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21/11/2011 | FRANCE | N°11/05728

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 21 novembre 2011, 11/05728


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 21/11/2011



***



JOUR FIXE



N° de MINUTE :

N° RG : 11/05728



Jugement (N° 11/00392)

rendu le 01 Juillet 2011

par le Tribunal de Grande Instance de SAINT OMER



REF : EM/AMD





APPELANT



Monsieur [F] [R]

né le [Date naissance 6] 1944 à [Localité 11]

demeurant [Adresse 9]

[Localité 10]

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Représenté par la SELARL Eric LAFORCE, avoués à la Cour

Assisté de Maître Catherine POUILLE-GROULEZ, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉS



Monsieur [Y] [T]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 13]

Madame [L] [V] épouse...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 21/11/2011

***

JOUR FIXE

N° de MINUTE :

N° RG : 11/05728

Jugement (N° 11/00392)

rendu le 01 Juillet 2011

par le Tribunal de Grande Instance de SAINT OMER

REF : EM/AMD

APPELANT

Monsieur [F] [R]

né le [Date naissance 6] 1944 à [Localité 11]

demeurant [Adresse 9]

[Localité 10]

Représenté par la SELARL Eric LAFORCE, avoués à la Cour

Assisté de Maître Catherine POUILLE-GROULEZ, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

Monsieur [Y] [T]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 13]

Madame [L] [V] épouse [T]

née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 14]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 11]

Représentés par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour

Assistés de Maître Franck GYS, avocat au barreau de DUNKERQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

DÉBATS à l'audience publique du 17 Octobre 2011 après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président, et Delphine VERHAEGHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte notarié du 5 novembre 1994 Monsieur [F] [R] a vendu à Monsieur [Y] [T] et à son épouse, Madame [L] [V], une maison à usage d'habitation située à [Adresse 12] pour le prix de 725 000 francs (110528,54 euros).

Soutenant qu'à l'occasion de travaux d'aménagement de leur salle de bains ils ont découvert en avril 2009, que le plancher était fortement dégradé et que cette dégradation pouvait s'expliquer par l'existence d'un champignon, ils ont fait assigner Monsieur [R] le 30 avril 2009 devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance d'Hazebrouck aux fins d'expertise.

Par ordonnance du 27 mai 2009 le juge des référés a désigné Monsieur [G] en qualité d'expert.

L'expert a déposé son rapport le 12 novembre 2009, concluant comme suit :

Un renfort de structure a été réalisé avant l'achat de l'immeuble par les anciens propriétaires ou leurs parents. Ces travaux sont bien consécutifs à l'attaque des champignons qui se sont développés entre le plancher de l'étage et les plâtres du plafond du rez-de-chaussée sans être visibles au moment de la vente.

L'état de la structure nécessite d'importants travaux de charpente, de plâtrerie, de menuiserie et d'électricité.

Le montant total de ces travaux a été estimé par l'expert à 50 439,84 euros TTC.

L'immeuble est actuellement inhabitable et pour une durée estimée à dix mois avec une valeur locative d'environ 1 000 euros par mois.

Par lettre du 26 novembre 2009 l'expert a indiqué que son rapport comportait une erreur sur le montant total des travaux qui s'élève en réalité à 57 803,43 euros.

Par acte d'huissier du 9 décembre 2009 Monsieur et Madame [T] ont fait assigner Monsieur [R] devant le Tribunal de Grande Instance d'Hazebrouck pour le voir condamner, sur le fondement de la garantie des vices cachés, à leur verser la somme de 64 401,67 euros et subsidiairement 57 803,43 euros au titre de la réduction du prix de vente de l'immeuble, coût des travaux de réparation ainsi que des dommages-intérêts.

A la suite de la suppression du Tribunal de Grande Instance d'Hazebrouck en application de la réforme de la carte judiciaire l'affaire a été renvoyée au Tribunal de Grande Instance de Dunkerque dans le ressort duquel Maître [T] exerce ses fonctions d'avocat.

Par ordonnance du 25 janvier 2011 le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Dunkerque, faisant application de l'article 47 du code de procédure civile, a renvoyé l'affaire au Tribunal de Grande Instance de Saint Omer.

