République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 19/05/2014
***
N° de MINUTE : 319/2014
N° RG : 13/05295
Jugement (N° 10/01699)
rendu le 02 Août 2013
par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER
REF : EM/AMD
APPELANTS
Monsieur [C] [T]
né le [Date naissance 6] 1971 à [Localité 4]
Madame [M] [I] épouse [T]
née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 12]
[Localité 5]
Représentés par Maître Bruno WACHEUX, membre de la SCP Bruno WACHEUX & Sophie FRENEY, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
INTIMÉS
Monsieur [L] [PS]
né le [Date naissance 11] 1951 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 7]
[Localité 2]
Madame [F] [PS]
née le [Date naissance 8] 1961 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 9]
[Localité 2]
Madame [W] [PS] épouse [Q]
née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 10]
[Localité 5]
Monsieur [LF] [PS]
né le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 2]
Madame [O] [PS] veuve [B]
née le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 11]
[Localité 3]
Monsieur [H] [PS]
né le [Date naissance 9] 1945 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 2]
Madame [TJ] [PS]
née le [Date naissance 12] 1947 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 2]
Madame [VK] [PS] épouse [A]
née le [Date naissance 7] 1949 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 8]
[Localité 5]
Monsieur [RI] [PS]
né le [Date naissance 13] 1953 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
Madame [XA] [PS]
née le [Date naissance 10] 1955 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 6]
[Localité 1] (Belgique)
Monsieur [U] [PS]
né le [Date naissance 5] 1957 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 5]
Représentés par Maître Stanislas DUHAMEL, membre de la SELARL OPAL'JURIS, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER, substitué à l'audience par Maître Tiphaine AUZIERE, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Evelyne MERFELD, Président de chambre
Pascale METTEAU, Conseiller
Joëlle DOAT, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE
DÉBATS à l'audience publique du 24 Mars 2014 après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président, et Delphine VERHAEGHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 mars 2014
***
Par acte notarié du 16 février 2008 Madame [O] [PS] veuve [B], Monsieur [H] [PS], Madame [TJ] [PS], Madame [VK] [PS] épousé [A], Monsieur [L] [PS], Monsieur [RI] [PS], Madame [XA] [PS], Monsieur [U] [PS], Madame [W] [PS] épouse [Q], Monsieur [LF] [PS] et Madame [F] [PS], ci-après les consorts [PS], ont vendu à Monsieur [C] [T] et à son épouse, Madame [M] [I], une maison à usage d'habitation située à [Adresse 12] pour le prix de 304 555 euros.
Soutenant que le sous sol de leur immeuble est souvent inondé depuis décembre 2009 les époux [T] ont fait assigner les consorts [PS], par acte d'huissier du 19 avril 2010, devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Boulogne sur Mer pour voir ordonner une expertise.
Les 30 avril, 3 mai et 7 juillet 2010 ils ont fait assigner les consorts [PS] au fond devant le Tribunal de Grande Instance de Boulogne sur Mer pour voir prononcer 'la nullité' de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Par ordonnance du 21 juillet 2010 le juge des référés a commis Monsieur [N] en qualité d'expert.
Par ordonnance du 25 mars 2011 le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer au fond jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.
L'expert a déposé son rapport le 21 novembre 2011.
Dans leurs dernières conclusions au fond les époux [T] ont conclu à titre principal à la résolution de la vente pour vice caché, à titre subsidiaire à la nullité de la vente pour dol et à titre infiniment subsidiaire à la condamnation des vendeurs au paiement de dommages-intérêts pour les travaux de remise en état.
Les consorts [PS] se sont opposés à ces demandes.
