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12/05/2016 | FRANCE | N°15/01993

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 12 mai 2016, 15/01993


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 12/05/2016



***



N° de MINUTE : 303/2016

N° RG : 15/01993



Jugement (N° 13/10263)

rendu le 16 Mars 2015

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : MZ/VC



APPELANTS

Monsieur [C] [K]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

et

Madame [D] [Y] épouse [K]

née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 1]

D

emeurant ensemble

[Adresse 1]

[Adresse 2]



Représentés et assistés par Me Gérald MALLE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉS

Monsieur [I] [U]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 2]

et

Madame [T...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 12/05/2016

***

N° de MINUTE : 303/2016

N° RG : 15/01993

Jugement (N° 13/10263)

rendu le 16 Mars 2015

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : MZ/VC

APPELANTS

Monsieur [C] [K]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

et

Madame [D] [Y] épouse [K]

née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 1]

Demeurant ensemble

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentés et assistés par Me Gérald MALLE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

Monsieur [I] [U]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 2]

et

Madame [T] [N] épouse [U]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 3]

Demeurant ensemble

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentés et assistés par Me Marie CARREL, membre de la SELARL BEDNARSKI-CHARLET & Associés, avocat au barreau de LILLE

SARL BLARY, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 5]

[Adresse 6]

Mutuelle SMABTP, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 7]

[Adresse 8]

Représentées par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistées de Me Pierre VERLEY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 08 Février 2016, tenue par Bruno POUPET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Maurice ZAVARO, Président de chambre

Bruno POUPET, Conseiller

Hélène MORNET, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2016 après prorogation du délibéré en date du 21 Avril 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur Maurice ZAVARO, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 janvier 2016

***

EXPOSE

Par compromis du 28 janvier 2008 et par acte authentique du 7 juillet 2008, M. et Mme [U] ont acquis de M. et Mme [K] un immeuble situé à [Adresse 4] (Nord) au prix de 350 000 €.

Se plaignant de désordres, les acquéreurs ont sollicité la désignation d'un expert judiciaire qui a déposé son rapport le 31 mai 2013.

Par jugement du 16 mars 2015, le tribunal de grande instance de Lille a, sur le fondement de la garantie des vices cachés :

Prononcé la résolution de la vente et ordonné les restitutions ;

Condamné M. et Mme [K] à payer 75 488,51 € au titre des préjudices accessoires ainsi que 6 000 € au titre des frais irrépétibles ;

Rejeté les autres demandes notamment celle en garantie formée par les vendeurs contre la société Blary qui a effectué des travaux de démolition et de reconstruction de l'immeuble en 2002/2003.

*

M. et Mme [K] concluent à l'irrecevabilité des demandes des acquéreurs formées sur le fondement de la garantie des vices cachés en invoquant la prescription et au rejet de ces demandes en invoquant la clause de non garantie des vices cachés figurant dans l'acte de vente.

A titre subsidiaire, ils sollicitent la désignation d'un nouvel expert.

Sur le fondement de la responsabilité décennale du constructeur, ils concluent au rejet des prétentions des époux [U] et, subsidiairement, ils sollicitent la condamnation de la société Blary à les relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre en invoquant le manquement de cette société à son devoir de conseil.

En toute hypothèse, ils concluent au rejet des prétentions indemnitaires des acquéreurs et au moins à leur réduction.

Ils sollicitent 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [U] concluent à la confirmation du jugement sauf à rectifier une erreur matérielle en retenant 73 820,46 € et non 68 189,10 € au titre du coût du crédit immobilier ainsi qu'à porter à 180 272,58 € l'indemnité réparant leur préjudice accessoire.

Subsidiairement, ils sollicitent, sur le fondement de la garantie décennale, la condamnation :

De M. et Mme [K] à leur payer 188 350,25 € au titre des travaux de reprise des désordres ;

De la SARL Blary à leur payer 11 240,53 € au titre des travaux de reprise leur incombant sous la garantie de la SMABTP ;

Des époux [K], de la SARL Blary et de la SMABTP in solidum à leur payer

118 852,71 € en réparation de leurs préjudices,

20 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Blary et son assureur la SMABTP concluent à la confirmation du jugement. Subsidiairement elles considèrent que leur responsabilité ne pourrait être recherchée que s'agissant des travaux effectivement réalisés par la société Blary justifiant une réparation limitée, en toute hypothèse, à 11 240,53 €.

Elles sollicitent 2 500 € au titre des frais irrépétibles.

DISCUSSION

Sur la demande principale en résolution de la vente pour vices cachés :

Sur la prescription :

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1648 du même code prévoit que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Les parties conviennent de ce que la prescription a été interrompue par l'assignation en référé du 24 juin 2011. Les appelants soutiennent que le vice caché était connu des acquéreurs dès le mois de septembre 2008 date à laquelle ils ont constaté d'importantes infiltrations d'eau dans le sous-sol.

