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11/02/2016 | FRANCE | N°15/00167

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 11 février 2016, 15/00167


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 11/02/2016



***



N° de MINUTE : 93/2016

N° RG : 15/00167



Jugement (N° 13/01848)

rendu le 09 Décembre 2014

par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER

REF : BP/VC



APPELANT

Monsieur [L] [F]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

Demeurant

[Adresse 1]

[Adresse 1]



(bénéficie d'une aide

juridictionnelle Totale numéro 59178002/15/00684 du 27/01/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)



Représenté par Me Françoise DEKEUWER, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER





INTIMÉE

SO...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 11/02/2016

***

N° de MINUTE : 93/2016

N° RG : 15/00167

Jugement (N° 13/01848)

rendu le 09 Décembre 2014

par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER

REF : BP/VC

APPELANT

Monsieur [L] [F]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

Demeurant

[Adresse 1]

[Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/15/00684 du 27/01/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

Représenté par Me Françoise DEKEUWER, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉE

SOCIÉTÉ POMPES FUNÈBRES SOTTY ROBERT

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Arthur ANDRIEUX, membre de la SEALS LLC et Associés, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

DÉBATS à l'audience publique du 26 Novembre 2015, tenue par Bruno POUPET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Maurice ZAVARO, Président de chambre

Bruno POUPET, Conseiller

Hélène MORNET, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 Février 2016 après prorogation du délibéré en date du 28 Janvier 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur Maurice ZAVARO, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 octobre 2015

***

Monsieur [L] [F] a confié à la société Pompes Funèbres Sotty Robert les obsèques de son fils [W], décédé le [Date décès 1] 2012 en Bolivie, et la réalisation d'un caveau.

Cette société a émis le 30 novembre 2012 une facture de 11.649,74 euros que monsieur [F] a contestée et a refusé d'honorer.

Par jugement contradictoire du 9 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a :

- débouté la société Pompes Funèbres Sotty Robert de sa demande au titre des prestations facturées à hauteur de 5.069,74 euros sur la facture du 30 novembre 2012,

- débouté monsieur [L] [F] de sa demande tendant à voir annuler le contrat relatif à la fourniture et à la pose d'un monument,

- condamné monsieur [L] [F] à payer à la société Pompes Funèbres Sotty Robert la somme de 6.580 euros au titre du bon de commande n° 3120 du 28 juin 2012 (fourniture et pose d'un monument) avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2013,

- débouté la société Pompes Funèbres Sotty Robert de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.

Monsieur [L] [F], ayant relevé appel de ce jugement, conclut à l'infirmation du jugement, au débouté de la société appelante de toutes ses demandes et à la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de maître Dekeuwer.

La société Pompes Funèbres Sotty Robert demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné monsieur [L] [F] à lui payer la somme de 6.580 euros au titre du bon de commande n° 3120 et débouté Monsieur [L] [F] de sa demande tendant à voir annuler ledit bon de commande,

- sur appel incident, de l'infirmer en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de la somme de 5.069,74 euros au titre du bon de commande n° 0305 du 28 juin 2012,

- en toute hypothèse, de condamner monsieur [L] [F] à lui payer la somme de 11.649,74 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation valant sommation de payer outre 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

SUR CE

Attendu que l'article 1315 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, que celui qui se prétend libéré doit justifier du paiement ou du fait qui a produit l'extinction de l'obligation ;

***

attendu que la facture litigieuse se rapporte d'une part aux prestations prévues par un devis n° 0305 du 28 juin 2012 (opérations funéraires au sens de l'article L 2223-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT), du rapatriement du corps du défunt aux obsèques), d'autre part à la fourniture et à la pose d'un monument prévues par un bon de commande n° 3120 ;

***

attendu que les opérations funéraires énumérées par l'article L 2223-19 du CGCT sont réglementées par divers textes qui ont été reproduits par le jugement auquel il convient de se reporter ;

qu'en particulier, l'article 4 du décret du 11 janvier 1999 impose qu'avant toute opération funéraire, un devis écrit, gratuit, détaillé et chiffré, comportant un certain nombre d'informations, soit établi ;

que l'article 5 du même décret stipule que lorsque le devis est accepté par la famille, un bon de commande est alors établi qui reprend les mentions prévues à l'article R 2223-30 du CGCT, notamment le détail chiffré des prestations ou fournitures ainsi que le montant total de celles-ci ; que le bon de commande ne peut être signé valablement que s'il comporte la totalité des mentions prévues au même article ;

