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30/09/2013 | FRANCE | N°12/05265

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 30 septembre 2013, 12/05265


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 30/09/2013



***



N° de MINUTE : 506/2013

N° RG : 12/05265



Jugement (N° 11/04628)

rendu le 19 Avril 2012

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : JD/AMD





APPELANTE



Madame [B] [E]

née le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Ma

ître Alain COCKENPOT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Isabelle TERRIN, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMÉE



SAS AFIBEL

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Maître Bernard ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 30/09/2013

***

N° de MINUTE : 506/2013

N° RG : 12/05265

Jugement (N° 11/04628)

rendu le 19 Avril 2012

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : JD/AMD

APPELANTE

Madame [B] [E]

née le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître Alain COCKENPOT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Isabelle TERRIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

SAS AFIBEL

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Maître Bernard FRANCHI de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Gwendoline MUSELET, avocat au barreau de LILLE, substituée à l'audience par Maître Delphine POLY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 27 Juin 2013 tenue par Joëlle DOAT magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 juin 2013

***

Par acte d'huissier en date du 22 avril 2011, Mme [B] [E] a fait assigner la SAS AFIBEL devant le tribunal de grande instance de LILLE pour la voir condamner à lui payer, en application de l'article 1371 du code civil, les sommes de 25 000, 30 000, 50 000 et 30 000 euros, ou subsidiairement, 25 000, 5000, 25 000 et 30 000 euros et, plus subsidiairement, en application de l'article 1382 du code civil, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Par jugement en date du 19 avril 2012, le tribunal a débouté Mme [E] de toutes ses demandes, l'a condamnée aux dépens et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [B] [E] a interjeté appel de ce jugement, le 13 juillet 2012.

Par ordonnance en date du 11 décembre 2012, le conseiller de la mise en état a déclaré cet appel recevable.

Mme [E] demande à la Cour :

- de réformer le jugement

Jugeant à nouveau,

A titre principal, sur le fondement de l'article 1371 du code civil,

- de constater que la société AFIBEL s'est unilatéralement engagée envers elle à lui verser les sommes de 25 000, 30 000, 50 000 et 30 000 euros (total : 135 000 euros)

- de condamner en conséquence cette société à lui verser la somme de 135 000 euros, outre les intérêts au taux légal à compter des présentes

Subsidiairement, sur le fondement de l'article 1371 du code civil,

- de constater que la société AFIBEL s'est unilatéralement engagée envers elle à lui verser les sommes de 25 000, 5000, 25 000 et 30 000 euros (total : 85 000 euros)

A titre infiniment subsidiaire, sur le fondement de l'article 1382 du code civil,

- de condamner la société AFIBEL à lui payer la somme de 15 000 euros, outre les intérêts au taux légal à compter des présentes, au titre de l'indemnisation de son préjudice moral et matériel

- de la condamner à lui payer la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en premier lieu qu'elle a bien participé aux quatre opérations litigieuses, même si elle n'a pas gardé la facture correspondante ou qu'elle a participé à la loterie sans passer de commande, en ce qui concerne le grand prix final des 50 000 euros et le grand tirage des 30 000 euros, qu'en tout état de cause, s'agissant d'un quasi contrat, et donc d'un engagement unilatéral, la participation du consommateur n'est pas exigée, qu'il est du reste très difficile pour le consommateur de prouver sa participation.

Elle affirme, après avoir analysé les quatre opérations de loterie, que la société AFIBEL l'a bien présentée comme la grande gagnante des sommes visées, sans que l'aléa affectant l'attribution du prix ne soit mis en évidence à première lecture et qu'elle s'est ainsi obligée, par ce fait purement volontaire, à délivrer les sommes de 25 000 euros, 30 000 euros, 50 000 euros et 30 000 euros.

Elle observe que la société AFIBEL a contrefait des documents administratifs ou fait apparaître bon de commande et bon de participation sur le même feuillet, ce qui est contraire aux dispositions du code de la consommation.

