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14/04/2014 | FRANCE | N°12/02466

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 14 avril 2014, 12/02466


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 14/04/2014



***



N° de MINUTE : 255/2014

N° RG : 12/02466



Jugement (N° 08/00762)

rendu le 06 Mars 2012

par le Tribunal de Grande Instance de DOUAI

REF : JD/VC



APPELANTE

SA BANQUE CIC NORD OUEST

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, membre de la SELARL ADEK

WA, avocat au barreau de DOUAI,

Assistée de Me Bertrand MEIGNIE, avocat au barreau de DOUAI





INTIMÉS

Monsieur [Q] [L], tant en son nom personnel qu'en qualité de tuteur de [T] [L]

né le [Date naissance ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 14/04/2014

***

N° de MINUTE : 255/2014

N° RG : 12/02466

Jugement (N° 08/00762)

rendu le 06 Mars 2012

par le Tribunal de Grande Instance de DOUAI

REF : JD/VC

APPELANTE

SA BANQUE CIC NORD OUEST

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, membre de la SELARL ADEKWA, avocat au barreau de DOUAI,

Assistée de Me Bertrand MEIGNIE, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉS

Monsieur [Q] [L], tant en son nom personnel qu'en qualité de tuteur de [T] [L]

né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 6]

Demeurant

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Maxence LAUGIER, avocat au barreau de LILLE

Madame [W] [L] épouse [P]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 5]

Demeurant

[Adresse 1]

[Localité 3]

Assignée à personne le 14 juin 2012, n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

DÉBATS à l'audience publique du 03 Mars 2014, après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Evelyne MERFELD, Président, et Delphine VERHAEGHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 février 2014

***

Par jugement en date du 23 février 1989, le tribunal de grande instance de DOUAI a condamné M. [B] [L] à payer à la SA CIC BANQUE SCALBERT DUPONT CIN la somme de 160 000 francs en principal.

Par jugement en date du 16 mars 1989, le tribunal de commerce de DOUAI a condamné M. [Q] [L] à payer à la SA CIC BANQUE SCALBERT DUPONT CIN les sommes de 350 340, 62 francs, 184 203, 14 francs, 7942, 13 francs outre les intérêts au taux conventionnel et la somme de 30 000 francs à titre de dommages et intérêts.

Par actes d'huissier en date des 19, 22 et 27 juillet 1999, la SA CIC BANQUE SCALBERT DUPONT CIN a fait assigner MM. [B], [Q], [T] et [W] [L] devant le tribunal de grande instance de DOUAI , sur le fondement des articles 815 et 827 du code civil, pour voir ordonner qu'il sera procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [B] [L] et son épouse Mme [V] [J], décédée le [Date décès 1] 1986.

L'instance a été interrompue à la suite du décès de M. [B] [L], survenu le [Date décès 2] 2006.

Elle a été reprise à la suite des conclusions signifiées par la banque SCALBERT DUPONT le 6 mai 2008.

Par jugement en date du 6 mars 2012, le tribunal de grande instance de DOUAI a :

- déclaré irrecevable la demande de péremption d'instance

- déclaré irrecevables les demandes de la SA CIC BANQUE SCALBERT DUPONT CIN nouvellement dénommée la SA BANQUE CIC NORD OUEST pour défaut de droit d'agir

- rejeté la demande de mainlevée d'hypothèque

- rejeté les demandes de dommages et intérêts

- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles

- condamné la SA CIC BANQUE SCALBERT DUPONT CIN nouvellement dénommée la SA BANQUE CIC NORD OUEST aux dépens.

La SA BANQUE CIC NORD OUEST a interjeté appel de ce jugement, le 20 avril 2012.

