La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2016 | FRANCE | N°15/04162

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 07 juillet 2016, 15/04162


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 07/07/2016



***



N° de MINUTE : 428/2016

N° RG : 15/04162



Jugement (N° 13/01388)

rendu le 06 Mars 2015

par le Tribunal de Grande Instance de [Localité 3]



REF : HM/AMD





APPELANTE



Madame [E] [S] [W] [A] veuve [L]

née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

>
Représentée et assistée de Maître Philippe MEILLIER, membre de la SCP MEILLIER THUILLIEZ, avocat au barreau d'ARRAS





INTIMÉE



Madame [J] [D] prise en sa qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs : [M] ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 07/07/2016

***

N° de MINUTE : 428/2016

N° RG : 15/04162

Jugement (N° 13/01388)

rendu le 06 Mars 2015

par le Tribunal de Grande Instance de [Localité 3]

REF : HM/AMD

APPELANTE

Madame [E] [S] [W] [A] veuve [L]

née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et assistée de Maître Philippe MEILLIER, membre de la SCP MEILLIER THUILLIEZ, avocat au barreau d'ARRAS

INTIMÉE

Madame [J] [D] prise en sa qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs : [M] [L] et [F] [L]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 3]'

[Adresse 3]

Représentée par Maître Matthieu DELHALLE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Catherine PINCHON, membre de la SCP PINCHON-CACHEUX, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

INTERVENANT VOLONTAIRE

Monsieur [N] [L]

né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté et assisté de Maître Philippe MEILLIER, membre de la SCP MEILLIER THUILLIEZ, avocat au barreau d'ARRAS

DÉBATS à l'audience publique du 28 Avril 2016 tenue par Hélène MORNET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Maurice ZAVARO, Président de chambre

Hélène MORNET, Conseiller

Emmanuelle BOUTIE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2016 après prorogation du délibéré en date du 30 Juin 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Hélène MORNET, Conseiller en remplacement de Monsieur Maurice ZAVARO, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 03 mars 2016

***

[V] [L] est décédé le [Date décès 1] 2009, laissant comme seuls héritiers ses deux enfants mineurs, [M] et [F].

Par ordonnance en date du 8 juillet 2009, ses parents, [O] [L] et [E] [A], épouse [L], ont été désignés, pour une durée de 3 années renouvelable, en qualité de mandataires successoraux, à l'effet d'effectuer tous actes conservatoires, de surveillance et les actes d'administration provisoire de l'exploitation agricole mise en valeur par [V] [L].

Par acte du 18 novembre 2009, ils ont notifié à [J] [D] (Mme [D]), en sa qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs, nés de son union hors mariage avec [V] [L], la résiliation de l'ensemble des baux ruraux consentis à leur fils pour une contenance de 53 hectares, sur un total de 71 hectares exploités par le défunt.

Il a été mis fin au mandat confié aux époux [L] par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Valenciennes du 3 janvier 2012.

Sur assignation délivrée le 1er août 2013 par [J] [D] aux fins de les voir condamner, en conséquence de la résiliation abusive des baux ruraux par les mandataires successoraux, à la somme de 104 016,60 euros au titre du préjudice économique, à celle de 15 000 euros au titre du préjudice moral des héritiers mineurs, le tribunal de grande instance de [Localité 3], par jugement du 6 mars 2015 :

- dit que les époux [L] ont commis une faute dans l'exercice du mandat successoral,

- déboute Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice économique lié à la perte de valeur des biens immobiliers,

- se déclare incompétent pour statuer sur les autres demandes formées au titre du préjudice économique au profit du tribunal paritaire des baux ruraux de [Localité 3],

- déboute Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

- déboute les époux [L] de leur demande pour procédure abusive,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et partage par moitié les dépens.

M. [O] [L] est décédé en [Date décès 2].

Mme [E] [A], veuve [L] (Mme [A]), a interjeté appel le 7 juillet 2015.

