République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 28/03/2011
***
N° de MINUTE :
N° RG : 09/07559
Jugement (N° 08/1261)
rendu le 30 Septembre 2009
par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES
REF : PM/AMD
APPELANTE
Madame [E] [M]
née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 9]
demeurant Chez Monsieur [M] [Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour
Ayant pour conseil la SCP TIRY-DOUTRIAUX, avocats au barreau de VALENCIENNES
bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/002/09/13131 du 16/02/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI
INTIMÉ
Monsieur [L] [C]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 7]
Représenté par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués à la Cour
Ayant pour conseil Maître Marie-Noëlle CAMPERGUE, avocat aux barreaux de ROUEN et du HAVRE
DÉBATS à l'audience publique du 03 Février 2011 tenue par Pascale METTEAU magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Evelyne MERFELD, Président de chambre
Pascale METTEAU, Conseiller
Joëlle DOAT, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 janvier 2011
***
Par jugement rendu le 30 septembre 2009, le tribunal de grande instance de Valenciennes a :
ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des biens dépendant de l'indivision existant entre Mme [E] [M] et M. [L] [C],
désigné pour y procéder, à défaut d'accord des parties sur le choix d'un notaire, M. le président de la chambre départementale des notaires du Nord avec faculté de délégation, à charge pour la partie la plus diligente de le saisir,
dit qu'en cas d'empêchement du notaire commis, il appartiendra à M. le président de la chambre départementale des notaires du Nord de procéder à son remplacement,
désigné le juge commissaire de la première chambre civile du tribunal afin de surveiller les opérations de partage,
dit que les parties sont propriétaires indivises à hauteur de 60% pour M. [L] [C] et 40% pour Mme [E] [M] du bien immobilier sis [Adresse 6],
dit que M. [L] [C] détient à l'encontre de sa co-indivisaire une créance égale à 40% de la valeur actuelle de l'immeuble au titre de l'emprunt qu'il a réglé seul,
débouté Mme [E] [M] de sa demande de licitation de l'immeuble,
débouté Mme [E] [M] de sa demande d'indemnité d'occupation,
dit que le véhicule SEAT IBIZA immatriculé 861 BSR 59 a été donné à Mme [E] [M] et est, en conséquence, sa propriété exclusive,
débouté M. [L] [C] de sa demande de dommages et intérêts,
ordonné l'exécution provisoire de la décision,
débouté M. [L] [C] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Mme [E] [M] a interjeté appel de cette décision le 26 octobre 2009.
RAPPEL DES DONNEES UTILES DU LITIGE :
M. [L] [C] et Mme [E] [M] ont vécu en
concubinage jusqu'au mois de janvier 2008.
Ils avaient, par acte notarié du 5 décembre 2002, acquis un immeuble d'habitation situé [Adresse 6] 'conjointement solidairement et divisément' dans les proportions de 60% pour M. [L] [C] et 40 % pour Mme [E] [M] moyennant un prix de 120.435 euros.
Suite à la séparation du couple, par acte d'huissier du 15 avril 2008, M. [L] [C] a fait assigner Mme [E] [M] devant le tribunal de grande instance de Valenciennes en vue d'obtenir l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre les parties, de constater que Mme [M] n'a pas participé au financement de l'immeuble et qu'en conséquence, elle n'a droit à aucune quote-part sur ce bien.
La décision déférée a été rendue dans ces conditions.