qu'aux termes de l'article R 2223-30 du CGCT, le bon de commande doit comporter l'accord et la signature de la personne qui a passé commande et, en plus des informations mentionnées à l'article R 2223-26, les mentions des nom, prénom, dates de naissance et de décès du défunt, dates et heures de la mise en bière, du service funéraire et de l'inhumation ou de la crémation, nom, prénom, adresse et lien avec le défunt de la personne qui a passé commande et montant de la somme totale, toutes taxes comprises ;

attendu que monsieur [L] [F] conteste la conformité du devis aux dispositions réglementaires précitées et la signature par ses soins du bon de commande, relatif aux opérations funéraires, dont se prévaut l'appelante (bon n° 0305 du 28 juin 2012) ;

que le tribunal a relevé d'une part que le devis versé aux débats ne comportait pas toutes les mentions exigées par les textes, notamment quant à l'identité de la personne décédée et les éléments d'information relatifs au décès et au service funéraire, d'autre part qu'il n'était pas démontré qu'un bon de commande ait été établi indépendamment du devis et accepté, après le devis, par la famille, et a considéré en conséquence que la société demanderesse n'apportait pas la preuve de l'obligation dont elle demandait l'exécution et n'était pas fondée à réclamer le paiement de la facture ;

attendu que le premier juge a rappelé à juste titre que le formalisme prévu par les textes a pour but de garantir les droits du demandeur à une prestation funéraire compte tenu du contexte douloureux et de l'urgence dans lesquels ce type de prestation est sollicité ;

qu'il résulte de la rédaction de l'article 4, précité, du décret du 11 janvier 1999 que l'acceptation du devis est préalable à l'établissement et à la signature d'un bon de commande, ce qui répond à la logique ;

qu'aucun délai n'est néanmoins prescrit entre les deux opérations dont il y a tout lieu de penser, compte tenu de l'urgence justement, qu'elles sont le plus souvent quasiment concomitantes ;

que la société Sotty Robert, en produisant un exemplaire vierge des documents qu'elle utilise, n'a pas dissimulé au tribunal que le devis et le bon de commande étaient établis en même temps à l'aide d'une liasse comportant un papier carbone ; qu'en cause d'appel, la production en original des documents de l'espèce confirme que monsieur [L] [F] n'a pas signé le bon de commande séparément du devis, et postérieurement, sa signature figurant sur le bon de commande résultant à l'évidence de l'usage du carbone ;

qu'il peut donc, certes, ne pas avoir eu conscience de signer un bon de commande ;

que pour autant, l'usage du papier carbone garantit la conformité, recherchée par la réglementation, du bon de commande au devis ;

que par sa signature du devis, qu'il ne conteste pas, monsieur [F] a manifesté son acceptation de celui-ci ;

qu'il est acquis que les opérations prévues se sont ensuite déroulées sans, naturellement, que monsieur [F] s'y oppose au motif ou au prétexte qu'il ne les aurait jamais commandées ;

qu'il doit dès lors être tenu pour acquis qu'il a bien commandé les prestations définies par le devis et par le bon de commande n° 0305 du 28 juin 2012 ;

que par ailleurs, les textes susvisés ne prévoient pas de sanction en cas de méconnaissance des formes qu'ils imposent ;

que certes, l'article 5 du décret du 11 janvier 1999, ainsi que cela a été mentionné ci-dessus, mentionne que le bon de commande ne peut être signé valablement que s'il comporte la totalité des mentions prévues par l'article 2223-30 du CGCT ;

que l'on ne doit cependant pas perdre de vue que la réglementation susvisée, comme l'a rappelé le premier juge, a pour fin la protection du demandeur, souvent vulnérable en raison des circonstances, d'une prestation funéraire ;

que si le tribunal a relevé que le devis, et donc le bon de commande, ne comportait pas toutes les mentions exigées par les textes et que manquaient les mentions relatives à l'identité de la personne décédée et les éléments d'information relatifs au décès et au service funéraire, il n'y a aucun doute sur l'identité du défunt et que la société Sotty Robert expose, de manière crédible et sans être, d'ailleurs, contredite par l'appelant, que compte tenu des circonstances du décès, survenu à l'étranger, la date de la mise en bière (intervenue avant le transport du corps), les date et heure du service funéraire, qui ne pouvaient être programmées immédiatement, n'étaient pas connues au moment de l'établissement du devis et du bon de commande ; que l'absence de ces mentions, constituant une irrégularité purement formelle sans incidence sur le fond du contrat et ne causant aucun préjudice à monsieur [F], ne sauraient justifier la nullité du contrat ; qu'il en va de même de deux irrégularités notées, dans un courrier du 20 mars 2013, par la direction départementale de la protection des populations, saisie du litige par monsieur [F], à savoir l'omission du nombre de porteurs et la mention des fleurs dans la mauvaise rubrique ;

