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21/11/2011 | FRANCE | N°10/07162

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 21 novembre 2011, 10/07162


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 21/11/2011



***



N° de MINUTE :

N° RG : 10/07162



Jugement (N° 08/00169)

rendu le 02 Septembre 2010

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : JD/VD



APPELANTE



SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE AGRICOLE UNEAL

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoué

s à la Cour

assistée de Me Nadine DEBARBIEUX, avocat au barreau D'ARRAS





INTIMÉE



SAS FRUIDOR

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués à l...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 21/11/2011

***

N° de MINUTE :

N° RG : 10/07162

Jugement (N° 08/00169)

rendu le 02 Septembre 2010

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : JD/VD

APPELANTE

SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE AGRICOLE UNEAL

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour

assistée de Me Nadine DEBARBIEUX, avocat au barreau D'ARRAS

INTIMÉE

SAS FRUIDOR

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués à la Cour

assistée de Me Matthieu CHUDET, avocat au barreau de PARIS.

DÉBATS à l'audience publique du 29 Septembre 2011, tenue par Joëlle DOAT magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Evelyne MERFELD, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 juin 2011

***

La coopérative Union des Hauts de France livrait depuis plusieurs années à la société FRUIDOR d'importantes quantités de légumes.

Plusieurs coopératives maraîchères se sont regroupées d'abord au sein de la coopérative Union des Hauts de France, puis d'un organisme portant le nom de UNEAL

Estimant que la société FRUIDOR avait pratiqué unilatéralement des déductions sur les factures dont elle était redevable, par acte d'huissier en date du 18 décembre 2007, la société coopérative agricole UNEAL l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de LILLE pour la voir notamment condamner à lui régler la somme de 135 052,54 euros au titre de factures impayées.

Par jugement en date du 2 septembre 2010, le tribunal a :

- prononcé la nullité de l'assignation délivrée le 18 décembre 2007 pour le compte de la société coopérative agricole UNEAL pour défaut de capacité à agir

- annulé les autres actes de procédure signifiés pour le compte de cette société

- débouté la société FRUIDOR de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive

- condamné la société UNEAL à payer à la société FRUIDOR la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société UNEAL a interjeté appel de ce jugement, par déclaration remise au greffe de la Cour le 12 octobre 2010.

Dans ses conclusions en date du 6 mai 2011, elle demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement

- de déclarer valable et régulière l'assignation délivrée par elle le 18 décembre 2007

- de dire qu'elle présente toute qualité, capacité et intérêt à agir

- de condamner la société FRUIDOR à lui payer la somme de 135 052,54 euros, avec intérêts de droit à compter de l'échéance de chacune des factures impayées ou à tout le moins à compter du 13 avril 2001, date de la première assignation en justice

- de la condamner au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'une somme de 5 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile

- de la débouter de toutes ses demandes.

La société UNEAL affirme qu'en application de l'article R524-5 alinéa 4 du code rural modifié par le décret du 10 août 2007, le Président du conseil d'administration représente la société en justice et peut déléguer avec l'accord du conseil d'administration ce pouvoir de représentation à un ou plusieurs administrateurs ou au directeur, qu'en l'espèce, un mandat spécial a été conféré à M. [T], directeur administratif et financier, selon procès-verbal du conseil d'administration en date du 15 décembre 2006, qu'il résulte de l'article R524-8 du code rural dans sa version applicable en 2006 que le Président peut en outre pour un ou plusieurs objets déterminés conférer des mandats spéciaux à des associés coopérateurs, non administrateurs, ou à des tiers, que tel est le cas du mandat spécial qui a été conféré à un tiers au conseil d'administration, M. [T], lequel avait toute qualité pour agir.

Elle ajoute qu'elle justifie venir aux droits de la coopérative UHF et de sa qualité à agir.

Sur le fond, elle indique que la société FRUIDOR était redevable au titre des différentes marchandises enlevées et facturées entre juillet 1999 et juin 2000 d'une somme de 1 057 858,71 francs, que, sur cette somme, elle n'a réglé le 9 mai 2001 que la somme de 171 972,13 francs et qu'elle doit en conséquence la différence, soit 885 886,58 francs ou 135 052,54 euros.