Dans ses dernières écritures, Mme [E] [M] demande à la cour de :
réformer le jugement,
ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l'indivision existant entre M. [C] et elle, comprenant une maison d'habitation située à [Adresse 6],
commettre pour y procéder M. le président de la chambre des notaires avec faculté de délégation, sous la surveillance du juge commissaire du tribunal chargé de faire rapport en cas de difficultés,
dire qu'en cas d'empêchement du juge ou du notaire commis, il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance rendue sur simple requête,
dire que les parties sont co-indivisaires dans les proportions suivantes :
M. [C] : 60%
Mme [M] : 40%
débouter M. [C] de sa demande visant à la priver de sa quote-part sur la valeur actuelle de l'immeuble,
constater l'accord des parties pour l'attribution de l'immeuble à « M. [I] »,
condamner M. [C] à payer à l'indivision une somme de 612,16 euros à titre d'indemnité d'occupation, à compter de janvier 2008, date à laquelle le couple s'est séparé jusqu'au jour du partage,
le cas échéant, confier le soin au notaire désigné d'en évaluer le montant,
dire que M. [C] bénéficie d'une créance sur l'indivision au titre du remboursement du prêt immobilier à hauteur des sommes qu'il justifiera avoir réglées,
dire et juger que les prétentions concernant les dépenses relatives à l'immeuble (travaux et charges fixes) sont nouvelles, partant irrecevables,
à défaut, les juger mal fondées et en tous cas débouter M. [C] des demandes formulées de ce chef,
lui donner acte de ce qu'elle n'a cause d'opposition à ce que les sommes réclamées au titre des charges fixes afférentes à l'immeuble indivis, telles que l'assurance et la taxe foncière puissent donner lieu à indemnité,
dire que le véhicule SEAT immatriculé 861 BSR 59 lui a été donné et qu'il est sa propriété exclusive,
dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Elle indique que les dispositions de l'acte notarié quant aux proportions dans lesquelles les indivisaires sont propriétaires de l'immeuble acheté en 2002 sont claires de sorte que, même si elle reconnaît que M. [C] a financé le remboursement du prêt, cela n'a pas d'influence sur l'étendue de ses droits quant au bien. Elle s'oppose donc à la demande tendant à dire que son ex-concubin détient à son encontre une créance égale à 40% de la valeur de l'immeuble, ce qui reviendrait à lui attribuer intégralement la maison.
Elle indique son accord, bien que les conditions légales de l'attribution préférentielle ne soient pas réunies, pour que M. [C] conserve l'immeuble.
Elle sollicite la fixation, à son encontre, d'une indemnité d'occupation de 612,16 euros par mois à compter de la séparation de janvier 2008 et jusqu'à la réalisation du partage. Elle précise que M. [C] dispose d'une adresse professionnelle mais qu'il jouit de l'immeuble indivis chaque fin de semaine. Elle constate, en effet, qu'il existe une consommation de gaz afférente au bien, une consommation électrique importante qui ne peut uniquement être expliquée par des travaux qui seraient faits dans la maison et ce d'autant que les réparations liées aux infiltrations d'eau ont été effectuées de sorte que la production de chaleur n'est plus justifiée par une autre cause que l'occupation de l'immeuble par M. [C]
Elle soulève l'irrecevabilité des demandes présentées, pour la première fois en cause d'appel, tendant à obtenir sa condamnation à payer la somme de 4685,42 euros, celle de 1094 euros au titre de sa quote-part de travaux d'amélioration et 2567 euros au titre des frais de mutation. En tout état de cause, elle constate que de simples devis sont versés aux débats, ne justifiant pas des dépenses exposées qui sont, par ailleurs, somptuaires, faites dans le seul intérêt de M. [C] sans être nécessaires ou utiles. Elle reconnaît que les dépenses d'entretien doivent donner lieu à indemnité, à l'exception toutefois des dépenses dérisoires.
Elle affirme que le véhicule lui a été donné lors de la séparation par M. [C], qu'elle en a seule la propriété depuis cette date de sorte que ce dernier n'est pas fondé à lui réclamer de dommages et intérêts pour son utilisation. Elle ajoute que la voiture a été vendue et que la demande de restitution ne peut prospérer.
Appelant incident, M. [L] [C], dans ses dernières écritures, demande à la cour de :
Vu les articles 815 et suivants du code civil, 1371 du code civil, 565 et suivants du code de procédure civile :
confirmer le jugement en ce qu'il a :
ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des biens dépendant de l'indivision existant entre Mme [E] [M] et lui, et sur les désignations de notaire et juge commissaire,
dit que les parties sont propriétaires indivises à hauteur de 60% pour lui et 40% pour Mme [E] [M] du bien immobilier sis [Adresse 6],
dit qu'il détient à l'encontre de sa co-indivisaire une créance égale à 40% de la valeur actuelle de l'immeuble au titre de l'emprunt qu'il a réglé seul,
débouté Mme [E] [M] de sa demande de licitation de l'immeuble,
débouté Mme [E] [M] de sa demande d'indemnité d'occupation,
dire que sa créance se règlera par abandon de la quote-part de Mme [M] dans l'immeuble (compensation en nature) ;
infirmer le jugement et constater que le véhicule SEAT IBIZA immatriculé 861 BSR 59 est sa propriété exclusive, que Mme [M] n'a droit à aucune quote-part de ce véhicule ;
la condamner à lui régler à titre de dommages et intérêts la somme de 400 euros par mois à compter du 1er janvier 2008 jusqu'à restitution du véhicule,
la condamner à lui verser la somme de 5.049,20 euros (dépenses luttant contre l'humidité, taxe foncière 2010 et assurance, pour 40%), la quote-part des travaux d'extension de la toiture soit 1094 euros et la quote-part des droits de mutation avancés soit 2.567 euros ;
confirmer la répartition des frais de licitation à proportion de 60% à sa charge et 40% à la charge de Mme [M],
la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que les dépens de première instance et d'appel.
