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09/03/2015 | FRANCE | N°14/03255

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 09 mars 2015, 14/03255


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 09/03/2015



***



N° de MINUTE : 157/2015

N° RG : 14/03255



Jugement (N° 12/03660)

rendu le 06 Mai 2014

par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER



REF : MZ/AMD





APPELANT



Monsieur [D] [T]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Ma

ître Eric LAFORCE, membre de la SELARL Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Maître Julien KOZLOWSKI, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE





INTIMÉ



LE DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES DU PAS DE ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 09/03/2015

***

N° de MINUTE : 157/2015

N° RG : 14/03255

Jugement (N° 12/03660)

rendu le 06 Mai 2014

par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER

REF : MZ/AMD

APPELANT

Monsieur [D] [T]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Maître Eric LAFORCE, membre de la SELARL Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Maître Julien KOZLOWSKI, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE

INTIMÉ

LE DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES DU PAS DE CALAIS

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Maître Valérie BIERNACKI, membre de la SCP DRAGON & BIERNACKI, avocat au barreau de DOUAI, substitué à l'audience par Maître Arnaud DRAGON, avocat

DÉBATS à l'audience publique du 12 Janvier 2015 tenue par Maurice ZAVARO magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Maurice ZAVARO, Président de chambre

Dominique DUPERRIER, Conseiller

Bruno POUPET, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Maurice ZAVARO, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 décembre 2014

***

[D] [T] a souscrit au titre des années 2005 à 2008, des déclarations d'impôts de solidarité sur la fortune (ISF) comprenant des valeurs mobilières composées d'actions de sociétés en commandite par actions (SCA) et d'une société civile familiale.

Par courriers des 9 décembre 2008 et 5 mars 2009, la brigade départementale de fiscalité patrimoniale de Boulogne sur mer a remis en cause les valeurs déclarées et des redressements ont été émis les 5 février et 29 avril 2009, confirmés par l'administration le 24 juin 2009.

Par jugement du 6 mai 2014, le tribunal de grande instance de Boulogne sur mer a débouté M. [T] de ses réclamations.

M. [T] conteste la valeur retenue des SCA, sociétés holding non cotées sur un marché réglementé, détenant des filiales elles-mêmes non cotées, dans lesquelles il détient une participation très largement minoritaire. L'administration se réfère au prix constaté lors des cessions intervenues au cours de l'année qui précède le fait générateur de l'impôt. Il considère que les opérations en cause interviennent dans un cadre juridique particulier qui ne peut être étendu à l'ensemble des titres en litige.

En ce qui concerne la société civile Bermu, il considère comme non établi le fait que la méthode d'évaluation proposée permettrait d'obtenir une valeur plus proche de la valeur réelle des parts sociales que celle à laquelle le contribuable a eu recours dans sa déclaration.

Il conclut au mal fondé de la décision de rejet partielle de la contestation de redressement et sollicite la restitution de 689 398 € avec intérêts moratoires, outre 8000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le directeur départemental des finances publiques du Pas de Calais conclut à la confirmation du jugement déféré.

SUR CE

Sur la valeur vénale des actions des SCA :

Il s'agit des SCA Cimoflu, Valorest, Acanthe, Cimofat et Valma, sociétés holding non cotées sur un marché réglementées, détenant des filiales elles même non cotées, dans lesquelles M. [T] détient une participation minoritaire.

L'administration fiscale a fondé son redressement sur une valorisation des actions par référence au prix constaté lors de cessions intervenues au cours de l'année précédant le fait générateur de l'impôt.

M. [T] considère que les opérations de cession auxquelles se réfère l'administration interviennent dans un cadre juridique particulier qui ne peut être étendu à l'ensemble des titres en litige. En effet la cession des titres des cinq SCA est soumise aux dispositions des articles 12 et 17 des statuts des SCA qui prévoient que seuls les descendants de M. et Mme [E] [T] [P], ou des sociétés familiales composées exclusivement des mêmes descendants, peuvent être actionnaires de ces sociétés. Par ailleurs toute cession d'actions doit être au préalable autorisée par la gérance. Il est enfin interdit à un actionnaire d'emprunter pour acquérir des titres, tout acquisition devant être financée sur des fonds propres.