Elle demande à la Cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de péremption d'instance et rejeté la demande de mainlevée d'hypothèque

- de réformer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes pour défaut du droit à agir

- de dire qu'elle est recevable et bien fondée en son action en licitation partage de l'indivision

par application des articles 815, 815-17 et 827 du code civil,

- d'ordonner qu'il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre Mme [V] [J] et M. [B] [L] et de la succession de ceux-ci par un notaire

- de commettre un magistrat du siège pour surveiller les opérations de partage et faire rapport sur l'homologation et la liquidation s'il y a lieu

- de désigner un commissaire-priseur à l'effet de procéder à l'estimation et au lotissement des meubles et objets mobiliers dépendant de l'indivision en vue de tirage au sort entre les héritiers

- préalablement à ces opérations et pour y parvenir, d'ordonner qu'il sera, aux mêmes requêtes, poursuites et diligences que celles figurant ci-dessus, à l'audience des criées du tribunal de grande instance de DOUAI, sur le cahier descharges qui sera dressé et déposé au greffe par Maître MEIGNIE, avocat au barreau de DOUAI, procédé à la vente par licitation de l'immeuble situé [Adresse 3], cadastré section AC n° [Cadastre 1] pour 140 m²

- de désigner un expert avec mission de proposer les mises à prix les plus avantageuses en vue de cette licitation

- de débouter MM. [Q] et [T] [L], Mme [W] [L] épouse [P] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires

- de condamner solidairement ceux-ci à lui payer la somme de 5 000 euros pour résistance abusive et celle de 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait observer que le tribunal a soulevé d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir, sans provoquer les explications des parties, en application de l'article 16 alinéa 3 du code de procédure civile, que le jugement doit être réformé sur ce point.

Elle soutient que ses demandes sont recevables, puisqu'à la suite du décès de Mme [V] [L], il s'est créé une indivision successorale entre [Q], [T] et [W] [L], que les époux [B] et [V] [L] étaient mariés sous le régime de la communauté, de sorte qu'il dépend de leur communauté des biens à partager justifiant qu'elle ait assigné en son temps M. [B] [L], que Mme [V] [L] était propriétaire en nom propre d'un immeuble situé à [Adresse 3], par suite d'une donation de ses parents et que cet immeuble se trouve donc indivis entre ses héritiers, et notamment M. [Q] [L], que son action était donc parfaitement recevable, à l'encontre, d'une part du conjoint survivant décédé en cours de procédure, d'autre part des héritiers de Mme [V] [L], née [J].

Elle précise que si elle a pu produire aux débats la copie de l'acte de notoriété établi par le notaire à la suite du décès de M. [B] [L], c'est parce que le juge de la mise en état lui en a délivré injonction, qu'il résulte de cet acte que M. [B] [L] laisse pour héritiers ses trois enfants qui avaient été appelés en la cause et que son action en partage est parfaitement régulière.

Elle ajoute que c'est aux enfants de Mme [V] [L] née [J] de prouver qu'ils ne sont pas ses héritiers en produisant les pièces au soutien de leurs prétentions, que le lien conjugal qui unissait M. [B] [L] à Mme [V] [J] est établi, de même que le lien de filiation entre [Q], [T] et [W] [L] et Mme [V] [J] épouse [L]

Elle expose qu'elle est créancière de M. [B] [L] et M. [Q] [L] en vertu de deux décisions judiciaires ayant acquis force de chose jugée et que les dispositions de l'article 815-17 alinéa 3 ne permettent pas au coïndivisaire qui désire arrêter le cours de l'action en partage exercée par le créancier d'un autre indivisaire de contester le montant de la créance en vertu de laquelle le créancier poursuit le partage, mais seulement d'en acquitter le montant tel qu'il résulte des titres produits.

Elle précise qu'elle est fondée à poursuivre son action à la suite du décès de M. [B] [L], que les engagements de la caution solidaire passent à ses héritiers, que si les enfants n'ont pas renoncé à la succession de leur père, ils sont tenus à ses dettes, que le créancier personnel d'un indivisaire dispose d'une action en partage de l'indivision si la carence du débiteur est de nature à compromettre ses droits, qu'il en est ainsi lorsque le péril de la créance résulte de la volonté délibérée du débiteur de ne pas l'honorer et que M. [Q] [L], qui n'a formé aucun recours contre le jugement rendu en 1989, aurait pu procéder à un paiement échelonné de sa dette.