Par jugement du 2 août 2013 le Tribunal a débouté Monsieur et Madame [T] de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux dépens en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise. Les consorts [PS] ont été déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le premier juge a admis que les époux [T] justifiaient de l'existence d'un vice caché, constitué par des défauts d'altimétrie des différentes canalisations d'évacuation des eaux pluviales entre le fil d'eau du caniveau implanté au droit du garage et celui de la canalisation de 300 mm de diamètre au niveau du regard avaloir situé au croisement des rues de [Adresse 15] et [Adresse 13], mais a constaté que l'acte de vente contenait une clause d'exonération des vices cachés qui devait recevoir application dès lors que les époux [T] n'apportaient pas la preuve que les consorts [PS] avaient connaissance de ce vice.
Monsieur et Madame [T] ont relevé appel de ce jugement le 10 septembre 2013.
Ils demandent à la Cour de l'infirmer, de prononcer la résolution de la vente pour vice caché, d'ordonner la publication de la décision à intervenir à la conservation des hypothèques de [Localité 8], de condamner solidairement les consorts [PS] à leur restituer le prix de vente, soit la somme de 304 555 euros ainsi qu'à leur verser, à titre de dommages-intérêts, les sommes suivantes :
- 21 046,19 euros au titres des frais d'acquisition,
- 75 807,69 euros arrêtée au 15 janvier 2014, au titre des intérêts payés au Crédit Lyonnais, prêteur des deniers nécessaires à l'acquisition,
- 37 758,60 euros au titre des travaux d'amélioration et d'embellissement réalisés dans l'immeuble,
- 3 705,32 euros au titre des frais d'achat de matériels de pompage 'et autres',
- 500 euros par mois au titre du trouble de jouissance de l'immeuble à compter du 6 décembre 2009,
- 15 000 euros au titre du préjudice moral,
- 2 589,16 euros au titre des frais d'huissier.
Subsidiairement ils sollicitent l'annulation de la vente pour dol sur le fondement des articles 1109 et 1116 du code civil et plus subsidiairement encore la condamnation des consorts [PS] à des dommages-intérêts équivalents notamment au coût des travaux de remise en état sur le fondement des articles 1144 et 1147 du code civil pour manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme.
Ils se portent demandeurs d'une somme de 15 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, sollicitant en outre que les consorts [PS] soient condamnés en tous les dépens, en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise.
Ils soutiennent, à titre principal, que si le Tribunal a bien retenu l'existence d'un vice caché il a considéré à tort qu'il n'était pas établi que les consorts [PS] avaient connaissance du vice alors que l'expert a écrit dans son rapport que le phénomène d'inondation du sous-sol de l'habitation ne pouvait être ignoré des anciens propriétaires, le raccordement au réseau des eaux pluviales public étant ancien. Ils rappellent que les vendeurs ont habité durant leur enfance la maison qu'ils leur ont vendue et qui appartenait à leurs parents.
Ils en déduisent que les vendeurs qui sont de mauvaise foi ne peuvent se soustraire à leur responsabilité en invoquant la clause d'exclusion de garantie.
Les consorts [PS] concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les époux [T] de l'intégralité de leurs demandes tant principales que subsidiaires.
Relevant appel incident du chef du rejet de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ils sollicitent la condamnation in solidum des époux [T] à verser à chacun d'eux la somme de 5 000 euros pour leurs frais irrépétibles.
Ils soutiennent que les époux [T] étaient parfaitement informés lors de l'acquisition de l'immeuble de sa situation en zone inondable puisque le plan de prévention des risques naturels était annexé à l'acte de vente. Ils contestent avoir manqué à leurs obligations pré-contractuelles d'information et font valoir qu'en tout état de cause le défaut d'altimétrie ne saurait constituer un vice rédhibitoire. Ils ajoutent que la clause de non garantie des raccordements des installations aux divers réseaux publics et privés, insérée à l'acte de vente, doit recevoir application.
