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03/12/2012 | FRANCE | N°12/01362

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 03 décembre 2012, 12/01362


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 03/12/2012



***



N° de MINUTE : 677/2012

N° RG : 12/01362



Jugement (N° 11/00124)

rendu le 22 Novembre 2011

par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER

REF : EM/VD



APPELANTS

Madame [I] [L] épouse [S]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 6]

Monsieur [H] [S]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 6]


Monsieur [V] [S]

Demeurant ensemble

[Adresse 14]

[Localité 7]



Madame [P] [S]

née le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 6]

Demeurant

[Adresse 5]

[Localité 6]



représentés par Me Virginie L...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 03/12/2012

***

N° de MINUTE : 677/2012

N° RG : 12/01362

Jugement (N° 11/00124)

rendu le 22 Novembre 2011

par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER

REF : EM/VD

APPELANTS

Madame [I] [L] épouse [S]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 6]

Monsieur [H] [S]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 6]

Monsieur [V] [S]

Demeurant ensemble

[Adresse 14]

[Localité 7]

Madame [P] [S]

née le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 6]

Demeurant

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentés par Me Virginie LEVASSEUR de la SCP LEVASSEUR-LEVASSEUR,

assistés de Me Jacky DURAND, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

LA DIRECTION NATIONALE DU RENSEIGNEMENT ET DES ENQUÊTES DOUANIÈRES

Ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Bernard FRANCHI de la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

assistée de Me Jean AUBRON, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER et Me Jean-Claude FREAUD, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS à l'audience publique du 15 Octobre 2012, tenue par Evelyne MERFELD magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Evelyne MERFELD, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 octobre 2012

***

Le 6 décembre 1996, l'administration des Douanes et Droits Indirects, autorisée par ordonnance rendue le 5 décembre 1996 par le Président du Tribunal de Grande Instance de Boulogne-sur-Mer, a dressé un constat de visite et de saisie dans les locaux professionnels de Monsieur [V] [S], puis le 12 juin 1998 elle a dressé un procès-verbal d'infractions à l'encontre notamment de Monsieur [V] [S] et de son épouse Madame [I] [L] pour défaut de paiement des accises et droits de consommation sur les alcools.

Par jugement du 27 avril 2000 le Tribunal Correctionnel de Boulogne-sur-Mer a condamné les époux [S], au titre de ces infractions, à payer diverses amendes ainsi que des pénalités et le montant des droits fraudés. Ce jugement a été confirmé par arrêt rendu le 4 septembre 2001 par la chambre des appels correctionnels de la Cour d'Appel de Douai et, par arrêt du 4 septembre 2002, la Cour de Cassation a déclaré les pourvois contre cet arrêt non admis.

Par actes d'huissier des 25 et 29 novembre 2010, 3 et 10 décembre 2010 la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières a engagé devant le Tribunal de Grande Instance de Boulogne-sur-Mer, une action paulienne afin que la donation consentie par Monsieur [V] [S] et Madame [I] [L] épouse [S] à leurs deux enfants, Monsieur [H] [S] et Mademoiselle [P] [S], de la nue propriété d'un immeuble à usage d'habitation sis à [Adresse 14] par acte notarié du 4 novembre 1998, lui soit déclarée inopposable, soutenant que cet acte, décidé peu de temps après l'établissement du procès-verbal du 12 juin 1998 n'était, compte tenu de l'âge tant des donateurs que des bénéficiaires, motivé par aucun intérêt familial mais bien par le souhait de voir cet immeuble échapper aux poursuites et ce, en fraude de ses droits.

Le tribunal a fait droit à sa demande par jugement du 22 novembre 2011 et a condamné solidairement Monsieur [V] [S], Madame [I] [L] épouse [S], Monsieur [H] [S] et Mademoiselle [P] [S] à payer à la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières une somme de 800 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [S] ont relevé appel de ce jugement par trois déclarations enregistrées les 2 et 5 mars 2012, qui ont fait l'objet d'une jonction par ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 17 mai 2012.

Ils demandent à la Cour d'infirmer le jugement, de dire que la donation, justifiée par des motifs d'ordre personnel et familial est pleinement opposable aux tiers et en conséquence de débouter la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières de son action paulienne et la condamner au paiement d'une somme de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que la donation est motivée par les problèmes de santé de Monsieur [V] [S] dont la maladie cardiaque s'est aggravée en 1998, nécessitant une intervention à la Clinique [10] à [Localité 15] malgré laquelle son état est resté préoccupant.

Ils déclarent que des documents médicaux et attestations qu'ils versent aux débats en cause d'appel il faut retenir qu'en 1998 la préoccupation quasi exclusive de Monsieur [S] était d'ordre personnel et familial et certainement pas administratif ou financier.

La Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières a conclu à la confirmation du jugement à l'exception du rejet de sa demande de dommages et intérêts dont elle a relevé appel incident, réitérant sa demande en paiement d'une somme de 5 000 € à ce titre. Elle sollicite en outre la condamnation des consorts [S] à lui verser une indemnité procédurale de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Elle fait valoir, comme en première instance, que la donation a été consentie en novembre 1998 quelques mois après l'établissement du procès-verbal d'infractions le 12 juin 1998, alors que les époux [S] étaient à l'époque âgés de seulement 54 et 51 ans, ce qui n'est pas un âge auquel on pense déjà à organiser sa succession, au profit d'enfants âgés de 26 et 22 ans; Elle considère que la concomitance entre l'établissement de ce constat et la donation démontre que les époux [S] voulaient échapper aux conséquences des poursuites douanières par un procédé extrêmement classique, qui doit être sanctionné. Elle ajoute que les documents médicaux produits montrent que la maladie de Monsieur [V] [S] était parfaitement maîtrisée et traitée.