Il explique que :
il a réglé, pour l'immeuble indivis, une somme de 26.450 euros s'imputant sur le prix, provenant d'économies personnelles et les entiers droits de mutation soit 6.419 euros.
les mensualités de crédit contracté pour régler le solde du prix ont été prélevées sur un compte joint mais alimenté par ses seuls revenus.
Il constate qu'il n'existe pas de divergences entre les parties s'agissant des droits de chacun sur l'immeuble. Cependant, dans la mesure où il a financé l'intégralité du prix de ce bien, il estime qu'il doit lui être attribué et que Mme [M] n'aura droit à aucune somme en contrepartie.
Il indique qu'il n'est redevable d'aucune indemnité d'occupation puisqu'il a un logement distinct, les attestations produites affirmant qu'il occupe l'immeuble étant de complaisance et incompatibles avec ses jours et horaires de travail. Il ne nie pas s'être rendu dans l'immeuble pour l'entretenir et y faire des travaux (peinture, entretien du jardin, nettoyage'.).
Il précise avoir laissé le chauffage pour limiter les problèmes d'humidité ce qui explique tant les factures de gaz (par ailleurs très limitées pour les six derniers mois) que les factures d'électricité (quasi nulles).
Il ajoute que Mme [M], qui était en possession des clés de l'immeuble puisqu'elle prétend les avoir remises à l'huissier, pouvait en jouir. Il conteste avoir changé les serrures et verse aux débats un constat d'huissier qui relève que les fermetures sont anciennes.
Il demande que Mme [M] soit condamnée, pour sa quote-part, à participer aux frais d'entretien qu'il a exposés pour l'immeuble ainsi qu'aux frais de réparations rendues nécessaires par l'humidité du bien. Il estime que cette prétention n'est pas nouvelle en appel et qu'elle ne constitue que le complément des prétentions qu'il avait déjà présentées en première instance.
Il affirme enfin que le véhicule SEAT lui est propre, que Mme [M] n'a jamais eu de possession non équivoque de cette voiture de sorte que la présomption de l'article 2276 du code civil ne peut jouer. Il précise que Mme [M] est partie avec la voiture, sans son accord, qu'il n'a jamais eu d'intention libérale lors de la séparation du couple et il demande donc une indemnité de 400 euros par mois jusqu'à la restitution de ce bien.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage :
Les deux parties s'accordent pour solliciter la confirmation du jugement
sur ce point. En application des dispositions de l'article 815 du code civil, il sera fait doit à cette demande et la liquidation de l'indivision existant entre M. [C] et Mme [M] sera ordonnée et le Président de la chambre des notaires du Nord ou son dévolutaire désigné à cette fin.
Sur la propriété de l'immeuble situé [Adresse 6] :
Il ressort de l'acte notarié d'achat de l'immeuble situé à [Adresse 6]
[T] [K] que M. [C] et Mme [M] se sont portés acquéreurs 'conjointement, solidairement et divisément dans les proportions ci-après :
- M. [L] [C] à hauteur de 60%
- Mlle [E] [M] à hauteur de 40%'
Les parties s'accordent sur le fait qu'elles sont propriétaires de l'immeuble, dans ces proportions. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l'attribution préférentielle de l'immeuble et la demande de licitation :
L'article 831-2 du code civil prévoit que le conjoint survivant ou tout
héritier co-propriétaire peut demander l'attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y a sa résidence à l'époque du décès.
Ces dispositions sont applicables à toutes les indivisions. Cependant, il y a lieu de constater que si, l'extension du bénéfice de la faculté de solliciter l'attribution préférentielle est prévue pour les époux qui divorcent, il n'en est pas de même en cas de séparation de concubins.
Aucun texte ne prévoit la possibilité pour un concubin de solliciter l'attribution préférentielle d'un immeuble acquis en indivision avant la séparation. En outre, M. [C] prétend dans ses écritures ne pas avoir sa résidence dans cet immeuble.