Sur la garantie des vices cachés invoquée à titre principal par les appelants ils font valoir :
- que l'immeuble, construit dans les années 1970, est pourvu d'un sous-sol implanté en contrebas de la route,
- que le compromis de vente et l'acte de vente comportent tous deux une clause de non garantie des vices cachés, qu'un état des risques naturels prévisibles a, conformément à l'article L 125-5 du code de l'environnement, été annexé à l'acte de vente, qu'il en ressort que la Vallée de la Canche est soumise à un plan de prévention pour risque d'inondation par débordement de la Canche, qu'en outre, dans l'acte de vente, une clause attire l'attention de l'acheteur sur l'absence de garantie du raccordement des installations, dans les biens vendus, aux divers réseaux publics ou privés, que le risque était donc accepté par les acquéreurs,
- que le rapport d'expertise est contestable, que le caractère récurrent des inondations n'est pas établi, qu'après les intempéries exceptionnelles qui ont touché la Vallée de la Canche de décembre 2009 à mars 2010 l'immeuble des époux [T] n'a pas été inondé,
- qu'un défaut d'altimétrie des canalisations ne suffit pas à rendre l'immeuble impropre à son usage, qu'à chaque réunion d'expertise en novembre 2010 et mars 2011 le sous-sol de l'habitation était sec,
- que les inondations de septembre, octobre et novembre 2012 sont dues à des crues exceptionnelles résultant du contexte hydrologique de la Vallée de la Canche, qu'il est faux d'affirmer que ces inondations n'ont touché que l'habitation des époux [T], que Maître [S], huissier de justice, a constaté un phénomène généralisé à toute la population,
- que lors des visites de l'immeuble d'anciennes traces d'une forte inondation due à une crue exceptionnelle dans les années 1990 étaient visibles sur les murs du sous-sol, que les époux [T] ont reçu toutes informations sur le risque d'inondation,
- que les attestations qu'ils produisent sont des attestations de complaisance, qu'elles sont contredites par leurs propres attestations, que le garage de l'immeuble n'est pas visible de la rue,
- que le défaut d'altimétrie n'était pas décelable par un non professionnel, qu'ils n'en avaient pas connaissance et sont donc fondés à invoquer la clause d'exclusion de garantie.
Ils invoquent également une faute des époux [T] qui aurait conduit à aggraver les désordres, faisant valoir que Maître [S] a constaté le 2 janvier 2013, en soulevant le regard situé sur la voie publique en face de l'immeuble qu'une plaque de bois maintenue par une cale condamne l'évacuation.
Ils soutiennent que contrairement aux affirmations des appelants le choix entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire n'appartient pas qu'au seul acheteur, que le juge peut, appréciant souverainement la gravité du vice invoqué, estimer qu'il n'était pas de nature à justifier la résolution de la vente.
Vu les conclusions des appelants du 21 janvier 2014.
Vu les conclusions des intimés du 6 janvier 2014.
SUR CE :
1°) sur l'existence d'un vice caché
Attendu selon l'article 1641 du code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avaient connus ;
qu'il incombe à l'acquéreur d'apporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères ; qu'il doit donc établir que la chose vendue est atteinte d'un vice:
- inhérent à la chose et considérant la cause technique des défectuosités,
- présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose,
- existant antérieurement à la vente,
- n'étant, au moment de la vente ni apparent, ni connu de lui ;
Attendu que le sous-sol de l'habitation acquise par les époux [T] est implanté en contrebas de la route ;
Attendu que selon procès-verbal du 6 janvier 2010 Maître [K], huissier de justice à [Localité 8], a constaté, à la requête des époux [T]:
