République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 29/10/2012
***
N° de MINUTE : 589/12
N° RG : 05/01208
Jugement (N° 2000/1961)
rendu le 25 Mars 2004
par le Tribunal de Grande Instance de LILLE
REF : EM/VD
APPELANT
Monsieur [G] [J]
Demeurant
[Adresse 12]
[Localité 20]
représenté par Me Bernard FRANCHI de la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI avocat au barreau de DOUAI, anciennement avoué
assisté de Me Marc DIEMUNSCH avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMÉS
Madame [Z] [S] [J] épouse [V]
née le [Date naissance 2] 1939 à [Localité 29]
Demeurant
[Adresse 8]
[Localité 15]
Monsieur [I] [V]
né le [Date naissance 6] 1960
Demeurant
[Adresse 16]
[Localité 15]
Madame [K] [V] épouse [C]
née le [Date naissance 1] 1964
Demeurant
[Adresse 17]
[Localité 14]
représentés par la SCP CONGOS ET VANDENDAELE avocats au barreau de DOUAI, constituée aux lieu et place de la SCP THERY-LAURENT, anciennement avoués
assistés de Me Tayeb ISMI-NEDJADI avocat au barreau de LILLE
Madame [F] [J] épouse [X]
Monsieur [E] [X]
Monsieur [O] [X]
Demeurant ensemble
[Adresse 10]
[Localité 9]
Monsieur [VC] [X]
Demeurant
[Adresse 4]
[Localité 23]
représentés par Me Bernard FRANCHI de la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI avocat au barreau de DOUAI, anciennement avoué
assistés de Me Patrick DUPONT-THIEFFRY, avocat au barreau de LILLE
Monsieur [M] [J]
Demeurant
[Adresse 19]
[Localité 33] CANADA
Monsieur [Y] [J]
Demeurant
[Adresse 5]
[Localité 21]
Mademoiselle [H] [J]
Demeurant
[Adresse 11]
[Localité 20]
représentés par Me Bernard FRANCHI de la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI avocat au barreau de DOUAI, anciennement avoué
assistés de Me Marc DIEMUNSCH avocat au barreau de VERSAILLES
S.A. ANTARIUS
Ayant son siège social
[Adresse 13]
[Localité 18]
représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI, constituée aux lieu et place de la SCP CARLIER-REGNIER, avocats au barreau de DOUAI, elle-même constituée aux lieu et place de la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE anciennement avoués
assistée de Me Frédéric BLANC, avocat au barreau de LYON
Madame [B] [V] épouse [OP]
Demeurant
[Adresse 22]
[Localité 24]
assignée à personne le 14 janvier 2009, n'ayant pas constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Evelyne MERFELD, Président de chambre
Pascale METTEAU, Conseiller
Joëlle DOAT, Conseiller
---------------------
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE
DÉBATS à l'audience publique du 10 Septembre 2012, après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Octobre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Evelyne MERFELD, Président, et Delphine VERHAEGHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 septembre 2012
***
Madame [T] [P] veuve [J] née le [Date naissance 3] 1908, est décédée le [Date décès 7] 1999 laissant pour lui succéder ses trois enfants, Monsieur [G] [J], Madame [Z] [J] épouse [V] et Madame [F] [J] épouse [X].
Par testaments en la forme authentique en date des 24 juin 1997 et 24 avril 1998, tous deux enregistrés le 13 avril 1999, Madame [T] [J] avait prévu :
- d'abord de partager également ses biens à son décès entre ses héritiers,
- puis, le 24 avril 1998, de priver son fils [G], de toute part et droits dans la quotité disponible, la partie dont il est privé devant revenir à ses deux filles.
Le 13 mars 1998, Monsieur [G] [J] avait saisi le juge des tutelles de LILLE d'une demande de protection à l'égard de sa mère. Au vu d'un certificat médical établi le 09 février 1998 par le Docteur [D], psychiatre, le juge des tutelles a placé Madame [T] [J] sous sauvegarde de justice par ordonnance du 27 mars 1998 puis l'a mise sous tutelle par jugement du 22 janvier 1999.
Par actes des 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 14 décembre 1999, Monsieur [G] [J] a fait assigner ses deux soeurs, ses neveux et la société d'Assurance ANTARIUS devant le Tribunal de Grande Instance de LILLE pour obtenir le partage de la succession de sa mère et préalablement :
- principalement l'annulation du testament du 24 avril 1998 pour insanité d'esprit de la testatrice et subsidiairement rescision pour lésion,
- le rapport à succession de différentes sommes prélevées par Madame [Z] [V] et de la valeur des bijoux et du mobilier,
- la nullité de l'acte de transformation du contrat PEP Norgaranti en assurance vie PEP Antarius ainsi que de la modification de la clause bénéficiaire par avenant du 25 septembre 1998,
- le rapport à l'actif successoral du montant du contrat PEP en capital, principal, intérêts tel qu'il sera évalué comme si le contrat s'était poursuivi jusqu'à la date du décès.
Par jugement du 25 mars 2004, le tribunal a :
- ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de Madame [T] [J] et désigné Maître [IT], notaire, pour y procéder,
- débouté Monsieur [G] [J] de ses prétentions,
- donné acte aux parties de leur accord afin qu'il soit procédé à l'inventaire des meubles et bijoux ayant appartenu à Madame [T] [J],
- condamné Monsieur [G] [J] à payer aux consorts [X] une indemnité de procédure de 600 €,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné Monsieur [G] [J] aux dépens.