Par jugement du 1er juillet 2011 le Tribunal de Grande Instance de Saint Omer a :

- débouté Monsieur [R] de sa demande d'annulation du rapport d'expertise,

- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par Monsieur [R],

- condamné Monsieur [R], sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, à payer à Monsieur et Madame [T] les sommes suivantes :

* 57 803,43 euros au titre de la réduction du prix de vente de l'immeuble correspondant aux travaux de réparation,

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de jouissance de l'immeuble,

* 14 091,00 euros au titre du coût du prêt pour le financement des travaux,

- débouté Monsieur et Madame [T] du surplus de leurs demandes,

- dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamné Monsieur [R] aux dépens qui comprendront ceux de la procédure de référé-expertise, les frais d'expertise judiciaire et les frais d'hypothèque judiciaire provisoire,

- condamné Monsieur [R] à verser à Monsieur et Madame [T] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a retenu que l'immeuble était affecté, lors de la vente, d'un vice constitué par une attaque par un champignon, que ce vice était caché et que le vendeur en avait connaissance.

Monsieur [R] a relevé appel de ce jugement le 8 août 2011.

Par ordonnance du Premier Président en date du 18 août 2011 il a été autorisé à assigner les époux [T] à jour fixe devant la Cour. L'assignation délivrée le 30 août 2011 a régulièrement été déposée au greffe de la Cour le 1er septembre 2011 avant l'audience.

Par conclusions déposées le 16 août 2011 Monsieur [R] demande à la Cour d'infirmer le jugement, de débouter les époux [T] de toutes leurs demandes et de les condamner solidairement au paiement de la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure téméraire et une indemnité de 7 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre liminaire il indique qu'il abandonne sa demande de nullité du rapport d'expertise.

Il soutient avoir été induit en erreur par le greffier du Tribunal de Grande Instance de Saint Omer qui, en l'invitant par lettre recommandée à constituer avocat devant cette juridiction, a précisé qu'à défaut de quoi l'affaire serait radiée de sorte que considérant que la radiation lui laisserait le temps de l'examen et de l'exploitation judiciaire du rapport d'expertise, il n'a pas immédiatement constitué avocat et a eu la surprise d'apprendre que, contrairement à ce qui lui avait été annoncé, la juridiction avait clôturé le dossier et rendu sa décision.

Il ajoute que l'on peut mesurer la rapidité de traitement de la juridiction de première instance à ce qu'elle n'a pas su reprendre correctement l'addition des sommes proposées par l'expert et qu'elle l'a condamné à payer une somme de 57 000 euros là où l'addition de ces sommes menait à un montant d'à peine 40 000 euros.

Il soutient que le jugement contient des erreurs de droit sur trois points.

- que le Tribunal n'a pas précisé ce que pouvait être le vice caché, se contentant de relever la présence d'un champignon alors que celle-ci peut être recherchée à trois moments :

* 1er épisode : il y a au moins 20 ou 30 ans, voire 40, l'immeuble a été traité, semble-t-il, contre un champignon, il a été correctement et définitivement traité avec les méthodes de l'époque, qu'aucun vice n'existe,

* 2ème épisode : un champignon a été traité en 2007 par l'entreprise VALMY, il est dû à l'absence de travaux pour réparer les chêneaux alors qu'en 1994, lors de la vente les époux [T] avaient obtenu une diminution du prix pour la prise en charge de ces travaux,

* 3ème épisode : 2009 lors des travaux d'aménagement de la salle de bains, Monsieur [W], expert missionné par les époux [T], a noté au droit de la baignoire une infiltration manifestement récente qui a pu développer une pourriture molle mais dont le bon sens commande de dire qu'elle ne peut pas exister depuis très longtemps.

- que le premier juge n'a pas établi que le vice rendait l'immeuble impropre à son usage, que Monsieur [I], docteur en entomologie et ingénieur spécialisé en étude et recherche en durabilité et préservation du bois indique que les éléments du dossier montrent que les travaux engagés par les époux [T] l'ont été essentiellement dans un but préventif et sanitaire plutôt qu'en réponse à une nécessité immédiate ou pour pallier un danger quelconque, que ce n'est pas un effondrement ni une manifestation inquiétante quelconque qui a amené les époux [T] à ouvrir le plancher de leur salle de bains mais un simple voeu de remise à neuf de cette pièce,

- que s'agissant de la connaissance du vice le Tribunal a renversé la charge de la preuve en retenant que Monsieur [R] ne démontrait pas qu'il ne connaissait pas l'existence passée du champignon,

Il ajoutant que le Tribunal a également commis des erreurs de faits :

- qu'aucune humidité, même résiduelle, n'a été constatée, qu'il ne peut y avoir de développement de champignon s'il n'y a pas un minimum d'humidité,

- que pour caractériser sa mauvaise foi le premier juge a retenu que le décès de ses parents est intervenu en 1965 et 1969 alors qu'il s'agit des dates de décès de ses grands-parents, que ses parents sont décédés en 1992 et 1993.

