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26/03/2012 | FRANCE | N°11/03555

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 26 mars 2012, 11/03555


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 26/03/2012



***



N° de MINUTE :

N° RG : 11/03555



Jugement (N° 09.02425)

rendu le 12 Avril 2011

par le Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE



REF : EM/AMD





APPELANT



Monsieur [N] [K]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]



Représenté par Maître M

arion SEVERIN, avocat au barreau de BÉTHUNE, constituée aux lieu et place de la SCP THERY LAURENT, ancien avoué, substituée à l'audience par Maître Arnaud LEROY, avocat au barreau de BÉTHUNE





INTIMÉE



Madame [V] [B]

née le...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 26/03/2012

***

N° de MINUTE :

N° RG : 11/03555

Jugement (N° 09.02425)

rendu le 12 Avril 2011

par le Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE

REF : EM/AMD

APPELANT

Monsieur [N] [K]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Maître Marion SEVERIN, avocat au barreau de BÉTHUNE, constituée aux lieu et place de la SCP THERY LAURENT, ancien avoué, substituée à l'audience par Maître Arnaud LEROY, avocat au barreau de BÉTHUNE

INTIMÉE

Madame [V] [B]

née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Maître FRANCHI de la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI, ancien avoué

Assistée de Maître Xavier BRUNET, avocat au barreau de BÉTHUNE, substitué à l'audience par Maître Alexandre TANCRE, avocat au barreau de BÉTHUNE

DÉBATS à l'audience publique du 02 Février 2012 tenue par Evelyne MERFELD magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 novembre 2011

***

Monsieur [N] [K] et Madame [V] [B] ont vécu en union libre durant plusieurs années. Ils se sont séparés en septembre 2006.

A cette occasion ils ont conclu, le 30 octobre 2006, devant Maître [R], notaire, un acte d'échange d'immeubles en vertu duquel :

- Madame [B] a cédé à Monsieur [K] la pleine propriété d'une maison à usage d'habitation avec fonds et terrain en dépendant, située à [Adresse 3], évaluée à 50 000 euros,

- Monsieur [K] a cédé à Madame [B] ses droits de moitié en pleine propriété d'une maison à usage d'habitation avec fonds et terrain en dépendant, située à [Adresse 6], évalués à 80 000 euros, Madame [B] prenant en charge la part de Monsieur [K] restant à rembourser sur l'emprunt contracté pour l'acquisition de cet immeuble, soit 30 000 euros.

L'acte stipule que les lots respectivement échangés étant égaux entre eux (50 000 euros chacun) l'échange est fait sans soulte.

Suivant acte sous seing privé du 30 octobre 2006 Monsieur [K] a reconnu devoir à Madame [B] la somme de 31 698,44 euros 'dès la prise d'usage de la maison située au [Adresse 3]'. Cette somme a été versée à Madame [B] par chèque du 22 mars 2007.

Soutenant que cette reconnaissance de dette s'analyse en une contre-lettre et que la somme de 31 698,44 euros constitue une soulte dissimulée et non reprise dans l'acte d'échange du 30 octobre 2006, Monsieur [K] a fait assigner Madame [B] le 2 juin 2009 devant le Tribunal de Grande Instance de Béthune pour voir prononcer la nullité de la reconnaissance de dette en application de l'article 1321-1 du code civil et de l'ancien article 1840 du code général des impôts et condamner Madame [B] à lui restituer la somme de 31 698,44 euros.

Le Tribunal l'a débouté de ses demandes par jugement du 12 avril 2011 dont il a relevé appel le 20 mai 2011.

Par conclusions du 22 août 2011 Monsieur [K] demande à la Cour d'infirmer le jugement, de dire que la reconnaissance de dette avait pour objet de dissimuler une soulte non reprise dans l'acte d'échange du 30 octobre 2006 et que la somme de 31 698,44 euros constitue une soulte dissimulée, en conséquence prononcer la nullité de la reconnaissance de dette en application de l'article 1321-1 du code civil (ancien article 1840 du code général des impôts) et condamner Madame [B] à lui restituer la somme de 31 698,44 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que contrairement à ce qui a été jugé par le Tribunal l'article 1321-1 du code civil ne conditionne pas la nullité de la contre-lettre à la démonstration que la soulte dissimulée avait pour objet d'équilibrer la valeur inégale des lots partagés et fait valoir qu'au contraire il est de jurisprudence constante que ce texte sanctionne toute convention qui porte dissimulation de tout ou partie du prix de vente d'un immeuble quels que soient les mobiles de cette dissimulation. Il affirme que le simple fait de verser une soulte n'ayant pas été reprise à l'acte d'échange entraîne l'application de la sanction édictée par l'article 1321-1, c'est à dire la nullité de la contre-lettre avec restitution de la soulte.

