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20/01/2014 | FRANCE | N°13/03140

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 20 janvier 2014, 13/03140


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 20/01/2014



***



N° de MINUTE : 35/2014

N° RG : 13/03140



Jugement (N° 11/00175)

rendu le 12 Mars 2013

par le Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE

REF : JD/VC



APPELANTS

Monsieur [L] [K]

né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 9] ([Localité 6])

Demeurant

[Adresse 3]

[Localité 4]



Monsieur [J] [Y]<

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né le [Date naissance 4] 1932 à CALONNE RICOUART (62470)

Madame [V] [T] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1932 à [Localité 7] ([Localité 6])

Demeurant ensemble

[Adresse 2]

[Localité 3]



Monsieur [H] [U]

n...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 20/01/2014

***

N° de MINUTE : 35/2014

N° RG : 13/03140

Jugement (N° 11/00175)

rendu le 12 Mars 2013

par le Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE

REF : JD/VC

APPELANTS

Monsieur [L] [K]

né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 9] ([Localité 6])

Demeurant

[Adresse 3]

[Localité 4]

Monsieur [J] [Y]

né le [Date naissance 4] 1932 à CALONNE RICOUART (62470)

Madame [V] [T] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1932 à [Localité 7] ([Localité 6])

Demeurant ensemble

[Adresse 2]

[Localité 3]

Monsieur [H] [U]

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 10] SUR SEINE ([Localité 6])

Demeurant

[Adresse 1]

[Localité 2]

Monsieur [N] [R]

né le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 8]

Demeurant

L'Auriciade

[Localité 1]

Représentés par Me Stéphane ROBILLIART, membre de la SELARL BLONDEL-ROBILLIART-PAMBO, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

AGENCE NATIONALE POUR LA GARANTIE DES DROITS DES MINEURS, Etablissement Public de l'Etat

Ayant son siège social

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Philippe HERMARY, membre de l'Association HERMARY-FONTAINE-REGNIER-MINK, avocat au barreau de BÉTHUNE, substitué à l'audience par Me Adeline HERMARY, avocat au barreau de BÉTHUNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

DÉBATS à l'audience publique du 25 Novembre 2013, après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Evelyne MERFELD, Président, et Delphine VERHAEGHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 novembre 2013

***

Par jugement en date du 12 mars 2013, le tribunal de grande instance de BÉTHUNE a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des ayants-droit de M. [H] [A]

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité des contrats « capital viager logement » et « capital viager chauffage » souscrits par M. [N] [R], M. [J] [Y], M. [H] [U], M. [L] [K] et M. [H] [A], sauf en ce qu'elle est fondée sur l'erreur quant à la durée des prélèvements fiscaux et sociaux des prestations d'avantages en nature

- rejeté l'action en nullité des contrats « capital viager logement » et « capital viager chauffage » souscrits par M. [N] [R], M. [J] [Y], M. [H] [U], M. [L] [K] et M. [H] [A] fondée sur l'erreur quant à la durée des prélèvements fiscaux et sociaux des prestations d'avantages en nature

- rejeté la demande tendant à voir dire que les contrats souscrits par M. [N] [R], M. [J] [Y], M. [H] [U], M. [L] [K] et M. [H] [A] doivent être interprétés comme des contrats de prêt sans intérêts

- rejeté la demande tendant à voir prononcer la caducité des contrats souscrits par M. [N] [R], M. [J] [Y], M. [H] [U], M. [L] [K] et M. [H] [A] par suite de la disparition de leur cause

- laissé à chacune des parties la charge des dépens et des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

M. [L] [K], M. [J] [Y] et Mme [V] [T] épouse [Y], [H] [U] et [N] [R] ont interjeté appel de ce jugement, le 31 mai 2013.

Anciens agents des Houillères, ils avaient souscrit au moment de leur départ à la retraite :

- M. [L] [K], le 8 juin 1989 un contrat« capital viager logement de prêt remboursable par versements trimestriels  par un agent retraité sur une seule tête » et un contrat « capital viager chauffage de prêt remboursable par versements trimestriels par un retraité sur une seule tête», en vertu desquels le Centre National de gestion des Retraites (CNGR), lui versait un capital de 543 052 francs en ce qui concerne le logement et de 243 547 francs en ce qui concerne le chauffage

- M. [J] [Y] et Mme [V] [T] épouse [Y], le 3 avril 1990, un contrat« capital viager logement de prêt remboursable par versements trimestriels  par un retraité marié sur une seule tête », en vertu duquel le Centre National de gestion des Retraites (CNGR) versait à M. [Y] un capital de 153 017 francs

- M. [N] [R], le 1er octobre 1991, un contrat« capital viager logement de prêt remboursable par versements trimestriels  sur une tête » et un contrat « capital viager chauffage de prêt remboursable par versements trimestriels», en vertu desquels le Centre National de gestion des Retraites (CNGR) lui versait un capital de 457 737 francs en ce qui concerne le logement et de164 228 francs en ce qui concerne le chauffage

- M. [H] [U], le 26 décembre 1993, un contrat« capital viager logement de prêt remboursable par versements trimestriels  sur une tête», en vertu duquel le Centre National de gestion des Retraites (CNGR) lui versait un capital de 446 753 francs

L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, établissement public à caractère administratif, a été substituée au Centre national de gestion de retraites par la loi du 3 février 2004.

Par actes d'huissier en date des 22 mars et 9 novembre 2006, M. [L] [K], M. [J] [Y] et Mme [V] [T] épouse [Y], MM. [H] [U], [N] [R] et les héritiers de M. [H] [A], décédé, ont fait assigner l'ANGDM devant le tribunal de grande instance de BETHUNE pour voir prononcer la nullité des contrats souscrits et, subsidiairement, les voir interpréter comme des contrats de prêt sans intérêts et non comme des contrats viagers amortissables au moyen des indemnités trimestrielles de logement et de chauffage.

Par ordonnance en date du 5 septembre 2007 confirmée par arrêt de la cour d'appel de DOUAI en date du 17 mars 2008, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative soulevée par l'ANGDM.

Par ordonnance en date du 6 octobre 2010, le juge de la mise en état a ordonné la transmission à la cour de cassation de quatre questions prioritaires de constitutionnalité et ordonné le sursis à statuer.