Monsieur [G] [J] a relevé appel de ce jugement le 24 juin 2004.
Par ordonnance du 9 novembre 2004 le conseiller de la mise en état a radié l'affaire par application de l'ancien article 915 du code de procédure civile, l'appelant n'ayant pas conclu dans le délai de quatre mois.
Après remise au rôle la Cour, par arrêt réputé contradictoire du 9 novembre 2009, avant dire droit, a ordonné une expertise et désigné le Docteur [N] pour y procéder avec mission de prendre connaissance du dossier médical de Madame [T] [P] veuve [J], décédée le [Date décès 7] 1999 et du dossier de tutelle de l'intéressée au Tribunal d'Instance de Lille, se faire remettre tout document et procéder à toutes investigations nécessaires afin d'établir l'état psychique de Madame [T] [J] à partir de février 1998, décrire cet état et son évolution et dire si Madame [T] [J] présentait une affection mentale altérant ses facultés de discerner le sens et la portée des actes auxquels elle a participé le 10 mars 1998 (transfert du contrat PEP Norgaranti sur un contrat d'assurance-vie Antarius PEP, le 24 avril 1998 (testament) et le 25 septembre 1998 (avenant modificatif de la clause bénéficiaire du contrat Antarius).
Le professeur [U] a été désigné en qualité d'expert en remplacement du Docteur [N] par ordonnance du 22 juin 2010.
Il a déposé son rapport le 28 avril 2011.
Par conclusions d'incident du 7 février 2012 Madame [Z] [J] épouse [V], Monsieur [I] [V] et Madame [K] [V] épouse [C] ont demandé au conseiller de la mise en état de déclarer nul le rapport d'expertise du professeur [U] pour atteinte au principe du contradictoire et d'ordonner une nouvelle expertise.
Par ordonnance du 12 juin 2012 le conseiller de la mise en état a déclaré cette demande irrecevable au motif que l'exception de nullité du rapport d'expertise a été soulevée par les consorts [V] après qu'ils ont conclu au fond.
Par conclusions du 28 octobre 2011 Monsieur [G] [J] demande à la Cour d'infirmer le jugement, de prononcer la nullité du testament du 24 avril 1998 de Madame [T] [J] pour insanité d'esprit, l'annulation de l'acte de transformation du contrat PEP Norgaranti en assurance-vie PEP Antarius et celle de l'avenant du 25 septembre 1998 également pour insanité d'esprit, ainsi que pour manquement à l'obligation d'information et de conseil de l'assureur et absence d'aléa, la condamnation de la société ANTARIUS à verser à la succession de Madame [T] [J] le montant du contrat PEP Norgaranti à sa valeur au jour du décès, le [Date décès 7] 1999, soit 47 303 € avec les intérêts au taux légal, capitalisés de 1999 au jour du paiement, la condamnation de Madame [Z] [V] à rapporter à la succession les sommes qu'elle a indûment perçues, soit 29 668,58 €, majorées des intérêts au taux légal capitalisés à compter de la date de chacun des prélèvements, ainsi que la valeur des bijoux et du mobilier.
A titre subsidiaire il demande à la Cour de prononcer la rescision pour simple lésion du testament ainsi que du contrat d'assurance-vie Antarius et de dire que les primes perçues dans le cadre de ce contrat devront être rapportées à la masse successorale.
Il sollicite en outre la désignation d'un autre notaire que Maître [IT] aux fins de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession en application de l'arrêt à intervenir.
En tout état de cause il se porte demandeur, à l'égard de Madame [Z] [V] d'une somme de 12 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et à l'égard des consorts [V] et de la société ANTARIUS solidairement d'une somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [M] [J], Monsieur [Y] [J] et Mademoiselle [H] [J] se sont associés aux prétentions formulées par leur père.
Madame [F] [J] épouse [X], Monsieur [VC] [X], Monsieur [E] [X] et Monsieur [O] [X] n'ont pas reconclu après expertise. Dans leurs dernières conclusions du 13 mars 2006 ils indiquaient s'associer à l'argumentation de Monsieur [G] [J] en ce qui concerne les demandes d'annulation du testament et du contrat d'assurance-vie souscrit en mars 1998 et précisaient qu'ils n'entendaient pas recevoir la part de quotité disponible qui aurait dû normalement revenir à Monsieur [G] [J]. Ils soutenaient que Madame [T] [J] était atteinte de démence sénile, qu'elle ne pouvait agir que sous influence et que les actes qui ont pu être signés dans ces conditions ne sont pas valides. Ils s'en rapportaient à justice pour le surplus et se portaient demandeurs à l'égard de la partie succombante d'une somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 22 août 2012 Madame [Z] [J] épouse [V], Monsieur [I] [V] et Madame [K] [V] épouse [C] ont conclu à la confirmation du jugement à l'exception du rejet de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont ils ont relevé appel incident. Ils sollicitent la condamnation de Monsieur [G] [J] au paiement d'une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ainsi que d'une indemnité de 8 000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que les causes de l'ouverture de la tutelle de Madame [T] [J] ne sont pas médicales comme le démontre le certificat du Docteur [D] et soutiennent que l'expert n'a pas respecté le principe du contradictoire, ajoutant qu'il n'a pas répondu à la mission précise qui lui avait été donnée par la Cour. Ils affirment que Madame [T] [J] était saine d'esprit et que l'exclusion de Monsieur [G] [J] de la quotité disponible de la succession par le testament du 24 avril 1998 est la conséquence de son comportement.