Elle fait valoir qu'il ne peut lui être reproché de mettre à exécution les jugements, dès lors qu'il n'y a pas abus de droit de sa part, que tout porte à croire que, depuis l'année 1989, M. [Q] [L] organise son insolvabilité, que toutefois, la situation financière de celui-ci n'est pas aussi catastrophique qu'il tente de le faire croire alors qu'il verse aux débats des factures de fourniture de matériaux pour un montant total de plus de 32 700 euros, que sa créance se révèle bien être en péril à raison du maintien de l'indivision.

Elle affirme que la demande tendant au maintien de l'indivision n'est pas fondée en droit, que Mme [W] [L] n'a pas constitué avocat, de sorte que sa volonté de demeurer ou non dans l'indivision n'est pas connue, que la demande d'attribution préférentielle n'est pas fondée non plus, la cour n'étant pas en mesure d'apprécier les intérêts en présence.

Elle indique que le tribunal a justement rejeté la demande adverse de mainlevée d'hypothèque, puisqu'il n'est pas établi par MM. [L] que l'immeuble appartiendrait à une personne non débitrice.

Elle s'oppose à la demande en dommages et intérêts, au motif qu'elle n'a commis aucune faute.

MM. [Q] [L] en son nom personnel et en sa qualité de tuteur de son frère [T] [L], fonction à laquelle il a été désigné par jugement du juge des tutelles de DOUAI en date du 26 juillet 2013, l'instance étant reprise par M. [Q] [L] représentant M. [T] [L], demande à la Cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par la BANQUE SCALBERT DUPONT CIN devenue CIC NORD OUEST

à titre subsidiaire,

- de débouter la banque CIC NORD OUEST de toutes ses demandes

- de maintenir l'indivision existant entre [Q], [T] et [W] [L]

- à défaut, de maintenir l'indivision entre [T] et [W] [L], moyennant le paiement par M. [T] [L] de la somme de 2 500 euros au profit de M. [Q] [L]

- à défaut encore, d'attribuer à titre préférentiel l'immeuble situé [Adresse 3] à M. [T] [L]

en tout état de cause,

- d'infirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes reconventionnelle et de faire droit à leur appel incident

- d'ordonner la mainlevée de l'hypothèque prise par la banque CIC NORD OUEST sur l'immeuble situé [Adresse 3] au motif que la banque n'a aucun titre exécutoire à l'encontre de la succession de Mme [V] [J]

- de condamner la banque à leur payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que l'action en liquidation-partage supposant qu'il soit agi à l'encontre de l'ensemble des héritiers, il faut que tous les coïndivisaires soient appelés à la cause, que la qualité des héritiers n'est pas acquise, que l'action en partage est par nature indivisible entre tous les indivisaires, de sorte qu'elle ne peut être reçue en l'absence de certains d'eux, que la mise en cause de la succession de M. [B] [L] est intervenue irrégulièrement et qu'elle ne s'est jamais accompagnée de la mise en cause de la succession de Mme [V] [J].

Il relève que, pour la première fois, en janvier 2009, la banque a cherché à identifier le notaire qui aurait dressé l'acte de notoriété de M. [B] [L] alors qu'elle avait été avisée de son décès plus de deux ans auparavant, et que l'instance a été irrégulièrement reprise, en violation de l'article 383 du code de procédure civile, que la régularisation n'est intervenue qu'à l'audience du 5 septembre 2011 avec la production de l'acte de notoriété permise par l'ordonnance d'incident du 29 mars 2011.

Il maintient que l'instance était périmée depuis le 20 septembre 2009, que l'instance au fond ayant été radiée le 19 septembre 2007 par l'effet de l'ordonnance d'incident du 19 mars 2007, la réinscription de l'affaire n'était possible qu'en justifiant de la mise en cause de la succession de M. [B] [L], que les conclusions de réinscription signifiées par la banque le 6 mai 2008 n'ont pas pu valablement reprendre l'audience suspendue car elles ne justifiaient pas de la production de l'acte de notoriété, que la radiation impose des diligences pour permettre la réinscription, que la banque a reconnu ne pas avoir accomplies, de telle sorte que le tribunal n'a pas été régulièrement saisi par la banque lors de la réinscription de l'affaire.