Par arrêt en date du 15 décembre 2010, la cour de cassation a dit n'y avoir lieu à renvoyer au conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

C'est dans ces conditions que le jugement dont appel a été rendu.

Dans leurs conclusions en date du 30 août 2013, M. [L] [K], M. [J] [Y] et Mme [V] [T] épouse [Y], MM. [H] [U] et [N] [R] demandent à la Cour :

- d'infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- d'écarter l'application de l'article 3 de la loi de finances 2009 en ses dispositions qui valident les contrats passés avec les anciens mineurs et qui les qualifient de contrat de capitalisation

A titre principal,

- de dire nulles les conventions souscrites entre eux et le CNGR, le 8 juin 1989 en ce qui concerne M. [K], le 3 avril 1990 en ce qui concerne M. et Mme [Y], le 26 décembre 2013 en ce qui concerne M. [U], le 1er octobre 1991 en ce qui concerne M. [R], et de remettre les parties en l'état, au besoin par compensation

Subsidiairement,

- de dire que les contrats litigieux doivent être interprétés comme étant des contrats de prêt sans intérêts et non des contrats viagers amortissables au moyen des indemnités trimestrielles de logement et de chauffage, de constater que les sommes avancées par l'ANGDM ont été entièrement réglées, de condamner dès lors l'ANGDM à leur restituer les sommes trop perçues et retenues par elle et à reprendre le service de l'indemnité logement et de l'indemnité chauffage dès la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard un mois après la signification de la décision, de dire qu'ils ont droit au remboursement des cotisations indûment payées par eux depuis la date du remboursement du capital prêté après établissement, dans le mois de la décision à intervenir, d'un décompte des sommes payées par eux

Plus subsidiairement,

- de dire caducs les contrats souscrits, par suite de la disparition de la cause ayant présidé à leur conclusion, en conséquence de la caducité des contrats, de constater que les sommes avancées par l'ANGDM ont été entièrement réglées, de condamner dès lors l'ANGDM à leur restituer les sommes trop perçues et retenues par elle et à reprendre le service de l'indemnité logement et de l'indemnité chauffage dès la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard un mois après la signification de la décision, de dire qu'ils ont droit au remboursement des cotisations indûment payées par eux depuis la date du remboursement du capital prêté après établissement dans le mois de la décision à intervenir d'un décompte des sommes payées par eux

- de débouter l'ANGDM de toutes ses demandes

- de la condamner à leur payer chacun la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [J] [Y], M. [H] [U] et M. [N] [R] demandent en outre à la Cour de leur donner acte de ce que :

- au 19 septembre 2011, la créance de M. [Y] vis-à-vis de l'ANGDM s'élève à la somme de 10 440,36 euros, outre les intérêts moratoires

- au 31 décembre 2011, la créance de M. [U] vis-à-vis de l'ANGDM s'élève à la somme de 10 591,46 euros, outre les intérêts moratoires

- au 31 décembre 2011, la créance de M. [R] s'élève à la somme de 11 886,44 euros, outre les intérêts moratoires.

Dans ses conclusions en date du 18 novembre 2013, l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) demande à la Cour :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions

- de condamner MM. [R], [U], [K] et [Y] à lui verser chacun la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soulève une fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité.

Sur le fond, elle s'oppose aux moyens tendant à voir prononcer la nullité des contrats pour cause d'illicéité de l'objet, du caractère perpétuel de l'engagement et d'erreur sur un élément déterminant, à voir requalifier les contrats viagers en contrats de prêt et à voir constater la caducité des contrats pour disparition de leur cause.

Les moyens des parties seront repris à l'occasion de leur examen par la Cour et de la réponse qui leur sera apportée.

SUR CE :

Sur la prescription

L'ANGDM soutient que l'action en nullité des contrats introduite en 2006, s'agissant de conventions souscrites entre 1989 et 1993, est prescrite, en application de l'article 1304 du code civil selon lequel dans tous les cas où une action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Elle fait valoir qu'il s'agit d'une nullité relative puisque les règles d'ordre public recherchent la protection des mineurs qui constituent une catégorie de population particulière.

Le tribunal a dit que les actions en nullité des contrats étaient prescrites :

- en ce qu'elles étaient fondées sur l'illicéité des conventions

- en ce qu'elles étaient fondées sur l'erreur résultant de la découverte de ce que les prestations ne reprendraient pas au bénéfice des requérants lorsque le montant des indemnités trimestrielles auxquelles ils auraient pu prétendre aurait atteint le montant du capital versé, chaque contrat contenant bien la marque du caractère viager du dispositif

mais qu'elles n'étaient pas prescrites en ce qu'elles étaient fondées sur l'erreur quant à la durée des prélèvements fiscaux et sociaux des prestations d'avantages en nature, erreur que les retraités des Houillères n'avaient découverte qu'en 2005.

En vertu de l'article 2262 ancien du code civil applicable au présent litige, l'action ayant été engagée antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, toutes les actions tant réelles que personnelles sont prescrites par trente ans.

L'action en nullité des contrats est fondée sur l'illicéité de l'objet même de ces contrats, au motif que celui-ci est contraire à l'intérêt collectif garanti par le statut des mineurs. Il s'agit d'une nullité absolue. Il convient d'infirmer le jugement qui a dit que cette section était prescrite.

En ce qui concerne l'erreur sur un élément déterminant du contrat, le tribunal a opéré une distinction entre l'erreur consistant à découvrir qu'après amortissement total du capital avancé, les requérants seraient privés pour l'avenir des indemnités de logement (et de chauffage) et l'erreur résultant de la découverte de ce qu'ils paieraient des cotisations sur des revenus dont ils n'avaient aucune disposition.

MM. [K], [U], [R] et M. et Mme [Y] font valoir devant la cour qu'ils ne contestent pas le caractère « cotisable » des indemnités mais que l'erreur qu'ils invoquent résulte de ce que le paiement des indemnités ne reprendra pas une fois le prêt remboursé.

Ils expliquent que l'erreur alléguée ne leur a été révélée qu'après la date à laquelle le capital prêté a été entièrement remboursé, tandis que des cotisations continuaient à leur être réclamées sur des indemnités qui ne leur étaient plus versées.