Elle fait valoir que la société AFIBEL utilise une méthode de vente peu scrupuleuse qui vise à troubler le discernement des consommateurs les plus fragiles en s'adressant à des personnes âgées ou isolées, en tout cas moins aguerries.

La société AFIBEL demande à la Cour :

- de confirmer le jugement

- y ajoutant, de condamner Mme [E] à lui payer la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'elle est une société de vente à distance et qu'elle organise régulièrement des opérations commerciales, notamment des loteries soumises à tirage au sort, qui sont entièrement gratuites et n'impliquent aucune obligation d'achat, ce qui est parfaitement conforme aux dispositions des articles L 121-36 et suivants du code de la consommation.

Elle explique qu'elle a mis en place un procédé de pré-tirage qui consiste à désigner le gagnant par tirage au sort avant l'envoi des documents au consommateur, le nom du gagnant étant conservé secret par l'huissier de justice jusqu'à la clôture de l'opération.

Elle rappelle que la responsabilité de l'organisateur d'une loterie n'est susceptible d'être engagée que si celui-ci n'a pas mis en évidence à première lecture des publipostages l'aléa qui y préside et qu'il appartient au consommateur moyen, au demeurant parfaitement habitué à ces mécanismes, de lire tous les documents qu'il reçoit, y compris les mentions figurant en plus petits caractères, s'agissant d'opérations gratuites et sans obligation d'achat.

Elle soutient qu'elle a parfaitement mis en évidence l'aléa dans le cadre des quatre opérations publicitaires visées et ce, dès l'annonce du gain.

Elle précise en outre qu'à défaut pour Mme [E] d'avoir participé effectivement aux deux dernières loteries, aucun quasi-contrat n'a pu se former valablement entre les parties, que la loterie, par essence, repose sur le principe d'une participation à un tirage au sort, la loi disposant que cette participation doit être gratuite, qu'il ne s'agit pas d'un acte unilatéral et que le créancier, pour agir, doit justifier d'un fait volontaire, à savoir une participation effective, qu'en outre, la bonne foi du consommateur est requise.

Elle affirme qu'elle n'a commis aucune faute et qu'en tout état de cause, les opérations publicitaires dont il est question relèvent désormais de la catégorie des quasi-contrats et donc des dispositions de l'article 1371 du code civil et non pas de celles de l'article 1382 du code civil.

Elle ajoute que la possibilité de faire figurer sur le même feuillet le bon de participation et le bon de commande séparés l'un de l'autre par des pointillés n'est pas remise en cause par l'arrêt rendu le 20 novembre 2012 par la cour de cassation, seule étant prohibée la pratique consistant à inviter le consommateur à renvoyer l'intégralité du feuillet « pour plus de sécurité ».

SUR CE :

L'article 1371 du code civil énonce que les quasi contrats sont les faits purement volontaires de l'homme dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties.

En application de ce texte, une société de vente par correspondance qui annonce à une personne sans mettre en évidence à première lecture l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à délivrer ce gain.

Mme [E] sollicite la délivrance des lots au titre de quatre opérations de loterie :

- opération « GRAND PRIX FINAL DES 25 000 euros », par courrier déposé le 22 octobre 2010

- opération « 30 000 euros pour 2 grands gagnants », par courrier déposé le 1er décembre 2010

- opération « GRAND PRIX FINAL DES 50 000 euros ou 25 000 euros» par courrier déposé le 4 février 2011

- opération « deux chèques pour un montant de 30 000 euros » par courrier déposé le 3 juin 2011.

Mme [E] ne justifie pas avoir participé aux deux dernières opérations de loterie des 4 février et 3 juin 2011 ci-dessus.

En effet, elle devait renvoyer un bon de participation intitulé DEMANDE DE REMISE DE CHEQUE afin de « valider la participation au tirage final du Grand Prix Final des 50 000 euros », ce qu'elle n'a pas fait, au vu du document qu'elle produit aux débats sur lequel figure toujours le coupon détachable.