La SA ANTARIUS a conclu le 31 août 2012 à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions la concernant. Elle prétend avoir parfaitement exécuté son devoir de conseil à l'égard de Madame [T] [J] et demande qu'acte lui soit donné de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les prétentions de Monsieur [G] [J] à voir prononcer l'annulation de la souscription du contrat d'assurance-vie Antarius PEP en date du 10 mars 1998 et de la modification de la clause bénéficiaire intervenue par avenant du 25 septembre 1998. Elle soutient qu'en cas d'annulation le montant de la somme due aux successibles de Madame [T] [J] correspondrait au montant de la somme initialement investie sur le contrat annulé, soit 43 921,06 € et demande que dans cette hypothèse les consorts [V] soient condamnés à lui restituer le capital qu'elle leur a versé à hauteur de 8 469,33 € pour Madame [Z] [J] épouse [V] et de 214,82 € chacun pour Monsieur [I] [V] et Madame [K] [V] épouse [C].
Elle se porte demanderesse d'une somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'exposé et l'analyse plus amples des moyens des parties seront effectués à l'occasion de la réponse qui sera apportée à leurs écritures.
Madame [B] [V] épouse [OP], assignée à sa personne le 14 janvier 2009, ne s'est pas fait représenter devant la Cour.
SUR CE :
Attendu que le jugement n'est pas remis en cause en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de la succession de Madame [T] [J] ; qu'il y a lieu à confirmation ;
1°) - Sur la demande de nullité du testament du 24 avril 1998
Attendu que Monsieur [G] [J] demande l'annulation pour insanité d'esprit du testament authentique du 24 avril 1998 rédigé par Maître [IT], notaire, par lequel sa mère, Madame [T] [J], déclarant compléter son testament du 24 juin 1997, l'a privé de toute part et tous droits dans la quotité disponible de ses biens de manière à ce qu'il ne reçoive que la partie des biens qui lui est réservée par la loi ;
Attendu que l'article 489 alinéa 1 ancien du code civil (actuellement article 414-1) dispose que pour faire un acte valable il faut être sain d'esprit ; que c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ; que l'article 901 ancien du code civil reprend la même règle en énonçant que pour faire un testament il faut être sain d'esprit ;
Attendu que le testament a été reçu alors que Madame [T] [J] venait d'être placée sous sauvegarde de justice le 27 mars 1998 par le juge des tutelles de Lille et qu'elle allait être placée sous tutelle le 22 janvier 1999, ces mesures de protection étant intervenues notamment au vu du certificat du Docteur [D], psychiatre habilité à constater l'altération des facultés mentales, en date du 9 février 1998, concluant à une curatelle ;
Attendu que le tribunal a rejeté la demande d'annulation du testament au motif que la preuve d'un trouble mental au moment de l'acte n'était pas apportée ; qu'il a notamment relevé que si dans son certificat du 9 février 1998 le Docteur [D] a noté que Madame [J], âgée de 90 ans, présente une altération partielle mais irréversible de ses facultés personnelles justifiant qu'elle soit conseillée ou contrôlée dans les actes de la vie quotidienne, il a également relevé que c'est plus la nature des liens personnels entre ses enfants que son état psychique qui justifie l'instauration d'une mesure de curatelle ; que les premiers juges en ont conclu que la preuve de l'insanité d'esprit ne pouvait se déduire du placement de l'intéressée sous un régime de protection ; qu'ils ont ajouté qu'il est mentionné dans le testament authentique du 24 avril 1998 que Madame [J] est apparue saine d'esprit au notaire et aux témoins et qu'il résultait des pièces concordantes versées aux débats que Madame [J], loin de se trouver dans un état de démence notoire, disposait de toute sa lucidité ;
Attendu que Monsieur [G] [J], sur qui pèse la charge de la preuve de l'insanité d'esprit a communiqué de nouvelles pièces en cause d'appel au vu desquelles la Cour a fait droit à sa demande d'expertise ;
Attendu que le Professeur [U] expert, a conclu son rapport comme suit :
'La sémiologie décrite par le Docteur [D] dans son certificat à l'origine de la mesure de protection ouverte en 1998 et arrêtée en 1999 est celle d'une maladie d'Alzheimer d'intensité modérée. Ceci concorde avec les informations contenues dans les fiches d'observations de la maison pour personnes âgées ayant accueilli Madame [J].
