République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 21/04/2016
***
N° de MINUTE : 249/2016
N° RG : 15/05204
Jugement (N° 09/05052)
rendu le 28 Juin 2012
par le Tribunal de Grande Instance de [Localité 1]
REF : MZ/AMD
APPELANTS
Monsieur [V] [D]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 2]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Madame [F] [Q]
née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Monsieur [O] [V]
né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Madame [N] [V]
née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Monsieur [L] [L]
né le [Date naissance 5] 1953 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]
Madame [R] [L]
née le [Date naissance 6] 1947 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]
Monsieur [D] [U]
né le [Date naissance 7] 1961 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
[Adresse 4]
Madame [P] [Y]
née le [Date naissance 8] 1944 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 5]
[Adresse 5]
Monsieur [T] [B]
né le [Date naissance 9] 1964 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 6]
[Adresse 6]
Monsieur [M] [S]
né le [Date naissance 10] 1948 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 7]
[Adresse 7]
Monsieur [Z] [A]
né le [Date naissance 11] 1962 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 8]
[Localité 10]
Monsieur [I] [A]
né le [Date naissance 12] 1937 à [Localité 11]
demeurant [Adresse 9]
[Localité 10]
Madame [W] [S]
née le [Date naissance 13] 1946 à [Localité 12]
demeurant [Adresse 7]
[Adresse 7]
SAS GROUPE LIMOISE DISTRIBUTION
ayant son siège social [Adresse 10]
[Adresse 10]
SCP HERBERT
ayant son siège social [Adresse 11]
[Adresse 11]
SARL REVE CONCEPT
ayant son siège social [Adresse 12]
[Adresse 12]
Représentés par Maître Roger CONGOS, membre de la SCP CONGOS VANDENDAELE, avocat au barreau de DOUAI
Assistés de Maître Nicolas LECOCQ-VALLON avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SA GEOMARKET anciennement dénommée SA DUBUS
ayant son siège social [Adresse 13]
[Adresse 13]
Représentée par Maître Bernard FRANCHI, membre de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Maître Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE, constitué aux lieu et place de Maître Olivier BERNE, avocat
ASSIGNÉE EN REPRISE D'INSTANCE
SELAS [E], représentée par Maître [Q] [E] en qualité de liquidateur judiciaire de la SA GEOMARKET(anciennement dénommée SA DUBUS)
ayant son siège social [Adresse 14]
[Adresse 14]
Représentée par Maître Bernard FRANCHI, membre de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Maître Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 25 Février 2016 tenue par Maurice ZAVARO magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Maurice ZAVARO, Président de chambre
Bruno POUPET, Conseiller
Hélène MORNET, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 Avril 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Maurice ZAVARO, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 février 2016
***
EXPOSE
Les seize appelants ont conclu un mandat de gestion de leur patrimoine avec la société canadienne CPLC. Dans le même temps ils concluaient une convention de comptes titres avec la société Dubus. Ces dernières conventions ont été contractées par chacun des appelants entre les mois de juillet 2007 et de septembre 2008.
Des opérations sur les comptes sont intervenues dans une période de turbulences boursières, de sorte qu'ils ont subi des pertes.
Considérant que Dubus avait gravement manqué à ses obligations légales et leur avait causé un préjudice, ils ont saisi le tribunal de grande instance de Lille qui, par jugement du 22 juin 2012, les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés, chacun, à, payer 500 € au titre des frais irrépétibles.
La société Dubus, devenue Geomarket, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 17 février 2014, la SELAS [E] étant désignée en qualité de liquidateur.
*
Les seize appelants soutiennent que la société Dubus, en tant que fournisseur d'un service de réception et transmission d'ordres en bourse, a manqué à son obligation de vérifier les compétences de ses clients en se contentant de renseignements insuffisants, sans procéder à des vérifications personnelles. Ils considèrent par ailleurs que la société Dubus a manqué à son devoir d'information et de conseil. Ils soutiennent qu'elle connaissait les pratiques de la société CPLC, qu'elle n'a pas vérifié son agrément, qu'elle n'a pas cherché à établir une convention conforme aux exigences légales.