Il ajoute que les conclusions d'incident de la banque n'ont pas pu constituer des diligences au sens de l'article 383 du code de procédure civile, dès lors que le juge de la mise en état était incompétent, que les conclusions signifiées le 5 septembre 2011 qui régularisent pour la première fois l'instance auraient permis la réinscription de l'affaire mais qu'elles se heurtent à la péremption de l'instance puisque presque quatre ans se sont écoulés depuis la radiation de l'affaire, intervenue le 19 septembre 2007.

Il affirme que l'irrecevabilité s'impose encore à l'égard de la succession de Mme [V] [J], qu'en effet, l'immeuble qui motive les poursuites de la banque était un bien propre de leur mère et qu'il dépend donc de sa seule succession, laquelle n'est pas représentée à l'instance, qu'il apparaît que l'acte de notoriété n'existe pas, selon l'ordonnance du 25 février 2002, que la succession de Mme [V] [J] épouse [L] n'est pas régulièrement attraite à la cause, que l'action n'est pas régulière dès lors que la banque n'a pas produit les pièces propres à identifier les héritiers de Mme [V] [J] et que les demandes sont irrecevables, à la suite des ordonnances des 4 juin et 17 décembre 2013.

Subsidiairement, sur le fond, M. [Q] [L], en son nom personnel et en sa qualité de tuteur de son frère [T] [L] fait valoir que les conditions de mise en 'uvre de l'article 815-17 du code civil ne sont pas satisfaites, que la créance n'est pas en péril, ni menacée par le maintien de l'indivision, et que la créance revendiquée résulte de la parfaite mauvaise foi de la banque.

Il considère que la mauvaise foi de la banque est caractérisée par le délai de dix ans qu'elle a pris avant de chercher à exécuter les titres qu'elle avait obtenus en février et mars 1989 et de l'acharnement de 20 ans qu'elle continue de poursuivre aujourd'hui, que la dette atteint désormais des sommes considérables, par le jeu des intérêts conventionnels dont le taux est très élevé.

Il fait valoir que l'engagement de caution pris par M. [B] [L], âgé de 68 ans et retraité aux revenus modestes, était disproportionné, que la dette de M. [Q] [L] était essentiellement professionnelle, qu'aucune procédure collective n'a été ouverte en temps utile, qu'avant d'agir suivant l'assignation du 27 juillet 1999, la banque n'a entrepris qu'une saisie-vente à l'encontre de M. [Q] [L] ayant abouti à un procès-verbal de carence en date du 28 juin 1989, que celui-ci était impécunieux à l'époque et l'est toujours, qu'en raison du délai écoulé jusqu'à l'assignation du 27 juillet 1999, il a conçu la croyance légitime que la banque avait renoncé à agir, enfin, que la créance n'est pas en péril à raison du maintien de l'indivision, que la banque a pris, dès 1993, une hypothèque judiciaire définitive sur le bien qui n'a jamais été la propriété, ni de [B], ni de [Q] [L] et que Mme [V] [L] était décédée depuis le [Date décès 1] 1986, ce dont la banque avait connaissance.

Il déclare qu'à la date de l'assignation, MM. [B] et [Q] [L] n'avaient pas intérêt et vocation à provoquer le partage, que M. [B] [L] exerçait son droit viager d'occupation et d'habitation, qu'actuellement, un partage de l'indivision ne pourrait pas révéler à son profit un lot liquide et monétaire, que l'immeuble est également occupé par M. [T] [L], invalide, sous la curatelle (et maintenant la tutelle)de son frère [Q], que la licitation-partage ne pourrait qu'avoir un effet destructeur, que la valeur de la maison doit être appréciée par référence à son emplacement en zone d'affaissement minier, qu'elle a été estimée à 90 000 euros par Maître [G], notaire à [Localité 4], que la quote-part théorique de M. [Q] [L] serait de 30 000 euros et qu'elle serait réduite par la prise en compte des travaux financés par son frère [T] pour l'amélioration et d'aménagement de l'immeuble et par l'indemnité d'occupation qui serait due au profit de l'indivision, qu'en définitive, cette quote-part s'élèverait à la somme de 2 500 euros.