Il estime que l'expert n'aurait pas dû laisser les époux [T] effectuer les travaux qu'ils souhaitaient car il a été impossible de procéder à un complément d'expertise ou à une contre-expertise.

Il ajoute qu'à supposer que les époux [T] fassent valoir que la mérule était infiltrée depuis les difficultés apparues en toiture, il serait alors fondé à leur opposer la prescription biennale de l'article 1648 du code civil puisqu'ils en ont eu connaissance au début de l'année 2007 et n'ont saisi le juge des référés que fin avril 2009.

Par conclusions déposées le 7 octobre 2011 les époux [T] demandent à la Cour de confirmer le jugement à l'exception de ses dispositions sur le montant de la réduction du prix et sur le rejet de leurs demandes de dommages-intérêts pour perte de valeur de l'immeuble desquelles il relèvent appel incident, sollicitant la condamnation de Monsieur [R] à leur régler :

- la somme de 64 401,67 euros au titre de la réduction du prix de vente correspondant aux travaux de réparation de l'immeuble,

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de jouissance de l'immeuble du 21 avril 2009 au 21 février 2010,

- 14 223,19 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au coût du prêt pour le financement des travaux,

- 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte de valeur de l'immeuble lors de sa revente en raison de la présence de la mérule,

- 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte de valeur intrinsèque de l'immeuble à la suite de la réalisation des travaux qui lui ont fait perdre son caractère originel et original,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2009, date du dépôt du rapport d'expertise et subsidiairement du 9 décembre 2009, date de l'assignation.

Ils se portent en outre demandeurs d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sollicitent que le coût de la sommation interpellative du 30 avril 2009 soit indus dans les dépens mis à la charge de Monsieur [R], comme ceux de la procédure de référé expertise, des honoraires de l'expert judiciaire et des frais d'hypothèque judiciaire provisoire et saisie conservatoire.

Ils font observer que devant le premier juge Monsieur [R] faisait plaider qu'il ignorait l'existence de travaux de confortement ou de réparations sur le solivage du premier étage alors qu'en cause d'appel il change de position et reconnaît que l'immeuble a fait l'objet, avant sa vente, d'un traitement contre le champignon.

Ils soutiennent que le vice caché a été démontré tant par Monsieur [W], leur conseil privé que par Monsieur [G], expert judiciaire et prétendent que les travaux préconisés par l'expert judiciaire sont des travaux de sécurité aux personnes et aux biens en vue d'éviter un effondrement de l'immeuble et qu'il ne s'agit pas de travaux de remise aux normes comme Monsieur [R] l'affirme.

Ils font valoir que si Monsieur [R] ne peut soutenir que le champignon se serait introduit dans l'immeuble à la suite d'une fuite récente en toiture alors que le FCBA, son conseil privé, admet que le champignon découvert en toiture n'est pas le même que celui de la salle de bains. Ils rappellent qu'ils ne présentent aucune demande pour l'attaque lignivore en toiture.

Ils estiment que l'expert judiciaire a écarté à tort certains devis qui correspondaient pourtant à des travaux de reprise technique indispensables et, se référant aux observations de leur propre expert, ils sollicitent que la réduction du prix de vente, correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier au vice, soit portée à

64 401,67 euros.