Ils sollicitent en conséquence réparation de leur préjudice, soit :
M. [D], 567 192 € ;
Mlle [Q], 57 903 € ;
M. et Mme [V], 373 816 € ;
M. et Mme [L], 1 597 929,15 € ;
M. [U], 44 371 € ;
La société Rêve concept, 97 612 € ;
Mme [Y], 329 478 € ;
M. [B], 93 064 € ;
M. et Mme [S], 218 171 € ;
M. [Z] [A], 190 670 € ;
M. [I] [A], 584 070 € ;
La société Groupe Limoise distribution, 1 396 319 € ;
La société Hebert, 330 389 € ;
Avec intérêts au taux légal capitalisés. Ils sollicitent en outre, chacun, 6000 € au titre des frais irrépétibles.
La SELAS [E] en qualité de liquidateur de la SA Géomarket conclut à la confirmation du jugement et, subsidiairement, sollicite la désignation d'un expert pour évaluer le préjudice allégué par les appelants.
Elle demande leur condamnation à lui payer, chacun, 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimé sera désigné ci-après sous le nom de Dubus, société qui a conclu les conventions de comptes
DISCUSSION
Les seize appelants, qui représentent treize parties du fait de trois couples ayant contracté ensemble, reprochent à Dubus d'avoir manqué à ses obligations :
Lors de la signature de la convention, en se contentant de renseignements insuffisants sur les compétences de ses clients, en ne vérifiant pas les informations fournies par ces derniers ainsi qu'en ne leur délivrant pas une information sur les risques des opérations envisagées ;
Dans la gestion des comptes, alors qu'elle connaissait ou ne pouvait ignorer que la gestion des portefeuilles était assurée par CPLC, en n'imposant pas une attestation de gestion de portefeuille, en omettant de vérifier l'agrément de CPLC.
Sur les manquements allégués lors de la signature des conventions :
L'article L513-13 du code monétaire et financier (CMF) dispose que, en vue de fournir le service de conseil en investissement ou celui de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d'investissement s'enquièrent auprès de leurs clients, notamment leurs clients potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation. Le II du même article est édicté en vue de fournir un service autre que le conseil en investissement ou la gestion de portefeuille pour le compte de tiers.
Tous les intéressés ont conclu une convention comportant un formulaire comportant 16 questions sous la rubrique «Evaluation des aptitudes». Ces questions portent notamment sur l'expérience du contractant en matière d'investissement et sur ses objectifs prioritaires. Il lui demande de préciser s'il entend décider de ses investissements seul ou sur conseil. Il est prévu en outre que plusieurs mentions soient reproduites et paraphées, notamment en ce qui concerne l'aptitude à pratiquer des ventes à découvert ainsi qu'à passer des ordres directs.
Il a été répondu à ces questions par chacun des appelants qui reproche à Dubus de s'être contenté de ses réponses, sans vérification, en méconnaissance du règlement général de l'autorité des marchés financiers.
Les appelants invoquent les articles 314-49 et suivants du règlement général de l'autorité des marchés financiers (RGAMF)
Les articles 314-48 à 314-50 du RGAMF renvoient aux services autres que le conseil en investissement ou la gestion de portefeuille pour le compte de tiers visés au II de l'article L513-13 du CMF. Ce sont les articles 314-43 à 47 qui correspondent aux opérations de gestion de portefeuille ainsi que les articles 314-51 à 57 qui constituent des dispositions communes.
L'article 314-44 du RGAMF prévoit qu'en application du I de l'article L. 533-13 du code monétaire et financier, le prestataire de services d'investissement se procure auprès du client toutes les informations lui permettant d'avoir une connaissance suffisante des faits essentiels le concernant et de considérer, compte tenu de la nature et de l'étendue du service fourni, que la transaction qu'il entend recommander ou le service de gestion de portefeuille qu'il envisage de fournir satisfait à plusieurs critères :
-Répondre aux objectifs d'investissement du client ;
-Correspondre à sa capacité de faire face aux risques financiers ;
-Tenir compte de l'expérience et des connaissances du client pour apprécier les risques.
L'article L314-53 précise que le prestataire de services d'investissement est habilité à se fonder sur les informations fournies par ses clients, à moins qu'il ne sache, ou ne soit en situation de savoir, que celles-ci sont manifestement périmées, erronées ou incomplètes.
