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08/09/2016 | FRANCE | N°16/016441

France | France, Cour d'appel de Douai, 1b, 08 septembre 2016, 16/016441


République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 08/09/2016

***

No de MINUTE :
No RG : 16/01644 jonction du RG No 16/01652

Ordonnance d'incident (No 15/05699)
rendue le 29 Janvier 2016
par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille

REF : CPL/VC

APPELANTS
et intimé dans procédure no 16/01652
Monsieur Alexandre X...
né le [...]        à Chennevières-sur-Marne (94430)
demeurant
[...]                         

    

intimée dans procédure no 16/01652
Sarl AHP Prod , agissant poursuites et diligences de son représentant légal
ayant son siège social
[...]             ...

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 08/09/2016

***

No de MINUTE :
No RG : 16/01644 jonction du RG No 16/01652

Ordonnance d'incident (No 15/05699)
rendue le 29 Janvier 2016
par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille

REF : CPL/VC

APPELANTS
et intimé dans procédure no 16/01652
Monsieur Alexandre X...
né le [...]        à Chennevières-sur-Marne (94430)
demeurant
[...]                             

intimée dans procédure no 16/01652
Sarl AHP Prod , agissant poursuites et diligences de son représentant légal
ayant son siège social
[...]                                 

représentés par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Bernard Franchi-François deleforge, avocat au barreau de Douai
assistés de Me Olivier A..., avocat au barreau de Paris

INTIMÉS
et appelant dans procédure no 16/01652
Monsieur Sébastien B...
demeurant
[...]                                   

appelante dans procédure no 16/01652
SARL Interposter, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social
[...]                                                                       

représentés par Me Marie-Hélène C..., avocat au barreau de Douai
assistés de Me Michel D..., avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Virginie E..., avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 28 Juin 2016, tenue par M. Christian G... magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine Popek

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
M. Christian G..., président de chambre
Mme Myriam Chapeaux, conseiller
Mme Isabelle Roques, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. Christian G..., président et Mme Claudine Popek, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. Alexandre X... est coiffeur et photographe.

Il conçoit des albums de photographies représentant des modèles de coiffure dans une collection intitulée : ‘'hung up''.

La société AHP PROD a été constituée par M. X..., en août 2008, afin d'exploiter notamment des photographies des albums créés par lui.

La société Interposter, constituée en juillet 2009 par M. Sébastien B..., a notamment pour objet le négoce et la distribution de tous produits destinés aux professionnels de la coiffure et de l'esthétique.

Cette société a succédé à M. B... qui exerçait cette activité en son nom personnel depuis 1996 sous le nom commercial ‘'Interposter''.

Début 2008, M. X... a confié à M. B... le soin d'exploiter un premier album de coiffure ; les parties ont poursuivi leur relation par le biais de leurs sociétés.

Estimant qu'à compter de 2014 la société Interposter et M. B... ont cessé de remplir leurs engagements contractuels tout en poursuivant l'exploitation des œoeuvres en cause protégeables, selon eux, au titre du droit d'auteur, la société AHP Prod et M. X... ont assigné M. B... et la SARL Interposter, le 22 mai 2015, en violation des engements contractuels et en contrefaçon, réclamant réparation devant le tribunal de grande instance de Lille.

Par conclusions du 28 décembre 2015, M. B... et Interposter ont saisi le juge de la mise en état d'une double exception d'incompétence territoriale et d'attribution du tribunal de grande instance de Lille pour connaître de l'action engagée par AHP Prod .

Par ordonnance d'incident du 29 janvier 2016, le juge de la mise en état s'est déclaré "incompétent pour statuer sur le caractère protégeable au titre du droit d'auteur des albums Hung up, des photographies reproduites sur les kakémonos et les posters" et a " sursis à statuer, en conséquence, jusqu'à ce que le juge du fond par une décision définitive tranche la question du caractère protégeable des albums Hung up, des photographies reproduites sur les kakémonos et les posters".

Aux termes d'une ordonnance rendue le 10 mars 2016, le premier président de la cour d'appel de Douai a ordonné la jonction des deux procédures, autorisé la société AHP Prod et M. X..., d'une part, M. B... et la SARL Interposter, d'autre part, à relever appel de cette ordonnance et à assigner à jour fixe.

M. X... et la SARL AHP Prod , M. B... et la SARL Interposter, ont interjeté appel, selon déclarations reçues, par voie électronique, au greffe de la cour et enregistrées le 15 mars 2016 sous les RG 16/01644 et 16/01652. Il y a lieu de prononcer la jonction des deux instances.