'A partir du début de l'année 1995 Madame [J] a présenté des symptômes indicateurs d'un processus débutant de maladie d'Alzheimer liée à un vieillissement pathologique, c'est-à-dire symptomatique de lésions neurodégénératives. Ces symptômes ont d'abord été de type émotionnel comme il est classique (anxiété, chutes que l'ont sait symptomatiques d'un état dépressif) puis davantage cognitifs avec des phases de franche confusion mentale. Les notes de la maison de retraite indiquent un état dépressif marqué (prescription d'un antidépresseur en août 1998) avec état confusionnel en août-septembre 1998. Il y a donc lieu de considérer qu'en mars et avril 1998 Madame [J] présentait une affection mentale altérant ses facultés de discerner le sens et la portée de ses actes. La date de mars 1998 marque d'ailleurs la date d'ouverture du processus en vue d'une mesure de protection qui allait être décidée en début 1999 au vu du certificat rédigé en avril 1998 par le Docteur [D]. Les symptômes mentionnés dans ce certificat ne se sont pas constitués en quelques jours mais nécessairement en quelques mois. Ils attestent d'une entrave des capacités de jugement et de raisonnement en dehors même de toute phase processuelle telle que celle qui est par exemple décrite dans les notes de la maison de retraite sous forme de confusion mentale dès juillet 1997 où il est écrit : plus cohérente dans la journée : on sait que de tels symptômes cognitifs variables sur le nycthémère sont révélateurs de périodes de progression de la maladie d'Alzheimer. On doit ajouter que d'autres symptômes notés dès 1996 prennent a posteriori valeur d'indicateurs, par exemple les manifestations d'opposition (refus d'un examen d'imagerie, de descendre à un repas) ou encore d'incontinence urinaire (tout ceci entre 1995 et 1997)' ;
Attendu que Monsieur [G] [J] déduit du rapport de l'expert que Madame [T] [J] présentait bien une affection mentale altérant ses facultés de discerner le sens et la portée des actes auxquels elle a participé le 24 avril 1998 lors de l'établissement de son testament ;
Mais attendu que l'insanité d'esprit prévue par la loi comme cause de nullité d'un testament s'entend d'une affection mentale suffisamment grave pour priver l'intéressé de sa capacité de discernement et obérer ainsi ses facultés intellectuelles ;
Que selon l'expert Madame [T] [J] était atteinte en mars avril 1998 d'une maladie d'Alzheimer de stade modéré ; que la maladie d'Alzheimer est une maladie mentale évolutive caractérisée par une dégénérescence progressive des cellules du cerveau ; que l'importance des troubles en résultant dépend du degré d'évolution ; que le stade modéré (intermédiaire entre léger et avancé) qui est le plus long, se caractérise par des difficultés croissantes marquant une augmentation des soins à donner et de l'aide à apporter ; que l'analyse par l'expert des fiches d'observation du personnel soignant de la maison de retraite où Madame [J] séjournait depuis fin 1994 montre que ce n'est qu'à partir d'août septembre 1998 qu'il est fait état d'épisodes de confusion ; qu'auparavant il était seulement mentionné des chutes, diarrhées, troubles du contrôle sphinctérien, difficulté à la mobilité qui ne sont pas en eux-mêmes révélateurs d'une atteinte aux facultés de discernement ;
Attendu que l'expert a rappelé que Madame [J] a été capable de se présenter devant le notaire le 24 avril 1998 sans qu'il soit noté quelque altération ou incohérence ;
Que le Docteur [D], psychiatre, a conclu le 9 février 1998 à l'instauration d'une mesure de curatelle (et non de tutelle) et a justifié l'instauration de cette curatelle par les difficultés relationnelles entre les enfants de Madame [J] plus que par l'état psychique de Madame [J] ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que pas plus devant la Cour que devant le tribunal Monsieur [G] [J] n'a apporté la preuve que Madame [T] [J] était atteinte d'insanité d'esprit lors de l'établissement du testament du 24 avril 1998 ;
Attendu que Monsieur [G] [J] réitère devant la Cour son moyen de nullité fondé sur l'article 503 ancien du code civil (actuellement article 464) selon lequel les actes passés, antérieurement au jugement d'ouverture de la tutelle, par la personne protégée, pourront être annulés si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits ;
Que Madame [T] [J] a été placée sous tutelle le 22 janvier 1999, neuf mois après l'établissement du testament du 24 avril 1998 ; que la maladie d'Alzheimer est une maladie évolutive et il n'est nullement établi, au vu notamment du certificat du Docteur [D] concluant à une curatelle, que les causes qui ont motivé l'ouverture de la tutelle existaient déjà lors de l'établissement de ce testament ;
Qu'en outre la condition de notoriété à cette date fait défaut ; que Madame [R], aide soignante, affirme, par attestation du 10 décembre 1999 que Madame [T] [J] a toujours eu une complète lucidité ; que le Docteur [A], médecin traitant de Madame [T] [J] certifiait le 11 février 1998 que cette patiente de 90 ans a des troubles de la mémoire récente mais pas de manifestation de maladie psychiatrique, pas de désorientation et un maintien de la cohérence ;
Que les conditions d'application de l'ancien article 503 du code civil ne sont donc pas remplies ;
Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du testament du 24 avril 1998 pour insanité d'esprit ;
2°) - Sur la demande de rescision du testament pour lésion