Il fait valoir que la preuve d'une contre-lettre peut être apportée par tous moyens en cas de fraude et invoque à ce titre le fait que la reconnaissance de dette a été établie à la même date que l'acte d'échange et stipule que la somme est due dès la prise d'usage de la maison située [Adresse 3], qui est l'un des immeubles objet de l'échange. Il fait également observer que la somme de 31 698,44 euros reprise dans la reconnaissance de dette correspond au centime d'euro près à celle figurant sur le décompte au 16 septembre 2006 de remboursement anticipé du prêt qu'il a souscrit auprès du Crédit Agricole le 8 octobre 1998 pour l'acquisition de l'immeuble de [Localité 5] attribué à Madame [B] à charge pour elle de rembourser la part de l'emprunt qu'il avait contracté. Il en déduit que Madame [B] ne peut soutenir que la somme versée n'a aucun lien avec l'acte authentique d'échange.

Il déclare qu'en réalité le lot revenant à Madame [B] s'élevait à 111 690,44 euros (80 000 euros + 31 690,44 euros) et que lui-même a reçu en contrepartie un lot de 80 000 euros ( 50 000 euros + soulte de 30 000 euros consistant en la prise en charge de sa part d'emprunt par Madame [B]). Selon lui les droits d'enregistrement auraient dû être calculés en appliquant les droits d'enregistrement normaux (droit départemental, taxe additionnelle au profit de la commune et prélèvement pour frais d'assiette) sur la plus-value de 31 690,44 euros et le droit d'enregistrement spécifique applicable aux échanges de 5 % sur la valeur du lot le plus faible conformément aux dispositions de l'article 684 du code général des impôts.

Par conclusions du 21 octobre 2011 Madame [B] sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur [K] à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que l'acte notarié d'échange et la reconnaissance de dette sont indépendants l'un de l'autre.

Elle déclare que la cause de la reconnaissance dette qui est un acte autonome est la créance qu'elle détenait à l'encontre de Monsieur [K] après l'établissement du compte effectué entre les concubins lors de la séparation après 18 ans de vie commune.

Elle affirme qu'il est normal que cette reconnaissance ait été établie à la même date que l'acte notarié d'échange puisque c'est à cette date que les ex-concubins ont entendu régler les conséquences matérielles et financières de la rupture.

Elle conteste l'existence d'une contre-lettre en l'absence de dissimulation d'une soulte dans un acte d'échange.

Elle soutient que la reconnaissance de dette doit faire foi dans les rapports entre les parties en application de l'article 1320 du code civil et que contrairement aux caractéristiques d'une contre-lettre qui doit être cachée, Monsieur [K] s'est prévalu de la reconnaissance de dette pour contracter le prêt qui lui a permis de rembourser cette dette.

SUR CE :

Attendu que Monsieur [K] demande, sur le fondement de l'article 1321-1 du code civil (ancien article 1840 du code général des impôts), l'annulation de la reconnaissance de dette par acte sous seing privé qu'il a signé le 30 octobre 2006 portant sur une somme de 31 698,44 euros qui, en exécution de cet acte, a été versée à Madame [B] par chèque du 22 mars 2007 ;

que selon l'article 1321-1 est nulle et de nul effet toute contre-lettre ayant pour objet une augmentation du prix stipulé dans le traité de cession d'un officier ministériel et toute convention ayant pour but de dissimuler partie du prix d'une vente d'immeubles ou d'une cession de fonds de commerce ou de clientèle ou d'une cession d'un droit à un bail ou du bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble et tout ou partie de la soulte d'un échange ou d'un partage comprenant des biens immobiliers, un fonds de commerce ou une clientèle ;

qu'il appartient donc à Monsieur [K], demandeur à la nullité, de démontrer que l'acte sous seing privé du 30 octobre 2006 a pour but de dissimuler tout ou partie d'une soulte due dans le cadre de l'échange d'immeubles consacré par l'acte notarié du même jour ;