Dans le dernier état de leurs écritures récapitulatives, déposées par voie électronique le 22 juin 2016, M. X... et la SARL AHP Prod demandent à la cour de :

Vu l'article, L.331-1 al. 1er du code de la propriété intellectuelle ;

Vu les articles L. 211-10 et D.211-6-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Vu les articles 71 et 771 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance du 3 mars 2016 rendue par M. le premier président de la cour d'appel de Douai

Recevoir M. X... et la SARL AHP Prod en leur appel et les y déclarer bien-fondés ;

Réformer l'ordonnance du 29 janvier 2016 rendue par le Juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur le caractère protégeable au titre des droits d'auteur d'une œuvre de l'esprit et a sursis à statuer jusqu'à ce que le juge du fond tranche cette question ;

Constater, dire et juger que le premier juge a, à bon droit, estimé que les demandes visant à voir engager la responsabilité contractuelle de M. B... et la SARL Interposter sont indivisibles au titre d'un lien de connexité évident de celles relatives à la contrefaçon que M. X... et la SARL AHP Prod leur reprochent par ailleurs, en sorte que le tribunal de grande instance de Lille est compétent pour connaître de l'entier litige ;

Débouter M. B... et la SARL Interposter de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes demandes des concluants ;

Dire et juger qu'au titre du seul constat des dispositions invoquées et des griefs formés à l'encontre de M. B... et la SARL Interposter, le tribunal de grande instance de Lille est compétent pour connaître de l'entier litige et dire n'y avoir lieu de renvoyer cette affaire devant quelque autre juridiction que ce soit ;

Subsidiairement, dans l'hypothèse où il faudrait pour la cour trancher la question de l'originalité des créations en cause ;

Dire et juger que cette dernière ne peut être contestée et que c'est ainsi à bon droit que M. X... et la SARL AHP Prod ont porté le présent litige devant le tribunal de grande instance de Lille.

En toute hypothèse :

Condamner M. B... et la SARL Interposter à payer, chacun de M. X... et la SARL AHP Prod , une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. B... et la SARL Interposter aux entiers dépens avec droit pour la SCP Deleforge et Franchi de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses leurs conclusions récapitulatives, déposées par voie électronique le 28 juin 2016, M. B... et la SARL Interposter demandent à la cour de :

Vu les articles 77, 380 et 771 du code procédure civile,

Vu l'ordonnance du 29janvier 2016,

Infirmer l'ordonnance rendue par le Juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille du 29 janvier 2016,

Et statuant à nouveau

Recevoir la société Interposter et M. Sébastien B... en leurs conclusions d'exception d'incompétence, les en dire bien fondés,

Vu les articles L.111-1 et suivants, L.112-1, L.112-1, L.112-2, L.122-4 et suivants, L.331-1, L.331-1-3, L.332-5 et suivants et D.331-1-1 du code de la propriété intellectuelle du code de la propriété intellectuelle,

Dire et juger que le tribunal de grande instance de Lille est incompétent, ratione materiae et subséquemment loci, pour connaître de l'action en contrefaçon intentée par
M. Alexandre X... et la société AHP Prod à l'encontre de M. Sébastien B... et de la société Interposter sur le fondement des dispositions des articles L.111-1 et suivants, L.112-1, L.112-1, L.112-2, L.122-4 et suivants, L.331-1, L.331-1-3, L.332-5 et suivants et D.331-1-1 du code de la propriété intellectuelle du code de la propriété intellectuelle,

Se déclarer incompétent au profit du tribunal de grande instance de Rouen pour connaître de l'action engagée par M. Alexandre X... et la société AHP Prod à l'encontre de M. Sébastien B... et de la société Interposter à raison de la qualité commerçante et non commerçante des parties en cause, et sans préjudices des exceptions, fins de non-recevoir et autres défenses au fond qui seront soulevées devant cette juridiction,

Renvoyer M. Alexandre X... et la société AHP Prod à mieux se pourvoir à l'encontre de la société Interposter devant le tribunal de grande instance de Rouen,

Vu les articles du code de commerce et notamment l'article L.721-3,

Vu les articles 1101 et suivants, 1134 et suivants et 1141 et suivants du code civil

Dire et juger que le tribunal de grande instance de Lille est incompétent pour connaître de l'action en responsabilité contractuelle intentée par la société AHP Prod à l'encontre de la société Interposter sur le fondement des dispositions des articles 1101 et suivants, 1134 et suivants et 1141 et suivants du code civil,

Se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Rouen pour connaître de l'action intentée par la société AHP Prod à l'encontre de la société Interposter,

Renvoyer la société AHP Prod à mieux se pourvoir à l'encontre de la société Interposter devant le tribunal de commerce de Rouen,

Condamner in solidum la société AHP Prod et M. Alexandre X... à verser à la société Interposter et à M. Sébastian B... la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner in solidum la société AHP Prod et M. Alexandre X... aux entiers dépens.