Elle soutient que la société FRUIDOR ne justifie nullement des pratiques discriminatoires dont elle se prévaut pour ne pas régler ses factures et des ristournes qui seraient habituellement accordées à d'autres clients, que la ristourne alléguée n'a jamais été consentie, ni par la coopérative Hauts de France, ni par la coopérative Marché de Phalempin, que les prix de vente pratiqués par les coopératives agricoles ont toujours été rigoureusement identiques pour l'ensemble de leurs clients.

Elle observe que la société FRUIDOR a déduit unilatéralement une somme de 153 548 francs (23 408,38 euros) au titre de prétendus litiges qui n'ont jamais existé, puisque l'acheteur dispose d'un délai de 48 heures pour signifier une éventuelle contestation, qu'en ce cas, le litige se règle sur le champ en reprenant ou en échangeant la marchandise, que tous les bons de livraison sont signés par FRUIDOR et reprennent les quantités et les prix, qu'aucune contestation n'a jamais été formulée par écrit, ni fait l'objet d'une demande.

Elle déclare que la société FRUIDOR n'a jamais justifié de factures qui ne lui auraient pas été réglées et qu'elle a prétendu compenser à hauteur de 39 296,95 francs soit 5 990,78 euros et enfin, que ses décomptes sont tout à fait objectifs, chacune des opérations étant justifiée.

Elle estime que la résistance au paiement de la société FRUIDOR a été abusive et lui a été préjudiciable.

Dans ses conclusions en date du 15 avril 2011, la société FRUIDOR demande à la Cour :

- de confirmer le jugement

- de débouter la société UNEAL de toutes ses demandes

y ajoutant, de la recevoir en son appel incident et de le déclarer bien-fondé

- de dire que l'action de la société UNEAL à son encontre est abusive

- de la condamner à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et une somme de 6 000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Elle soulève la nullité de l'assignation en date du 18 décembre 2007 au motif que son représentant légal visé dans l'acte, M. [T], n'est ni Président, ni directeur, que l'article R524-26 troisième alinéa du code rural ancien applicable à la date du procès-verbal du conseil d'administration de la société UNEAL, le 15 décembre 2006, conférait au président de la société coopérative agricole un monopole de représentation en justice, que les statuts ont repris la loi sur ce point, qu'ainsi, l'appelante ne pouvait être représentée en justice par son directeur administratif et financier mais seulement par son président, dûment autorisé au préalable par le conseil d'administration, conformément aux statuts.

Elle soutient que l'article R524- 5 du code rural nouveau résultant du décret du 10 août 2007 n'était pas applicable à l'époque de la réunion du conseil d'administration.

Elle ajoute qu'en vertu de l'article R524-5 du code rural nouveau, la délégation ne peut être consentie qu'à un administrateur ou au directeur, fonctions que ne possède pas M. [T], qu'en outre, c'est le président du conseil d'administration et non le conseil d'administration qui dispose du pouvoir de délégation.

Elle précise, en ce qui concerne l'application de l'article R524-8 ancien du code rural, que le pouvoir de représentation en justice appartenant au président du conseil d'administration, le conseil d'administration ne dispose pas de la faculté de déléguer un pouvoir dont il ne dispose pas et que, M. [T] n'étant pas membre du dit conseil, il n'a pas qualité pour être délégataire d'un quelconque pouvoir, enfin que les dispositions de l'article L622-24 alinéa 2 du code de commerce ne sont pas applicables en l'espèce.

Elle affirme qu'en toute hypothèse, la délégation de pouvoir invoquée par la société UNEAL est en elle-même totalement insusceptible d'avoir conféré le pouvoir de représentation en justice à la date du 18 décembre 2007, puisqu'elle ne concerne que la poursuite des instances en cours, que cette délégation a expiré le 26 octobre 2007 lorsque le conseil d'administration a procédé à l'élection du nouveau président.

A titre subsidiaire, la société FRUIDOR invoque l'absence de justification par la société UNEAL de son intérêt à agir, puisqu'elle ne démontre pas qu'elle vient aux droits de l'UHF.