Les deux questions sont par conséquent liées, et le fait que les retraités auraient dû, à la lecture des contrats litigieux, se rendre compte qu'ils ne bénéficieraient plus des indemnités postérieurement à l'amortissement du capital avancé, ne leur interdit pas de soutenir qu'ils n'ont pris conscience de l'erreur qu'ils invoquent qu'en 2005, de sorte que la fin de non recevoir tirée de la prescription en ce qui concerne l'action fondée sur l'erreur constitutive d' un vice du consentement, doit également être rejetée. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que cette action était prescrite.

Sur la nullité pour illicéité de l'objet

Les appelants font valoir que les indemnités de logement résultent des articles 22 à 24 du statut du mineur tel que défini par le décret du 14 juin 1946 modifié et que l'employeur avait l'obligation légale de verser des prestations statutaires à ses anciens salariés, que les parties ne pouvaient, par voie de conventions privées, déroger à ces règles et disposer librement des indemnités de logement ou de chauffage sans qu'une modification statutaire ne le permette, alors que le statut prévoit un versement périodique des indemnités de chauffage et de logement.

Ils affirment que le contrat litigieux se définit comme une cession du droit à indemnité en contrepartie de l'allocation d'une somme en capital, que, cependant, ils ne pouvaient ainsi renoncer au bénéfice du statut du mineur qui est d'ordre public, et en particulier au bénéfice des indemnités de logement et de chauffage.

Ils ajoutent que la circulaire du 9 février 1988 qui, selon l'ANGDM, a consacré le dispositif du contrat viager n'avait aucune force réglementaire quand elle a été signée puisqu'elle ne constitue pas un acte administratif, qu'en tout état de cause, elle doit être déclarée illégale au motif qu'elle est entachée d'incompétence et de violation de la loi, que du reste, par arrêt en date du 5 juin 2009, le Conseil d'Etat a constaté l'illégalité de cette circulaire, de sorte que l'ANGDM ne saurait se fonder sur une prétendue pratique antérieure dès lors que celle-ci, à la supposer établie, n'a jamais été validée par les autorités compétentes, tandis que l'article 3 de la loi de finances 2009 ne peut être regardé comme ayant validé la pratique des Charbonnages de France, puisque l'objet de la loi est purement fiscal et qu'on ne peut tirer de cette loi de finances aucune interprétation sur la nature juridique du contrat, objet du litige.

L'ANGDM répond que l'objet des contrats est licite, que, lorsque MM. [R], [Y], [U] et [K] ont fait le choix d'opter pour le contrat viager, ils n'ont en aucun cas renoncé aux dispositions du statut des mineurs, mais qu'ils ont seulement opté pour un versement en capital de l'indemnité logement qui continuait de leur être attribuée trimestriellement mais qui faisait l'objet d'une retenue globale.

Elle affirme que la circulaire du 9 février 1988 ultérieurement annulée par le Conseil d'Etat, ne constitue pas le fondement des contrats signés, que les contrats en cause ne visent pas cette circulaire et qu'ils existaient avant cette date, qu'en effet, le principe du rachat des prestations viagères prévues aux articles 22 et 23 du statut du mineur a été validé par le Ministre de l'industrie et du commerce dès le 13 octobre 1949 et que ce dispositif a été actualisé par notes successives en 1977, 1978, 1979, 1981, tandis que, par la circulaire du 9 février 1988, Charbonnages de France a décidé d'harmoniser le mécanisme.

Elle précise que le fait que la circulaire de 1988 ait été jugée illégale par le Conseil d'Etat n'a aucune incidence sur le litige en cours, que le Conseil d'Etat n'a pas eu à se prononcer sur le fond du litige, qu'il a invalidé la circulaire uniquement en raison de l'identité de son signataire, qu'il s'agit donc d'une irrégularité de pure forme, qu'en tout état de cause, le fondement juridique des contrats litigieux est la liberté contractuelle.

L'ANGDM indique que l'article 3 de la loi de finances pour 1989 valide sur le fond le mécanisme du rachat des indemnités, qu'il s'applique aux situations ou aux procédures en cours au moment de sa promulgation, qu'il a été voté dans un souci d'égalité de traitement, d'équité et de sécurité juridique et qu'il est applicable en l'espèce, qu'il n'organise pas un abandon des prestations d'avantages en nature puisqu'en choisissant de racheter son indemnité de logement et de chauffage, l'agent n'a pas renoncé aux dispositions du statut du mineur, mais qu'il a simplement opté pour un versement en capital, que les indemnités de logement et de chauffage continuent de lui être octroyées, mais font l'objet d'une retenue globale, que ce sont simplement les modalités de paiement de la prestation qui ont été aménagées à la demande du requérant avec l'accord de Charbonnages de France, sans que le droit au bénéfice de la prestation soit remis en cause.

Elle observe que le rachat des prestations des articles 22 et 23 n'était qu'une option offerte au retraité et non une obligation imposée par Charbonnages de France, que c'est en toute connaissance de cause que les signataires se sont engagés, qu'un tel mécanisme est favorable puisqu'il permet d'accéder immédiatement à la propriété en obtenant un capital conséquent immédiat, enfin, que le droit d'option reconnu aux mineurs est irrévocable, que si l'intéressé choisit le rachat de ses prestations, il abandonne définitivement le droit au versement de celles-ci, une fois le capital versé définitivement amorti.

L'article 3 I de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 énonce que les prestations d'avantages en nature qui continuent d'être attribuées aux ayants droit de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, relevant du statut du mineur, en application des contrats de capitalisation de ces prestations jusqu'à l'âge retenu pour le calcul du capital, sont considérées comme ayant été mises à disposition du contribuable au sens de l'article 12 du code général des impôts, avant leur retenue par l'organisme chargé de leur gestion, que ces contrats de capitalisation se substituent, à titre définitif, aux prestations viagères visées au statut des mineurs.

Aux termes de l'article 3 II de cette loi, pour ces mêmes ayants droit de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, relevant du statut du mineur, sont validés, sous réserve des décisions ayant définitivement acquis force de la chose jugée, les prélèvements sociaux et fiscaux effectués correspondant aux prestations versées avant l'âge de référence ayant servi de base au capital dans le cadre des contrats de capitalisation des prestations d'avantages en nature conclus jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la présente loi en tant que leur validité serait contestée par le moyen tiré de ce que le revenu correspondant n'était pas disponible.