SUR CE,

Attendu que, les deux parties se rejoignant sur l'obligation, pour le juge de la mise en état, de statuer, la question posée à la cour porte sur le pouvoir du juge de la mise en état au regard de la compétence exclusive qui lui est confiée par la loi : devait-il statuer, si oui, jusqu'où devait aller son appréciation du fond du litige pour trancher sur la question de la compétence territoriale et d'attribution du tribunal saisi ;

Sur le pouvoir du juge de la mise en état et l'obligation de statuer :

Attendu que selon M. B... et la SARL Interposter, il résulte de la combinaison des articles 771-1o et 77 du code de procédure civile que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance est exclusivement compétent pour se prononcer sur toutes les

exceptions de procédure, quand bien même cette question dépendrait d'une question de fond, ce dernier devant statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes ;

Qu'ainsi, le juge de la mise en état ne pourrait surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de la juridiction de jugement sur la question du fond ;

Attendu que selon l'article 771-1o du code de procédure civile, lorsqu'une "demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour (...) statuer sur les exceptions de procédure (...) les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge" ;

Qu'ainsi, pour les attributions qui lui sont confiées par l'énumération limitative de ce texte, ce magistrat est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure au sens des articles 73 et suivants du code de procédure civile jusqu'à l'ouverture de débats, conformément à l'alinéa 4 de l'article 779 du même code ;

Qu'il est donc exclusivement compétent pour trancher les questions de compétence du tribunal saisi, lesquelles doivent être soulevées, avant tout défense au fond, en application des dispositions de l'article 74 ;

Que les parties ne sont plus recevables à soulever des exceptions et incidents ultérieurement ;

Qu'aux termes de l'article 775 du code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état ont autorité de la chose jugée lorsqu'elles statuent sur les exceptions de procédure ;

Qu'enfin, en vertu de l'article 77 du même code : "Lorsqu'il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes" ;

Attendu, sur le fondement de ces dispositions combinées, qu'il incombait donc au juge de la mise en état, saisi par M. B... et la SARL Interposter d'une exception d'incompétence dont le sort dépendait d'une question de fond, de statuer ;

Qu'en conséquence, doit être infirmée l'ordonnance du premier juge qui décide de surseoir à statuer sur les exceptions d'incompétence jusqu'à ce que le juge du fond ait définitivement tranché la question touchant au fond du litige après s'être déclaré incompétent pour le faire, au motif qu'il s'agit d'un moyen de défense au fond ;

Sur la compétence du tribunal de grande instance de Lille :

Attendu, à titre liminaire, qu'il sera rappelé qu'en application de l'article L. 331-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, "les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire" ;

Que selon l'article L. 211-10 du code de l'organisation judiciaire : "Des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de brevets d'invention, de certificats d'utilité, de certificats complémentaires de protection, de topographie de produits semi-conducteurs, d'obtentions végétales, d'indications géographiques et de marques, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle" ;

Qu'il en résulte que la loi a entendu réserver "la matière de la propriété intellectuelle" à certains tribunaux de grande instance territorialement compétents sur le ressort de cours d'appel, en vertu de l'article D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire en ces termes : "Le siège et le ressort des tribunaux de grande instance ayant compétence exclusive pour connaître des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d'indications géographiques, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle, sont fixés conformément au tableau VI annexé au présent code" ;

Qu'ainsi un bloc de compétence spéciale en ce domaine a été érigé au profit de certains tribunaux de grande instance et l'emporte, en matière de propriété intellectuelle, sur la compétence du tribunal de commerce, même pour un litige entre commerçants, du conseil des prud'hommes et du juge administratif ;

Que se pose donc, en l'espèce, la question de la compétence territoriale et d'attribution du tribunal de grande instance de Lille saisi par M. X... et la SARL AHP Prod relativement à des faits intervenus entre deux sociétés commerciales et entre un non commerçant et un commerçant et sur le ressort des tribunaux de commerce et de grande instance de Rouen ;