Il en est de même en ce qui concerne l'opération « chèque de 30 000 euros », le bon de participation intitulé FORMULAIRE D'IDENTIFICATION n'ayant pas été renvoyé, étant précisé que ce bon contenait la mention suivante : « oui, j'ai pris connaissance du règlement ci-joint et je déclare avoir été informé que si je possède le numéro gagnant et le retourne avant le jeudi 30 juin 2011, j'ai alors la garantie de recevoir directement à mon domicile un chèque de 30 000 euros libellé à mon nom. »

Les demandes de délivrance des deux sommes annoncées de 50 000 euros et 30 000 euros au titre de ces deux jeux formées par Mme [E] ne sont dès lors pas fondées, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la société AFIBEL avait bien mis l'aléa en évidence, à première lecture, sur les documents envoyés.

En effet, l'objet de la loterie est la participation à un jeu, laquelle se trouve matérialisée par l'existence d'un bulletin de participation distinct du bon de commande, et non pas l'acceptation d'un lot d'ores et déjà attribué, laquelle ne nécessiterait aucune démarche de la part du destinataire de l'envoi publicitaire.

Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [E] concernant ces deux loteries.

Sur l'opération « GRAND PRIX FINAL DES 25 000 euros »

Mme [E] a reçu une grande enveloppe portant les indications :

AVIS DE RECHERCHE de la grande gagnante des 25 000 euros

RESULTAT DU 1er TOUR DU GRAND PRIX FINAL DES 25 000 euros

OUI MADAME [E] Vous allez recevoir à votre domicile LE CHEQUE BANCAIRE QUE VOUS AVEZ GAGNE,

A l'intérieur de l'enveloppe se trouvait un document intitulé résultat du 1er tour du grand prix final des 25 000 euros

« DOSSIER PERSONNEL D'IDENTIFICATION

Client désigné : MADAME [E]

Numéro n° 400 988

Prix attribué : CHEQUE BANCAIRE

RESULTAT OFFICIEL : GAGNANT ( encadré et de couleur rouge)

Mme [E],

Réclamez vite

LE CHEQUE BANCAIRE

QUI VOUS REVIENT '

REPONSE AVANT LE 15 NOVEMBRE 2010 (encadré et de couleur rouge)

et au verso de cette lettre :

« C'EST AVANT LE 15 NOVEMBRE 2010 qu'il faut répondre pour LE CHEQUE DE 25 000 euros

2 des 3 grandes gagnantes ont déjà été identifiées et ont reçu un chèque de 5000 euros, mais nous sommes toujours sans nouvelle de la gagnante des 25 000 euros, alors dépêchez- vous Madame [E], car si vous possédez le numéro gagnant du tirage final du Grand Prix Final des 25 000 euros et le retournez trop tard, nous ne pourrons plus accepter votre demande et vous perdrez le fabuleux chèque de 25 000 euros qui vous était pourtant destiné. »

Au bas du document figurent des « INSTRUCTIONS POUR RECEVOIR le chèque bancaire du premier tour du Grand Prix Final des 25 000 euros », dont il résulte que Mme [E] doit impérativement répondre avant le lundi 15 novembre à minuit car sinon « nous ne pourrons pas vous envoyer le chèque bancaire du premier tour que vous avez d'ores et déjà gagné et vous vous privez de toutes chances de pouvoir recevoir les 25 000 euros du tirage final de ce Grand Prix ».

L'envoi contenait également :

- un CERTIFICAT DE GAGNANT attribué à titre personnel à MADAME [E],

« par le présent document, nous avons l'honneur de vous informer du résultat du tirage du 1er tour du

GRAND PRIX FINAL DES 25 000 euros : un chèque bancaire est à votre disposition

Conformément au règlement de ce Grand Prix, nous vous informons que pour recevoir le prix que vous avez gagné, vous devez nous répondre avant le 15 novembre 2010

N° attribué n° 400 988 doté au tirage final d'un 1er PRIX : 25 000 euros »

- un document rédigé ainsi :

« FELICITATIONS MADAME [E]