Attendu que Monsieur [G] [J] demande à la Cour, en application de l'article 491-2 ancien du code civil (actuellement article 435), de prononcer la rescision du testament du 24 avril 1998 pour lésion ;
Que selon cet article les actes que le majeur placé sous sauvegarde de justice a passés et les engagements qu'il a contractés pourront être rescindés pour lésion ou réduits en cas d'excès alors même qu'ils ne pourraient être annulés ; que les juges doivent, à ce sujet, prendre en considération la fortune de la personne protégée, la bonne ou mauvaise foi de ceux qui ont traité avec elle et l'utilité ou l'inutilité de l'opération ;
Attendu que par son testament du 24 avril 2007 Madame [T] [J] a privé son fils [G] de la quotité disponible des biens de sa succession ;
Qu'il s'agit d'un acte unilatéral pris par Madame [T] [J], destiné à produire effet après son décès ; que ses intérêts ne peuvent donc avoir été lésés ; qu'il n'y a pas lieu à rescision ; que le jugement qui a rejeté ce chef de demande sera confirmé ;
3°) - Sur la demande de rapport à succession par Madame [V]
a) - sur les fonds
Attendu que Monsieur [G] [J] prétend que sa soeur, Madame [Z] [V] qui s'occupait des affaires de sa mère depuis 1993, a prélevé sur ses comptes de 1994 à 1999 une somme de 29 668,58 € (194 000 F) dont l'emploi n'est pas justifié et demande qu'elle en fasse rapport à la succession ; que cette somme s'établit comme suit :
- année 1994 :73 500 F
- année 1995 :34 000 F
- année 1996 :26 500 F
- année 1997 :23 000 F
- année 1998 :21 000 F
- année 1999 :3 000 F
------------
181 000 F
- travaux dans la maison
familiale vendue à une fille
de Mme [V]7 000 F
- second cadeau de mariage
à une fille de Mme [V]2 200 F
- honoraires de l'avocat
personnel de Mme [V]4 400 F
------------
194 600 F
Attendu que Madame [T] [J] résidait depuis fin 1994 dans une maison de retraite à [31] ; qu'elle avait donné procuration sur son compte à sa fille, Madame [Z] [V] ; qu'il n'a pas été justifié de la date exacte de cette procuration ;
Attendu qu'en application de l'article 1993 du code civil le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion ;
Que Madame [V] s'est parfaitement acquittée de cette obligation par l'établissement et la production aux débats des carnets de compte sur lesquels elle a régulièrement noté les revenus de sa mère et les retraits qu'elle a effectués pour ses besoins courants ainsi que pour les cadeaux d'usage à ses enfants et petits enfants ;
Attendu que Monsieur [G] [J] fait observer en premier lieu que Madame [V] n'a pas rendu compte de sa gestion pour l'intégralité de l'année 1994 ; que cependant il produit lui-même le cahier de compte de l'année 1994 et ne justifie pas que Madame [V] se soit occupée seule de la gestion des comptes de sa mère avant l'entrée de celle-ci en maison de retraite à la fin de l'année 1994 ; que contrairement à ce qu'il affirme sa pièce n° 144 (lettre de Mme [V]) ne contient aucune reconnaissance par Madame [V] de ce qu'elle gérait les comptes de sa mère depuis 1993 ;
Attendu que par lettre adressée le 1er janvier 1995 à ses enfants avec copie au notaire Madame [T] [J] avait indiqué :
Comme je vous en ai parlé précédemment, j'ai demandé à [Z] de prélever sur mon CCP depuis la date de mon hospitalisation la somme de 1 000 F par mois(NF Nouveaux Francs) en plus de mes besoins personnels afin de la dédommager de tous les frais des services rendus depuis le décès de papy et ceci sans aucun préjudice ultérieur. C'est en toute connaissance de cause que je vous ai exprimé mon désir ;
Que Monsieur [G] [J] demande que Madame [V] rapporte ces prélèvements mensuels de 1 000 F à la succession de sa mère au motif qu'ils n'ont aucune contrepartie puisque Madame [T] [J] était prise en charge à 100 % non seulement pour les soins mais aussi pour la restauration et l'hébergement et partiellement pour les dépenses de coiffure et d'habillement ;
Mais attendu que cette somme de 1 000 F par mois accordée par Madame [T] [J] à sa fille, [Z] [V] est qualifiée à bon droit par celle-ci de donation rémunératoire puisqu'elle a pour objet la récompense d'un service rendu ; qu'en effet Madame [V] qui était domiciliée à proximité de la maison de retraite était le seul des trois enfants à pouvoir rendre visite régulièrement à Madame [J] ; qu'il résulte du certificat du Docteur [D], psychiatre que Madame [V] assurait une présence psychologique fréquente et régulière auprès de sa mère et lui apportait son aide matérielle ; que la somme de 1 000 F (152,45 €) par mois n'est pas excessive par rapport au temps ainsi consacré par Madame [V] à sa mère (distinct des dépenses exposées et comptabilisées par ailleurs) ;
Que la donation rémunératoire, qui a un caractère onéreux puisque contrepartie d'un service échappe à la règle du rapport à succession des dons et libéralités ; que Monsieur [G] [J] doit être débouté de sa demande à ce titre ;
Attendu que Madame [T] [J] a vendu son immeuble en 1995 à l'une de ses petites filles pour la somme de 320 000 F, prix conforme à l'évaluation du notaire ; que le fait qu'elle ait fait réaliser des travaux dans l'immeuble à l'occasion de cette vente ne peut être cause d'un rapport à succession par Madame [V] ;
Qu'il en est de même du cadeau de mariage à une petite fille de Madame [T] [J] pour 2 200 F, même s'il s'agit 'd'un second cadeau de mariage' comme l'affirme Monsieur [G] [J] ;
Attendu qu'il n'est pas justifié que les honoraires d'avocat réglés par Madame [V] du vivant de sa mère soient des frais personnels à Madame [V] ;
Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [G] [J] de sa demande de rapport à succession par Madame [V] des fonds prélevés sur le compte de sa mère ;
b) - sur les bijoux et le mobilier
Attendu que Monsieur [G] [J] demande que Madame [V] rapporte à la succession la valeur des bijoux et mobiliers emportés par elle ;
Attendu que Madame [V] déclare qu'elle n'est pas opposée à ce qu'un inventaire des bijoux et des meubles soit dressé ; qu'elle affirme que le partage a été fait du vivant de Madame [T] [J] sans objection et fait valoir qu'en fait de meuble la possession vaut titre, que le possesseur qui prétend avoir reçu une chose en don manuel bénéficie d'une présomption et qu'il appartient à celui qui revendique la chose d'apporter la preuve de l'absence de don ;
Attendu que le tribunal a donné acte aux parties de leur accord pour qu'il soit procédé à l'inventaire des meubles et bijoux ayant appartenu à Madame [T] [J] ; qu'il ne s'est pas prononcé sur la demande de rapport à succession ;
Que selon l'article 843 du code civil tout héritier doit rapporter à ses co-héritiers tout ce qu'il a reçu du défunt par donations entre vifs ; qu'il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale ;
Qu'un don manuel est rapportable sauf s'il s'agit de présents d'usage ;
Qu'il en résulte que Madame [V], de même que Monsieur [G] [J] et Madame [F] [X] devront rapporter à la succession les bijoux et mobilier qu'ils ont reçus de leur mère ou à la suite de son décès ; que le jugement sera complété en ce sens ;
4°) - Sur la demande de nullité de l'acte de transformation du contrat PEP Norgaranti en assurance-vie Antarius PEP et de l'avenant du 25 septembre 1998
Attendu que le 10 mars 1998 Madame [T] [J] a sollicité le transfert d'un contrat PEP Norgaranti souscrit auprès du Crédit du Nord dont elle était titulaire depuis le 22 mai 1990, sur un contrat d'assurance-vie Antarius PEP, souscrit auprès de la société ANTARIUS ;
Que la prime versée lors de la souscription de ce contrat s'est élevée à 288 103 F (43 291,06 €) ;
Que le 16 mars 1998 Madame [T] [J] a désigné comme bénéficiaires du capital en cas de décès, ses petits enfants à raison de 7 % chacun ou leurs héritiers et pour le solde ses enfants vivants ou représentés par parts égales ; que le 25 septembre 1998 elle a modifié la clause relative aux bénéficiaires en partageant le solde par moitié entre ses deux filles, Madame [X] et Madame [V], ses petits enfants étant maintenus bénéficiaires pour 7 % chacun ;
a) - sur la demande de nullité pour insanité d'esprit
Attendu que selon l'article 414-2 du code civil (ancien article 489-1) après la mort de l'auteur d'un acte autre qu'une donation ou un testament, une action en nullité peut être engagée par ses héritiers pour insanité d'esprit si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental (ce qui n'est pas le cas en l'espèce), s'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice (ce qui est le cas pour l'avenant du 25 septembre 1998) ou si une action a été introduite avant le décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle (ce qui est le cas pour l'acte de transformation du contrat PEP Norgaranti en assurance-vie PEP Antarius et pour l'avenant du 25 septembre 1998) ;
Attendu qu'il résulte des motifs déjà exposés en réponse à la demande de nullité du testament du 24 avril 1998 qu'aucune preuve d'insanité d'esprit de Madame [T] [J] en mars et avril 1998 n'est apportée et que les conditions d'application de l'article 503 ancien du code civil (actuellement article 464) ne sont pas remplies ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [G] [J] de sa demande de nullité de l'acte de transformation du contrat PEP Norgaranti en assurance-vie PEP Antarius le 10 mars 1998 ;
Attendu que le 24 avril 1998 Madame [T] [J] a privé son fils [G] de la quotité disponible de sa succession car elle lui reprochait d'être à l'origine de la procédure de tutelle ouverte devant le Tribunal d'Instance de Lille en mars 1998 ;
Que la modification de la clause du contrat PEP Antarius par avenant du 25 septembre 1998 qui conduit à exclure Monsieur [G] [J] des bénéficiaires de cette assurance s'inscrit dans la continuité et la logique de la volonté précédemment manifestée par Madame [T] [J] en avril 1998 ;
Que par attestation du 27 août 2002 Monsieur [L] [W], employé de banque, certifie que lors des entretiens professionnels qu'il a eus avec Madame [T] [J] celle-ci a manifesté explicitement le souhait d'attribuer une partie de son PEP à ses petits enfants et le solde à ses deux filles ;
Qu'en l'absence de preuve de l'insanité d'esprit de Madame [T] [J] lors de l'établissement de l'avenant du 25 septembre 2008 ou de la réunion de conditions d'application de l'article 503 ancien du code civil et notamment de la condition de notoriété, il convient de confirmer également le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'avenant du 25 septembre 1998 ;
b) - sur la demande de nullité pour manquement à l'obligation d'information et de conseil
Attendu que Monsieur [G] [J] prétend que la société ANTARIUS, assureur, a manqué à son obligation d'information et de conseil lors de la transformation du contrat PEP Norgaranti en assurance-vie Antarius PEP et demande que le contrat Antarius soit annulé avec retour aux conditions du PEP bancaire Norgaranti et sa poursuite jusqu'au décès de Madame [T] [J] ;