Il observe donc que la liquidité des titres est donc très réduite, d'autant qu'ils ne peuvent être négociés qu'à l'occasion d'une bourse interne qui ne se tient qu'un jour par an, le 1er juillet. La valeur des actions est imposée par un collège d'experts indépendants. Elle correspond à la « valeur mathématique de l'action », sans abattement pour minorité ni pour illiquidité des titres. Le marché ainsi ouvert ne peut excéder, chaque année, 2% du total des titres. Enfin l'actionnaire vendeur ne peut choisir une société dont il souhaiterait négocier les titres, il ne peut vendre, sous les limites énoncées ci-dessus, qu'un ensemble de titre de chacune des sociétés. 

M. [T] fait valoir qu'il ne dispose que d'une liberté réduite dans la disposition des actions qu'il possède, correspondant à une liquidité résiduelle. Il en déduit que la valeur de 98 % des actions qu'il détient, qui ne bénéficient pas de la garantie de cours et de liquidité, n'est pas comparable aux 2 % de titres éligibles à la bourse interne et estime qu'il faut recourir pour la valorisation des 98 % à plusieurs critères : la valeur mathématique telle qu'appréciée par le groupe d'experts, la capitalisation du résultat net moyen sur deux ans et la capitalisation du dividende moyen sur deux ans, le tout pondéré dans la proportion de 3 fois la valeur mathématique pour une fois la valeur de rendement.

Au final il retient une valeur correspondant à un peu moins de 80 % de la valeur mathématique.

La valeur de titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir une évaluation aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel à la date du fait générateur de l'impôt.

M. [T] fait grief à l'administration de retenir une valeur fictive puisque la valeur mathématique définie par les experts ne vaut que pour les 2 % des titres négociables annuellement dans la bourse interne. Mais la méthode qu'il préconise est tout aussi fictive puisque les titres ne sont pas soumis à l'épreuve du marché et que, dans la réalité de ce marché, si la valeur du titre est en partie déterminée par les valeurs de rendement cela n'intervient pas de façon mécanique, d'autres facteurs étant susceptibles de jouer, au premier rang desquels la notoriété, les perspectives d'avenir du groupe et de ses secteurs d'investissement ' Tous éléments pris en compte par le collège d'experts indépendants dans son évaluation mathématique.

Par ailleurs la mission confiée à ce groupe d'experts est de définir une valeur du titre aussi juste que possible de sorte que l'on ne peut considérer a priori que cette valeur est erronée.

La critique de M. [T] suppose que la valeur mathématique est détachée de toute considération relative au rendement des titres et donc surévaluée pour une raison non explicitée, ce qui ne saurait être admis par postulat. Elle consiste également à dire que cette valeur est purement théorique dans la mesure où les titres ne bénéficient que d'une liquidité réduite. Mais cette observation est sans portée dans la mesure où, si l'on suivait ce raisonnement dans ses conséquences ultimes mais nécessaires, 98 % des actions non négociables dans l'année considérée, seraient sans valeur marchande.

La valorisation des actions de SCA non cotées suppose une estimation reposant sur la fiction de la mise sur le marché réel d'actions qui ne s'y trouvent pas. Le prix de cession des actions négociées sur la bourse interne est celui qui se rapproche le plus possible du prix qu'aurait entraîné, sur le marché réel, le jeu normal de l'offre et de la demande. C'est ce critère qu'a retenu l'administration fiscale. Le recours doit être rejeté ;

Sur les parts de la société civile Bermu :

La société civile Bermu est divisée en 50 000 parts dont M. et Mme [D] [T] détiennent l'usufruit de 40 000 parts dont la nue-propriété est répartie entre 21 enfants et petits enfants. L'actif de cette société est constitué par des participations minoritaires dans les 5 SCA évoquées ci-avant.

M. [T] a évalué la valeur des parts suivant la formule :

[(3 VM) + 1 VP) /4] x 70 %

Formule dans laquelle : VM = valeur mathématique des SCA

VP = valeur de productivité = bénéfices de la société x 2 %.