Sur le fond, elle soutient que UHF accordait à ses concurrents une ristourne de 4% dont elle ne bénéficiait pas, qu'elle a demandé des explications à celle-ci, le traitement discriminatoire étant contraire aux usages loyaux du commerce et à l'article L 442-6 du code de commerce, que l'UHF n'a donné aucune suite à ses réclamations et mises en demeure, que, voyant l'équilibre de son exploitation menacée, elle a été contrainte de déduire unilatéralement de ses règlements le montant de la ristourne litigieuse.

Elle demande à la cour de dire, soit qu'elle était fondée à déduire la ristourne litigieuse de ses règlements à UHF, soit qu'à défaut, par application de l'article L 442-6 du code de commerce, UHF lui devait réparation du préjudice qu'elle lui causait à concurrence du montant de la ristourne de 4 % et d'ordonner la compensation entre les dommages et intérêts qui lui sont dus et le montant de la ristourne due à la société UNEAL.

Elle affirme que deux de ses pièces (2 et 3) établissent que les sociétés POMONA et EST DISTRIBUTION ont bénéficié de la ristourne.

Elle estime que les pièces produites par la société UNEAL sont impropres à justifier l'existence d'une créance à l'égard de l'intimée.

SUR CE :

Sur l'exception de nullité de l'assignation

Le tribunal a dit, sur le fondement des dispositions de l'article 117 du code de procédure civile, et de l'article R 524-6 du code rural ancien, que l'assignation pour le compte de la société coopérative avait été délivrée par une personne qui n'avait aucun pouvoir pour représenter la personne morale en justice, et qu'il convenait de prononcer la nullité de l'assignation en date du 18 décembre 2007 pour défaut de capacité à agir.

En vertu des dispositions de l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale.

En application de l'article R 524-5 dernier alinéa du code rural, dans sa rédaction issue du décret du 10 août 2007, le président du conseil d'administration d'une coopérative agricole représente la société en justice; il peut déléguer avec l'accord du conseil d'administration ce pouvoir de représentation à un ou plusieurs administrateurs ou au directeur.

L'article R 524-6 dispose que le président du conseil d'administration représente la société en justice, tant en demandant qu'en défendant et que c'est à sa requête ou contre lui que doivent être intentées toutes les actions judiciaires.

L'article R 524-8 du code rural énonce que le conseil d'administration peut conférer des délégations de pouvoir à un ou plusieurs de ses membres, qu'il peut en outre, pour un ou plusieurs objets déterminés, conférer des mandats spéciaux à des associés coopérateurs non administrateurs ou à des tiers.

L'article 28 2. des statuts de la société, reprenant ces dispositions, donne au conseil d'administration le pouvoir, pour un ou plusieurs objets déterminés, de conférer des mandats spéciaux à des associés non administrateurs ou à des tiers.

Si le président du conseil d'administration représente la société en justice, en application de l'article R 524-6 du code rural, il doit être autorisé par le conseil d'administration à exercer toutes actions judiciaires, tant en demandant qu'en défendant, conformément à l'article 26 des statuts.

Le conseil d'administration de la société coopérative agricole UNEAL a, par procès-verbal en date du 15 décembre 2006, donné tous pouvoirs à [U] [T] ou [U] [D] pour représenter la coopérative lors du recouvrement des sommes dont elle est créancière, et notamment, devant les tribunaux, à l'occasion des procédures judiciaires en cours à l'encontre des débiteurs (...)

L'autorisation de représenter la coopérative en justice dont bénéficie M. [T] ne saurait être déclarée irrégulière au motif qu'elle a été consentie antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 10 août 2007

En effet, l'assignation devant le tribunal a été délivrée le 18 décembre 2007, alors que le président du conseil d'administration disposait désormais de la faculté de déléguer son pouvoir de représentation en justice et que ce pouvoir avait déjà été délégué à M. [T] en vertu de l'autorisation du conseil d'administration.

La société FRUIDOR soutient qu'en tout état de cause, la délégation était limitée dans le temps et qu'elle a pris fin lors de la réunion du conseil d'administration en date du 26 octobre 2007 qui a élu un nouveau président, puisqu'il était précisé au procès-verbal du 15 décembre 2006: 'ces pouvoirs sont donnés à compter de ce jour et jusqu'au prochain conseil appelé à procéder à l'élection du président'.