Oui votre numéro n° 400 988 est bien sorti GAGNANT D'UN CHEQUE BANCAIRE au 1er tour du « Grand Prix Final des 25 000 euros » et nous vous en félicitons chaleureusement (')

ainsi qu'un document revêtu au recto des indications :

« conformément au règlement, si vous possédez et retournez à temps le numéro gagnant du tirage final du Grand Prix Final des 25 000 euros, cette liste de grands gagnants sera la suivante :

MADAME [E] GAGNE 25 000 euros

(')

et au verso de l'extrait de règlement du « Grand Prix Final des 25 000 euros »

- un document contenant d'une part, une histoire imprimée sur une page se présentant comme l'extrait d'un journal d'information surmontée du titre

« FAITS DIVERS

Elle jette « par erreur » 20 000 euros,

et d'autre part, l'avertissement suivant : « Ne faites pas une telle erreur : REPONDEZ AVANT LE 15 NOVEMBRE 2010 (') mais malheureusement, la gagnante des 25 000 euros n'a pas encore été retrouvée (') et si cette grande gagnante, c'était vous ' Allez-vous prendre le risque de passer à côté de la somme de 25 000 euros ' (')».

La lecture du règlement par une personne normalement attentive permet d'apprendre qu'au tirage du 1er tour, l'ensemble des participants sont désignés gagnants d'une quote-part de la somme de 20 000 euros qui sera partagée entre les participants ayant retourné leur bon de participation avant le 15/11/2010 pour la métropole, que, dans un second temps, Maître [N] procède au tirage final et tire au sort le gagnant du 1er prix de 25 000 euros et les 2 gagnants du chèque de 5000 euros, que, pour participer à ce jeu et connaître le lot gagné, les participants doivent retourner leur bon de participation à AFIBEL avant le 15/11/2010, que le jeu est doté d'un premier prix de 25 000 euros attribué par le tirage, que ce jeu est doté d'un deuxième prix de 20 000 euros (affecté lors du premier tour), qui sera partagé entre tous les participants ayant retourné leur bon de participation avant le 15/11/2010 pour la métropole, que cette somme sera versée par chèque bancaire avec un montant minimum garanti de 2 euros, autant de chèques bancaires d'un montant minimum garanti de 2 euros que de bons de participation retournés, que le jeu se compose également d'un troisième et quatrième prix de 5000 euros chacun, que le pré-tirage a lieu avant l'envoi des documents promotionnels sous le contrôle de l'huissier.

Ce règlement est écrit en caractères de taille normale et, malgré l'absence de paragraphes de séparation et de ponctuation et le caractère peu aéré du texte, il se lit correctement.

Il en résulte que les personnes qui retournent leur bon de participation avant le 15 novembre 2010, soit gagnent le 1er prix de 25 000 euros attribué par le tirage, soit se partagent la somme de 20 000 euros, avec un « minimum garanti » de deux euros, soit peuvent prétendre gagner un troisième prix de 5000 euros ou un quatrième prix de 5000 euros.

Il est bien précisé au début du règlement qu'il s'agit d'une opération promotionnelle soumise à aléas, gratuite et sans obligation d'achat.

Les autres documents contenus dans l'envoi publicitaire ci-dessus examinés annoncent à Mme [E] que, si elle possède le numéro gagnant du tirage final, elle gagnera 25 000 euros, que son numéro gagnant est le numéro gagnant « d'un chèque bancaire », que le Grand Prix est doté au tirage final d'un 1er prix de 25 000 euros, qu'un chèque bancaire est à sa disposition et qu'elle doit répondre avant le 15 novembre 2010 pour recevoir « le » prix qu'elle a gagné.

A aucun moment, à première lecture de l'ensemble des documents envoyés, Mme [E] ne peut avoir la certitude qu'elle est la gagnante du premier prix du tirage au sort, à savoir le chèque de 25 000 euros, puisqu'il est bien précisé qu'elle doit répondre pour que son numéro participe au tirage au sort et qu'elle va gagner « un » chèque, qu'elle doit absolument répondre avant la date indiquée sous peine de laisser passer la chance de gagner le chèque de 25 000 euros « si elle possède le numéro gagnant du tirage du grand prix final ».