Attendu que M. X... et la SARL AHP Prod font valoir, comme devant le Juge de la mise en état, qu'eu égard au fondement juridique de leurs demandes formulées au visa notamment des articles L. 111-1 et suivants, L. 112-1, L. 112-2 et suivants, L. 122-4 et suivants, L. 331-1, L. 332-5 et suivants du code de la propriété intellectuelle, le tribunal de grande instance de Lille était compétente par application des dispositions des articles L. 331-1 al 1er du code de la propriété intellectuelle et L. 211-10 et D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Qu'il ne lui était, dès lors, pas nécessaire de trancher la question de fond, que constitue l'originalité contestée des oeuvres en cause, mais seulement de constater que le litige était bien relatif à la propriété littéraire et artistique au sens de l'article L. 331-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que M. B... et la SARL Interposter opposent que seules les œoeuvres de l'esprit bénéficient des dispositions protectrices du droit d'auteur sur le fondement de l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle, et que, préalablement à l'application des dispositions de l'article L.331-1 du même code afin de déterminer le tribunal de grande instance compétent, il y a lieu justifier du caractère original ou non de l'œuvre dont la protection est sollicitée ;

Qu'il ne suffit donc pas, selon M. B... et la SARL Interposter, que les demandes visent les articles du code de la propriété intellectuelle pour déterminer la juridiction compétente ;

Mais attendu, qu'en application des articles 771-1o et 77 textes sus-énoncés du code de procédure civile, si le juge de la mise en état dispose d'une compétence exclusive pour

statuer sur les exceptions de procédure, notamment celles portant sur la compétence du tribunal de grande instance saisi, et si l'examen préalable du fond s'impose à lui afin de trancher sur la compétence, il ne saurait pour autant se substituer au tribunal et vider de sa substance l'appréciation que ce dernier sera conduit à porter sur les éléments relevant du litige pour dire la prétention bien ou mal fondée ;

Qu'ainsi, pour statuer sur la compétence exclusive du tribunal saisi, le juge de la mise en état doit rechercher si les prétentions de M. X... et la SARL AHP Prod , au regard de l'objet de leurs demandes et des fondements sur lesquels elles ont été formées, portaient bien sur l'application de dispositions relevant du droit de la propriété littéraire et artistique ;

Que l'examen, à ce stade de la procédure, du lien de la demande avec le droit de la propriété intellectuelle s'articule donc indépendamment de son bien ou mal fondé et de l'existence reconnue ou non de l'oeuvre protégeable ;

Attendu, en l'espèce, que selon l'acte introductif d'instance du 22 mai 2015, la demande présentée au tribunal de Lille porte :

- sur les manquements de la SARL Interposter à ses obligations contractuelles, au visa des articles 1101, 1134 et 1141 et suivants du code civil ;

- sur l'exploitation illicite des albums HUNG UP et produits dérivés au-delà de 8 000 exemplaires d'albums, 2 500 exemplaires de kakemonos et 4 000 exemplaires de posters par numéro de la collection ‘'hung up'', reprochée à M. B... et à la SARL Interposter, comme autant d'actes de contrefaçon, au visa des L.111-1 et suivants, L. 112-1, L. 112-2 et suivants, L. 122-4 et suivants, L.331-1, L. 331-1-3, L332-5 et suivants, D.331-1-1du code de la propriété intellectuelle et D.211-6-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Que ces prétentions sont, pour une partie des demandes, fondées sur des dispositions du code de la propriété intellectuelle ;

Que l'action en responsabilité contractuelle, parallèlement engagée par M. X... et la SARL AHP Prod contre la société Interposter est nécessairement connexe à l'action en contrefaçon diligentée à l'encontre de M. B..., la validité et le maintien des relations contractuelles, après 2014, conditionnant, dans le cas de reconnaissance du droit d'auteur sur les œoeuvres invoquées, l'existence ou non des actes de contrefaçon allégués ;

Qu'il convient en conséquence, constatant tant l'objet des demandes que leurs fondements juridiques, de retenir, à ce stade de l'examen de la seule compétence, que ces demandes sont relatives à la propriété littéraire et artistique, et ressortissent à la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Lille, au sens des dispositions de l'article L. 331-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle ;

Que la cour rejettera les demandes de M. B... et la SARL Interposter et dira qu'il n'y a pas lieu au renvoi du présent litige devant une autre juridiction que le tribunal déjà saisi ;

Sur les frais irrépétibles de procédure et les dépens :

Attendu qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. X... et la SARL AHP Prod l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés, par eux, tant en première instance qu'en appel ;

Qu'il y a lieu de leur allouer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500 euros pour chacun d'eux et pour les deux instances ;
Attendu que la demande faite, au même titre, par M. B... et la SARL Interposter sera rejetée et que le sens de l'arrêt justifie de les condamner aux dépens de l'incident devant le juge de la mise en état et de l'instance d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Prononce la jonction des procédures enregistrées sous les RG 16/01644 et 16/01652 sous le RG 16/01644.