En conséquence, il ne remplit pas les conditions pour pouvoir demander l'attribution préférentielle.
Cependant, il sera constaté que Mme [M] ne sollicite plus la licitation de l'immeuble et qu'elleindique, au contraire, son accord pour une attribution de ce bien à M. [C], dans le cadre du partage à intervenir.
Il lui sera donné acte de cet accord.
Sur la demande présentée par M. [L] [C] tendant à voir dire qu'il détient à l'égard de Mme [M] une créance égale à 40% de la valeur actuelle de l'immeuble au titre de l'emprunt qu'il a réglé seul :
L'article 815-13 du code civil prévoit que lorsqu'un indivisaire a
amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.
Dans la mesure où M. [C] et Mme [M] ont acquis l'immeuble dans la proportion de 60/40%, ils devaient contribuer aux charges de ce bien et au paiement du prix, dans ces mêmes proportions.
Or, il n'est pas contesté que :
- M. [C] a réglé de ses deniers personnels, lors de l'achat, un apport de 26.450 euros, provenant de ses économies (dont une partie a servi à régler les droits de mutations et le solde soit 21.135 euros a payé une partie du prix du bien).
- le solde du prix a été financé par le biais d'un prêt BNP, contracté solidairement par les concubins, d'un montant de 99.300 euros remboursable sur 300 mois. Les remboursements de ce prêt (mensualités de 612,16 euros) ont été effectués depuis le compte joint du couple, mais alimenté par les seuls revenus de M. [C].
Il en résulte que M. [C] qui a, seul, exposé des dépenses de conservation de l'immeuble, en réglant les échéances de crédit, a droit, de ce fait à une indemnité.
Mme [M] demande, dans le dispositif de ses écritures, que cette indemnité soit fixée au montant des remboursements effectués. M. [C] prétend quant à lui que celle-ci doit représenter 40% de la valeur de l'immeuble, soit la totalité des droits de Mme [M] sur l'immeuble, puisqu'il a payé la totalité du prix.
Cependant, il convient de relever que si M. [C] a rapporté la preuve du paiement régulier par ses soins des échéances de l'emprunt immobilier, il n'a pas pour autant réglé la totalité du prix de l'immeuble puisque le crédit a été contracté sur une durée de 25 ans et qu'il n'est pas justifié qu'il ait été soldé. En conséquence, l'indemnité à laquelle il peut prétendre, ne saurait être de 40% de la valeur de l'immeuble.
Cette indemnité, eu égard à l'équité, doit être fixée eu égard à ce dont la valeur de l'immeuble indivis se trouve augmentée au jour du partage, soit au regard de la plus value prise par ce bien au jour du partage.
Elle doit donc être calculée de la façon suivante :
(versement initial effectué par M. [C] au titre du prix de l'immeuble soit 21.135 euros + montant des remboursements effectués au titre du crédit immobilier) x valeur actuelle de l'immeuble / valeur d'achat de l'immeuble soit 120.435 euros.
Cette indemnité doit être inscrite à la charge de l'indivision au bénéficie de M. [C] et doit être imputée à chaque indivisaire en fonction de leurs droits dans l'immeuble indivis.
Le jugement déféré sera donc réformé sur ce point.
Sur l'indemnité d'occupation réclamée à M. [C] :
L'article 815-9 du code civil dispose que l'indivisaire qui use ou jouit
privativement du bien indivis est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
Il en découle que l'indivisaire n'est redevable d'une indemnité que si son occupation de l'immeuble indivis exclut celle des autres indivisaires et ce, que cet indivisaire habite effectivement dans les lieux ou non.
En l'espèce, M. [C] justifie que :
il travaille pour la société EFFAGE en Normandie, depuis janvier 2008.
il dispose pour la semaine (et certains week-ends durant lesquels il travaille) d'un logement dans la commune de [Localité 7]. Il s'acquitte d'une taxe d'habitation, des assurances locatives, des taxes d'habitation pour ce logement.
les attestations de Mesdames [D] [N] et [V] [O] qui font état de ce que « M. [C] réside du vendredi au lundi dans sa maison » sont très imprécises et ne remettent pas en cause le fait que M. [C], s'il se rend ponctuellement durant certaines fins de semaine dans l'immeuble indivis, notamment pour y effectuer des travaux de remise en état, n'y réside pas la semaine.