Compte-tenu de la rédaction du procès-verbal, il n'est pas démontré toutefois que cette limitation de durée concernait les pouvoirs de représentation de la société dans le recouvrement judiciaire des créances accordés à M. [T] ou M. [D], mais il apparaît qu'elle était relative au pouvoir qui leur était conféré de signer en lieu et place du président les conventions de compte-courant établies entre la coopérative UNEAL et ses adhérents.

En sa qualité de directeur administratif et financier, M. [T] faisait partie des personnes auxquelles la délégation pouvait être consentie, le texte ne précisant pas que la délégation doit être accordée au directeur général ou au directeur général adjoint, mais 'au directeur.'

L'extrait K-bis de la société UNEAL produit par la société FRUIDOR ne mentionne que les noms du président du conseil d'administration, des deux vice-présidents, du directeur général et du directeur général adjoint, ainsi que des administrateurs, ce qui explique que le nom de M. [T] n'y figure pas.

Le conseil d'administration, ayant seul le pouvoir d'autoriser l'action en justice, a dès lors valablement conféré à M. [T] le mandat spécial de représenter la société, par délégation du président du conseil d'administration, pour le recouvrement de ses créances en justice.

Enfin, il y a lieu de constater que la présente instance, reprenant une précédente demande déclarée irrecevable par arrêt de la cour d'appel de DOUAI en date du 26 mai 2003, est bien incluse dans le champ de l'autorisation.

Le pouvoir accordé à M. [T] pour représenter la société UNEAL en justice par décision du conseil d'administration en date du 15 décembre 2006 doit être déclaré valable et le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de l'assignation délivrée le 18 décembre 2007 pour défaut de capacité à agir.

Sur l'intérêt à agir

L'assemblée générale plénière extraordinaire de la coopérative agricole A 1 a, par procès-verbal en date du 18 juin 2002, décidé la fusion avec les sociétés coopératives agricoles DELTA COOP, L'ESSOR AGRICOLE, DU TERNOIS CAT, UCACO et avec les unions des coopératives agricoles LES HAUTS DE FRANCE et EPIAL-HAUTS DE FRANCE, avec effet rétroactif au 1er juillet 2001.

En conséquence, il a été décidé que la coopérative issue de la fusion prenait la dénomination de société coopérative agricole UNEAL, qu'elle était administrée par un conseil composé de 18 à 34 membres et que l'ensemble des statuts de la société UNEAL étaient adoptés.

La fusion a fait l'objet d'une publication légale dans la Gazette du Nord Pas-de-Calais en date des 6, 7, 8 et 9 juillet 2002.

Le 13 août 2002, le greffier du tribunal de commerce d'ARRAS a délivré un récépissé de dépôt du contrat de fusion, des statuts mis à jour, de l'approbation du contrat de fusion et du changement de dénomination sociale concernant la société UNEAL.

La société UNEAL justifie ainsi venir aux droits de l'union des coopératives LES HAUTS DE FRANCE, laquelle a fusionné en son sein, et avoir intérêt à agir.

Sa demande doit être déclarée recevable.

Sur le fond

La société UNEAL produit le décompte et les pièces justificatives du solde de sa créance de 1 057 858,71 francs, au titre des marchandises enlevées et facturées pour la période de juillet 1999 à juin 2000.

La société FRUIDOR ayant réglé le 9 mai 2001 une somme de 171 972,13 francs, la société UNEAL demande que lui soit versé le solde restant dû, soit la somme de 895 886,56 francs ou 135 052,54 euros.

La société FRUIDOR critique le caractère probant des pièces n° 4, 6, 11 et 12, au motif que ce sont des états dressés par la société UNEAL, qui n'a pas joint les justificatifs afférents.

Ces pièces sont cependant corroborées par les factures, le compte client et le décompte arrêté au 5 juin 2000.

La société FRUIDOR fait observer que son compte client extrait du grand livre comptable de la société UHF, arrêté à la date du 31 octobre 2000, présente un solde très largement supérieur au montant de la créance alléguée par la société UNEAL à son encontre.