C'est à juste titre que le tribunal a dit que, sans s'arrêter à la présentation attractive et personnalisée de l'envoi, la lecture normalement diligente et attentive de celui-ci par un consommateur moyen ne révélait pas l'annonce d'un gain de 25 000 euros.

Mme [E], née en 1936, produit des certificats médicaux datés de novembre 2012 et janvier 2013, dont il ressort qu'elle est atteinte de cécité complète d'un 'il, de surdité d'une oreille et de fatigue musculaire secondaire à l'opération d'une tumeur cérébrale.

Elle ne peut toutefois tirer argument de son état de santé, les opérations publicitaires ci-dessus analysées étant destinées à un public de consommateurs moyens, aptes à lire les documents qui leur sont envoyés.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Me [E] de sa demande de délivrance de ce gain de 25 000 euros.

Sur l'opération « 30 000 euros pour 2 grands gagnants »

Mme [E] a reçu une grande enveloppe portant les indications suivantes :

au recto

BRAVO Madame [E], réclamez vite votre chèque bancaire car vous n'êtes que deux seules clientes à posséder le numéro AG 542.593

et ce numéro est gagnant

au verso

IMPORTANT IMPORTANT IMPORTANT

Ce courrier concerne le CHEQUE BANCAIRE que vous avez gagné. Cet avis ne sera pas renouvelé. Tous les détails à l'intérieur.

L'enveloppe produite par Mme [E] comporte :

- un catalogue AFIBEL

- un document intitulé certificat de gagnant GRAND TIRAGE « 30 000 euros pour 2 grands gagnants »

je, soussigné G. [X], responsable remise lots et cadeaux de la société AFIBEL atteste et certifie par le présent document que notre cliente ci-dessous : Madame [E] est bien en possession du numéro AG 542.593.

Elle a été désignée gagnante d'un prix et a la garantie de recevoir UN CHEQUE BANCAIRE

au dos duquel est reproduit un extrait de règlement de ce jeu, écrit en lettres majuscules de taille correcte dont la lecture ne nécessite pas l'usage d'une loupe, bien que le texte ne comporte aucun paragraphe et peu de ponctuation, et qui est donc normalement lisible

- un document intitulé AVIS OFFICIEL DE GAIN

CERTIFICAT DE COURSE AU GAIN

2 seules clientes

Madame [E] Madame [K]

sont en possession du numéro

AG 542.593

En course pour le gain d'une somme maximale de

30 000 euros A PARTAGER A DEUX

Madame [E]

Toutes nos félicitations car il n'y a aucun doute possible : vous avez bel et bien gagné un chèque bancaire à notre tirage 30 000 euros pour 2 grands gagnants

AFIBEL VA VOUS ENVOYER UN CHEQUE BANCAIRE libellé à votre nom.

Réclamez-le vite '

Ne laissez pas passer une telle chance car je vous confirme que vous n'êtes que 2 seules clientes en possession du numéro AG 542.593 :

vous madame [E] et madame [K]

Dépêchez-vous ce numéro est gagnant. Votre rapidité à répondre à ce seul et unique avis est de la plus haute importance car si vous possédez le numéro gagnant du premier prix, nous vous garantissons alors que vous faites partie des deux seules clientes à pouvoir vous partager la somme de 30 000 euros

La 1ère des 2 à répondre recevra un chèque de 25 000 euros et la 2ème recevra 5000 euros

Une véritable course vient de s'engager pour vous aujourd'hui. Ne laissez pas votre concurrente Madame [K] répondre avant vous.

C'est à la lumière de l'ensemble de ce texte, puisque les documents doivent être lus dans leur intégralité et qu'il n'est pas possible d'isoler une information par rapport aux autres informations, qu'il est permis, à première lecture, pour un consommateur moyen raisonnablement éclairé, et au-delà des formules d'exagération publicitaire, que les deux « finalistes » possèdent le numéro susceptible de leur faire gagner la somme de 30 000 euros et qu'à cette condition, à savoir qu'il s'agisse du numéro gagnant, la première des deux qui aura répondu recevra le plus gros des deux chèques, soit 25 000 euros, la seconde devant se satisfaire d'un chèque de 5000 euros.