Elle conclut, ainsi que son fils [N] [L] qui intervient volontairement en appel :

- à l'infirmation du jugement, en ce qu'il a dit que les époux [L] ont commis une faute dans l'exercice du mandat successoral,

- au débouté de Mme [D] de ses prétentions,

- à sa condamnation aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [D] , es qualité, conclut :

- à la confirmation du jugement quant à la faute commise par les époux [L] dans l'exercice de leur mandat successoral,

- à son infirmation quant aux demandes indemnitaires, la condamnation des consorts [L] étant demandée à hauteur de 66 226,60 euros au titre du préjudice économique, de 15 000 euros en réparation du préjudice moral,

- la condamnation des consorts [L] aux dépens et à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la faute commise par les époux [L] dans l'exercice de leur mandat :

Par ordonnance prise en la forme des référés en date du 3 janvier 2012, le président du tribunal de grande instance de Valenciennes a mis fin à la mission de mandataires successoraux confiée aux époux [L] par ordonnance sur requête du 8 juillet 2009, sur le fondement des dispositions de l'article 813-1 du code civil, pour une durée de 3 années se terminant le 31 novembre 2011, les mandataires :

- disposant 'pour cette mission à titre gratuit de toutes les prérogatives pour effectuer tous les actes purement conservatoires, de surveillance et les actes d'administration provisoires ( ouverture d'un compte bancaire et compte livret, utilisation du Renault express utilitaire et autres engins agricoles,...) De l'exploitation agricole à [Localité 5] au lieu dit 'le [Localité 2]'d'une superficie de 71 ha 26 a 52 ca mise en valeur par feu [V] [L]; de provisionner les premiers frais de la succession de [V] [L] en cours auprès de l'étude [Q], notaire à [Localité 1] avec le concours d'un commissaire priseur sous contrôle a postériori des autorités tutélaires; d'acquitter par les soins de Maître [Q] les frais et honoraires de Maître [V] [P]' ,

- devant remettre chaque année un rapport sur l'exécution de leur mission.

Les mandataires ont été dessaisis de leur mission sur le fondement de l'article 813-7 qui dispose que le juge, à la demande de toute personne intéressée ou du ministère public, peut dessaisir le mandataire successoral en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de sa mission.

En l'espèce, le juge a caractérisé le manquement des mandataires, en indiquant que ceux-ci :

- ont notifié, le 18 novembre 2009, à Mme [D], administratrice légale de ses enfants mineurs héritiers, la résiliation, en application de l'article 411-34 du code rural, de l'ensemble des baux ruraux consentis à leur fils défunt pour 53 ha, alors que cette résiliation n'était qu'une faculté pour le bailleur et qu'elle porte atteinte 'à l'évidence aux droits successoraux de leurs petits enfants en ce qu'elle déprécie nécessairement la valeur du reste de l'exploitation agricole',

- en résiliant ces baux qu'ils ont ensuite donné à bail à leur second fils, ont agi en opposition d'intérêts avec ceux de l'indivision successorale pour laquelle ils avaient reçu mandat,

- n'ont pas établi de rapport annuel sur l'exécution de leur mission.

Si l'ordonnance de référés n'a pas, au principal, autorité de la chose jugée, il convient toutefois de faire sienne la motivation sus rappelée, qui suffit à caractériser la faute des mandataires dans l'exécution de leur mission.

Y ajoutant, il convient de dire que les époux [L] :

- ont outrepassé la mission définie par leur mandat, circoncise aux actes conservatoires ou d'administration provisoire de l'exploitation agricole parmi lesquels ne figure pas la résiliation d'un bail rural, dont les conditions légales, en outre, n'étaient pas réunies en l'espèce,

- étaient bailleurs et ne pouvaient, du fait de la nécessaire contradiction d'intérêts, agir en qualité de bailleur et comme mandataire de l'indivision preneur.

Leur faute dans l'exercice de leur mandat étant parfaitement caractérisée, il convient de confirmer le jugement sur l'appel principal.

Sur les demandes indemnitaires :

En application des dispositions de l'article 1992 du code civil, le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.