Elle ne peut néanmoins reprocher à la société UNEAL d'avoir déduit de sa créance les règlements ultérieurs qu'elle a effectués, ainsi que la régularisation des aides au conditionnement qui était en litige entre les parties, antérieurement à la présente procédure.

Certes, le décompte arrêté au 5 juin 2000 faisant apparaître un solde débiteur de 1 638 903,84 francs, ramené ultérieurement à la somme de 1 057 858,71 francs, a été établi par la société UNEAL elle-même (pièce n° 9).

La société FRUIDOR estime que ce décompte comporte quatre lignes qui ne sont pas justifiées par des pièces comptables. Toutefois, s'agissant de deux opérations de débit qui sont compensées par deux opérations de crédit de même montant, cette remarque est inopérante en ce qui concerne le calcul de la créance (débit : 209 315,58 francs + 67 908,24 francs- crédit : 226 292,64 francs + 50 931,18 francs).

Elle indique que la seconde partie de ce tableau comporte 12 lignes qui ne sont justifiées par aucun document et dont le libellé est souvent énigmatique.

Il s'agit en réalité des déductions opérées par la société FRUIDOR et contestées par la société UNEAL, dont certaines ont ensuite été régularisées (aides au conditionnement), de sorte que la créance aujourd'hui alléguée se trouve inférieure au solde mentionné sur le décompte initial.

La société FRUIDOR ne produisant pas de décompte général établi par ses soins qui permettrait de contredire celui de la société UNEAL, sauf en ce qui concerne les déductions qu'elle a opérées, dont elle admet le montant à hauteur de la somme de 729 910,40 francs, puisque c'est elle-même qui l'a fixé, il y a lieu de retenir le caractère probant du dit décompte.

Il ressort d'une lettre adressée par la société FRUIDOR à la société LES HAUTS DE FRANCE, le 4 janvier 2000, que celle-ci se reconnaît redevable d'une somme de 7 256 471,88 francs au titre de la facturation échue et non encore payée jusqu'aux livraisons du 30 novembre, mais qu'elle estime devoir déduire :

- les litiges en attente d'avoir : 153 548,92 francs

- les ristournes de 4 % concernant la période du 1er juillet 1999 au 30 novembre 1999 : 576 361,48 francs

(total : 729 910,40 francs)

et qu'elle reste 'dans l'attente de recevoir la régularisation de ses litiges commerciaux et l'avoir de ristournes.'

La société UNEAL conteste le bien-fondé des sommes déduites par la société FRUIDOR à ces deux titres, soit 576 361,48 francs et 153 548,92 francs, ainsi que le bien-fondé de factures qui ont été déduites de sa créance pour la somme de 39 296,95 francs.

Elle en sollicite en conséquence le paiement, outre celui du solde impayé à hauteur de la somme de 116 979,23 francs.

Par lettre du 29 mars 2000, le conseil de la société FRUIDOR a écrit à la société LES HAUTS DE FRANCE qu'une ristourne ne lui avait pas été consentie sur les marchandises fournies et facturées de juillet à novembre 1999 pour un montant de 576 361,48 francs, alors que d'autres sociétés clientes continuaient d'en bénéficier, que cette pratique était contraire à la réglementation applicable en matière de concurrence et qu'à défaut d'obtenir satisfaction, la société FRUIDOR se verrait dans l'obligation de donner à cette affaire une suite judiciaire.

Aucune demande en justice n'a été formée.

Deux factures émanant de la société LES HAUTS DE FRANCE sont produites par la société FRUIDOR.:la première en date du 18 septembre 1999, au nom de EST DISTRIBUTION faisant état d'une remise de 4 % sur '3300", soit '132", la seconde en date du 20 septembre 1999, au nom de POMONA MONTPELLIER faisant état d'une remise de 4 % sur '16 920", soit '676, 8".

Or, ces deux factures ne permettent pas à elles seules d'établir que la société UNEAL venant aux droits de la société HAUTS DE FRANCE consentait de manière générale sur tous les produits et quel que soit le montant des factures des ristournes systématiques à tous ses clients.

L'existence de pratiques discriminatoires n'est pas démontrée.