Subsidiairement, M.[Q] [L], en son nom personnel et en sa qualité de tuteur de son frère [T] [L], demande que l'indivision soit maintenue, eu égard aux intérêts en présence, très subsidiairement, qu'il soit fait application de l'article 824 du code civil, et à titre infiniment subsidiaire, que l'immeuble soit attribué préférentiellement à M. [T] [L].

Il fait valoir que la banque a commis des fautes, qu'elle a manqué à son devoir d'information, de conseil et de loyauté envers son client, M. [Q] [L] et la caution, M. [B] [L], qu'elle a seule contribué à laisser croître sa créance alors que ses débiteurs n'étaient pas récalcitrants, mais impécunieux, qu'il n'est pas responsable de la durée de la procédure, que la banque a attendu plus de dix ans avant d'agir, afin de purger toute responsabilité à son encontre.

Il déclare que la banque a inscrit du chef de M. [B] [L] une hypothèque sur un immeuble qui n'appartenait pas à celui-ci.

La banque CIC NORD OUEST a fait assigner devant la cour Mme [W] [L] épouse [P], par acte d'huissier en date du 14 juin 2012, avec signification de sa déclaration d'appel. L'acte a été remis à la personne de l'intimée qui n'a pas constitué avocat.

Par acte d'huissier en date du 24 juillet 2012, la banque a fait signifier ses conclusions à Mme [W] [L] épouse [P].

Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

SUR CE :

Sur la péremption

Le tribunal a justement dit qu'en application de l'article 771 du code de procédure civile, le juge de la mise en état étant, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance, la demande de péremption d'instance n'était plus recevable devant le tribunal.

Cette demande n'est pas recevable non plus devant la cour, pour le même motif.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la recevabilité de la demande

Le tribunal a dit que la demande en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [B] [L] et Mme [V] [J] épouse [L] n'était pas recevable, faute pour la banque CIC NORD OUEST de justifier de son droit à agir, après avoir relevé que l'acte de notoriété de Mme [V] [L], décédée le [Date décès 1] 1986, n'était pas versé aux débats et que l'identité de ses héritiers n'était pas établie au vu des pièces produites.

Le défaut de droit d'agir résulte notamment du défaut de qualité, du défaut d'intérêt, de la prescription, du délai préfix ou de la chose jugée, en application de l'article 122 du code de procédure civile.

Certes, aucun acte de notoriété dressé après le décès de Mme [V] [J] épouse [L] n'a été produit et il est apparu, dans le cadre des deux procédures d'incident devant le conseiller de la mise en état, qu'un tel acte n'aurait jamais existé, ni le notaire chargé de la succession de M. [B] [L], ni celui chargé de la succession de Mme [V] [L] n'ayant été en mesure de le communiquer.

S'agissant d'un litige indivisible, toutes les parties doivent être appelées à l'instance, faute de quoi la demande, dirigée contre certaines d'entre elles seulement, est irrecevable à l'égard de toutes.

La banque SCALBERT DUPONT CIN a fait délivrer son assignation introductive d'instance à M. [B] [L] et ses trois enfants, Mme [W] [L], MM. [T] et [Q] [L] devant le tribunal de grande instance de DOUAI, par actes d'huissier en date des 19, 22 et 27 juillet 1999.

Il ressort de l'acte de notoriété dressé par Maître [X] [G] , notaire à [Localité 4], à la suite du décès de M. [B] [L], survenu le [Date décès 2] 2006, qu'il s'était marié le [Date mariage 1] 1950 avec Mme [V] [J], née le [Date naissance 4] 1929, et que de ce mariage sont nés trois enfants, [W], née le [Date naissance 1] 1951, [T], né le [Date naissance 2] 1955 et [Q], le [Date naissance 3] 1959, qui sont les seuls héritiers connus de chacun des deux époux.