- qu'au droit de l'entrée de leur garage de l'eau en mouvement sort des fissures du sol et des murs. Le caniveau déborde et l'eau s'écoule dans le garage,
- que le garage au sol est inondé sur l'intégralité de sa superficie,
- que la pièce de rangement au droit du garage est inondée,
- que la laverie est également inondée,
- qu'une autre pièce du sous-sol est inondée, dans laquelle de nombreux meubles sont entreposés ;
qu'un second constat dressé par Maître [K] le 8 mars 2010 mentionne les mêmes désordres alors que le cours d'eau voisin est à un niveau d'eau se situant à une quarantaine de centimètres sous le niveau des berges et que le fossé au droit perpendiculairement, qui se jette dans ce cours d'eau est vide ;
que le 1er juillet 2010 Maître [K] a constaté par temps ensoleillé et alors qu'il n'a pas plu depuis plusieurs jours que de l'eau émerge du gazon et de l'allée gravillonnée d'accès au garage puis s'écoule vers l'entrée du garage plus bas, que de l'eau est présente dans le regard au niveau de l'accès au garage ;
Attendu que Monsieur [N], expert judiciaire commis par ordonnance de référé du 21 juillet 2010, indique dans son rapport que les désordres allégués par les demandeurs sont consécutifs à des défauts d'altimétrie des différentes canalisations d'évacuation des eaux pluviales entre le fil d'eau du caniveau implanté au droit du garage et celui de la canalisation de 300 mm de diamètre au niveau du regard avaloir situé au croisement des rues de [Adresse 15] et [Adresse 13] ; qu'il précise que non seulement les eaux de ruissellement provenant de l'accès au garage et des aménagements extérieurs à l'habitation des époux [T] inondent le sous-sol de leur immeuble mais également les eaux de ruissellement provenant du carrefour, lesdites eaux de ruissellement du carrefour s'écoulant gravitairement dans la canalisation d'un diamètre de 300 mm dans le sous-sol de l'habitation ;
Attendu que l'expert conclut que cette mauvaise altimétrie des canalisations fait obstacle à l'évacuation des eaux de ruissellement sur la propriété des époux [T] et indique que ce désordre est ancien puisqu'il résulte d'une mauvaise exécution du système d'évacuation des eaux pluviales lors de l'édification de la maison par le père des consorts [PS] ;
Attendu que les consorts [PS] qui, dans leurs conclusions, font état d'un défaut d'entretien imputable aux acquéreurs n'en justifient pas ; que l'expert n'a pas constaté de mauvaise entretien du clapet anti-retour ; qu'il précise d'ailleurs à ce sujet en page 17 de son rapport 'le clapet anti retour implanté actuellement ne sert strictement à rien. Il ne peut, à lui seul, éviter le débordement du regard situé dans la descente menant au garage' ;
que de même le fait évoqué par les vendeurs et constaté par Maître [S], huissier de justice le 2 janvier 2013, est sans incidence sur les désordres puisque l'évacuation condamnée par une cale en bois est celle se dirigeant vers l'immeuble des époux [T] ; qu'il n'y a pas d'obstacle à l'écoulement depuis cet immeuble ;
Attendu que les observations de Monsieur [JP], assistant technique des consorts [PS], selon lesquelles 'l'éventuelle correction de la pente des tubes assurant l'évacuation des eaux ne pourra être efficace que si le fond du regard communal est à l'air libre, qu'il n'est pas envahi par l'eau faisant l'objet du plan de prévention' ne sont pas une critique du rapport d'expertise contrairement à ce que tentent de faire valoir les vendeurs ; que Monsieur [JP] écrit expressément en introduction de sa note qu'il reste d'accord avec l'avis de l'expert judiciaire selon lequel il conviendrait de modifier la pente des tubes assurant l'écoulement des eaux de ruissellement ;