Ils soutiennent que, par application de l'article 1645 du code civil, ils sont également fondés à demander des dommages-intérêts puisque le vendeur connaissait les vices de la chose et invoquent à ce sujet le fait que l'expert judiciaire a constaté que les renforts de structure ont été réalisés pour éviter un effondrement ponctuel de la salle de bains. Ils déclarent que la famille de Monsieur [R] était propriétaire de l'immeuble depuis 1936, que Monsieur [R] y a passé toute son enfance et son adolescence, qu'il a bénéficié d'une donation de la propriété de l'immeuble en 1979, qu'il travaillait dans l'entreprise familiale à moins de cent mètres de la maison et après son mariage habitait une maison sur la même place et en déduisent qu'il a nécessairement eu connaissance des travaux qui ont été réalisés dans l'immeuble entre 1979 et 1991 selon l'expert, c'est à dire à une époque où il en était propriétaire. Ils font valoir qu'il est de mauvaise foi puisqu'il a vendu l'immeuble sans leur avoir révélé l'existence d'un traitement ancien contre la mérule et qu'il doit donc être condamné au paiement de dommages-intérêts. Ils insistent également sur la réticence de Monsieur [R] à accepter la suppression de la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés dans l'acte de vente.

SUR CE :

Attendu que par ordonnance du 25 janvier 2011 le juge de la mise en état du Tribunal de Grande de Dunkerque, faisant application de l'article 47 du code de procédure civile, a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de Grande Instance de Saint Omer ;

Attendu que par lettre du 31 mars 2011 le greffier du Tribunal de Grande Instance de Saint Omer a invité les parties à constituer avocat devant cette juridiction en reproduisant dans ce courrier les dispositions de l'article 97 du code de procédure civile et notamment son troisième alinéa : lorsque devant celle-ci les parties sont tenues de se faire représenter, l'affaire est d'office radiée si aucune d'elles n'a constitué avocat ou avoué selon le cas, dans le mois de l'avis qui leur a été donné ;

que selon ces dispositions la radiation est subordonnée à l'absence de constitution de toutes les parties au litige ; que les époux [T] ayant constitué avocat devant le Tribunal de Grande Instance de Saint Omer il ne pouvait y avoir lieu à radiation ;

*

**

Attendu que par acte du 14 juin 1979 Monsieur [F] [R] a reçu en donation de ses parents la maison d'habitation située à [Adresse 12], avec réserve d'usufruit qui s'est éteint au décès des donateurs, les [Date décès 3] 1992 et [Date décès 5] 1993 ;

que le 5 novembre 1994 Monsieur [R] a vendu cet immeuble aux époux [T] ;

Attendu que la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés, initialement prévue par le notaire, a été retirée de l'acte de vente à la demande des époux [T] ; que Monsieur [R] est donc légalement tenu, en vertu de l'article 1645 du code civil, de garantir les acquéreurs à raison des défauts cachés de la chose vendue qui les rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;

que selon l'article 1644 l'acheteur a le choix de rendre la chose ou de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix telle qu'elle sera arbitrée par experts ; que les époux [T] ont fait choix de l'action estimatoire et ont évalué le montant de la restitution du prix qu'ils réclament au coût des travaux qui, selon eux, sont nécessaires pour remédier au vice ;

que l'article 1645 du code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur ; que les époux [T] demandent également l'application de ces dispositions ;

Attendu qu'à titre liminaire il convient de relever :

- que les époux [T] ne présentent aucune demande pour l'attaque du champignon lignivore en toiture mais seulement pour celle découverte en avril 2009 lors des travaux de ré-aménagement de leur salle de bains ;

- que Monsieur [R] ne remet pas en cause les dispositions du jugement qui l'ont débouté de sa demande de nullité du rapport d'expertise ; que dans ses écritures d'appel il a expressément renoncé à ce moyen,

1°) sur la demande de restitution d'une partie du prix

Attendu que lors des travaux d'aménagement de leur salle de bains en avril 2009, nécessitant la dépose partielle du plancher, les époux [T] ont découvert des dégradations faisant craindre la présence d'un champignon de type mérule; qu'ils ont également constaté que des travaux de confortement du plancher de la salle de bains avaient été réalisés avant qu'ils n'acquièrent la propriété de l'immeuble;

Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la dégradation des poutres et solives est consécutive à la décomposition du bois suite à une attaque de champignons lignivores qui a pu se développer à deux endroits dans la salle de bains, sous le lavabo et/ou sous les toilettes, qui ne devaient pas être parfaitement étanches, et que les désordres existaient avant la vente du 5 novembre 1994 puisque les renforts de la structure avaient été réalisés avant cette date ;

que l'expert a précisé que compte tenu des matériaux utilisés pour les travaux de confortement, ceux-ci ont été réalisés au plus tôt dans les années 1970 mais n'a pas pu être plus précis,

qu'il a indiqué que les désordres n'étaient pas apparents lors de la vente puisqu'il fallait enlever une partie du plancher pour les voir ;