Attendu qu'une soulte est une somme qu'un copartageant ou un coéchangiste doit régler à l'autre pour rétablir l'égalité entre des lots qui n'ont pas même valeur ;

que dès lors il convient de rechercher si les lots objets de l'acte d'échange du 30 octobre 2006 sont ou non d'égale valeur,

Attendu que l'immeuble de [Localité 4] cédé par Madame [B] à Monsieur [K] a été évalué à 50 000 euros,

que les droits de moitié de Monsieur [K] sur l'immeuble de [Localité 5], cédés à Madame [B], ont été évalués à 80 000 euros,

que cet immeuble a été acheté le 9 octobre 1998 pour le prix de 865 000 francs financé à hauteur de 710 000 francs par deux prêts accordés par le Crédit Agricole l'un de 355 000 francs à Monsieur [K], l'autre de 355 000 francs à Madame [B] ;

que dans l'acte d'échange du 30 octobre 2006 Madame [B] s'est engagée à rembourser intégralement par anticipation le solde du prêt Crédit Agricole accordé à Monsieur [K] et à elle-même lors de l'acquisition conjointe ;

que le notaire a déduit de la valeur des droits cédés par Monsieur [K] (80 000 euros) la somme de 30 000 euros que Madame [B] s'est engagée à rembourser au Crédit Agricole pour le compte de Monsieur [K] ; qu'il a considéré que la valeur du lot de Madame [B] était de 50 000 euros, identique à celle du lot de Monsieur [K] ;

que cependant dans la mesure où Monsieur [K] se trouvait libéré de l'obligation de rembourser la somme de 30 000 euros au Crédit Agricole, il bénéficiait en réalité d'un lot d'une valeur de 80 000 euros (50 000 euros + 30 000 euros) alors que Madame [B] n'avait reçu qu'un lot d'une valeur de 50 000 euros et devait en outre assumer le remboursement du prêt qu'elle avait contracté à titre personnel lors de l'acquisition de sa moitié indivise de l'immeuble de [Localité 5] ;

que la différence de valeur des lots aurait donc dû être compensée par une soulte à la charge de Monsieur [K] ;

que tel est l'objet de la reconnaissance de dette établie par acte sous seing privé le même jour que celui de la signature de l'acte d'échange ;

que la somme de 31 698,44 euros que Monsieur [K] a reconnu devoir à Madame [B], sans préciser la cause de cette reconnaissance de dette, correspond très exactement au montant du remboursement anticipé à la date du 16 septembre 2006, du prêt qu'il avait contracté pour l'acquisition en 1998 de ses droits indivis dans la maison de [Localité 5], immeuble objet de l'échange ; que par ailleurs il est expressément stipulé dans la reconnaissance de dette que la somme de

31 698,44 euros sera due à Madame [B] dès la prise d'usage de la maison située à [Adresse 3], autre immeuble objet de l'acte d'échange, ce qui établit le lien entre l'acte d'échange et la reconnaissance de dette,

Attendu que l'acte sous seing privé du 30 octobre 2006 qui a pour but de dissimuler une soulte dans un échange de biens immobiliers et donc de minorer les droits de mutation dus à l'administration fiscale est nulle en application de l'article 1321-1 du code civil ; qu'il s'en suit que Madame [B] doit être condamnée à restituer à Monsieur [K] la somme de 31 698,44 euros qui lui a été versée en vertu de cette reconnaissance de dette, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009, date de l'assignation ; que le jugement qui a débouté Monsieur [K] de sa demande sera donc infirmé ;

Attendu qu'il serait toutefois inéquitable de condamner Madame [B] au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement,

Infirme le jugement et statuant à nouveau,

Annule la reconnaissance de dette du 30 octobre 2006,

En conséquence, condamné Madame [V] [B] à restituer à Monsieur [N] [K] la somme de 31 698,44 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel

Autorise, si elles en ont fait l'avance sans en avoir reçu provision, la SCP THERY LAURENT, avoués au titre des actes accomplis antérieurement au 1er janvier 2012 et Maître SEVERIN, avocat, au titre des actes accomplis à compter du 1er janvier 2012, à recouvrer les dépens d'appel conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute Monsieur [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

Delphine VERHAEGHE.Evelyne MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 11/03555
Date de la décision : 26/03/2012

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°11/03555 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-26;11.03555 ?
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