Attendu que l'expert indique que les époux [T] ne peuvent jouir paisiblement du sous-sol de leur immeuble qui est régulièrement inondé par les eaux de ruissellement et qu'il s'agit bien d'inondations répétées et non d'inondations exceptionnelles, précisant qu'à sa connaissance il n'y a pas eu d'arrêté de catastrophe naturelle pour la commune, ce qui a été confirmé par le maire ;
Attendu que le caractère répété des inondations est encore démontré par les procès-verbaux de constat dressés par Maître [K] après le dépôt du rapport d'expertise les 24 septembre, 30 octobre, 10 novembre 2012, du 26 au 31 décembre 2012, le 3 janvier 2013, 9 novembre 2013 et 17 février 2014 ;
que le maire de la commune de [Localité 5] a attesté qu'il n'y a pas eu de demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour inondation par débordement des cours d'eau, la Canche et le Witrepin dans la nuit du 23 au 24 septembre 2012, ni du 29 octobre au 13 novembre 2012 ;
que le 10 novembre 2012 Maître [K] a constaté que les habitations voisines et la chaussée au droit de l'immeuble des époux [T] n'étaient pas inondées et que les cours d'eau le Witrepin et la Canche ne débordaient pas; qu'il a fait des constatations identiques les 30 décembre 2012, 9 novembre 2013 et 17 février 2014 ;
Attendu que ces inondations répétées portent gravement atteinte à l'usage attendu d'un immeuble d'habitation même si elles ne rendent pas l'immeuble totalement impropre à sa destination (condition non exigée par l'article 1641 du code civil) ;
Attendu qu'il ressort tant des investigations de l'expert judiciaire que des constatations de Maître [K] que ces inondations n'ont aucun rapport avec le risque d'inondation par débordement de la Canche dont il est fait état dans le document d'informations sur les risques naturels et technologiques de la commune de [Localité 5], annexé à l'acte de vente, conformément à l'article L 125-5 du code de l'environnement ;
que si les époux [T] avaient connaissance du risque d'inondation par débordement de la Canche qu'ils ont accepté, cette acceptation ne peut être étendue aux inondations résultant d'un dysfonctionnement du système d'évacuation des eaux pluviales dont ils n'ont pas été informés et qui n'était pas apparent ;
Attendu que les époux [T] apportent donc la preuve d'un vice caché remplissant les conditions de l'article 1641 du code civil ;
2°) sur la clause d'exonération de la garantie des vices cachés
Attendu que l'article 1643 du code civil énonce que le vendeur est tenu des vices cachés quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ;
Attendu que l'acte de vente comporte une clause d'exonération de la garantie des vices cachés ainsi rédigée :
Le vendeur ne sera pas tenu à la garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments, à l'exception toutefois et le cas échéant, de ce qui est dit ci-dessus sous le titre 'Environnement-Santé publique'.
Toutefois il est précisé que cette exonération de la garantie des vices cachés ne peut s'appliquer aux défauts de la chose vendue dont le vendeur a déjà connaissance.
que l'acte de vente comporte également une clause 'Raccordement au réseau' qui stipule :
L'attention de l'acquéreur a été attirée sur le fait que, faute de convention contraire dans le présent acte, ni le raccordement des installations présentes dans les biens vendus aux divers réseaux publics ou privés, (d'eau, d'électricité, de gaz, de téléphone, de télévision ou autres), ni la conformité aux normes actuellement en vigueur des raccordements existants, ne lui sont garantis par le vendeur. Tous les travaux qui deviendraient nécessaires au titre de l'un quelconque de ces points seraient donc à sa charge exclusive sans recours contre ledit vendeur.