Attendu qu'en réponse à un dire du conseil de Monsieur [R] qui estimait que rien ne permettait d'affirmer que les renforts de structure étaient en relation certaine et directe avec une attaque de champignons antérieure à la vente l'expert a indiqué que les renforts ont été placés pour assurer le soutien de la cloison aux endroits où les solives en bois sont fortement dégradées et n'existent pas aux endroits où la structure est moins endommagée ; que dans sa note aux parties n° 1 il a indiqué avoir constaté que le champignon avait détruit une grande partie des supports dans la salle de bains et le hall et a précisé avoir relevé la présence de fers supportant une cloison qui a été partiellement modifiée et que dans la chambre le plancher avait été coupé ponctuellement afin de fixer le renfort en métal sur une solive existante ;

que devant la Cour Monsieur [R] ne conteste plus la présence dans l'immeuble d'un champignon il y a 20, 30 ou 40 ans mais soutient qu'il a été correctement et définitivement traité et fait valoir que s'il avait toujours été actif durant toutes ces années le plancher n'aurait plus existé et la salle de bains se serait effondrée;

Mais attendu que le vice peut exister indépendamment du caractère actif on dormant du champignon ;

que l'expert judiciaire préconise non seulement un traitement chimique des bois pour éviter toute propagation ultérieure mais également d'importants travaux de démolition et reconstruction des planchers et cloisons car la structure porteuse du plancher est attaquée et que les renforts de structure réalisés par les anciens propriétaires ont seulement permis d'éviter un effondrement ponctuel dans la salle de bains ;

que les photographies versées aux débats par les époux [T] montrent que la poutre sommier, atteinte par la pourriture, qui devait s'ancrer dans le mur de façade, a été découpée et que les travaux réalisés par les anciens propriétaires ont consisté à reporter les charges sur les solives, ce qui compromet la stabilité de l'ouvrage et Monsieur [R] ne saurait donc soutenir que le désordres a été correctement traité définitivement avec les méthodes de l'époque,

que les dégradations provoquées par le champignon lignivore affectent la structure même de l'immeuble et portent atteinte à la sécurité de ses occupants, ce qui rend la chose vendue impropre à son usage ;

Attendu que Madame [I], expert conseil de Monsieur [R], considère que les travaux engagés l'ont été essentiellement dans un but préventif et sécuritaire plutôt qu'en réponse à une nécessité immédiate ou pour pallier un danger quelconque ; que le fait pour l'expert judiciaire de préconiser des travaux à titre préventif et sécuritaire n'est pas incompatible avec l'exigence posée par l'article 1641 du code civil d'une impropriété de la chose vendue à son usage ou d'une diminution de cet usage dans des conditions telles que l'acquéreur ne l'aurait pas acquise aux mêmes conditions ; que la stabilité de la structure étant affectée le danger existe ; qu'il ne peut être exigé de l'acquéreur qu'il attende que le péril soit imminent pour prendre les mesures qui s'imposent ;

Attendu que dans ces conditions le débat que Monsieur [R] tente d'instaurer sur la question de savoir si le champignon est ou non de la mérule est sans intérêt dès lors que les trois experts, Monsieur [W], Monsieur [G] et Madame [I] s'accordent pour considérer qu'il s'agit d'un champignon lignivore; que les désordres occasionnés par les attaques de ce champignon avant la vente, qui n'étaient pas apparents, ont rendu l'immeuble impropre à son usage ;

qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les époux [T] bien fondés en leur action en garantie des vices cachés,

Attendu que l'action estimatoire permet de replacer l'acquéreur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n'avait pas été atteinte de vice caché,

qu'il convient donc de fixer le montant de la restitution du prix au coût

des travaux nécessaires pour remédier au vice ;

que ces travaux sont décrits par l'expert en pages 17 et 18 de son rapport; qu'il s'agit des travaux suivants :