Que par ailleurs il demande que la société ANTARIUS soit condamnée à verser à la succession de Madame [J] la somme de 47 303 €, valeur du contrat PEP Norgaranti au jour du décès ;
Attendu qu'à titre liminaire il convient de relever que si la demande en paiement contre l'assureur peut s'analyser en une demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de renseignement et de conseil, un tel manquement n'est pas en lui-même de nature à entraîner la nullité du contrat d'assurance ; que la demande aurait dû être présentée sur le fondement de l'erreur (article 1110 du code civil) ;
Attendu que la société ANTARIUS a justifié avoir remis à Madame [T] [J] les conditions générales d'assurance ainsi que cela ressort du bulletin de souscription signé par celle-ci ; qu'elle a ainsi respecté l'obligation qui lui était imposée par l'article L 132-5 du code des assurances en sa rédaction applicable en 1998 ; que les exigences supplémentaires invoquées par Monsieur [G] [J] n'étaient pas applicables lors de la souscription du contrat ;
Attendu que pour soutenir que la société ANTARIUS n'a pas satisfait à son obligation d'information et de conseil Monsieur [G] [J] fait valoir que la rémunération annuelle du PEP bancaire (7,7 %) était supérieure à celle du PEP Antarius (4 %) et que l'intérêt fiscal du PEP Antarius était négligeable comparé à la perte de rendement induite par la différence des taux ;
Attendu que la société ANTARIUS réplique que Madame [J] étant décédée un an après le transfert, la différence de taux ne s'est concrétisée que par une différence de rendement de 1 380 F, que le taux de 7,70 % du PEP bancaire n'était garanti que pour une période de dix ans, soit jusqu'en mai 2000 et que si Madame [J] n'avait pas opéré un transfert des fonds vers un contrat d'assurance-vie les héritiers n'auraient pas pu bénéficier de l'abattement sur les droits de succession prévu par l'article 757 B du code général des impôts, l'épargne constituée dans le cadre d'un PEP bancaire entrant pour la totalité de sa valeur dans l'actif du défunt ;
Attendu que la bonne exécution de l'obligation d'information et de conseil de l'assureur ne doit pas s'apprécier au regard de la seule comparaison des taux d'intérêt servis par le contrat initial et le contrat destinataire des fonds transférés ; que d'autres considérations doivent être prises en compte au regard notamment de l'âge, de la situation familiale et des souhaits du souscripteur ;
Que Madame [T] [J] avait exprimé la volonté de transmettre à son décès une partie de son patrimoine à ses neuf petits enfants qui n'étaient pas ses héritiers ; que le contrat PEP Norgaranti ne permettait pas une telle opération puisque l'épargne ainsi constituée entrait dans l'actif de sa succession ; qu'au contraire la souscription d'un contrat d'assurance-vie telle que proposée par la société ANTARIUS correspondait précisément au besoin que Madame [T] [J] entendait satisfaire puisque les contrats d'assurance-vie n'entrent pas dans la succession et ne sont pas soumis aux droits de succession ;
Que le contrat souscrit le 10 mars 1998 par Madame [T] [J] était parfaitement adapté à l'objectif visé, la transmission d'une somme à ses petits enfants après son décès dans des conditions fiscalement intéressantes ;
Qu'aucun manquement au devoir d'information et de conseil ne peut donc être reproché à la société ANTARIUS ; que Monsieur [G] [J] sera débouté de sa demande de nullité du contrat de ce chef et de sa demande en paiement à titre de dommages et intérêts, du montant de la valeur du contrat PEP Norgaranti ;
c) - sur la demande de nullité pour absence d'aléa
Attendu que Monsieur [G] [J] prétend que le contrat d'assurance-vie Antarius souscrit par Madame [T] [J] serait nul car dépourvu d'aléa en raison de l'âge (89 ans) et de l'état de santé déficient du souscripteur ; qu'il considère que la conclusion de ce contrat avait pour seul but, en définitive, de le priver de tout droit sur les fonds puisqu'il avait été exclu de la liste des bénéficiaires quelques mois avant le décès de Madame [J] ;
Attendu que l'aléa doit s'apprécier au jour de la souscription du contrat, c'est-à-dire en l'espèce au 10 mars 1998 et non en considération des modifications intervenues postérieurement ;
Qu'au 10 mars 1998 Madame [T] [J] était âgée de 89 ans ; qu'à cette date son état de santé ne pouvait être qualifié de déficient comme l'affirme Monsieur [G] [J] ; que l'aggravation de son état n'est apparu qu'ultérieurement ;
Qu'il ne peut être affirmé que lors de la souscription du contrat Madame [T] [J] savait qu'elle ne percevrait pas le capital ; qu'en outre le contrat prévoyait une faculté de rachat par le souscripteur ;
Que dès lors qu'à la date de souscription du contrat le souscripteur ignore qui de lui ou du bénéficiaire recevra le capital puisque le créancier diffère selon que l'adhérent est vivant ou non au moment du versement, l'aléa inhérent au contrat d'assurance est caractérisé ;
Que la demande de nullité pour défaut d'aléa doit être rejetée ;
5°) - Sur la demande de rescision du contrat d'assurance-vie Antarius
Attendu que Monsieur [G] [J] demande à la Cour, en application de l'article 491-2 ancien du code civil, de prononcer la rescision pour lésion du contrat d'assurance-vie Antarius souscrit par Madame [T] [J] ;
Que ce texte, devenu l'article 435 du code civil, permet la rescision des actes passés par un majeur placé sous sauvegarde de justice en cas d'excès ;