Attendu que les consorts [PS] n'étant pas des vendeurs professionnels il incombe aux époux [T] qui souhaitent voir écarter ces clauses de non garantie d'apporter la preuve que les vendeurs avaient connaissance du caractère inondable de l'immeuble indépendant du risque d'inondation par débordement de la Canche ;
Attendu que l'expert judiciaire indique dans son rapport que le phénomène d'inondation du sous-sol de l'habitation ne pouvait être ignoré des anciens propriétaires ;
Attendu que l'immeuble appartenait aux parents des consorts [PS], Monsieur [R] [PS] et son épouse, Madame [XL] [D], décédés respectivement les [Date décès 1] et [Date décès 2] 2004, laissant pour recueillir leurs successions leurs onze enfants ; que les époux [PS]-[D] avaient acquis par actes notariés des 6 janvier 1967 et 27 juin 1969, les deux parcelles sur lesquelles ils ont fait édifier la maison de 1971 à 1973 ; que les vendeurs y ont passé une partie de leur enfance ;
Attendu que les époux [T] versent aux débats diverses attestations :
- Madame [NG] [X], commerçante à [Localité 9], a déclaré 'la maison sise [Adresse 12] a subi régulièrement des inondations au niveau du sous-sol. Cette situation a souvent été un sujet de discussion au sein de ma clientèle',
- Monsieur [RI] [PH], constructeur de la maison, a déclaré 'celle-ci se trouve en début et en fin d'année avec de l'eau dans son sous-sol, de 1 à 2 cm d'eau, plusieurs fois pendant la construction, m'obligeant à mettre un bloc sous mon matériel en bois en début et pendant l'hiver. Pendant la saison le sous-sol était toujours sec',
- Madame [ES] [J] épouse [HO] a déclaré : 'Ayant été domiciliée à [Adresse 14] de janvier 1997 à avril 2009 je peux certifier avoir vu à plusieurs reprises mes voisins d'en face au [Adresse 12] pomper l'eau de leur sous-sol inondé de façon régulière',
- Monsieur [Y] [V], agent de travaux à la retraite, domicilié à [Localité 5], a déclaré 'avoir vu le sous-sol immergé alors qu'il était encore en activité et que des travaux ont été effectués à ce sujet',
- Monsieur [Z] [P] a déclaré : 'Depuis que nous sommes mariés en 1971 nous allions régulièrement chez les grands-parents de mon épouse qui habitaient la maison voisine de la famille [PS] à [Localité 5] et nous avons toujours eu une discussion sur la problématique de l'eau dans le sous-sol des [PS]. De façon irrégulière ils avaient de l'eau dans le sous-sol visible de la maison des grands-parents. Jusqu'au jour (impossible à préciser l'année) notre grand-mère nous a affirmé que des travaux avaient été réalisés pour endiguer la problématique de l'inondation. Malgré les travaux l'eau a continué à envahir le sous-sol. Il pouvait y avoir 3 ou 4 années sans eau, puis cela revenait. Toute la famille [PS] connaissait ce phénomène. Nul ne pouvait l'ignorer'.
Attendu que rien ne permet de qualifier ces documents 'd'attestations de complaisance' comme le font les intimés ;
que la production de plusieurs attestations de personnes affirmant n'avoir jamais constaté l'inondation du sous-sol de la maison des époux [PS] ne suffit pas à mettre en cause la fiabilité des déclarations des auteurs des attestations produites par les époux [T] ;
que Monsieur [EH] [E] qui a établi une attestation en faveur des consorts [PS] en déclarant 'avoir été le facteur des époux [PS] pendant une vingtaine d'année et ne jamais les avoir entendus se plaindre d'humidité ou d'inondation dans leur sous-sol sauf pour l'inondation des années 1985-1986 qui a touché une grande partie du village', a précisé qu'à la suite de cette inondation Monsieur [PS] avait fait effectuer des travaux, ce qui rejoint les déclarations, à ce sujet de Monsieur [V] et de M. [P], auteurs des attestations produites par les époux [T], et confirme l'existence d'inondations récurrentes ; qu'en effet Monsieur [PS] n'aurait pas fait réaliser des travaux en raison d'une seule inondation de nature exceptionnelle affectant une grande partie du village ;
que malgré ces travaux les inondations ont persisté ainsi qu'en atteste Monsieur [P] ;