L'acte de notoriété constitue un moyen de preuve et non pas une condition de recevabilité

MM. [Q] et [T] [L] ne démontrent pas qu'il existe d'autres héritiers de leur mère, Mme [V] [J] épouse [L], qui n'auraient pas été attraits en la cause.

Dans ces conditions, la demande de la banque est recevable et il convient d'infirmer le jugement qui a déclaré irrecevable l'action diligentée par la banque CIC NORD OUEST à l'égard de Mme [W] [L], MM. [T] et [Q] [L].

Sur le fond

L'article 815 du code civil énonce que nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et que le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.

Aux termes de l'article 815-17 alinéas 2 et 3 du code civil, les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles, ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d'intervenir dans le partage provoqué par lui, les coïndivisaires pouvant arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur.

Ainsi, le créancier personnel de l'indivisaire dispose, sur le fondement de l'article 815-17 alinéa 3, de la faculté de provoquer le partage au nom de son débiteur.

Par jugement réputé contradictoire en date du 23 février 1989, M. [B] [L], assigné en mairie, n'ayant pas constitué avocat, le tribunal de grande instance de DOUAI a condamné celui-ci à payer à la banque SCALBERT DUPONT la somme de 160 000 francs augmentée des intérêts au taux conventionnel de 16, 75 % à compter du 1er juillet 1988 et la somme de 2 000 francs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement a été signifié à la personne de M. [B] [L], le 27 avril 1989.

Il est devenu irrévocable, en l'absence de recours.

Il était dû par M. [B] [L] en exécution du jugement, à la date du 30 mars 1998, au vu du décompte établi par la banque, la somme de 423 465,21 francs (64 556,85 euros).

Par jugement réputé contradictoire en date du 16 mars 1989, le tribunal de commerce de DOUAI a condamné M. [Q] [L] à payer à la banque SCALBERT DUPONT les sommes de 350 340,62 francs et 184 203,14 francs, augmentées d'un intérêt au taux de 16, 75 % à compter du 1er juillet 1988, la somme de 7 943,13 francs, avec intérêts de 17, 25 % à compter du 1er juillet 1988, la somme de 30 000 francs, à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 francs en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement a été signifié à une personne présente au domicile, le 27 août 1989.

Il est devenu irrévocable, en l'absence de recours.

Il était dû par M. [Q] [L] en exécution du jugement, à la date du 8 décembre 1999, la somme de 1 473 741,93 francs (224 670,50 euros).

M [Q] [L] ne peut soutenir que la banque a attendu que l'éventuelle action en responsabilité à son encontre soit prescrite pour exercer son action en partage, puisque son père n'avait pas constitué avocat devant le tribunal de grande instance, et que lui-même n'avait pas comparu à l'audience du tribunal de commerce, que son père et lui n'ont pas interjeté appel des deux jugements et n'ont pas fait valoir à l'époque les moyens de défense dont ils font état dans leurs écritures.

La banque a tenté de pratiquer une mesure d'exécution contre M. [Q] [L] et fait dresser un procès-verbal de saisie-exécution le 28 juin 1989, transformé en procès-verbal de carence.

Elle est désormais créancière de M. [Q] [L], personnellement, co-héritier avec son frère et sa s'ur de la succession de sa mère, Mme [V] [J] épouse [L], ainsi que des trois frères et s'ur, en leur qualité d'héritiers de leur père et donc tenus aux dettes de celui-ci.

M. [Q] [L] verse aux débats l'acte de donation entre vifs à sa mère par ses parents, en date du 30 août 1956, postérieurement à son mariage, d'un terrain situé [Adresse 3], sur lequel a été édifiée une maison d'habitation pendant le mariage.