La société FRUIDOR n'est donc pas fondée à déduire de son propre chef des ristournes qu'elle a elle-même calculées, dont ni le principe, ni le montant, ne sont établis, et à s'opposer à la demande en paiement dirigée contre elle à ce titre.

En l'absence de pratique discriminatoire prouvée à l'encontre de la société UNEAL, elle n'est pas fondée non plus à solliciter que cette somme lui soit déclarée acquise, à titre de dommages et intérêts

Par lettre en date du 25 mai 2000, la société FRUIDOR a fait savoir qu'elle était toujours dans l'attente de recevoir les avoirs pour un montant de 153 548, 92 francs qu'elle avait déduits de son règlement du 4 janvier 2000.

Les déductions effectuées par la société FRUIDOR concernent 101 bons de livraison et sont récapitulées dans un tableau rédigé par ses soins, annexé à sa lettre du 4 janvier 2000, qui ne saurait, par son caractère unilatéral, constituer un élément de preuve.

Il apparaît, comme le fait observer la société UNEAL, que la société a bien signé les bons de préparation sur lesquels étaient mentionnés les prix.

Elle produit à titre d'exemple des bons de préparation qui sont signés par la société FRUIDOR 'sous réserve de qualité', correspondant à des commandes d'endives, notamment en date des 20, 21, 23 et 25 octobre 1999, lesquels reprennent la quantité et le prix des livraisons, et qui ne contiennent pas de réclamation quant aux prix.

Elle reprend également dans un tableau certains bons de livraison sur lesquels la société FRUIDOR applique à postériori une réduction du prix, après avoir signé les bons pour le prix qui y est mentionné.

En conséquence, c'est à juste titre que la société UNEAL demande que la société FRUIDOR soit condamnée à lui payer la somme de 153 548,92 francs indûment déduite.

La société UNEAL conteste enfin la réalité de factures émises par la société FRUIDOR, pour une somme de 39 296,95 francs qu'elle n'aurait pas réglée.

La société FRUIDOR ne donne aucune explication quant à ces factures.

En tout état de cause, une seule facture au nom de la société LES HAUTS DE FRANCE émanant de la société FRUIDOR est produite ( n° 15794) en date du 25 avril 2000, relative à 11 900 sachets d'1 kg, pour le prix de 1 565,56 francs.

En l'absence de décompte ou de pièce comptable de nature à démontrer l'exigibilité de cette facture, c'est à juste titre que la société UNEAL affirme qu'elle n'en est pas redevable.

Au vu de ces éléments, il convient de constater que la créance de la société UNEAL est certaine, liquide et exigible à hauteur de la somme qu'elle sollicite et de condamner la société FRUIDOR à lui payer la somme de 135 052,54 euros.

En application de l'article 1153 alinéa 3 du code civil, cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal, soit le 18 décembre 2007.

La société UNEAL fait valoir que la résistance au paiement de la société FRUIDOR est abusive et lui cause un préjudice, en raison de l'ancienneté des factures et de la procédure judiciaire, laquelle avait été introduite initialement pour le compte de la société UHF par la société MARCHE DE PHALEMPIN le 13 avril 2001.

Toutefois, la société FRUIDOR ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, la preuve d'une faute qu'elle aurait commise n'est pas rapportée, de sorte que la demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

La société FRUIDOR sera par ailleurs déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour abus du droit d'ester en justice, la société UNEAL étant accueillie en son recours.

Il y a lieu de mettre à la charge de la société FRUIDOR les frais irrépétibles supportés par la société UNEAL, à hauteur de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire :

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société FRUIDOR de sa demande en dommages et intérêts

LE CONFIRME sur ce point

STATUANT à nouveau,

REJETTE l'exception de nullité de l'assignation

REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir

CONDAMNE la société FRUIDOR à payer à la société UNEAL la somme de 135 052,54 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2007, date de l'assignation

DÉBOUTE la société UNEAL de sa demande en dommages et intérêts

CONDAMNE la société FRUIDOR aux dépens de première instance et d'appel et dit que, pour ceux d'appel, ils pourront être recouvrés par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

LA CONDAMNE à payer à la société UNEAL la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

D. VERHAEGHEE. MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 10/07162
Date de la décision : 21/11/2011

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°10/07162 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-21;10.07162 ?
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