- à l'étage :

dépose de la cloison en face de l'escalier, de la rambarde de l'escalier, de l'ensemble de l'ossature supportant le plancher dans la salle de bains et le hall et enlèvement du torchis dans les deux chambres côté ouest,

traitement

remise en état : ossature porteuse en bois avec pose d'un nouveau plancher dans la salle de bains, le hall, une chambre et sur environ un mètre le long des deux autres chambres, pose des cloisons et des plaques de plâtre, repose de la rambarde de l'escalier, embellissements sur les ouvrages réalisés

- au rez de chaussée

enlèvement du plafond dans le séjour et le plâtre sur les murs côté rue et le couloir, dégagement de la poutre dans le bureau, enlèvement du torchis sur le mur séparant le bureau du couloir ainsi que dans la partie haute sous l'escalier et sur le mur séparant la cuisine et le couloir, dépose du plafond de la cuisine et du linteau de la porte d'entrée ;

traitement

remise en état : mise en place d'un plafond dans le salon et la cuisine, fourniture et pose de plaques sur les murs délimitant le couloir entre séjour, bureau et cuisine, remplacement du linteau sur la porte d'entrée, réfection du plafond sous l'escalier, embellissements sur les ouvrages réalisés

Attendu qu'entérinant l'estimation de l'expert le Tribunal a évalué le coût de la remise en état à la somme de 57 803,43 euros établie comme suit :

- entreprise PROVOOST34 619,67 euros

- société VALMY 7 627,65 euros

- Flandres Peintures 7 363,59 euros

- NSO 956,80 euros

- BORREWATER 4 642,00 euros

- SARL Etablissements LIENART 2 593,72 euros

que par voie d'appel incident les époux [T] demandent la somme de 64 401,67 euros ; que la différence porte sur les devis PROVOOST, NSO et BORREWATER,

devis PROVOOST

Attendu que les époux [T] demandent la prise en compte de la somme de 35 039,22 euros au lieu de celle de 34 619,67 euros retenue par l'expert ;

que l'expert a déduit du devis la réalisation de nouveau plafonds à l'étage et le remplacement d'un linteau dans une chambre car ces prestations ne sont pas consécutives au litige ;

que les époux [T] ne motivent pas leur appel incident sur ce point ;

que l'action estimatoire ne doit pas aboutir à un enrichissement sans cause de l'acquéreur ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande complémentaire;

devis NSO

Attendu que la somme de 956,80 euros correspond au déménagement et ré-aménagement du mobilier avant et après les travaux ;

que les époux [T] demandent une somme complémentaire de 478,80 euros pour frais de garde meuble ;

qu'ils ne justifient pas avoir exposé de tels frais ; que cette demande doit être rejetée ;

devis BORREWATER

Attendu que la société BORREWATER est une entrepris spécialisée dans les sculptures décoratives, staff, corniches et moulures plâtres ; que les époux [T] demandent que son devis soit retenu pour la somme de 10 342,29 euros alors que l'expert et le Tribunal n'ont pris en compte que celle de 4 642 euros correspondant à la réfection du plafond du bureau (qui a été déduite du devis PROVOOST) ;

que le solde correspond à des travaux de fourniture et pose d'un plafond staff dans le salon et d'un caisson staff pour habillage de la poutre centrale, demande sur laquelle les appelants incidents ne fournissent aucune explication en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile ; qu'il convient donc de confirmer la décision du Tribunal de ce chef ;

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [R] à verser aux époux [T] la somme de 57 803,43 euros au titre de la réduction du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2009, date de l'assignation conformément à l'article 1153 du code civil ;

2°) sur la demande de dommages-intérêts

Attendu que l'acquéreur qui demande la condamnation du vendeur à lui verser des dommages-intérêts en application de l'article 1645 du code civil doit apporter la preuve que celui-ci avait connaissance du vice de la chose lors de la vente ;

Attendu que pour caractériser cette connaissance le Tribunal a retenu :

L'examen de l'acte authentique de vente révèle, à la rubrique origine de propriété, que Monsieur [F] [R] est devenu le seul héritier de ses parents à leur décès, celui de Monsieur [C] [R] étant survenu le [Date décès 7] 1965 et celui de sa mère, Madame [Z] [M] le [Date décès 8] 1969.

