à M. et Mme époux [B], le maire a considéré que tel était le cas ;

qu'il est exact que l'arrêté fait également état de non-conformités du projet à des règles du plan local d'urbanisme (nombre de places de stationnement par rapport au nombre de logements, emplacement du bâtiment, etc.), ce qui est également indifférent dès lors que la correction de ces non-conformités à la faveur d'un nouveau projet ne ferait pas disparaître la difficulté première tenant au terrain lui-même ;

que cela est confirmé par le refus opposé le 8 décembre 2015 à une nouvelle demande de permis de construire présentée le 22 octobre 2015 par M. et Mme [B] et relatif, cette fois, à la construction d'une maison individuelle, et motivé en premier lieu exactement par la même règle ;

qu'un 'certificat d'urbanisme opérationnel négatif' délivré le 12 novembre 2015 confirme encore que l'opération est irréalisable au regard de la règle posée par l'article UC 2 du plan local d'urbanisme ;

que la production par M. et Mme [B] de deux refus de permis de construire portant sur des projets différents, motivés par une caractéristique du terrain lui-même, suffit, sans que l'on exige d'eux, comme le suggèrent les intimés, qu'ils exercent devant la juridiction administrative un recours, au succès aléatoire, contre les arrêtés du maire, pour démontrer que le terrain vendu, dans sa configuration actuelle, n'est pas constructible au regard du plan local d'urbanisme ;

que le caractère non constructible d'un terrain vendu comme terrain à bâtir, en raison d'une règle locale d'urbanisme qu'un acheteur profane pouvait légitimement ignorer, constitue un vice caché rendant ce bien impropre à l'usage auquel il était destiné et justifiant la résolution de la vente ;

que cette résolution entraîne les restitutions croisées du bien et du prix ;

attendu que les articles 1645 et 1646 du code civil précisent que si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente mais que s'il les connaissait, il est tenu en outre de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ;

qu'il est constant que le vendeur professionnel est présumé avoir connu les vices de la chose ;

que le vendeur, la société Actif Immo, qui, ainsi qu'il en est justifié, est une SARL unipersonnelle ayant pour objet social l'activité de marchand de biens et pour gérant M. [V] [G], également gérant de l'agence immobilière ayant servi d'intermédiaire au cas présent, est assurément un vendeur professionnel ;

que cette société est donc tenue en premier lieu de la restitution du prix (120 000 euros) et du paiement des frais occasionnés par la vente (8 553,26 euros de frais de notaire), mais aussi du préjudice susceptible d'avoir été subi par l'acquéreur ;

que ce préjudice comprend d'autres frais dont il est justifié : 398 euros d'impôts fonciers, 4 000 euros de frais d'architecte, 724,50 euros de frais d'entretien du terrain, soit 5 122,50 euros au total ;

qu'il ne peut intégrer le manque à gagner (non perception des loyers espérés) pendant trois ans et demi, lequel est incertain, ni même la perte d'une chance de percevoir lesdits loyers dès lors que ceux-ci n'auraient probablement, pendant un certain nombre d'années, que compensé le coût de la construction qui n'a pas été exposé ;

qu'en revanche, M. et Mme [B] peuvent valablement arguer de la perte résultant de l'immobilisation des fonds investis (partiellement compensée toutefois par les intérêts sur le prix de vente à compter de la vente) et de la déception comme de l'anxiété liées aux circonstances de la cause ; qu'une indemnité de quinze mille euros est de nature à réparer ce préjudice ;

que c'est donc une somme de 20 122,50 euros qui doit leur être allouée à titre de dommages et intérêts ;

attendu que la SARL [V] [G] Immobilier, en tant qu'agent immobilier et négociateur de la vente, en proposant le terrain litigieux comme terrain à bâtir et en rédigeant la promesse de vente correspondante sans s'assurer de ce que ce bien présentait un caractère constructible sans réserve, a commis une faute, d'autant plus caractérisée que son gérant est aussi le gérant de la société venderesse, qui engage sa responsabilité envers les acquéreurs sur le fondement de l'article 1382 du code civil et justifie en conséquence qu'elle soit condamnée in solidum avec la venderesse à indemniser les époux [B] de leur préjudice ;

attendu en revanche que Me [V] n'est pas intervenu au stade de la négociation du bien mais seulement pour l'établissement de l'acte authentique, ne peut donc se voir reprocher de n'avoir pas conseillé l'insertion d'une conditions suspensive d'obtention d'un permis de construire, condition introduite habituellement dans le compromis de vente, et justifie de ce qu'il avait obtenu, pour garantir l'efficacité de son acte, un certificat d'urbanisme duquel il ressortait que le terrain litigieux était constructible ; qu'aucune faute n'est caractérisée en ce qui le concerne, de sorte que les époux [B] doivent être déboutés de leurs demandes à son encontre ;

vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

déclare recevables les demandes de M. et Mme [B],

prononce la résolution de la vente portant sur un terrain à bâtir d'une superficie de 615 m² situé [Adresse 4] consentie par la société Actif Immo à M. et Mme [B] suivant promesse sous seing privé du 4 octobre 2011 et acte authentique du 22 décembre 2011,

ordonne la restitution dudit terrain par M. et Mme [B] à la société Actif Immo,

condamne la société Actif Immo à payer à M. et Mme [B] les sommes de cent vingt mille euros (120 000) et de huit mille cinq cent cinquante-trois euros et vingt-six centimes (8 553,26), avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2011,

condamne in solidum la société Actif Immo et la société [V] [G] Immobilier à leur payer la somme de vingt mille cent vingt-deux euros et cinquante centimes (20 122,50 euros) à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

déboute M. et Mme [B] de leurs demandes dirigées contre Me [L] [V],

les condamne solidairement à payer à Me [V] une indemnité de mille cinq cents euros (1 500 euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne in solidum les sociétés Actif Immo et [V] [G] Immobilier aux dépens et au paiement à M. et Mme [B] d'une indemnité de cinq mille euros par application dudit article 700.

Le greffier,Le président,

Delphine Verhaeghe.Maurice Zavaro.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 15/05660
Date de la décision : 08/12/2016

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°15/05660 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-08;15.05660 ?
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