En outre, Mme [M] a fait constater par huissier que des clés qu'elle avait en sa possession ne pouvaient pas ouvrir les portes de l'immeuble indivis. M. [C] a, quant à lui, fait constater, également par huissier, que les serrures des portes étaient anciennes à l'exception d'une serrure au centre de la porte d'entrée, celle-ci étant cependant hors d'état de fonctionner.
En conséquence, Mme [M] ne justifie aucunement que les serrures de l'immeuble ont été changées et qu'elle n'y a plus accès, alors qu'au contraire, les éléments de fermeture sont anciens et oxydés.
Il découle de ces éléments que M. [C], s'il a pu occuper ponctuellement l'immeuble notamment pour son entretien, n'en a pas eu une jouissance privative et exclusive de toute utilisation par Mme [M], qui pouvait y avoir accès.
Dès lors, M. [C] n'est redevable d'aucune indemnité d'occupation et la demande formulée à son encontre de ce chef doit être rejetée. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes présentées par M. [C] au titre des dépenses afférentes à l'immeuble indivis :
Il ressort des écritures déposées en première instance par M. [C]
que ce dernier indiquait déjà faire face à l'ensemble des dépenses d'entretien de l'immeuble indivis. Il ne formulait cependant aucune demande tendant à voir inscrire ces sommes à son compte d'administration.
Selon l'article 566 du code de procédure civile, les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.
Les prétentions actuelles de M. [C] tendant à voir prendre en compte les dépenses qu'il a effectuées, seul, pour le bien indivis ne sont que le complément de celles présentées en première instance qui avaient notamment pour but d'obtenir des indemnités compte tenu des paiements effectués par ses soins sur le prix de l'immeuble.
Ses demandes relatives à son compte d'administration doivent donc être déclarées recevables.
A ce titre, M. [C] fait état des dépenses suivantes :
frais de conservation de l'immeuble :
M. [C] justifie à ce titre avoir réglé les factures suivantes (il produit les factures et les chèques de paiement, tickets de caisse ou relevés de compte attestant des prélèvements effectués) :
* gaz : 2.624,44 euros (facture du 12 février 2010 inclue). Ces consommations ne correspondent qu'à l'entretien de l'immeuble (notamment en période hivernale) dans la mesure où il a été constaté qu'à l'exception de quelques fins de semaine passées dans l'immeuble pour des travaux, M. [C] ne résidait pas à cet endroit.
* EDF : 657,64 euros (facture du 3 février 2010 inclue). La même remarque que pour la consommation de gaz doit être faite.
* eau : 809,83 euros
* frais de location de tondeuse pour l'entretien du jardin : 179.50 euros
* assurance (jusqu'au 30 novembre 2010) : 843,65 euros
* taxes foncières (jusqu'en 2010 inclus) : 1629 euros
* remplacement d'une vitre cassée : 163,16 euros
* entretien et réparation de la chaudière jusqu'en janvier 2011 : 497,78 euros
frais de conservation et d'amélioration de l'immeuble :
M. [C] justifie qu'il a acheté, dans des magasins situés à proximité de l'immeuble indivis, différents matériaux pour traiter les murs de l'habitation contre l'humidité, les peindre, les tapisser, réparer les gouttières et diverses fuites. Ces dépenses ne peuvent être qualifiées de somptuaires, étant indispensables pour la conservation du bien. A ce titre, M. [C] produit tous ses justificatifs d'achat pour les matériaux à hauteur de 2.291,53 euros.
Il produit également la facture de travaux de traitement des remontées capillaires dans les murs de la maison (dépense qui ne peut pas plus être qualifiée de somptuaire puisqu'elle tend à éviter les problèmes d'humidité). La dépense faite a été de 2.405,40 euros.
Il justifie enfin de travaux de réfection de toiture (étanchéité du vélux, changements de tuiles), dépense nécessaire pour prévenir les problèmes d'infiltrations d'eau, effectués pour un montant de 2.737 euros.
La facture concernant le constat de logement décent de 200 euros en date du 19 mai 2009 ne sera pas retenue, M. [C] n'expliquant pas l'utilité de l'expertise effectuée pour la conservation du bien indivis.
Au total, les frais exposés par M. [C] pour l'immeuble indivis, au titre des dépenses de conservation, se sont donc élevés à 14.838,93 euros.
S'agissant des droits de mutation de l'immeuble, M. [C] justifie
les avoir réglés pour un montant de 6.419 euros.