Attendu que les époux [T] apportent donc la preuve tant par le rapport d'expertise judiciaire que par les attestations qu'ils produisent, de la connaissance par les vendeurs du vice affectant l'immeuble, c'est à dire son caractère inondable dû au dysfonctionnement du système d'évacuation des eaux de ruissellement; qu'il importe peu qu'il ne soit pas établi que les consorts [PS] avaient connaissance précisément du défaut d'altimétrie des différentes canalisations ; qu'il suffit qu'il soit démontré la connaissance du vice ; qu'il n'est pas exigé la connaissance des causes de ce vice ;
Attendu que les clauses d'exonération de garantie et de non garantie ne peuvent donc recevoir application ; qu'en conséquence les consorts [PS] sont tenus de la garantie des vices cachés ; que le jugement qui a débouté les époux [T] de leurs demandes à ce titre sera infirmé ;
3°) sur les conséquences de la garantie
a) sur la demande de résolution de la vente :
Attendu que l'article 1644 du code civil dispose que dans le cas des articles 1641 et 1643 l'acheteur a le choix de rendre la chose et se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix telle qu'elle sera arbitrée par expert,
que si dans le droit commun des contrats la rigueur de la sanction frappant l'inexécution d'une obligation est normalement soumise à l'appréciation du juge qui peut écarter la résolution et se borner à condamner le débiteur à des dommages-intérêts, en matière de garantie des vices cachés le choix de l'acquéreur est libre et le vendeur ne peut y faire obstacle en invoquant l'absence de gravité du vice ; qu'au demeurant en l'espèce le vice présente un caractère de gravité certain puisque l'expert a évalué le coût des travaux nécessaires à la remise en état à la somme de 35 880 euros;
qu'il convient donc de prononcer la résolution de la vente du 16 février 2008, d'ordonner la publication du présent arrêt à la conservation des hypothèques de [Localité 8] et de condamner solidairement les consorts [PS] à restituer aux époux [T] le prix de 304 550 euros ;
Attendu que les vendeurs doivent également être condamnés à payer les frais occasionnés par la vente, soit la somme de 21 046,19 euros, frais d'acquisition selon décompte de Maître [CG], notaire ;
b) sur les demandes de dommages-intérêts :
Attendu que selon l'article 1645 du code civil si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur,
- pour travaux dans l'immeuble
Attendu que les époux [T] sollicitent le paiement de la somme de 37 758,60 euros pour travaux d'amélioration et d'embellissement dans l'immeuble;
que la vente ayant été résolue les époux [T] ont exposé inutilement des frais pour des travaux dans un immeuble dont ils ne sont pas propriétaires, ce qui constitue un préjudice en lien de causalité direct avec le vice caché;
Attendu qu'au vu des factures produites il convient de condamner les consorts [PS] à leur verser les sommes de :
- 21 409,20 euros selon facture de la SARL Ternois Fermetures en date du 23 novembre 2009 pour changement de fenêtres et portes,
- 336,69 euros selon facture Margolle en date du 12 mars 2008 pour installation d'un branchement du lave-linge et modification électrique dans la cuisine,
- 8 184,61 euros et 63,59 euros selon factures de la société Carrières Rigail en date des 15 février et 15 mars 2008 pour fourniture de carrelage et de plinthes et frais d'enlèvement,
- 2 800,45 euros selon facture de la SARL CADC en date du 8 mars 2008 pour pose de carrelage et de plinthes au sol,
- 1 140 euros selon facture de la société Sélect Fermetures en date du 1er septembre 2008 pour fourniture d'un volet roulant :
soit un total de 33 934,54 euros ;
qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux autres postes qui ne sont justifiés que par des tickets de caisse et des factures de matériaux sans preuve que les éléments acquis ont bien été installés ou mis en oeuvre dans l'immeuble ;
- pour achat de matériels de pompage 'et autres'
Attendu que les époux [T] se portent demandeurs d'une somme de 3 705,32 euros à ce titre,
qu'ils justifient de leur demande pour les sommes suivantes :
- 454,28 euros selon facture de la société Vasseur Agricole en date du 8 décembre 2009 pour achat d'une pompe,