Ainsi il est démontré que les travaux de renforcement qui, selon l'expert, ont été réalisés dans la décennie 1970, n'ont pu être exécutés que par Monsieur [F] [R] lequel étant seul propriétaire avait nécessairement connaissance du vice caché affectant l'immeuble qu'il a vendu par la suite en 1994 aux époux [T].

que le premier juge a commis une erreur ; que l'acte de vente fait référence à Monsieur [C] [R] et Madame [Z] [M] au paragraphe 'origine antérieure' de propriété ; qu'il s'agit non pas des parents de Monsieur [F] [R] mais de ses grands-parents ;

que les parents de Monsieur [F] [R], Monsieur [H] [R] et Madame [E] [P] sont décédés respectivement les [Date décès 3] 1992 et [Date décès 5] 1993 ; qu'ils peuvent donc avoir eux-mêmes fait exécuter les travaux de confortement puisqu'ils ont continué à habiter l'immeuble jusqu'à leur décès, même si par acte du 14 juin 1979 ils en ont fait donation à leur fils, [F], avec réserve d'usufruit;

Attendu que Monsieur [F] [R], né le [Date naissance 6] 1944, n'occupait plus l'immeuble familial après son mariage en février 1970 ;

qu'il exerçait la profession de responsable technique dans une minoterie; qu'il n'est pas un professionnel du bâtiment ; que même s'il a pu avoir connaissance des travaux de confortement réalisés dans l'immeuble puisqu'il rendait régulièrement visite à ses parents il a pu, en toute bonne foi, penser que ces travaux avaient permis de remédier au vice, aucune manifestation de ce vice n'étant apparue dans les nombreuses années qui ont séparé l'exécution des travaux de sa vente ;

qu'un vice auquel il a été remédié n'a pas à être déclaré à l'acquéreur ;

que les époux [T] sur qui pèse la charge de la preuve ne démontrent pas que Monsieur [R] avait connaissance de l'insuffisance du traitement contre le champignon, ni qu'il savait que les renforts de structure n'avaient pas été réalisés conformément aux règles de l'art ;

qu'ils ne sauraient exciper à ce titre de la réticence de Monsieur [R] à accepter de renoncer à la clause d'exclusion de garantie des vices cachés initialement prévue par le notaire dans l'acte de vente ; que ce type de clause d'exclusion est usuel dans les contrats de vente d'immeuble, ce qui peut expliquer la réticence de Monsieur [R] ; que rien ne permet de voir dans cette réticence la preuve de la connaissance du vice par le vendeur ; que cette preuve n'est pas apportée ;

Attendu que les époux [T] doivent donc être déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [R] à leur verser des dommages-intérêts pour le préjudice de jouissance et le coût du prêt pour le financement des travaux et confirmé par substitution de motifs du chef du rejet des demandes de dommages-intérêts pour perte de valeur de l'immeuble lors de sa revente et perte de son caractère original ;

***

Attendu que celui qui triomphe même partiellement dans sa prétention ne peut être condamné pour avoir abusé de son droit d'agir en justice ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure téméraire ;

Attendu que le Tribunal a fait une juste application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des époux [T] ; qu'il y a lieu à confirmation ;

Attendu que Monsieur [R] supportera les dépens de première instance et d'appel mais en cause d'appel chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles puisque la Cour a partiellement accueilli le recours de Monsieur [R] ;

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a inclus dans les dépens à la charge de Monsieur [R] les dépens de la procédure de référé, les frais d'expertise judiciaire et les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire ;

que les frais de sommation interpellative ne peuvent être inclus dans les dépens limitativement énumérés par l'article 695 du code de procédure civile dès lors que cet acte n'a pas été ordonné par un juge,

que les époux [T] n'ont pas versé aux débats l'acte de saisie conservatoire du 19 septembre 2011 ; que leur demande à ce titre sera également rejetée;

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement,

Confirme le jugement en ses dispositions non contraires au présent arrêt,

L'infirme en ce qu'il a condamné Monsieur [R] au paiement de dommages-intérêts pour perte de jouissance et coût du prêt pour financement des travaux et, statuant à nouveau,

Déboute les époux [T] de leur demande de dommages-intérêts,

Condamne Monsieur [R] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués,

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le Greffier,Le Président,

Delphine VERHAEGHE.Evelyne MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 11/05728
Date de la décision : 21/11/2011

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°11/05728 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-21;11.05728 ?
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