Que les conditions d'application de ces dispositions ne sont pas remplies puisque, outre l'absence d'excès, le contrat d'assurance-vie Antarius a été souscrit par Madame [T] [J] le 10 mars 1998 alors qu'elle n'a été placée sous sauvegarde de justice que par ordonnance du 27 mars 1998 ;
Que la demande de rescision pour lésion du contrat d'assurance-vie Antarius doit être rejetée ;
6°) - Sur la demande de rapport à succession des primes du contrat d'assurance-vie Antarius
Attendu que l'article L 132-13 du code des assurances dispose que le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant ; que le second alinéa de cet article énonce que ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées au regard de ses facultés ;
Attendu que Monsieur [G] [J] soutient que la condition du caractère exagéré est remplie dès lors que la prime versée à l'occasion de la souscription du contrat d'assurance-vie Antarius, d'un montant de 288 103 F représente près de la moitié de l'actif successoral de 587 807,10 F après réunion fictive des donations antérieures de 314 678,95 F aux trois héritiers réservataires et près de 35 % du patrimoine de Madame [T] [J] au moment du versement de la prime ; qu'il demande en conséquence que cette prime soit rapportée à la succession ;
Attendu qu'à titre liminaire il convient d'observer que pour la part revenant aux petits enfants qui ne sont pas héritiers de Madame [T] [J] il ne pourrait, en toute hypothèse, y avoir lieu à rapport à succession mais seulement à sa prise en compte par le notaire dans l'actif successoral pour le calcul de la réserve ;
Attendu que le caractère manifestement exagéré des primes s'apprécie au moment de leur versement au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniales et familiales du souscripteur ;
Attendu qu'en mars 1998 Madame [T] [J] était âgée de 89 ans ;
Qu'en 1995 elle avait fait donation à ses trois enfants de bons de capitalisation pour un montant total de 314 678,95 F, soit 104 799,75 F à Monsieur [G] [J], 104 881,88 F à Madame [Z] [V] et 104 997,32 F à Madame [F] [X] ;
Qu'après cette donation Madame [T] [J] disposait encore de fonds placés sur divers comptes (livret A, compte chèques, compte courant, comptes sur livret, livret d'épargne populaire), d'un plan d'épargne logement, d'actions OPTIMAVALOR ; que l'actif de sa succession a été évalué à 286 785,19 F ; qu'il n'est pas allégué que cet actif fixé au jour du décès le [Date décès 7] 1999 ait pu être sensiblement différent un an auparavant lors de la souscription du contrat d'assurance-vie Antarius après transfert des fonds placés sur le PEP Norgaranti ;
Que Madame [T] [J] n'avait aucune dette ; qu'aucun passif n'apparaît dans la déclaration de succession ;
Attendu que dans ces conditions la prime versée sur le contrat d'assurance-vie Antarius de 288 103 F (43 921,02 €) n'apparaît pas manifestement exagérée au regard des revenus et du patrimoine dont disposait Madame [J] ;
Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
7°) - Sur la demande de changement de notaire
Attendu que Monsieur [G] [J] demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a désigné Maître [IT] en qualité de notaire liquidateur au motif qu'il s'agit du notaire qui a reçu le testament de Madame [T] [J], argué de nullité pour insanité d'esprit ;
Que ce motif n'est pas fondé dès lors que la Cour a jugé que le testament était valable ; que la désignation de Maître [IT] doit donc être maintenue ;
8°) - Sur les demandes de dommages et intérêts
Attendu que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi, constitutive d'une faute ; que les consorts [V] seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Attendu qu'aucune résistance abusive ne peut être reprochée à Madame [V] qui triomphe pour l'essentiel de ses prétentions ; que Monsieur [G] [J] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
***
Attendu que le tribunal a fait une juste application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'il y a lieu de confirmer ;
Qu'au titre des frais irrépétibles d'appel Monsieur [G] [J] sera condamné à verser la somme de 1 800 € à Madame [V], la somme de 400 € aux consorts [X] et la somme de 1 000 € à la société ANTARIUS ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Dit que Madame [Z] [V], Monsieur [G] [J] et Madame [F] [X] devront rapporter à la succession de Madame [T] [J] les bijoux et mobilier qu'ils ont reçus de leur mère ou à la suite de son décès,
Déboute Monsieur [G] [J] de sa demande en paiement à l'égard de la société ANTARIUS et de sa demande de rescision du contrat d'assurance-vie Antarius,
Rejette les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral,
Condamne Monsieur [G] [J] aux dépens d'appel,
Autorise, si ils en ont fait l'avance sans en avoir reçu provision, la SCP THERY-LAURENT et la SCP DELEFORGE-FRANCHI, (pour les dépens exposés pour le compte des consorts [X]), avoués, au titre des actes accomplis antérieurement au 1er janvier 2012 et Maître Brigitte VANDENDAELE et Maître Bernard FRANCHI, (pour les dépens exposés pour le compte des consorts [X]) avocats, au titre des actes accomplis à compter du 1er janvier 2012, à recouvrer les dépens d'appel conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [G] [J] à verser, par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la somme de 1 800 euros à Madame [Z] [V], la somme de 400 euros aux consorts [X] et la somme de 1 000 euros à la société ANTARIUS.
Le Greffier,Le Président,
D. VERHAEGHEE. MERFELD