que la preuve de l'obligation dont se prévaut l'appelante est dès lors établie et qu'il appartient à monsieur [F] de l'exécuter ;

qu'il ressort des courriers échangés entre les parties, versés aux débats, et des observations de l'intimé dans ses conclusions que c'est en réalité le montant demandé qu'il conteste, le trouvant, a posteriori, excessif ;

qu'il l'a néanmoins accepté ; que s'il n'est pas question de mettre en doute le trouble qu'il dit lui avoir été causé par la mort de son fils, la preuve de manoeuvres de la société Sotty Robert constitutives d'un abus de faiblesse ayant permis d'obtenir (voire de lui extorquer) son consentement n'est pas apportée ;

que la direction départementale de la protection des populations indique, dans le courrier susvisé, que le prix de chaque prestation mentionnée sur le devis et le bon de commande 'services funéraires' correspond au prix figurant sur le tarif en vigueur disponible en magasin ;

que par un courrier du 30 novembre 2012, la société Sotty a fait observer à monsieur [F] que sur l'ensemble des prestations facturées, ses propres prestations se montaient à 1274 euros, le surplus étant le coût des prestations réglées à des tiers (insertion dans la Voix du Nord, fleurs, vacation de police, droit d'inhumation, terrain cimetière, caveau), ce que confirme l'examen du devis et de la facture, étant observé que certaines de ces prestations ont coûté un peu plus cher (Voix du Nord) ou un peu moins cher (concession) que l'estimation du devis ;

que monsieur [F] ne démontre pas que certaines des prestations facturées n'auraient pas été réalisées ;

qu'il y a lieu par conséquent d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Pompes Funèbres Sotty Robert de la partie de sa demande relative au bon de commande n° 0305 du 28 juin 2012 ;

***

attendu qu'en ce qui concerne le bon de commande n° 3120, et au vu des pièces versées aux débats, c'est par une motivation n'appelant aucune critique et que la cour adopte que le tribunal, relevant que monsieur [F] ne contestait ni avoir signé ce bon, ni qu'une prestation avait été exécutée, a, d'une part, écarté les moyens de nullité de la convention tirés du dol, au visa de l'article 1116 du code civil, et de l'abus de faiblesse au visa de l'article L 122-8 du code de la consommation - étant ici ajouté que, comme le fait remarquer l'intimée, la nullité entraînerait en toute hypothèse les restitutions croisées du prix et, par équivalence, de la prestation - d'autre part, constaté que le montant repris dans la facture était conforme au bon de commande et que monsieur [F], qui ne produit que ses propres courriers, ne démontrait nullement que la prestation avait été mal réalisée ;

que le tribunal a donc condamné à bon droit monsieur [F] au paiement de la somme de 6.580 euros ;

***

attendu qu'en définitive, il convient d'infirmer le jugement et de faire droit à la demande de l'intimée en paiement du montant de la facture, sous déduction toutefois de la somme de 6,34 euros représentant, de l'aveu de la société Sotty Robert, la différence entre le montant de la facture et les montants, cumulés, des bons de commande ;

que les intérêts sur cette somme, vu l'article 1153 du code civil, sont dus à compter du 17 juin 2013, date de l'assignation valant mise en demeure ;

attendu que l'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante, en l'espèce monsieur [F], est condamnée aux dépens ;

qu'il serait en outres inéquitable, vu l'article 700 du même code, de laisser à l'intimée la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

infirme le jugement entrepris,

statuant à nouveau, condamne monsieur [L] [F] à payer à la société Pompes Funèbres Sotty Robert la somme de onze mille six cent quarante-trois euros et quarante centimes (11.643,40) avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2013,

déboute monsieur [L] [F] de ses demandes,

le condamne aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à la société Pompes Funèbres Sotty Robert d'une indemnité de mille deux cents euros (1.200) par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

D. VERHAEGHEM. ZAVARO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 15/00167
Date de la décision : 11/02/2016

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°15/00167 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-11;15.00167 ?
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