- 60,46 euros selon facture de la société SPEC en date du 1er février 2013 pour contrôle de l'installation électrique du logement à la suite de l'inondation du sous-sol
soit 514,74 euros au total,
que les autres postes ne sont pas justifiés ; que la facture [ZB] [FN] du 30 novembre 2009 et la facture Bia du 5 janvier 2010 sont au nom d'une société Laphoceenne et non pas au nom de Monsieur ou Madame [T]; que la deuxième facture Bia, la facture CCO et la facture DMA Environnement portent respectivement sur des frais de tuyau raccord, fuel hiver et pompage et écrémage de fioul domestique, dont le lien de causalité avec le vice caché n'est pas établi ;
- pour les intérêts payés au Crédit Lyonnais, prêteur des deniers nécessaires à l'acquisition
Attendu que les époux [T] qui ont obtenu de la Banque LCL un prêt de 280 000 euros pour le financement d'une partie des frais d'acquisition de l'immeuble sont fondés à demander la condamnation des consorts [PS] à leur payer les intérêts qu'ils ont dû acquitter à la banque pendant la période où ceux-ci ont détenu le prix de vente, soit selon le tableau d'amortissement versé aux débats, la somme de 75 807,89 euros arrêtée au 15 janvier 2014 ;
- pour les troubles de jouissance de l'immeuble
Attendu que du fait de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, les époux [T] sont réputés n'avoir jamais été propriétaires de l'immeuble ; qu'ils ne peuvent donc obtenir des dommages-intérêts pour troubles de jouissance d'un bien qui ne leur a jamais appartenu ;
- pour préjudice moral
Attendu que les époux [T] n'ont pas caractérisé le préjudice moral pour lequel ils se sont portés demandeurs d'une somme de 15 000 euros ; que cette demande sera rejetée ;
- pour les frais de constats d'huissier
Attendu que les époux [T] ont été contraints de faire établir plusieurs constats d'huissier pour démontrer d'une part l'inondation du sous-sol et d'autre part le caractère récurrent de ces inondations, en l'absence de débordement de la Canche ;
que ces constats ont été utiles à la procédure ; que les consorts [PS] seront donc condamnés à en supporter le coût, soit la somme de 2 589,16 euros ;
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Attendu qu'il serait imputable de laisser à la charge des époux [T] les frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer ; que les consorts [PS] seront condamnés à leur verser une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant contradictoirement,
Infirme le jugement et statuant à nouveau,
Prononce la résolution, pour vice caché, de la vente conclue le 16 février 2008 suivant acte de Maître [G] [CG], notaire à [Localité 2], portant sur une maison individuelle située à [Adresse 12], cadastrée [Cadastre 1] [Adresse 12] d'une contenance totale de 17 a 60 ca, entre les consorts [PS], vendeurs, d'une part et les époux [C] [T] - [M] [I], acquéreurs, d'autre part,
Ordonne la publication du présent arrêt à la Conservation des Hypothèques de [Localité 8],
Condamne solidairement les consorts [PS] à restituer aux époux [T] le prix de 304 555 euros,
Les condamne in solidum à verser aux époux [T] la somme de 21.046,19 euros au titre des frais d'acquisition,
Les condamne en outre in solidum à leur verser, à titre de dommages-intérêts :
- la somme de 33 934,54 euros pour travaux dans l'immeuble,
- la somme de 514,74 euros pour achat de matériel de pompage et contrôle de l'installation électrique,
- 75 807,69 euros pour intérêts payés à la Banque LCL au 15 janvier 2014,
- 2 589,16 euros pour frais de constats d'huissier,
Déboute les époux [T] de leurs demandes de dommages-intérêts pour troubles de jouissance et préjudice moral,
Condamne in solidum les consorts [PS] aux dépens de première instance, en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire et aux dépens d'appel avec, pour les dépens d'appel, droit de recouvrement direct au profit de Maître WACHEUX, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Les condamne in solidum à verser aux époux [T] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président
Delphine VERHAEGHE.Evelyne MERFELD.