La cour de cassation, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité qui lui avait été posée par le juge de la mise en état dans le cadre du présent litige, a dit que les dispositions contestées de l'article 3 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 avaient pour unique objet de préciser le régime des prélèvements fiscaux et sociaux auxquels sont assujetties les indemnités de chauffage et de logement dont le montant est retenu par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs en amortissement du capital versé au mineur qui a opté, lors de la liquidation de ses droits à pension de retraite, pour le versement d'un capital représentatif desdites indemnités, qu'elles ne sont pas applicables, dès lors, à des litiges qui se rapportent à la qualification et à la validité des contrats conclus entre les intéressés et l'Agence nationale.

Cette disposition législative ne peut être invoquée pour justifier la validité des contrats.

L'ANGDM admet par ailleurs que la circulaire du 9 février 1988 ne constitue pas le fondement des contrats signés, même si elle considère qu'en incorporant ladite circulaire à l'annexe 1 du décret du 23 décembre 2004, l'arrêté ministériel du 7 juin 2006 pourrait être regardé comme ayant donné un fondement légal à cette circulaire.

Le débat relatif à la légalité de cette circulaire, qui a du reste été tranché par le Conseil d'Etat, n'a donc pas d'intérêt en ce qui concerne la résolution du présent litige.

Selon MM. [K], [U], [R] et M. et Mme [Y], la nullité du contrat pour objet illicite résulte de ce que l'on n'a pas le droit de renoncer à un statut d'ordre public et en l'occurrence aux prescriptions des articles 22 et 23 du statut des mineurs.

L'article 22 du décret du 14 juin 1946 relatif au statut du personnel des exploitations minières énonce que les membres du personnel des mines de combustibles minéraux solides ont droit à une attribution de combustible par l'exploitant ; que si cette attribution n'est pas possible, ils ont droit à une indemnité compensatrice versée par l'exploitant, que les membres du personnel des autres exploitations minières et assimilées ont droit à une prime de chauffage versée par l'exploitant, que les anciens membres du personnel et les veuves (') peuvent recevoir des prestations de chauffage en nature ou en espèces dont les montants et les conditions d'attribution sont fixés par arrêté du Ministre chargé des Mines ou du Ministre des Finances et des Affaires Economiques.

L'article 23 de ce décret contient les mêmes dispositions en ce qui concerne le logement, à savoir que les membres du personnel, chefs ou soutiens de famille, sont logés gratuitement par l'entreprise ou, à défaut, perçoivent de celle-ci une indemnité mensuelle de logement, que les autres membres du personnel peuvent percevoir également une indemnité mensuelle de logement, ainsi que les anciens membres du personnel et les veuves.

Les contrats litigieux stipulent que le capital versé est représentatif du versement des indemnités trimestrielles de logement et de chauffage auxquelles les retraités ont droit, le montant de ces indemnités trimestrielles étant retenu par le CNGR devenu l'ANGDM à titre de remboursement pendant la durée de la vie de l'agent retraité.

Dès lors que les dispositions du statut des mineurs laissaient au Ministre compétent la faculté d'apprécier les modalités de versement des prestations, que ces dispositions n'imposaient pas que le versement des indemnités devait être périodique et que les contrats avaient comme objectif, pour les salariés qui choisissaient de les souscrire, de permettre à ceux-ci de bénéficier immédiatement d'un capital représentatif des prestations, plutôt que de continuer à percevoir les indemnités trimestrielles de chauffage et de logement, MM. [K], [U], [R] et M. et Mme [Y] ne démontrent pas qu'à la date de signature des contrats litigieux, à laquelle doit s'apprécier leur validité, la stipulation du versement d'un capital représentatif des prestations, amortissable au moyen de la retenue des indemnités trimestrielles, signifiait qu'ils renonçaient à leur droit de percevoir lesdites indemnités.

Le fait que la question de la reprise du versement des indemnités au profit du retraité, une fois la totalité du capital avancé remboursé, n'ait pas été envisagée à l'époque de la souscription du contrat, puisqu'en réalité, le montant du capital versé avait été calculé en fonction d'un coefficient de capitalisation fixé selon l'âge de l'ancien mineur au moment de la souscription, et que le caractère viager du remboursement pouvait aussi avoir pour but d'éviter d'en transférer la charge aux héritiers du retraité, en cas de décès de celui-ci avant l'amortissement du capital, ne permet pas de déduire que, dès sa conclusion, ce contrat impliquait renonciation du mineur aux prestations auxquelles le statut lui donnait droit.

Du reste, dans une lettre adressée au Président des Charbonnages de France le 13 octobre 1949, le Ministre de l'Industrie et du Commerce indiquait notamment que ce qui devait être conservé aux retraités bénéficiant des dispositions de l'article 23 du statut des mineurs, c'est le droit au logement ou à l'indemnité compensatrice, mais pas le logement lui-même qu'il habitait lorsqu'il était en activité et que, pour rendre plus aisée la réinstallation du retraité ou de sa veuve dans un nouveau domicile, il ne verrait pas d'inconvénient à ce que les Bassins offrent aux ayants cause le rachat des droits qu'ils tiennent de l'article 23 du statut du mineur, moyennant un capital versé au moment de l'évacuation du local, représentatif du rachat de la rente viagère ou de l'avantage équivalent, dans la limite d'un maximum de 250 000 francs payés comptant pour les employés et 200 000 francs pour les ouvriers.

La demande en nullité des contrats souscrits par MM. [K], [U] et [R], M. et Mme [Y] pour objet illicite doit être rejetée.

Sur la nullité pour violation de la loi

MM. [K], [U] et [R], M. et Mme [Y] font valoir que les contrats litigieux sont entachés de violation de la loi.

Ils soutiennent, en premier lieu, qu'ils sont contraires aux dispositions de l'article L 2254-1 du code du travail, qu'un salarié ne peut renoncer aux droits qu'il tient d'une convention collective, que le fait que les agents d'une entreprise publique soient soumis à un statut réglementaire n'exclut pas l'application du principe fondamental du droit du travail selon lequel, en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit recevoir application, que le statut du mineur tient lieu, pour les questions dont il traite, de convention collective, qu'une circulaire administrative, comme un contrat, ne peut légalement prévoir qu'un contrat conclu entre un salarié et son employeur soit plus défavorable que les dispositions du statut fixé par le décret du 14 juin 1946.