Il résulte du rapport d'expertise de M. [R] que l'immeuble est affecté de désordres consistant en :

Des infiltrations d'eau en sous-sol ;

Une fissuration des plâtres des cloisons intérieures, des murs de façade et des enduits de façade ;

Des tassements du sol en façades avant et arrière ainsi que le long du pignon gauche ;

Un basculement des murs de soutènement de l'escalier d'accès au rez de chaussée.

La source de ces désordres réside, suivant l'expert, dans l'insuffisance du compactage des remblais périphériques effectués par les époux [K], cause de leur tassement qui ont entraîné ou aggravé des fuites du réseau d'évacuation des eaux pluviales en provoquant la rupture des canalisations enterrées ainsi qu'un affouillement sous les semelles de fondation de l'angle avant gauche de l'immeuble à l'origine des autres désordres, ajouté au fait que les murs de soutènement sont insuffisants pour reprendre la poussée des terres. L'expert précise que les principaux désordres sont la conséquence des travaux réalisés par M. et Mme [K], seuls les désordres affectant le mur le long de l'escalier d'accès au rez de chaussée découlant des travaux confiés à l'entreprise Blary.

Il en résulte que le vice caché réside principalement dans le défaut de tassement des remblais périphériques dont les infiltrations et les fissurations de l'immeuble ne sont qu'une manifestation.

Les infiltrations d'eau en sous-sol, qui sont apparues à la fin de l'été 2008 ne pouvaient marquer le point de départ du délai de prescription que dans la mesure où elles révélaient l'existence du vice affectant la construction, ce qui n'est pas le cas. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il dit l'action recevable.

Sur la clause d'exclusion de garantie des vices cachés :

L'article 1643 du code civil prévoit que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Les vendeurs font valoir que l'acte de vente mentionne que le vendeur ne sera pas tenu à la garantie des vices cachés, à l'exception de ceux dont il avait connaissance. Ils affirment qu'ils en ignoraient tout, aucun désordre ne s'étant manifesté au jour de la vente. Ils ajoutent que l'immeuble avait été reconstruit après sinistre courant 2002/2003, ce dont les acquéreurs avaient été informés.

Il n'est pas discuté que les remblais extérieurs ainsi que le réseau enterré extérieur d'évacuation des eaux pluviales ont été réalisés par M. [K] personnellement. C'est à juste titre que le jugement retient que celui qui a réalisé des travaux ne peut prétendre ignorer leurs défauts dès lors que, s'il n'avait pas les compétences techniques nécessaires pour les apprécier, il lui appartenait de s'informer.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la clause de non garantie des vices cachés.

Sur l'incidence de la dessiccation naturelle des sols et la demande de nouvelle expertise :

S'appuyant sur un constat du 21 août 2015 révélant une poursuite du phénomène d'enfoncement des murs, les appelants soutiennent que l'expert a commis une erreur en retenant le rôle causal du tassement des remblais et sollicitent une nouvelle expertise. Ils rappellent que le sinistre ayant conduit à la destruction et à la reconstruction de l'immeuble en 2002 / 2003 trouvait son origine provenait d'un tassement des sols du fait de leur dessiccation suivie de leur réhydratation, phénomène qui s'est poursuivi jusqu'à ce jour.

S'il est exact que le constat du 21 août 2015 révèle une reprise de l'évolution des désordres, dont l'origine est peut-être imputable à un phénomène naturel, il n'en demeure pas moins que l'expert écarte l'hypothèse d'une cause naturelle par un raisonnement argumenté et cohérent fondé sur des observations précises. Il constate en effet que les tassements les plus importants se sont produits à l'endroit où se trouvent les réseaux enterrés, ce qui ne s'explique que par la rupture de ces derniers ; que cette rupture est à la fois conséquence du tassement initial du remblai et cause de nouveaux tassements sous le sol de la maison ; que si un arrêté de catastrophe naturelle a été pris sur la commune d'Aubers pour les désordres apparus entre les 1er avril et 30 juin 2011, le phénomène affectant l'immeuble en cause était en pleine activité depuis l'été 2009 ; que si ce phénomène avait été causé par la sécheresse, il se serait manifesté d'abord sur le côté droit de l'immeuble qui est indemne, le côté gauche où les désordres se sont principalement manifestés étant protégés de la dessiccation par des argiles et un remblai plus important. Il en déduit les conclusions qui ont été énoncées plus haut.

En l'état de ces observations et de ces conclusions il convient de confirmer le jugement en ce qu'il retient que la cause des désordres est celle décrite par l'expert et de rejeter la demande de nouvelle expertise.

*

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il prononce la résolution de la vente.

Sur ses conséquences :

La résolution de la vente entraîne la restitution de la chose et du prix ainsi, aux termes de l'article 1645 du code civil, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur dès lors que le vendeur connaissait les vices de la chose ce qui est le cas en l'espèce eu égard à ce qui précède.