Si l'immeuble appartenait en propre à Mme [V] [L], par accession, le notaire chargé de la liquidation de la communauté ayant existé entre M. [B] [L] et Mme [V] [J], qui n'avaient pas fait de contrat de mariage préalablement à leur union célébrée le [Date mariage 1] 1950 et qui étaient donc mariés sous l'ancien régime de communauté de meubles et acquêts, devra établir un compte de récompense.

La banque CIC est donc créancière de tous les co-indivisaires et non pas seulement de M. [Q] [L].

L'existence d'une convention écrite à durée déterminée de maintien de l'indivision, antérieure à la demande en partage, qui serait de nature à faire obstacle à

celle-ci, n'est pas prouvée.

La demande de maintien de l'indivision existante doit être rejetée.

Les pièces versées aux débats ne permettent pas de déterminer d'ores et déjà le montant de la quote-part de M. [Q] [L] dans l'indivision post-successorale de chacun de ses deux parents.

Il est nécessaire de procéder préalablement au partage de la communauté de M. [B] [L] et Mme [V] [J].

Au surplus, la banque est susceptible d'appréhender la quote-part des héritiers de M. [B] [L], et donc également celle de M. [T] [L] et Mme [W] [L] épouse [P].

Mme [W] [L] épouse [P] qui n'a pas constitué avocat n'a du reste pas manifesté sa volonté de demeurer dans l'indivision.

Une demande d'attribution préférentielle peut être opposée à l'action en partage formée par le créancier d'un indivisaire.

Toutefois, s'agissant d'une attribution préférentielle facultative, il y a lieu d'apprécier les intérêts en présence et de déterminer si l'attributaire a la possibilité de régler leur part aux deux autres co-indivisaires.

M. [L] verse aux débats le justificatif de ce que M. [T] [L] réside dans l'immeuble indivis depuis qu'il est séparé de son épouse, avec son père et son frère [Q], puis avec son frère seulement, une ordonnance de non-conciliation ayant été rendue le 28 juin 2001 et son divorce ayant été prononcé par jugement du 9 janvier 2003 confirmé par arrêt de la cour d'appel de DOUAI en date du 27 novembre 2003, qu'il souffre d'une maladie neurologique évolutive et qu'il bénéficie d'une pension d'invalidité depuis le 2 juillet 2004 d'un montant annuel de 13 390,95 euros.

Dans ces conditions, la demande d'attribution préférentielle au profit de M. [T] [L] ne peut être accueillie.

M. [Q] [L] ne prétend pas s'être rapproché du créancier pour commencer à apurer la créance de la banque en tant que débiteur et héritier de son père, pas plus que M. [T] [L] en cette dernière qualité, ni Mme [W] [L], qui n'a pas constitué avocat.

Ainsi qu'en atteste un certificat de radiation daté du 17 février 2004, M. [Q] [L] a été radié du registre des métiers le 14 avril 1987 pour une cessation d'activité à compter du 7 mars 1987. Son entreprise avait été créée le 1er mars 1986.

Il justifie avoir été allocataire du revenu minimum d'insertion, en 1999, 2001, 2002, 2003.

Il produit ses avis d'imposition sur les revenus des années 2004 à 2011 faisant apparaître qu'il a perçu un revenu annuel d'environ 2 700 euros de 2004 à 2006, qu'il n'a perçu aucun revenu en 2007 et qu'il n'a payé aucun impôt de 2008 à 2011.

Compte-tenu de l'importance du solde de la dette et de l'ancienneté de celle-ci, en l'absence de tout paiement, l'inaction des débiteurs ainsi que l'intérêt sérieux et légitime du créancier sont démontrés et justifient l'exercice par le créancier de l'action oblique en partage, seul moyen d'obtenir paiement d'une partie de sa créance.

Il convient d'ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [B] [L] et Mme [V] [J] épouse [L] et de leurs successions respectives, de désigner Maître [R] [Y], notaire à [Localité 4], pour procéder aux opérations et de dire que, préalablement au partage et pour y parvenir, il devra être procédé à la licitation de l'immeuble situé à [Adresse 3], cadastré section AC n° [Cadastre 1] pour 140 mètres carrés.