Ils affirment, en second lieu, qu'ils sont contraires aux dispositions des articles L 3252-1 et suivants et R 3252-1 et suivants du code du travail, que, les prestations de logement et de chauffage constituant un élément de la rémunération des personnels des industries minières en tant qu'avantages en nature, elles s'analysent comme des rémunérations différées, que, dans ces conditions, la circulaire comme les contrats ne pouvait légalement prévoir que le retraité donne l'autorisation en faveur de l'établissement payeur de retenir à chaque échéance trimestrielle le montant de l'indemnité de logement et de chauffage due, sans tenir compte des limites posées par les articles L 3252-1 et suivants et R 3252-1 et suivants du code du travail en matière de cessibilité des rémunérations.

L'ANGDM répond que le statut du mineur ne peut être assimilé à une convention collective, ce statut ayant une origine réglementaire, que, par arrêt en date du 8 juillet 1998, le Conseil d'Etat a dit que le personnel des exploitations minières et assimilées était soumis à un statut fixé par voie réglementaire et non à des conventions collectives de travail, qu'ainsi, la légalité des articles 22 et 23 du décret du 14 juin 1946, tout comme d'ailleurs leur maintien en vigueur, ne sauraient être appréciés au regard des dispositions du code du travail.

Elle fait observer que MM. [R], [Y], [U] et [K] ne font plus partie des effectifs des Houillères depuis la date de leur mise à la retraite et qu'ils ne sont plus considérés comme des salariés, qu'un retraité ne peut plus exciper de la convention collective qui était la sienne lorsqu'il était salarié, qu'en outre, il ne s'agit pas d'une cession du droit à prestation de logement et de chauffage mais d'un aménagement du versement de la prestation.

Les articles L2254-1 et L3252-1 et suivants du code du travail ne sont pas applicables aux mineurs qui bénéficient d'un statut réglementaire.

En tout état de cause, ainsi qu'il a été indiqué au chapitre précédent, en souscrivant aux contrats litigieux, les mineurs retraités n'ont pas renoncé aux avantages qu'ils tenaient du statut des mineurs et n'ont pas accepté de dispositions plus défavorables que celles dont les faisait bénéficier ce statut, puisqu'un capital était versé, destiné à se substituer aux indemnités prévues par le statut.

Par ailleurs, la retenue des indemnités trimestrielles vient compenser le capital versé et ne s'analyse donc pas en une cession des rémunérations.

Du reste, s'agissant de sommes versées postérieurement à la mise à la retraite des salariés considérés, les indemnités ne peuvent être qualifiées de rémunérations au sens de l'article L3252-1 du code du travail, dont les dispositions et celles qui suivent sont applicables aux sommes dues à titre de rémunération à toute personne salariée ou travaillant pour un ou plusieurs employeurs.

Dans ces conditions, la demande en nullité des contrats pour violation de la loi doit être rejetée.

Sur la nullité de l'engagement en raison de son caractère perpétuel

MM. [K], [U] et [R], M. et Mme [Y] soulèvent la nullité des conventions au motif que, le contrat ne prévoyant aucune durée limitée dans le temps et ne prévoyant aucune possibilité de rachat, ils se sont engagés leur vie durant sans qu'au surplus, une contrepartie soit fournie lorsque le capital avancé par l'ANGDM a été amorti.

Toutefois, les contrats ont bien fixé une limite au remboursement du capital avancé qui est celle du décès du bénéficiaire.

Par ailleurs, le montant du capital a été déterminé dès la conclusion du contrat et aucun engagement autre que le remboursement de ce capital n'a été souscrit, de sorte qu'en cas de décès du souscripteur, quelle qu'en soit la date, le remboursement cessait même si le capital n'était pas entièrement amorti.

L'engagement de rembourser ne saurait ainsi être qualifié de perpétuel.

La demande en nullité fondée sur ce moyen doit être rejetée.

Sur la nullité pour cause d'erreur sur un élément déterminant du contrat

En application de l'article 1110 alinéa 1er du code civil énonce, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

Les appelants font valoir que, s'ils avaient été loyalement informés, ils n'auraient pas souscrit ce contrat léonin, que, compte-tenu de la terminologie du contrat, ils pouvaient penser que les versements de prestations reprendraient une fois le capital remboursé, puisqu'il était expressément spécifié :

- qu'il s'agissait d'un prêt remboursable

- que MM. [K], [Y], [U] et [R] s'engageaient à s'acquitter de leur dette

- que l'autorisation donnée d'effectuer la retenue d'indemnité de logement était limitée au remboursement du capital versé.

L'ANGDM considère que l'erreur alléguée porte sur les conséquences fiscales des contrats souscrits, laquelle ne peut être substantielle, qu'en effet, elle ne peut être tenue pour responsable de l'application des lois d'ordre public qui sont d'application immédiate et qui s'imposent à tous, que les indemnités de logement et de chauffage, conformément aux articles 127 et 128 de la loi de finances de 1991 et du chapitre II de l'ordonnance du 24 janvier 1996, sont soumises à CSG et à CRDS, de sorte que les cotisations ont été régulièrement prélevées sur ces indemnités et qu'à chaque échéance trimestrielle, le CNGR, puis l'ANGR et l'ANGDM ont retenu, aux fins d'amortir le capital versé, une somme correspondant à l'indemnité trimestrielle brute à laquelle pouvaient prétendre les anciens agents.

Or, les appelants expliquent que l'erreur sur un élément déterminant du contrat qu'ils invoquent provient de ce que le paiement des indemnités ne reprendra pas une fois le prêt remboursé et non pas de ce que ces indemnités doivent être soumises aux cotisations sociales, élément qu'ils ne contestent pas.

Il résulte des stipulations des contrats intitulés 'capital viager logement et capital viager chauffage de prêt remboursable par versements trimestriels' que les Houillères du bassin offrent à leur personnel, au moment de leur départ à la retraite, la possibilité de souscrire un contrat viager comportant :

- d'une part, le versement immédiat par le CNGR pour leur compte d'un capital

- d'autre part, le versement trimestriel au CNGR par le retraité sa vie durant, d'une somme déterminée.