En conséquence, ces sommes qui doivent donner lieu, à son profit, à
indemnité pour ce montant eu égard à l'équité, doivent être inscrites au compte d'administration de M. [C] au titre des dépenses effectuées par ce dernier pour le compte de l'indivision. Elles seront prises en compte dans le cadre des opérations de liquidation, sans pour autant donner lieu à condamnation, avant la fin de ces opérations, de Mme [M].
Sur le véhicule SEAT :
Ce véhicule a été acheté par M. [C], pour un montant de 6.860
euros en 2002, montant réglé par des deniers provenant d'un compte ouvert à son seul nom. La carte grise de la voiture a été mise aux noms des deux concubins. L'entretien a été assuré pendant la vie commune par M. [C] puis à compter de la rupture par Mme [M] qui l'a conservé.
Mme [M] était donc, au jour de la séparation du couple, possesseur du véhicule. Elle prétend l'avoir reçu d'un don manuel (M. [C] s'était, selon elle, dépossédé à son profit). Il appartient, en application des dispositions de l'article 2276 du code civil, à M. [C], qui revendique la chose, de rapporter la preuve de l'absence de don ou de prouver que la possession dont se prévaut Mme [M] ne réunit pas les conditions légales pour être efficace.
En particulier, il lui appartient de justifier du caractère équivoque de la possession. Outre le fait qu'il ne justifie d'aucun élément en ce sens à compter de la séparation du couple, Mme [M] rapporte la preuve qu'elle s'est comportée en véritable propriétaire du bien à compter de janvier 2008, l'entretenant, exposant des dépenses importantes (en particulier en changeant les pneus) et l'assurant à son nom alors qu'elle était titulaire du certificat d'immatriculation.
M. [C] ne rapporte donc pas la preuve d'une possession équivoque.
Il doit être débouté de sa demande tendant à voir dire qu'il est propriétaire du véhicule litigieux et débouté de sa demande d'indemnité d'utilisation, suite à sa remise volontaire du véhicule à Mme [M].
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Les parties succombant partiellement, elles conserveront la charge des
dépens qu'elles ont exposés en première instance comme en cause d'appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à M. [C] la charge des frais non compris dans les dépens. Il sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire :
CONFIRME le jugement en ce qu'il a :
- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des biens dépendant de l'indivision existant entre Mme [E] [M] et M. [L] [C],
- désigné pour y procéder, à défaut d'accord des parties sur le choix d'un notaire, M. le président de la chambre départementale des notaires du Nord avec faculté de délégation, à charge pour la partie la plus diligente de le saisir,
- dit qu'en cas d'empêchement du notaire commis, il appartiendra à M. le président de la chambre départementale des notaires du Nord de procéder à son remplacement,
- désigné le juge commissaire de la première chambre civile du tribunal afin de surveiller les opérations de partage,
- dit que les parties sont propriétaires indivises à hauteur de 60% pour M. [L] [C] et 40% pour Mme [E] [M] du bien immobilier sis [Adresse 6],
- débouté Mme [E] [M] de sa demande d'indemnité d'occupation,
- dit que Mme [M] était propriétaire du véhicule SEAT,
- débouté M. [C] de sa demande d'indemnité d'utilisation,
- débouté M. [L] [C] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
L'INFIRME en dit que M. [L] [C] détient à l'encontre de sa co-indivisaire une créance égale à 40% de la valeur actuelle de l'immeuble au titre de l'emprunt qu'il a réglé seul ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
DIT qu'une indemnité calculée de la manière suivante (21.135 euros + montant des remboursements effectués au titre du crédit immobilier) x valeur actuelle de l'immeuble / valeur d'achat de l'immeuble soit 120.435 euros doit être inscrite au compte d'administration de M. [L] [C], au titre des sommes réglées par ce dernier pour l'indivision ;
CONSTATE l'accord de Mme [E] [M] pour l'attribution, dans le cadre du partage, de l'immeuble situé à [Adresse 6], à M. [L] [C] ;
DECLARE recevables les demandes de M. [L] [C] relatives à son compte d'administration ;
DIT que la somme de 14.838,93 euros et celle de 6.419 euros devront être inscrites au compte d'administration de M. [L] [C] au titre des dépenses effectuées par ce dernier pour le compte de l'indivision et prises en charge par les indivisaires à proportions de leurs droits dans l'immeuble indivis ;
LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel ;
DEBOUTE M. [L] [C] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le Greffier,Le Président,
Nicole HERMANT.Evelyne MERFELD.