Il résulte de l'extrait de règlement inclus dans l'envoi publicitaire qu'AFIBEL organise du 22/11/2010 au 07/01/2011 une opération promotionnelle soumise à aléas comportant une loterie avec pré-tirage intitulée Grand Tirage « 30 000 euros pour deux grands gagnants », que tous les participants se voient regrouper par paires, que les deux participants composant une paire se voient attribuer un même numéro de course au gain, que Maître [N] tire au sort un numéro gagnant de course au gain pour l'attribution du premier prix et garde secret le nom des deux gagnants de la paire ainsi désignée gagnante du 1er prix (') que les autres participants qui retournent leur bon de participation se partagent en parts égales 120 000 euros, que nul ne peut prétendre connaître la nature du lot gagné avant la date de clôture du jeu.

Ainsi, les informations contenues dans cet extrait de règlement, le terme de « course au gain » qui s'y trouve, de même que dans les documents publicitaires et le fait d'annoncer à Mme [E] le gain « d'un » chèque dont le montant n'est pas précisé ne permettent pas au destinataire des envois d'être persuadé qu'il a gagné la somme de 30 000 euros à partager avec une autre personne.

En effet, à première lecture, aucun des documents ci-dessus reproduits n'autorise Mme [E] à être convaincue de ce qu'elle est d'ores et déjà gagnante avec Mme [K] de la somme de 30 000 euros, la première à répondre recevant la somme de 25 000 euros et la seconde celle de 5000 euros, et ce de manière certaine.

L'aléa étant suffisamment mis en évidence dans ce jeu, il convient de confirmer le jugement qui a débouté Mme [E] de sa demande de délivrance de la somme de 25 000 euros, subsidiairement de 5000 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts

A titre subsidiaire, Mme [E] soutient que la société AFIBEL a commis une faute en la présentant comme la grande gagnante des jeux litigieux, au moyen de diplômes ou de chèques contrefaits, ce qui a pour but de troubler le discernement des personnes âgées ou vulnérables.

Elle ne peut cependant reprocher à la société AFIBEL d'utiliser des annonces fracassantes et de reproduire des fac-similés de chèques et des diplômes factices, n'ayant aucune ressemblance avec de véritables documents administratifs ou financiers, qui ne sont que des moyens publicitaires inhérents à ce type de jeux.

Elle ne prouve pas que cette société a commis une faute en employant de tels procédés qui ne sont pas prohibés, aucune man'uvre, ni harcèlement n'étant démontrés, et chaque destinataire demeurant libre de participer à ces loteries ou non.

Par ailleurs, dans la mesure où le bon de participation et le bon de commande, même figurant sur la même page, sont séparés par des pointillés à découper avec des ciseaux, et qu'il est indiqué clairement qu'il s'agit d'un jeu gratuit sans obligation d'achat et qu'il ne faut pas omettre de lire l'extrait de règlement ci-joint, les dispositions de l'article L 121-36 du code de la consommation imposant qu'il soit aisément possible de distinguer les bons de commande et de participation ont bien été respectées.

Il convient de confirmer le jugement qui a débouté Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et matériel, lequel n'est au demeurant pas démontré.

Compte-tenu de l'âge et de la situation de santé de Mme [E], il n'y a pas lieu de mettre à sa charge les frais irrépétibles de première instance, le jugement étant confirmé sur ce point, et d'appel supportés par la société AFIBEL.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire :

CONFIRME le jugement

CONDAMNE Mme [B] [E] aux dépens d'appel

DEBOUTE la société AFIBEL de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le Greffier,Le Président,

Delphine VERHAEGHE.Evelyne MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 12/05265
Date de la décision : 30/09/2013

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°12/05265 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-30;12.05265 ?
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