Il est ensuite précisé que les retraités s'obligent à s'acquitter de la dette ainsi contractée à l'égard des Houillères par des versements trimestriels au CNGR dont le premier interviendra dans le mois de la signature du contrat et les suivants à l'échéance de chaque trimestre civil et ce, jusqu'au décès du contractant, et que le montant de chaque versement trimestriel correspondra à celui de l'indemnité trimestrielle de logement ( et de chauffage) à laquelle pourra effectivement prétendre le cocontractant à la date de l'échéance trimestrielle considérée.

MM. [K], [Y], [U] et [R] ont signé le contrat en connaissance, non seulement du montant du capital versé qui y figure, mais encore du montant des indemnités trimestrielles de logement et de chauffage qui devaient leur être allouées.

Ils ont accepté, lors de la souscription du contrat, qu'un capital leur soit versé immédiatement, et soit compensé par anticipation avec les indemnités qui devaient leur être servies trimestriellement, et n'ont pas choisi l'option qui leur était également ouverte selon laquelle les indemnités leur seraient versées trimestriellement jusqu'à leur décès.

L'élément déterminant du contrat était dès lors le versement aux anciens mineurs d'un capital représentatif des indemnités, (dont le montant leur permettait le cas échéant de devenir immédiatement propriétaires d'un bien immobilier), non soumis immédiatement à impôt, ce qui était l'objectif poursuivi à l'époque de la signature des conventions.

Dans ces conditions, les contrats ne peuvent être déclarés nuls, au motif que le consentement des souscripteurs aurait été vicié par l'erreur.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté MM. [K], [U] et [R], M. et Mme [Y] de leurs demandes tendant à voir prononcer la nullité des contrats qu'ils ont souscrits en 1989, 1990, 1991 et 1993.

Sur la requalification des contrats

MM. [K], [U] et [R], M. et Mme [Y] demandent, à titre subsidiaire, que les contrats soient qualifiés de contrats de prêt sans intérêt.

Ils soutiennent à cette fin que les clauses du contrat font apparaître qu'ils reçoivent du CNGR un capital et qu'ils s'acquitteront de leur dette au moyen des indemnités trimestrielles de logement (et de chauffage) auxquelles ils pourraient prétendre, qu'ils autorisent d'ailleurs l'organisme gestionnaire à les retenir directement.

Ils font valoir que les contrats litigieux sont bien intitulés « contrats de prêt remboursables » et qu'eux-mêmes se sont engagés à s'acquitter de leur dette et non pas à verser une rente viagère au CNGR, que les termes de « capital » et de « dette » renvoient sans ambiguïté à la notion de prêt et non pas à celle de contrat viager, sinon le contrat aurait utilisé d'autres termes, en particulier celui de rente comme le soutient l'ANGDM, qu'il est d'ailleurs indiqué à l'article III du contrat « aux fins d'amortir le capital », ce qui ne peut que confirmer l'existence d'un prêt et d'un remboursement à l'aide de la retenue des indemnités trimestrielles de logement, que l'économie générale du contrat entre les parties répond à la définition du prêt figurant à l'article 1892 du code civil.

Ils déclarent que dans une réponse du 19 juillet 2005, le ministre de l'Industrie, interrogé à propos de l'opportunité de fixer une durée limite aux prélèvements des indemnités, a répondu que ces contrats étaient des opérations de prêt et que le capital versé par l'employeur n'avait pas le caractère d'un revenu imposable.

Ils ajoutent que l'une des conditions de validité du contrat viager est l'existence d'un aléa lié au premier chef à la durée de vie du crédirentier et au taux de la rente, que, dans le mécanisme revendiqué par le CNGR, c'est ce dernier qui serait le crédirentier, que cet organisme, devenu l'ANGDM, est un établissement public pérenne et qu'il n'existe aucune incertitude quant à sa durée de vie, qu'il n'est pas possible de considérer qu'il s'agit d'un contrat de rente viagère si, notamment, les conditions de l'article 1971 du code civil ne sont pas remplies, que l'aléa d'un contrat de rente viagère qui a pour objet des prestations périodiques dont la durée est limitée à la vie du crédirentier, résulte d'un événement qui affecte le crédirentier, tandis que, dans l'hypothèse des contrats litigieux, ce sont les débirentiers qui seraient tenus jusqu'à leur décès, qu'il n'est pas envisageable que le risque soit constitué par le décès de celui qui s'oblige au paiement.

Ils estiment que les versements effectués au-delà du remboursement du capital doivent leur être restitués et qu'il convient de reprendre le versement des indemnités à leur profit, que la stipulation selon laquelle ils renoncent à l'indemnité de logement (et de chauffage) ne peut s'entendre que d'une renonciation temporaire, le temps de l'amortissement du capital prêté, les clauses d'un contrat devant s'interpréter les unes par rapport aux autres conformément aux dispositions de l'article 1161 du code civil, que le fait que l'administration fiscale n'ait pas remis en cause la non-imposition du capital versé, l'indemnité de logement acquise chaque trimestre continuant en revanche à être imposable, confirme bien qu'il s'agit d'un contrat de prêt.

Ils indiquent que le contrat proposé aux agents partant à la retraite a été ultérieurement modifié, puisque les termes montrant qu'il s'agit d'un contrat de prêt ont été supprimés tandis qu'ont été ajoutés des termes et expressions démontrant qu'il s'agit d'un contrat viager, que l'article 3 de la loi de finances ne saurait avoir un effet rétroactif en matière civile alors que la loi a un objet purement fiscal, que cette loi est postérieure à la souscription des contrats, que ce n'est pas une loi de validation, mais une loi qui modifie les règles du contrat concerné, que cette loi a eu pour objectif de mettre fin aux nombreux contentieux introduits par les anciens mineurs, que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable s'opposent, sauf motif impérieux d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice, dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige, qu'un simple intérêt financier ne peut être considéré comme un motif d'intérêt général et que les effets des contrats conclus antérieurement à la loi nouvelle, même s'ils continuent à se réaliser postérieurement à cette loi, demeurent régis par les dispositions sous l'empire desquelles ils ont été passés.

Ils affirment que la qualification juridique de prêt exclut la notion de novation ou d'extinction du droit à versement des indemnités de chauffage et de logement et que l'article 3 de la loi de finances de 2009 ne valide pas le mécanisme de rachat mis en place par l'ANGDM et ses prédécesseurs.