SUR CE :

Attendu que l'article 1167 du code civil permet à un créancier d'attaquer les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits ;

Que la fraude paulienne implique la réunion de trois conditions : l'existence d'une créance certaine en son principe avant la conclusion de l'acte incriminé, la fraude aux droits du créancier et l'insolvabilité du débiteur à la date d'introduction de la demande ;

a) - sur la créance

Attendu qu'il n'est pas nécessaire, pour que l'action paulienne puisse être exercée, que la créance dont se prévaut le demandeur ait été liquide et exigible au moment de l'acte argué de fraude ; qu'il suffit que le principe de la créance ait existé avant la conclusion dudit acte, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'après l'établissement du procès-verbal de visite et de saisie du 6 décembre 1996 l'administration des douanes et des droits indirects a dressé le 12 juin 1998 un procès-verbal d'infractions à l'encontre des époux [S] pour avoir omis de payer les accises et droits de consommation sur les alcools ; que ce procès-verbal a donné lieu à une citation directe délivrée par l'administration des douanes devant le Tribunal Correctionnel de Boulogne-sur-Mer qui par jugement du 27 avril 2000 a prononcé, notamment à l'encontre des époux [S] des condamnations à :

- 16 amendes de 700 F et une pénalité de 1 320 968 F

- 35 amendes de 700 F et une pénalité de 1 668 637 F

- 1 amende de 700 F et une pénalité de 3 063 F

- 2 amendes de 700 F et une pénalité de 465 338 F

- 43 amendes de 700 F et une pénalité de 7 021 999 F

- 3 amendes de 700 F et une pénalité de 1 544 882 F

- 2 amendes de 700 F et une pénalité de 532 085 F

- 1 amende de 700 F et une pénalité de 532 085 F

- 25 amendes de 700 F et une pénalité de 2 553 913 F

- 51 amendes de 700 F et une pénalité de 10 560 959 F

- 213 amendes de 700 F et une pénalité de 8 699 278 F

- 90 amendes de 700 F et une pénalité de 4 961 921 F

- 248 amendes de 700 F et une pénalité de 17 764 033 F

- 103 amendes de 700 F et une pénalité de 9 813 212 F

- 2 amendes de 700 F et une pénalité de 1 179 362 F

- 97 amendes de 700 F et une pénalité de 6 848 721 F

- 7 amendes de 700 F et une pénalité de 107 850 F

outre le paiement des droits fraudés ;

Que ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'Appel de Douai du 4 septembre 2001 sauf en ce qui concerne la condamnation au paiement des droits fraudés qui a été ramenée à 73 909 099 F pour tenir compte des règlements effectués par une autre partie dans le cadre d'une transaction, le montant des amendes et pénalités restant inchangés ; que le pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'Appel a été déclaré non admis ;

Qu'il est ainsi démontré que la créance existait en son principe dès le 12 juin 1998 antérieurement à l'acte de donation du 4 novembre 1998 ;

b) sur la fraude

Attendu que la fraude paulienne n'implique pas nécessairement l'intention de nuire ; qu'elle résulte de la seule connaissance que le débiteur a du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux ; qu'en outre lorsqu'elle tend à l'inopposabilité d'un acte consenti par le débiteur à titre gratuit l'action paulienne n'est pas subordonnée à la preuve de la complicité du tiers ;

Attendu que les époux [S] ne pouvaient ignorer que l'acte du 4 novembre 1998 par lequel ils se dépouillaient, sans contrepartie, de la nue-propriété de leur immeuble diminuerait leur patrimoine et par là même les biens sur lesquels l'administration des douanes pourrait agir en recouvrement ;

Attendu qu'il ne saurait être soutenu qu'une telle donation s'imposait pour permettre à Monsieur [V] [S] d'organiser sa succession alors que la donation a été faite au profit de ses deux héritiers ab intestat, chacun pour moitié indivise ;

Que cette donation avait principalement pour objet de faire échapper l'immeuble aux poursuites de l'administration des douanes ;

c) - sur l'insolvabilité du débiteur

Attendu que l'action paulienne ne peut être accueillie que si, à la date d'introduction de la demande, les biens appartenant encore au débiteur ne sont pas d'une valeur suffisante pour permettre au créancier d'obtenir son paiement ;

Que cette condition qui ne fait l'objet d'aucune contestation, est remplie au regard de l'importance des condamnations prononcées à l'égard des époux [S] ;

Attendu que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré la donation inopposable à l'administration des douanes ;

Attendu qu'il sera également confirmé en ce qu'il a débouté l'administration des douanes de sa demande de dommages et intérêts, aucun préjudice n'étant justifié, ni même invoqué ;

Attendu que le tribunal a fait une juste application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'y ajoutant il y a lieu de condamner les consorts [S] au paiement d'une somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés par la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières devant la Cour ;

PAR CES MOTIFS

La Cour Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement,

Condamne les consorts [S] aux dépens d'appel,

Les condamne en outre à verser à la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières une somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le Greffier,Le Président,

D. VERHAEGHEE. MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 12/01362
Date de la décision : 03/12/2012

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°12/01362 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-03;12.01362 ?
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