Il existe donc, au jour de la formation du contrat, une obligation de recueillir des informations sur les compétences du client, ses objectifs, sa compréhension des mécanismes en 'uvre, sa conscience des risques encourus. Ces informations sont valablement données par le client lui-même sauf si le prestataire de service sait ou devrait savoir que ces informations sont incomplètes, périmées ou erronées.
Au cas d'espèce, il s'avère que l'information a été recueillie et qu'aucun élément ne permet de retenir qu'au jour où elle était fournie, elle répondait aux critères d'alarme mentionnés à l'article 314-53 du RGAMF.
Quant à la capacité des clients à faire face aux risques financiers, il convient d'observer que les contrats sont d'ouverture de comptes avec inscription au crédit de sommes allant de 45 000 € (M. [U]) à 2 000 000 € (M. et Mme [L], Groupe Limoise) de sorte que la capacité financière initiale des intéressés était établie.
Par ailleurs les appelants considèrent n'avoir pas bénéficié d'une information suffisante, claire et compréhensible en matière d'instruments financiers. Toutefois les conventions critiquées détaillent sur plusieurs pages le mécanisme des placements conditionnels, des warrants, des obligations, les mécanismes du marché, avec une note détaillée sur le service de règlement différé et des explications sur son effet de levier, une note détaillée sur les ventes à découvert, avec un exemple des risques encourus dans ce type de transaction. L'ensemble de ces informations est clair et compréhensible pour tout lecteur normalement attentif. Il en résulte que le grief de défaut d'information lors de la signature des conventions n'est pas caractérisé.
Sur les manquements allégués au cours dans la tenue des comptes :
Les parties s'opposent sur la nature des ordres passés par les appelants. Ceux-ci estiment qu'il s'agissait d'ordres complexes, Dubus considérant qu'il s'agissait pour l'essentiel d'ordres simples.
Les appelants soutiennent leur position sur ce point sur pas moins de 9 pages de leurs écritures, sans évoquer aucune opération concrètement réalisée pour leur compte. Au contraire, Dubus expose qu'il s'agissait d'opérations simples en précisant, sans être expressément démenti, que la plupart des ordres ont été passés au comptant. Elle fait valoir au surplus, toujours sans critique, qu'aucun des quelques ordres à règlement différé qui ont été passés n'a été exposé à une insuffisance de couverture.
Il est constant par ailleurs que les appelants ont confié à CPLC la gestion effective de leur compte, les conventions conclues avec Dubus ne visant qu'à l'exécution d'ordres présentés comme personnels dès lors que nul ne fait mention d'un gestionnaire alors que celui-ci était déjà mandaté dans plusieurs cas, lors de la signataire de la convention avec Dubus, ou qu'il l'a été peu après sans que l'intimé n'en soit informé.
Les appelants font reproche à Dubus d'avoir toléré un mandat occulte qu'elle ne pouvait ignorer.
Ils font valoir à cet égard que tous les intervenants ont été mis en relation par la même personne, M. [G], que le système de surveillance de Dubus devait révéler que tous les ordres passés par ces clients étaient identiques et atypiques ainsi que la rotation considérable des portefeuilles. C'est toutefois à juste titre que le jugement relève que les logins et les mots de passe communiqués aux clients par Dubus ont été transférés à CPLC qui en a fait usage comme s'il s'agissait des personnes concernées elles-mêmes ; que les courriers électroniques échangés entre les appelants et CPLC n'ont pas été portés à la connaissance de Dubus, qu'aucun ordre de virement n'a été adressé par CPLC à Dubus, que si M. [G] était en effet un intermédiaire commun, il n'est nullement établi qu'il ait lui-même informé Dubus de son intervention en faveur de CPLC.
Par ailleurs il n'est nullement établi que le système de contrôle baptisé «Spy» ait permis ou aurait dû permettre à Dubus d'identifier un groupe d'investisseurs ayant un comportement identique, laissant supposer qu'il avait contracté avec le même mandataire, qui aurait été volontairement dissimulé au preneur d'ordre.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il déboute les intéressés de leurs demandes.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement ;
Condamne chacun des appelants à payer 500 € à la société Géomarket au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Les condamne in solidum aux dépens d'appel.
Le Greffier,Le Président,
Delphine VERHAEGHE.Maurice ZAVARO.