Ils demandent, outre le paiement des indemnités de logement et de chauffage non versées depuis la date de l'amortissement du capital prêté, le remboursement des cotisations qu'ils ont indûment payées depuis la date du remboursement du capital prêté, puisque les sommes qui leur ont été avancées sont aujourd'hui totalement amorties par la retenue des indemnités de chauffage et de logement.

L'ANGDM soutient que les contrats litigieux ne peuvent pas être analysés comme des contrats de prêt, puisque le mécanisme de ces contrats n'a pas pour effet de faire rembourser le capital par les souscripteurs, que si les termes des contrats sont ambigus puisqu'ils stipulent que les requérants « s'obligent à s'acquitter de la dette qu'ils ont contractée à l'égard des Houillères par des versements trimestriels », ils sont éclairés par les termes du dernier article du contrat « M' autorise les Houillères à retenir chaque trimestre le montant de l'indemnité de logement et de chauffage qui leur est dû », ce dont il se déduit que le compte est fictivement crédité, puis débité de l'indemnité de logement et de chauffage, qu'ainsi, les souscripteurs ne remboursement pas le capital par leurs versements trimestriels, mais ils remboursent les indemnités de logement et de chauffage auxquelles ils ont expressément et définitivement renoncé en demandant à bénéficier d'un capital, indemnités de logement et de chauffage qu'ils ne perçoivent que fictivement pour les besoins de la taxation imposée par l'administration fiscale, qu'il s'agissait bien de contrats aléatoires et non pas de contrats de prêt.

Elle considère de toutes façons que depuis la loi de finances pour 2009, le contrat ne peut plus être qualifié de viager, puisque cette loi a prévu que le mécanisme était désormais limité dans le temps, que désormais, de par l'intervention du législateur, ce contrat n'a plus de dénomination propre.

Elle s'oppose à la reprise des versements des indemnités qui a été interdite par la loi de finances pour 2009.

Le tribunal a dit qu'il se déduisait des termes du contrat et de la pratique des parties depuis leur conclusion que les souscripteurs ne remboursaient pas par leurs versements trimestriels le capital qui leur avait été versé, mais qu'ils remboursaient l'indemnité de logement ou de chauffage qui leur était versée fictivement pour les seuls besoins de sa taxation par l'administration fiscale et qu'en l'absence de remboursement du capital définitivement acquis à la date de son versement, les conventions litigieuses ne pouvaient être qualifiées de contrats de prêt.

L'article 1892 du code civil énonce que le prêt de consommation est un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l'usage, à la charge pour cette dernière, de lui en rendre autant, de même espèce et qualité.

Les contrats intitulés « capital viager logement de prêt remboursable par versements trimestriels » et « capital viager chauffage de prêt remboursable par versements trimestriels » contiennent un préambule ainsi rédigé : « les Houillères offrent à leur personnel retraité la possibilité de souscrire un contrat viager comportant, d'une part le versement immédiat par le CNGR pour leur compte d'un capital, d'autre part le versement trimestriel au CNGR par le retraité sa vie durant d'une somme déterminée.»

Le contrat « capital viager logement de prêt remboursable par versements trimestriels » souscrit par M. [K] et M. et Mme [Y] contient les clauses suivantes :

article 1 : le contrat dûment signé, dès réception de la fiche individuelle d'état civil portant la mention marginale « non décédé » délivrée par la mairie du lieu de résidence dans les huit jours qui suivent la cessation d'activité, le CNGR versera à M. (') par virement bancaire un capital de (')

article 2 : M. (') s'oblige à s'acquitter de la dette ainsi contractée à l'égard des Houillères du bassin de Lorraine à dater du (') par des versements trimestriels au CNGR dont le premier interviendra le (') et les suivants à l'échéance de chaque trimestre civil, et ce, jusqu'au décès du contractant

article 3 : le montant de chaque versement trimestriel correspondra à celui de l'indemnité trimestrielle de logement à laquelle pourra effectivement prétendre M. (') à la date de l'échéance trimestrielle considérée

article 4 : M. (') autorise le CNGR, en règlement des montants précisés ci-dessus qu'il s'est engagé à verser, à retenir à chaque échéance trimestrielle le montant de l'indemnité de logement qui lui sera due à la même échéance

article 5 : à défaut de présentation dans le délai d'un mois suivant le départ en retraite de la fiche individuelle d'état civil mentionnée à l'article 1, le présent contrat, même signé par les deux parties, sera réputé nul et non avenu.

Le contrat « capital viager chauffage de prêt remboursable par versements trimestriels » souscrit par M. [K] reprend les mêmes articles 1, 2 et 3 que le contrat ci-dessus. Son article 6 est le même que l'article 5 ci-dessus. Il contient par ailleurs les clauses suivantes :

article 4 : M. (') autorise le CNGR, en règlement des montants précisés ci-dessus qu'il s'est engagé à verser, à retenir à chaque échéance trimestrielle le montant de l'indemnité de chauffage qui lui est due à titre personnel à la même échéance

article 5 : M. (') renonce expressément au bénéfice de la prestation chauffage en nature. Ses droits seront honorés en espèces pour lui permettre d'une part d'assurer le remboursement du prêt à lui consenti par les Houillères.

Les articles II, III, IV et V des contrats « viager logement de prêt remboursable par versements trimestriels sur une tête » souscrits par MM. [R] et [U] et du contrat « viager chauffage de prêt remboursable par versements trimestriels » souscrit par M. [R] sont rédigés ainsi qu'il suit :

article II : le CNGR s'engage à verser trimestriellement à compter du (') à M. (') l'indemnité de logement ( de chauffage) à laquelle il peut effectivement prétendre du fait de sa situation de retraité et compte-tenu des règles en vigueur au moment de la souscription du présent contrat

article III : aux fins d'amortir le capital déterminé dans l'article I, M. (') autorise le CNGR à procéder à la retenue totale de l'indemnité de logement (chauffage) définie dans l'article II. La première échéance de remboursement se situe au (trimestre suivant la signature du contrat)

article IV : M. (') et tout ayant droit de son chef renoncent expressément et définitivement à la prestation de logement (chauffage) en nature

article V : le présent contrat prend fin au décès du souscripteur.