En ce qui concerne la valeur de l'immeuble, sont produits aux débats un avis de Maître [G], notaire, daté du 3 octobre 2008, qui propose une valeur de 90 000 euros, et un rapport de visite d'un architecte, M. [S] [I] qui donne son avis sur les fissures affectant la maison, en date du 14 octobre 2008.

Dans la mesure où il n'est pas démontré que la valeur de cet immeuble se serait accrue de manière notable depuis cette date, il convient de fixer la mise à prix, au vu de ces éléments, à la somme de 90 000 euros et de prévoir la faculté d'une baisse du quart, puis du tiers à défaut d'enchères.

La désignation d'un commissaire-priseur pour l'évaluation des meubles et objets mobiliers et pour la constitution des lots n'apparaît pas justifiée. Cette mission sera confiée au notaire.

L'inscription d'hypothèque judiciaire définitive a été prise par la BANQUE SCALBERT DUPONT le 12 octobre 1993 volume 93 V n° 1423 contre M. [B] [L], mentionné comme seul propriétaire du bien selon les états hypothécaires et la fiche cadastrale versés aux débats.

Cette inscription a été renouvelée jusqu'au 3 octobre 2013, au vu du relevé hypothécaire en date du 17 janvier 2006 et il n'est pas justifié d'un renouvellement postérieur à cette date.

La demande de mainlevée de l'inscription devient toutefois sans objet, le présent arrêt ordonnant la licitation suffisant à autoriser la saisie immobilière.

Le jugement doit être confirmé, mais pour les motifs ci-dessus exposés, en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire définitive.

Compte-tenu de leurs difficultés financières et du fait qu'ils résident dans l'immeuble litigieux, l'utilisation par MM. [T] et [Q] [L] de moyens juridiques destinés à empêcher la saisie ne suffit pas à caractériser une faute et la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive doit être rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.

La banque obtenant gain de cause en son recours, les demandes d'indemnisation formées par MM. [T] et [Q] [L] en réparation de leur préjudice moral doivent être rejetées.

Compte-tenu de la solution apportée au litige, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu de mettre à la charge de M [Q] [L], en son nom personnel et en sa qualité de tuteur de son frère [T] [L] les frais irrépétibles de première instance et d'appel supportés par la banque CIC NORD OUEST, à hauteur de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire :

INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable demande de péremption d'instance et rejeté la demande de mainlevée d'hypothèque et les demandes de dommages et intérêts

STATUANT à nouveau,

DECLARE la demande recevable

DEBOUTE MM. [T] et [Q] [L] de leurs demandes de maintien dans l'indivision, d'indivision partielle et d'attribution préférentielle

ORDONNE l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [B] [L] et Mme [V] [J] et de leurs successions respectives

DESIGNE Maître [R] [Y], notaire à [Localité 4], pour y procéder

DIT que le notaire aura pour mission d'évaluer les meubles et objets mobiliers et de procéder à la confection des lots en vue du tirage au sort

REJETTE la demande de désignation d'un commissaire-priseur à cet effet

DESIGNE le Président de la première chambre section 1 de la cour pour surveiller les opérations de partage

PREALABLEMENT au partage et pour y parvenir,

ORDONNE qu'il sera procédé à la licitation devant le tribunal de grande instance de DOUAI de l'immeuble situé à [Adresse 3], cadastré section AC n° [Cadastre 1] pour 140 mètres carrés

FIXE la mise à prix à la somme de 90 000 euros avec faculté de baisse du quart, puis du tiers à défaut d'enchères

REJETTE la demande d'expertise

CONDAMNE M. [Q] [L] en son nom personnel et en sa qualité de tuteur de son frère [T] [L] aux dépens de première instance et d'appel

DIT que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Mme Marie-Hélène LAURENT, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

CONDAMNE M. [Q] [L] en son nom personnel et en sa qualité de tuteur de son frère [T] [L] à payer à la banque CIC NORD OUEST la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

D. VERHAEGHEE. MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 12/02466
Date de la décision : 14/04/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°12/02466 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-14;12.02466 ?
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