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Constate que les demandes formées par M. X... et la SARL AHP Prod sont relatives à la propriété littéraire et artistique ;

Dit que le tribunal de grande instance de Lille est compétent pour connaître de l'entier litige ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi de l'affaire devant une autre juridiction ;

Condamne in solidum M. B... et la SARL Interposter à payer à M. X... et la SARL AHP Prod la somme de 2 500 euros, pour chacun d'eux, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. B... et la SARL Interposter aux dépens de l'incident devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille et de l'instance d'appel ;

Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et au profit de la SCP d'avocats deleforge et Franchi;

Déboute les parties de toutes demandes, fins ou prétentions, plus amples ou contraires.

Le greffier Le président,

Mme Claudine Popek M. Christian G...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : 1b
Numéro d'arrêt : 16/016441
Date de la décision : 08/09/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

Sommaire : deux points intéressants : ¿ Le pouvoir du juge de la mise en état et l¿obligation de statuer sur une exception d¿incompétence dont le sort dépendait d¿une question de fond : Selon, l¿article 771-1° du code de procédure civile, pour les attributions énumérées limitativement par ce texte, le magistrat de la mise en état est seul compétente pour statuer sur les exceptions de procédure au sens des articles 73 et suivants du code de procédure civile jusqu¿à l¿ouverture des débats, conformément à l¿alinéa 4 de l¿article 779 du même code. Il est donc exclusivement compétent pour trancher les questions de compétence du tribunal saisi, lesquelles doivent être soulevées, avant tout défense au fond, en application des dispositions de l¿article 74. Aux termes de l¿article 775 du code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état ont autorité de la chose jugée lorsqu¿elles statuent sur les exceptions de procédure. Enfin, en vertu de l¿article 77 du même code : « Lorsqu'il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes ». En conséquence, la cour d¿appel a décidé, sur le fondement de ces dispositions combinées, qu¿il incombait au juge de la mise en état, saisi par les parties d¿une exception d¿incompétence dont le sort dépendait d¿une question de fond, de statuer ; ¿ Sur les compétences territoriales et d¿attribution du tribunal de grande instance de Lille : En application de l¿article L. 331-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, « les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire ». Selon l¿article L. 211-10 du code de l¿organisation judiciaire : « Des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de brevets d'invention, de certificats d'utilité, de certificats complémentaires de protection, de topographie de produits semi-conducteurs, d'obtentions végétales, d'indications géographiques et de marques, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle ». Il en résulte que la loi a entendu réserver « la matière de la propriété intellectuelle » à certains tribunaux de grande instance territorialement compétents sur le ressort de cours d¿appel, en vertu de l¿article D. 211-6-1 du code de l¿organisation judiciaire. Un bloc de compétence spéciale en ce domaine a ainsi été érigé au profit de certains tribunaux de grande instance et l¿emporte, en matière de propriété intellectuelle, sur la compétence du tribunal de commerce, même pour un litige entre commerçants, du conseil des prud¿hommes et du juge administratif. En l¿espèce, se posait la question de la compétence territoriale et d¿attribution du tribunal de grande instance de Lille, saisi de faits intervenus entre deux sociétés commerciales et entre un non commerçant et un commerçant et sur le ressort des tribunaux de commerce et de grande instance de Rouen. La cour de Douai, s¿est d¿abord fondée sur l¿application des articles 771-1° et 77 du code de procédure civile - qui prévoient que si le juge de la mise en état dispose d¿une compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure, notamment celles portant sur la compétence du tribunal de grande instance saisi, et si l¿examen préalable du fond s¿impose à lui afin de trancher sur la compétence - pour retenir que ce juge ne saurait, pour autant, se substituer au tribunal et vider de sa substance l¿appréciation que ce dernier serait conduit à porter sur les éléments relevant du litige pour dire la prétention


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2016-09-08;16.016441 ?
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