Certes, la rédaction de ces contrats comporte une contradiction, puisque le titre indique qu'il s'agit à la fois d'un contrat « capital viager logement ou chauffage » et d'un « prêt remboursable par versements trimestriels ».

Le préambule des contrats énonce toutefois qu'en contrepartie du versement immédiat d'un capital, le retraité versera trimestriellement au CNGR sa vie durant une somme déterminée.

L'article 2 des contrats stipule que le retraité s'oblige à s'acquitter de sa dette par des versements trimestriels au CNGR et ce, jusqu'à son décès, l'article V que le présent contrat prend fin au décès du souscripteur.

L'article 3 précise que le montant de chaque versement trimestriel correspondra à celui de l'indemnité de logement (ou de chauffage) à laquelle pourra effectivement prétendre le retraité à la date de l'échéance trimestrielle considérée, l'article III qu'aux fins d'amortir le capital déterminé dans l'article I, le retraité autorise le CNGR à procéder à la retenue totale de l'indemnité de logement (ou de chauffage).

Il résulte de ces stipulations que le montant des indemnités de logement et de chauffage auxquelles pouvait prétendre le souscripteur était affecté au remboursement du capital versé, et ce, jusqu'à son décès.

Le terme contractuellement fixé au remboursement par l'article 2 des conventions étant le décès du souscripteur, il s'agissait donc bien d'un engagement viager de celui-ci.

Les parties ont ainsi convenu que la dette, en contrepartie du capital versé, ne se trouverait éteinte qu'au décès du bénéficiaire des indemnités.

Cette date étant par définition indéterminée, le montant du remboursement théorique, en l'absence d'autre précision, pouvait être supérieur à celui du capital versé et il n'y avait pas de corrélation mathématique entre le capital octroyé et le montant des indemnités dues au retraité, puis retenues au fur et à mesure par le CNGR.

Les appelants invoquent le fait que l'administration fiscale n'a pas remis en cause la non-imposition du capital versé tandis que l'indemnité de logement acquise chaque trimestre continuait à être imposable.

Cette circonstance démontre que les indemnités de logement n'avaient pas la nature d'échéances de remboursement d'un prêt en dépit des termes utilisés, à savoir remboursement ou amortissement du capital versé, ou dette, mais qu'elles conservaient leur caractère d'avantage en nature.

Par ailleurs, la question de savoir si ces contrats répondent ou non à la définition du contrat de rente viagère résultant des dispositions de l'article 1971 du code civil est indifférente à la solution du litige.

Il ressort des clauses ci-dessus examinées que les conventions critiquées constituent en réalité des contrats de « rachat » des indemnités de logement et de chauffage, au moyen du versement d'un capital représentatif de ces indemnités.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de requalification des conventions en contrats de prêt.

Sur la caducité des contrats

MM. [K], [U], [R] et M. et Mme [Y] invoquent la caducité des contrats, au motif que leur cause a disparu en cours de contrat, puisqu'ils s'étaient engagés dans la seule perspective de bénéficier d'un capital remboursé à l'aide des indemnités de logement et de chauffage qui leur étaient dues en application du statut du mineur et qu'en aucun cas, il n'avait été prévu de renoncer intégralement au bénéfice de ces indemnités dès lors que le capital aurait été entièrement remboursé.

L'absence de cause s'apprécie à la date de formation du contrat et constitue un motif de nullité, en vertu de l'article 1131 du code civil.

Les appelants ne peuvent soutenir que la cause a disparu en cours de contrat, puisque dès l'origine, ils ont reçu le capital stipulé et que le contrat a été jugé valable en ce qu'il prévoyait que les indemnités de chauffage et de logement seraient retenues par compensation pendant la durée de vie de chacun des souscripteurs.

En souscrivant un contrat qui stipulait que les indemnités seraient retenues 'leur vie durant', MM. [K], [Y], [U] et [R] ont expressément accepté, comme l'a justement relevé le tribunal, de renoncer, de manière définitive et irrévocable, au service des prestations de chauffage et de logement en contrepartie du versement d'un capital qui constitue la cause de leur engagement et qui n'a jamais disparu.

Il convient de confirmer le jugement qui a rejeté les demandes tendant à voir constater la caducité des contrats.

MM. [N] [R], [H] [U], M. et Mme [Y] demandent le remboursement des cotisations sociales qu'ils ont payées sur les indemnités chauffage et logement, postérieurement à l'amortissement du capital, lesquelles auraient dû être précomptées.

Ils ne produisent pas de justificatif des décomptes qu'ils présentent dans leurs conclusions et ne critiquent pas non plus les explications données par l'ANGDM, selon lesquelles :

- elle n'est redevable envers M. [R] d'aucun arriéré puisqu'il a déjà obtenu le remboursement des contributions sociales payées après la date de fin de capitalisation, soit le 1er novembre 2011, et qu'il n'est plus imposé au titre de ses prestations de logement et de chauffage depuis cette date

- M. [U] n'est plus imposé au titre de sa prestation logement depuis le 1er août 2012, date de fin de capitalisation, et il n'est plus assujetti aux prélèvements sociaux sur ces prestations depuis cette date

- la date de fin de capitalisation en ce qui concerne les prestations de logement de M. et Mme [Y] ayant été atteinte le 1er avril 2008, M. [Y] a été remboursé des prélèvements fiscaux et sociaux effectués à tort entre le 1er avril 2008 et le 1er janvier 2009 et elle n'est redevable d'aucun arriéré à son égard.

Les demandes de chef doivent être rejetées.

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Pour les mêmes motifs que le tribunal, il convient de dire que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel et de les débouter de leurs demandes fondées sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement :

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré prescrites certaines demandes tendant à voir constater la nullité des contrats

STATUANT à nouveau sur ce point,

REJETTE la fin de non recevoir

DÉBOUTE MM. [K], [U], [R] et M. et Mme [Y] de leurs demandes tendant à voir constater la nullité des contrats

DIT que les parties conserveront la charge de leurs dépens d'appel

LES DÉBOUTE de leurs demandes fondées sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le Greffier,Le Président,

D. VERHAEGHEE. MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 13/03140
Date de la décision : 20/01/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°13/03140 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-20;13.03140 ?
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