Les dommages et intérêts sont justifiés pour ce qui concerne les frais engagés au titre des travaux de confortation provisoire de l'immeuble, soit 5 849,41 €.

Les intimés sollicitent encore 73 820,46 € au titre du montant des intérêts et assurance du crédit immobilier ainsi que 1 450 € au titre des frais de l'acte. Ils vont toutefois obtenir restitution du capital de leur crédit qu'ils seront libres de réinvestir et ne démontrent pas, ni même ne soutiennent, qu'ils solliciteront la restitution anticipée de leur emprunt. Ils ne peuvent donc se prévaloir d'aucun préjudice de ce chef.

Il convient de réformer le jugement en ce qu'il leur a alloué 75 488,51 € à titre de dommages et intérêts, la demande en rectification d'une erreur matérielle devenant sans objet de ce fait.

Ils réclament par ailleurs :

Les frais d'expertise judiciaire, mais ces frais sont inclus dans les dépens ;

Le coût des frais d'acte et les honoraires d'agence, mais c'est à juste titre que le jugement a rejeté cette demande au motif que ces frais sont remboursables ;

42 000 € au titre du préjudice de jouissance et 15 000 € en réparation du préjudice moral.

Le jugement a rejeté les demandes de ces derniers chefs au motif que le second se confondait avec le premier et que les acquéreurs ne peuvent prétendre avoir subi un trouble de jouissance d'un bien censé, par l'effet de la résolution de la vente, ne jamais leur avoir appartenu.

Il n'en demeure pas moins que, depuis 8 années, les époux [U] vivent dans un immeuble qui s'est fissuré et qui a été affecté d'importantes infiltrations d'eaux en sous-sol, entre l'automne 2008 et l'année 2012 au moins, provoquant inconfort et anxiété. Cette situation caractérise un préjudice qui sera réparé par l'allocation de 30 000 €.

Sur la garantie de la société Blary :

C'est la société Blary qui a effectué les travaux de démolition et de reconstruction de l'immeuble en 2002 / 2003. Les appelants lui reprochent d'avoir manqué à ses obligations contractuelles en ne faisant procéder à aucune étude de sol, ainsi qu'à son devoir de conseil en n'attirant pas l'attention de ses clients sur la nécessité de réaliser des fondations sur micropieux que M. [C], expert désigné dans le cadre du litige provoqué par le sinistre initial, préconisait.

La société Blary conteste avoir eu connaissance du rapport de M. [C] et les intimés n'établissent pas le lui avoir communiqué. Ces derniers considèrent qu'en toute hypothèse l'entrepreneur se devait de procéder à une étude préalable du sol, qui lui en aurait révélé la nécessité. M. [R], dans son rapport s'interroge, sans conclure, sur le point de savoir si l'entreprise n'aurait pas dû prendre des précautions quant à un risque potentiel de sécheresse.

La sécheresse a justifié le classement en zone de catastrophe naturelle de l'immeuble par arrêtés du 5 septembre 1996 et du 11 juillet 2012. On ne peut déduire de ces publications qu'une étude du sol aurait révélé la nécessité de reconstruire l'immeuble en cause sur micropieux et il n'est nullement établi que l'entreprise, basée à Lillers dans le Pas de Calais, connaissait ou aurait dû connaître cette situation.

Il convient par ailleurs de rappeler que les désordres ne sont pas la conséquence d'une dessiccation naturelle du sol mais de la rupture des canalisations enterrées consécutive à un défaut de tassement des remblais érigés par M. [K] lui-même. Enfin on ne saurait faire grief à l'entrepreneur de n'avoir pas vérifié que les travaux entrepris par son clients, qui n'avaient aucune incidence directe sur les ouvrages que lui-même avait à effectuer, avaient été correctement exécutés. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il déboute les époux [K] de leur demande en garantie.

Sur la demande de la société Blary et de la SMABTP au titre de des frais irrépétibles :

C'est pour de justes motifs que le jugement a retenu que l'équité ne commandait pas d'allouer à ces parties une indemnité au titre des frais irrépétibles, qui ne s'impose pas davantage en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il condamne M. et Mme [K] à payer 75 488,51 € ;

Le réforme sur ce point ;

Condamne M. et Mme [K] à payer à M. et Mme [U] :

5 849,41 € au titre des travaux engagés pour la confortation de l'immeuble ;

30 000 € en réparation de leur préjudice complémentaire ;

2 500 € du chef des frais irrépétibles engagés en appel ;

Déboute les parties de leurs autres ou plus amples demandes ;

Condamne M. et Mme [K] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

D. VERHAEGHEM. ZAVARO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 15/01993
Date de la décision : 12/05/2016

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°15/01993 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-12;15.01993 ?
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