L'administration a utilisé la formule (3 VM) x 1 VP) / 4.

Les parties s'opposent sur la détermination des valeurs mathématiques et de productivité ainsi que sur l'abattement de 30%.

Valeur mathématique

La valeur mathématique dépens de celle des titres des SCA qui composent l'actif de la SC Bermu. Cette question a été examinée ci-dessus.

Valeur de productivité

M. [T] fait reproche à l'administration fiscale d'avoir retenu les dividendes distribués et non le bénéfice de la société pour les années considérées. Il expose que des dividendes ont été distribués pour ces années là par prélèvement sur les réserves, c'est-à-dire sur les bénéfices réalisés les années antérieures, qui avaient été mis en réserve. Il fait valoir qu'une telle situation ne saurait se reproduire très longtemps et que nul investisseur ne prendrait le risque d'accepter la valorisation d'une société sur des bases aussi incertaines.

Cependant, s'il est évident qu'une société ne peut survivre très longtemps en distribuant sous forme de dividendes des bénéfices qu'elle ne réalise pas, le mécanisme décrit s'assimile à un lissage des revenus distribués qui sont supérieurs aux bénéfices en années creuses et inférieurs à ceux-ci en année pleine, le tout ayant évidemment vocation à s'équilibrer.

Dès lors, loin d'être une construction illusoire, le calcul du rendement de la société sur la base non des bénéfices mais des dividendes permet de définir une productivité moyenne, débarrassée des aléas de la conjoncture sur le moyen terme et donc plus fidèle que le calcul à partir des bénéfices.

Abattement

Un abattement de 30% serait justifié, selon M. [T] en raison du caractère minoritaire des participations détenues par la SC Bermu dans les SCA, la faiblesse du rendement du capital investi, la clause d'agrément soumettant le transfert des titres à l'unanimité des copropriétaires, à la limitation de l'actionnariat aux seuls descendants en ligne directe de M. et Mme [T] [P].

L'appelant fait reproche à l'administration d'avoir opéré une décote de 20% sur la valeur de rendement seule, pour tenir compte de l'absence de liquidité des parts de la SC Bermu, alors que cette décote devait, selon lui, être opérée tant sur la valeur de rendement que sur la valeur mathématique. Il affirme que la SC Bermu est « une concentration de participations minoritaires ». Il soutient enfin, sans méconnaître la fait que l'usufruitier est redevable de la totalité de l'impôt par application des dispositions de l'article 885 du code général des impôts, que la valeur vénale du bien est affectée par la division de la propriété.

Sur le premier point, l'administration considère que la valeur servant de base aux transactions de la bourse interne est d'ores et déjà une bourse de minoritaires, ce qui est fondé dans la mesure où la structure familiale du capital des SCA et les règles des transactions interdit de négocier une participation majoritaire. On ne peut donc reprocher utilement à l'administration fiscale de n'opérer d'abattement que sur la valeur de rendement ni de ne pas tenir compte du fait que la SC Bermu ne détient aucunement la majorité des titres de sociétés familiales qui composent son capital.

Enfin sur la question de la division de la propriété et des autres motifs de nature à fonder, selon le contribuable, la décote qu'il revendique, l'administration fiscale fait valoir à juste titre que la valeur de productivité de la SC Bermu est très faible, de l'ordre de 4,5% de la valeur mathématique, de sorte que la pris en compte de la valeur de productivité dans la méthode multi factorielles utilisée par l'administration, conduit à une décote de l'ordre de 24% par rapport à la méthode mathématique qui permet de tenir compte des différents facteurs invoqués par l'appelant.

Il en découle que, contrairement à ce qu'affirme M. [T], la position de l'administration fiscale prend effectivement en compte l'incidence de l'activité réelle de la société sur la valeur des parts sociales de sorte que la critique tenant à une valorisation sans rapport avec l'activité concrète de la société, ses résultats et le contexte familial, sont sans fondement. Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré ;

Condamne M. [T] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 6998 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

Delphine VERHAEGHE.Maurice ZAVARO.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 14/03255
Date de la décision : 09/03/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°14/03255 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-09;14.03255 ?
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