Pour débouter Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice économique, le premier juge a estimé que le préjudice était inexistant, s'agissant de la dépréciation des biens immobiliers revenant aux héritiers, liés à la cessation de l'exploitation agricole, dès lors que cette cessation aurait nécessairement eu lieu, même en l'absence de résiliation, compte tenu de l'impossibilité de reprise de l'exploitation par les héritiers mineurs du preneur.

Toutefois, il résulte explicitement du rapport d'estimation des immobilisations de l'exploitation agricole de [V] [L], réalisée par Mme [Y] le 17 septembre 2010 pour le règlement de la succession, que les éléments suivants ont subi une dépréciation économique résultant directement de la résiliation des baux par les époux [L]:

- s'agissant des bâtiments, estimés dans la donation partage pour 45 735 euros, l'expert indique 'Monsieur et Madame [O] [L] occasionnent par cette résiliation un préjudice important pour leurs petits enfants concernant la valeur du corps de ferme. Ils leur laissent à charge des bâtiments d'une surface importante, en état usagé, sans utilité puisqu'ils reprennent les terres agricoles qui y étaient attachées'.

Les bâtiments étant estimés à 32 795 euros, le préjudice subi par les héritiers mineurs sur les bâtiments ' s'élève au moins à 12 940 euros'; il convient en conséquence de fixer ce poste de préjudice à la somme de 12 940 euros,

- s'agissant du matériel d'exploitation, il est précisé:' le fait que M et Mme [L] reprennent leurs parcelles conduit à la perte d'utilité de ces matériels. Il va falloir que les héritiers de [V] [L] cherchent à les vendre avant qu'ils ne perdent plus de valeur.

La vente de certains matériels aujourd'hui anciens voire obsolètes n'est pas assurée.

Cette perte d'utilité des matériels d'exploitation, confirmée par le refus de [N] [L], par courrier échangé entre les notaires le 22 juin 2011, de les racheter, constitue un préjudice économique certain, consistant en une perte de chance de céder le matériel à son prix, devant être chiffré à la somme de 10 000 euros.

Mme [D] sera déboutée de ses demandes supplémentaires, en l'absence d'éléments sur la dépréciation des stocks et le cheptel n'existant plus au jour de l'estimation des biens. successoraux.

S'agissant du remboursement des fumures et arrières fumures, comme de celle des droits à paiement unique (DPU), la question ne ressort pas du préjudice résultant directement de la résiliation fautive du bail, mais d'une part, de la liquidation des sommes dues entre les parties dans le cadre du partage successoral et d'autre part, en cas de désaccord, des relations entre preneur sortant et preneur entrant, de la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux.

Le préjudice moral des héritiers mineurs résulte effectivement du comportement fautif et dolosif de leurs grands-parents, en contradiction avec leurs intérêts patrimoniaux et en contradiction avec un mandat de gestion censé protéger leurs intérêts successoraux.

Il y a lieu de l'indemniser à hauteur de 5 000 euros.

Mme veuve [L] étant, après décès de son époux, seule à l'origine des dommages indemnisés, liés à l'exercice du mandat successoral, sera tenue au paiement des dommages et intérêts, à l'exclusion de [N] [L].

Sur les frais irrépétibles :

L'équité commande de condamner Mme [E] [L] et M. [N] [L] à verser à Mme [J] [D], en qualité d'administratrice légale de ces enfants mineurs, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

- CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il déboute Mme [J] [D] de ses demandes indemnitaires,

Jugeant à nouveau,

- CONDAMNE Mme [E] [A], veuve [L], à verser à Mme [D], en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs [M] et [F], la somme de 27 940 euros à titre de dommages et intérêts,

- CONDAMNE in solidum Mme [E] [A], veuve [L] et M. [N] [L] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les CONDAMNE in solidum, aux entiers dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Pour le Président,

Delphine VERHAEGHE.Hélène MORNET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 15/04162
Date de la décision : 07/07/2016

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°15/04162 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-07;15.04162 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award